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Qu’est-ce qui permet aux idées masculinistes de si bien fonctionner en ligne ?

24 avril 2025 à 14:46
N'insiste pas
Qu’est-ce qui permet aux idées masculinistes de si bien fonctionner en ligne ?

Avec la série Adolescence, le succès des idées masculinistes qui circulent en ligne inquiète de plus en plus. Mais qu’est-ce qui permet à leurs promoteurs, dont l’influenceur Andrew Tate, de séduire ?

Depuis le succès de la série mini-série Adolescence, sur Netflix, la question de l’influence des thèses masculinistes sur les plus jeunes occupe les esprits. Des parents déclarent avoir « honte de leur fils », aux propos ouvertement misogynes.

D’un point de vue géopolitique, difficile, aussi, de ne pas s’intéresser au traitement porté à Andrew Tate. Arrêté en Roumanie en 2022, poursuivi pour des faits de trafic d’être humain, de viol et de création d’un groupe criminel organisé dans le but d’exploiter des femmes sexuellement, l’influenceur misogyne autoproclamé et son frère Tristan étaient interdits de quitter le territoire jusqu’à début février.

Le timing de leur départ vers la Floride a fait tiquer plus d’un observateur. En effet, l’homme est soutenu par Donald Trump, par Elon Musk, qui lui a très rapidement rendu son compte suspendu, après le rachat de Twitter, et surtout Richard Grenell, envoyé spécial de Trump, qui a abordé le cas de Tate auprès du ministère roumain des Affaires étrangères en janvier.

Au Royaume-Uni, un nombre croissant d’acteurs s’inquiètent de l’influence d’Andrew Tate sur une partie du public – le nom de l’ex-kickboxeur est même cité dans Adolescence. C’est d’ailleurs dans son pays d’origine, où il est aussi visé par les plaintes de quatre femmes pour violences physiques et sexuelles, que la célébrité de l’influenceur est la plus notable.

Mais si l’on retourne aux raisons de sa présence médiatique, c’est-à-dire au vaste public qu’il a réussi à accumuler en ligne, qu’est-ce qui fascine chez Andrew Tate, comme chez d’autres influenceurs misogynes ?

Sociabilité misogyne

Professeur associé en étude des médias à l’université de Liverpool, Craig Haslop a étudié la popularité de Tate au sein d’une population de garçons de 13 - 14 ans. Auprès du Monde, il décrit un usage des propos de Tate « pour plaisanter » entre jeunes hommes, pour créer du lien. Devant certaines déclarations outrancières, comme lorsqu’il déclare qu’il se sentirait en danger dans un avion piloté par une femme, la plupart déclarent le trouver « drôle », même s’ils n’aiment pas le personnage.

Cette mécanique du recours à la misogynie pour tisser du lien est aussi constatée par les scientifiques qui étudient les ressorts de la diffusion non consentie d’images à caractère sexuel. Au Royaume-Uni, la professeure de droit Clare McGlynn explique que « ces échanges servent à commercer entre hommes. C’est une culture à part entière. »

Si Andrew Tate ne formule pas – à notre connaissance – d’incitation directe à ce type de violences numériques, il promeut en revanche le dénigrement systématique du genre féminin. Auprès d’un public restreint, il partage des tactiques de manipulation des femmes pour les isoler, relève Le Monde, qui a pu analyser de nombreux échanges ayant fuité de son forum privé, The Real World (TRW).

Mais le succès de Tate fonctionne surtout sur un autre levier propre à l’époque : les logiques de développement personnel. En proposant des discours sur l’état d’esprit, la motivation, la discipline, voire les manières de devenir riches ou de cacher ses émotions, il devient un modèle « lifestyle ».

Il propose un guide apparemment simple sur la manière de mener sa vie qui, comme le décrit Pauline Ferrari dans Formés à la haine des femmes (JC Lattès, 2023), a de multiples raisons de séduire. Les discours masculinistes profitent, d’une part, de la persistance des idées sexistes dans la société.

Comme de nombreux autres influenceurs misogynes, Andrew Tate s’appuie aussi sur la désinformation qui circule dans les espaces numériques où les idées misogynes sont normalisées. Ainsi de ces argumentaires selon lesquels les femmes seraient les « gagnantes » du jeu de la séduction, voire de la vie en société, sans considération pour leur surreprésentation parmi les victimes de violences conjugales, leur persistante minorité dans les cercles de pouvoir… ni même pour la possibilité d’une vie sans compétition.

Machine à cash

Par ailleurs, le modèle Tate fait miroiter des gains financiers, voire en rapporte réellement. En cela, il se rapproche des communautés de « crypto bros », qui se sont multipliées au plus fort de la vague crypto de 2021, pour ne plus vraiment refluer depuis.

