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Déluge d’amendements pour lutter contre le dérèglement climatique

Par : Marc Rees,
8 mars 2021 à 15:50

Le projet de loi visant à lutter contre le dérèglement climatique est examiné à partir d’aujourd’hui en commission spéciale puis durant les 15 prochains jours. Près de 5 000 amendements ont été déposés. Morceaux choisis.

Le projet de loi entend traduire les dispositions de nature législative recommandées par la Convention citoyenne pour le climat. Si la pureté de cette traduction est contestée – seules dix propositions seraient reprises sans filtre selon FranceTvInfo  – le texte catalyse de nombreux amendements qui entendent verdir notre société par le biais des TIC.

Information des consommateurs

L’article 1 rend obligatoire l’affichage « destiné à apporter au consommateur une information relative aux caractéristiques environnementales » d’un bien ou d’un service. Cet affichage par voie de marquage, d’étiquetage ou tout autre procédé approprié (y compris par voie électronique) devrait faire notamment ressortir « de façon facilement compréhensible pour les consommateurs, l’impact en termes d’émissions de gaz à effet de serre des biens et services sur l’ensemble de leur cycle de vie. »

Des députés de la majorité entendent aiguiser cette information. Ils veulent par exemple qu’elle fasse ressortir l’indice de durabilité imposé par la loi de février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire sur certains biens. 

D’autres, comme Éric Bothorel, souhaitent que ces informations soient « mises à disposition du public par voie électronique, dans un format aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé sous une forme agrégée ». Dans l’exposé des motifs, est cité l’exemple de Yuka, application qui évalue l’impact des produits sur la santé.

À l’amendement 2332, Paula Forteza aimerait améliorer cette information des consommateurs, mais cette fois « quant à l’empreinte environnementale des réseaux de téléphonie mobile et d’Internet ».

Concrètement ? Il reviendrait à l’Autorité de régulation des communications électroniques (ARCEP) de recueillir des informations auprès des opérateurs « en vue de lui permettre de développer une approche de régulation par la donnée en matière environnementale ». 

Dans le même sens, les amendements 462 de Pierre Vatin, 584 de Delphine Batho et 1330 de plusieurs députés LREM veulent informer le consommateur de l’impact carbone du visionnage de vidéo en ligne.

Les sites de streaming, à compter du 1er janvier 2022, auraient l’obligation de jauger cet impact « selon le type de connexion utilisé, selon le niveau d’affichage et de résolution proposé ainsi que selon le support de visionnage ». Les menus détails seraient définis par décret d’application. 

Cette attention sur l’impact environnemental du numérique est également à l’honneur d’un amendement 521 du député LR Thibault Bazin. À l’instar du Nutri-Score, il propose « que le consommateur soit alerté, dès sa connexion à un site de vente en ligne de biens ou de services, des impacts écologiques, économiques et sociaux significatifs sur l’environnement de ce mode de distribution ». Parmi les critères cités, l’existence de datas centers, de services de livraison, ou d’emballages et suremballages surabondants, etc.

Volet éducatif

Le projet de loi a un volet éducatif également. À l’article 2, il est prévu que tout au long de la formation scolaire, les élèves disposent d’une éducation à l’environnement et au développement durable.

Depuis le 1er janvier 2021, l’indice de réparabilité est obligatoire sur certains appareils électriques et électroniques (comme les smartphones, les ordinateurs portables). Des députés LREM comptent sensibiliser les jeunes à privilégier les objets « ayant un bon indice de réparabilité, mais aussi à s’assurer qu’ils puissent acquérir des compétences et habiletés manuelles leur permettant de réparer certains objets grâce à des savoir-faire spécifiques, cultivés et développés tout au long du parcours éducatif ». 

Le levier publicitaire

Des amendements proposent de rendre contraignante la recommandation développement durable de l’Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité (ARPP). « Il est interdit de diffuser une publicité qui banalise ou valorise les pratiques ou les idées contraires aux objectifs du développement durable ou qui discrédite les principes et les objectifs communément admis en matière de développement durable » propose par exemple l’amendement 942

Un exemple : avec un tel critère, « la représentation d’un véhicule à moteur sur un espace naturel est interdite. En revanche, sa représentation sur une voie ou zone publique ou privée ouverte à la circulation, reconnaissable comme telle et se distinguant clairement de l’espace naturel est admise ».

En l’état, l’article 4 du projet de loi va interdire dans l’année qui suit l’entrée en vigueur de la future loi, les publicités en faveur des énergies fossiles. C’est un décret en Conseil d’État qui précisera la liste des énergies fossiles concernées (et les modalités s’appliquant aux énergies renouvelables incorporées avec dans des énergies fossiles).

Des députés voudraient aller plus loin encore que le texte initial. Ainsi l’amendement 5060 étend cette interdiction à tous les produits et services à « fort impact négatif sur l’environnement ».

