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MAGA : L’Amérique fantasmée de Trump a (presque) vraiment existé.

4 juillet 2025 à 04:12

« Make America Great Again ». Comme souvent en politique, les fausses promesses s’appuient sur un soupçon de réalité. Si l’Amérique rêvée des trumpistes existe surtout au cinéma, elle s’appuie sur des faits historiques qui ont donné aux États-Unis leur forme et leur mentalité actuelles. 

Rendre sa grandeur à l’Amérique. MAGA, le slogan de Trump depuis 2016 (pour la petite histoire, il a déposé ce slogan dès 2012, soit quatre ans avant sa candidature) est devenu un outil de marketing de masse. Comme le “take back control” de Boris Johnson en Angleterre, soufflé par son conseiller Dominic Cummings. Aussi creux qu’il puisse paraître, ce n’est pourtant pas seulement une pub pour des casquettes. En 2016 beaucoup d’Américains y ont cru, et beaucoup y croient encore.

L’Amérique n’a, naturellement, jamais été grande (pas plus que la France, la Grande-Bretagne ou la Papouasie). Elle a sans nul doute eu des moments de grandeur, toujours saupoudrés de bémols suffisamment honteux pour qu’on mette un peu d’eau dans son coca. La déclaration d’Indépendance américaine est certes un texte plein de bonnes intentions, mais elle n’en excluait pas moins des hommes « créés égaux » jouissant du droit à « la vie, la liberté et la recherche du bonheur » : les Noirs réduits en esclavage et les Indiens  en cours d’extermination.

L’Amérique de Trump renvoie toutefois à un jalon de sa si courte et pourtant si foisonnante histoire qui s’inscrit dans le fameux American Dream. Sa « grandeur » supposée évoque un retour vers un siècle et, surtout, une mentalité inscrits dans l’imaginaire américain comme ceux de l’aventure, de l’indépendance et de la liberté. C’est l’Amérique du XIXe siècle, de la conquête de l’Ouest, de l’industrialisation, d’une société traditionnelle très blanche et très pieuse convaincue d’avoir été choisie par Dieu pour imposer ses valeurs à un monde plus ou moins barbare.

Cette période marque le début d’une immigration massive dans un pays neuf et plein de promesses. Des millions d’immigrants pâlichons majoritairement protestants (sans oublier les Mormons, beaucoup de catholiques, notamment irlandais fuyant la famine, et quelques autres minorités), principalement venus d’Europe du Nord-Ouest, arrivent en quête d’une nouvelle vie. 

Certains vont peupler les grandes villes portuaires, d’autres emprunter le tout nouveau chemin de fer et partir coloniser l’intérieur des terres, repoussant sans cesse la fameuse Frontière en recréant, à partir de rien, des communautés villageoises autour de l’église, de l’école et du saloon.

La foi des pionniers est teintée d’un individualisme courageux valorisant le travail, la volonté et l’autosuffisance et sert de cadre moral dans des régions vierges marquées par la précarité et la violence. Pour ces communautés très religieuses, la spoliation de la terre des Indiens n’entre pas dans la catégorie des péchés dignes de susciter des scrupules : cette colonisation est en effet d’inspiration divine, théorie verbalisée dans le principe de « destinée manifeste » mêlant droit divin et expansion géographique et que l’on retrouve, aujourd’hui, dans les prétentions de Trump. À l’époque, il s’agissait de repousser les frontières de l’Amérique vers le sud et vers l’ouest sous prétexte de mission civilisatrice. On peut voir dans la volonté de Donald Trump d’étendre la férule étatsunienne au Canada, au Panama, dont il a menacé de prendre le canal, et au Groenland, qu’il souhaite contrôler, un prolongement de cette destinée d’inspiration divine revendiquée par les Wasps du XIXe siècle.

Car côté religiosité, Trump n’est pas en reste. Si lors de son premier mandat, ses tendances messianiques pointaient déjà leur nez, depuis la tentative d’assassinat à laquelle il a réchappé en juillet 2024 il ne fait plus aucun doute que Dieu est avec lui.

In God they trust

J’approfondis

Ce retour aux valeurs religieuses, proclamé par le mouvement MAGA est particulièrement incarné par le vice-président Vance dont le couple modèle (Usha Vance a interrompu sa carrière d’avocate pour se consacrer à celle de son époux) s’affiche en parangon des valeurs familiales (tout en restant moderne : il est catholique et elle hindoue).

Cette mentalité trouve un prolongement dans le « Projet 2025 », largement influencé par Russel Vought, stratège central du programme trumpien et directeur du bureau de la gestion et du budget. Ce projet lancé par le think tank très conservateur Heritage Foundation, promeut une recentralisation autour d’un exécutif fort, la réduction du rôle des agences fédérales et de leurs dépenses et un retour aux prérogatives des États qui s’inscrit dans l’esprit du républicanisme anti-fédéraliste du XIXe siècle. La création du DOGE, ce département chargé de l’efficacité gouvernementale, créé pour optimiser le fonctionnement du gouvernement fédéral, et le démantèlement partiel des ministères de l’Éducation et de la Santé illustrent cette volonté de réduire la portée de l’État fédéral dans la vie des citoyens au profit des États fédérés.

Le désir de réindustrialisation et la guerre commerciale à laquelle Trump se livre à grands coups de menaces tarifaires en montagnes russes peuvent eux aussi se voir en miroir avec celle du XIXe siècle. À partir de la guerre de Sécession (1860-1865), l’industrialisation rapide du nord du pays conduit à une importante augmentation des exportations de produits transformés. Dans la dernière décennie du siècle, à quelques hoquets près, l’excédent commercial devient structurel.

Trump aspire à revenir à une Amérique en col bleu, industrielle, agricole et exportatrice, image d’Épinal qui ne prend pas en compte des réalités modernes telles que la concurrence de la Chine avec laquelle les échanges commerciaux étaient très secondaires au XIXe siècle.

Les mots pour le dire

J’approfondis

Ces projections idéalisées du mouvement MAGA renvoient à une Amérique qui a vraiment existé – en faisant abstraction de toutes ses facettes économiquement et humainement désastreuses. C’est l’Amérique des westerns, du cow-boy au grand cœur et de l’immigrant (blanc) entouré de sa famille pieuse et laborieuse, isolée des affaires du monde. C’est celle de la communauté rassemblée autour de l’église, qui n’a besoin de rien et de personne et surtout pas d’un « big government » pour s’épanouir et s’enrichir. Comme tous les stéréotypes, elle s’appuie sur une réalité multifacette que le fil du temps a lissée et transformée en légende, en faisant passer à la trappe non seulement ceux qui ont été écrasés au passage, mais aussi les difficultés que ces premiers Américains ont réellement affrontées. Une nation fantasmée où les rôles étaient clairs et où, en partant de rien, on pouvait arriver au sommet à force de travail, de volonté et grâce à Dieu et au tout-puissant dollar. Bien sûr, les millions de morts — colons, esclaves et Indiens, et les innombrables miséreux restés au bord de la route n’ont pas leur place dans cette légende : le pays du  Make America Great Again, c’est, naturellement, celle des vainqueurs. Ou de ceux qui s’imaginent l’être…

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Donald Trump au faîte de son pouvoir avec l’adoption au Congrès de son « grand et beau » projet de loi budgétaire

Le « One Big Beautiful Bill » prévoit une enveloppe gigantesque, de 165 milliards de dollars, pour la campagne d’expulsion de migrants clandestins, des baisses d’impôts au profit des plus riches et des coupes drastiques dans Medicaid, la couverture médicale des plus vulnérables. Ce texte devrait creuser la dette américaine dans des proportions inquiétantes.

© SCOTT OLSON / AFP

Donald Trump en meeting dans l’Iowa, le 3 juillet 2025. Quelques heure auparavant,
la Chambre des représentants votait son projet de loi budgétaire.

En direct, guerre en Ukraine : nouvelles attaques nocturnes russes sur Kiev, au moins dix-neuf blessés

Dans le même temps, en Russie, une personne a été tuée par une attaque de drones ukrainiens dans l’oblast de Rostov, selon le gouverneur régional.

© GUILLAUME HERBAUT/VU’ POUR « LE MONDE »

Dans une station de métro, durant une attaque de drones russes à Kiev, le 3 juillet 2025.
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