L’interdiction serait progressive, étalée sur 10 ans, sachant que constituerait un impact négatif sur l’environnement « toute atteinte aux espaces, aux ressources et aux milieux naturels terrestres et marins, aux sites, aux paysages diurnes et nocturnes, à la qualité de l’air, au climat ou à la biodiversité ». Et c’est un décret qui viendrait établir la liste des catégories de produits et services « à fort impact négatif ». Elle comprendrait les véhicules particuliers émettant des gaz à effet de serre, les produits électroménagers fortement consommateurs d’énergie, les liaisons aériennes domestiques et internationales, etc.

Au 4709, les députés LREM veulent que l’Arcep publie, en lien avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel, « un rapport annuel mesurant l'impact environnemental des différents modes de réception pour à la fois la télévision et les services de médias audiovisuels à la demande ».

Ce rapport aurait vocation « à renforcer l'information des consommateurs sur la consommation énergétique et les émissions de gaz à effet de serre liées à la consommation de contenus audiovisuels » par chacun des modes de réceptions ou terminaux (hertzien, par câble, satellite, fibre, ADSL, réseaux de téléphonie mobile). « Il permettrait par ailleurs de mieux évaluer les évolutions des usages audiovisuels et aider les citoyens à faire des choix éclairés dans leur consommation ».

Des consignes sur les smartphones

Plusieurs amendements plaident pour l’instauration d’un système de consigne pour les téléphones portables. Son montant forfaitaire serait proportionnel au prix total hors taxes de l’appareil.

« Il convient d'inciter les utilisateurs à retourner leurs appareils en magasin lorsqu’ils ne les utilisent plus, au moyen d’un système de consigne, versée lors de l’achat d’un appareil neuf, et remboursée lors du retour du dit appareil en magasin » réclament plusieurs députés MoDem.

« Ceci incitera les utilisateurs à ne pas conserver d’appareils fonctionnels inusités. En outre, cela dynamisera les filières nationales de réemploi en mettant des stocks dormants sur le marché et en faisant participer les professionnels de manière plus massive qu’actuellement et, partant, cela les fera évoluer vers une prise en compte plus développée du réémploi et du reconditionné dans leurs modèles économiques ».

Un amendement similaire a été déposé par Paula Forteza. Deux députés Libertés et Territoires veulent même généraliser ce système de consigne, par le biais d’expérimentations portant sur les connectiques informatiques et électroniques, les téléphones portables, les ordinateurs et les imprimantes .

« Selon une étude de l’ADEME 30 millions de téléphones dormiraient dans nos tiroirs alors même qu’il existe une collecte dédiée pour les téléphones. Une énorme marge d’amélioration de la collecte est possible et nécessaire. Elle est en outre la condition de la viabilité d’une filière française du reconditionnement » prévient dans le même sens l’amendement 1983.

Au 1329, Paula Forteza fait peser sur les professionnels une nouvelle obligation : offrir aux consommateurs la possibilité « de pouvoir changer aisément et par lui-même, lorsque cela est possible, la batterie en lui permettant l’accès à cette pièce de rechange pour une durée de dix ans à compter de la dernière date de commercialisation du produit ».

Plus de mises à jour ? Alors code libéré

Et au 2370, la même élue compte contraindre le vendeur qui ne fournit plus de mises à jour, à diffuser « gratuitement sous format électronique, dans un standard ouvert librement réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, les codes sources afférents au produit concerné. »

« Imposer l’ouverture des codes sources afférents aux produits numériques ne recevant plus de mises à jour permettrait ainsi aux informaticiens de colmater d’éventuelles failles de sécurité, ce qui contribuerait à allonger la durée de vie des appareils concernés. Ces derniers n’étant plus commercialisés, le passage en open source n’aurait aucun impact économique pour les constructeurs » estime l’élue, qui indique au passage que son amendement est inspiré par une proposition de l’association Halte à l’obsolescence programmée (HOP).

Un chèque réparation de 50 euros

Inspiré de l’opération « Coup de pouce vélo », le n°1399 propose de mettre en œuvre un dispositif analogue pour les appareils électriques et électroniques. Les consommateurs profiteraient d’un chèque de 50 euros pour faire réparer smartphones, ordinateurs et autres tablettes.

Ce montant s’appliquerait « à toutes les prestations participant à la remise en état d’un appareil électrique ou électronique : changement d’écran, de batterie, ajout de RAM, reformatage... »

Au passage, plusieurs députés LREM plaident pour une TVA à taux réduits pour les produits reconditionnés et pour les services de réparation de biens comportant des éléments numériques.

Le texte et ses amendements étant particulièrement larges, l’éventail des propositions concerne également le télétravail. Paula Forteza souhaite ainsi faire reconnaître le télétravail comme un droit. « Le télétravail est de droit, un jour par semaine, pour tout salarié dont les missions sont éligibles à cette forme d’organisation du travail » prévient son amendement. « L’employeur ne pourra s’opposer à ce que le salarié exerce ce droit, à raison d’un jour par semaine, dès lors que ses missions peuvent être effectuées à distance ».

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