En 2021, justement, Andrew et Tristan Tate lancent TRW, leur espace numérique privé. Pour y accéder, les utilisateurs (jusqu’à 100 000 personnes dans les périodes les plus fastes) paient l’accès 50 dollars par mois, et jusqu’à 8 000 euros pour pouvoir discuter directement avec les deux frères. Une petite fortune, pour le duo Tate.

Dans les espaces masculinistes, nombreuses sont les offres de ressources pour devenir un « homme de valeur » ou pour obtenir du « coaching charisme » contre rétribution. Dans son ouvrage, Pauline Ferrari décrit un « business de la solitude et de la souffrance », alors que la santé mentale reste un tabou chez les hommes, et que la jeunesse traverse des difficultés aiguës en la matière. De fait, la majorité des messages de TRW analysés par Le Monde évoquent des tentatives de dépasser des difficultés, notamment financières. Avec, toujours, cette manière d’opposer « losers » et « winners ».

En définitive, les masculinistes attirent, car ils offrent des réponses d’apparence simple à de réelles problématiques de société : la recherche de lien social, celle de « s’en sortir » financièrement. En articulant leur réponse à des idées profondément misogynes, en revanche, ce type d’influenceurs créent un terreau qui mène à la « Terreur masculiniste » que décrit la chercheuse Stéphanie Lamy dans un ouvrage paru en 2024 aux Éditions du détour. Terreur où l’argent joue, encore une fois, un rôle à part entière.

Sans même passer par des actions violentes comme la tentative d’attentat déjouée à Bordeaux, ces idéologies se traduisent en acte dans les pays où les dirigeants leur expriment leurs sympathies. C’est ce que démontrent les décisions récentes prises aux États-Unis.

C’est la raison pour laquelle la chercheuse Cécile Simmons alerte sur les incompréhensions que pourrait provoquer la série Adolescence. « Il est vrai que les leaders autoritaires de droite courtisent de plus en plus les jeunes hommes en difficulté, en allant sur leurs podcasts, sur leurs plateformes médiatiques préférées, comme l’a fait Trump lors de la dernière campagne présidentielle », explique-t-elle à la politologue Marie-Cécile Naves. « Mais les croyances suprémacistes masculines transcendent les classes, les groupes d’âge et même les ethnies. » Andrew Tate lui-même a 38 ans. Aux États-Unis, la milice des Proud Boys, dont le leader a 54 ans, a de son côté tenté de s’ouvrir aux hommes non blancs, « quand bien même elle est clairement nationaliste blanche ».

La pression sur le chiffrement s’accroît en Europe

24 avril 2025 à 08:40
Ça s'en va et ça revient
La pression sur le chiffrement s’accroît en Europe

En France, en Suède, au Danemark comme au niveau de la Commission européenne, les attaques contre le chiffrement des communications se multiplient.

Au niveau national comme à celui de la Commission, la pression augmente sur le chiffrement de bout en bout des communications (end-to-end encryption, E2EE).

Début avril, la Commission européenne présentait son plan ProtectEU, une nouvelle stratégie de sécurité interne. L’un des chapitres de la feuille de route concerne directement la nécessité de « fournir de meilleurs outils aux forces de l’ordre » et aux agences européennes.

Dans son communiqué, la Commission annonçait par exemple vouloir renforcer la coopération entre Frontex, Eurojust et l’ENISA (l’agence de l’UE pour la cybersécurité), mais aussi préparer une « feuille de route technologique sur le chiffrement et une analyse d’impact dans le but d’actualiser les règles de l’UE en matière de conservation de données ».

Du côté des États, la France vient de débattre ardemment pour la suppression de l’article 8ter de la loi Narcotrafic, qui aurait permis aux forces de l’ordre d’obtenir un accès aux messageries sécurisées. La proposition a été définitivement enterrée fin mars. Mais ailleurs en Europe, l’Espagne et la Suède s’attaquent eux aussi au sujet, de même que le Royaume-Uni.

Les forces de l’ordre « les yeux bandés »

Au Danemark, le ministre de la Justice Peter Hummelgaard a ainsi souligné auprès de Politico que le monde numérique avait rendu « beaucoup plus simple la coordination en temps réel et l’accès à une large audience pour des cybercriminels ». Et de pointer plus spécifiquement l’explosion de la pédopornographique, du blanchiment d’argent ou du trafic de drogues.

Du côté de l’agence européenne Europol, un porte-parole renchérissait auprès du média : « sans accès aux communications chiffrées, les forces de l’ordre se battent contre le crime les yeux bandés ». Une position régulièrement tenue par les chefs des polices européennes.

La tendance a mené à plusieurs passes d’armes publiques avec Meredith Whittaker, présidente du service de communication chiffré Signal. Début 2025, la Suède s’est attelée à une proposition de loi susceptible de forcer les opérateurs de messageries à enregistrer tous les messages de leurs usagers, ce qui créerait de facto une backdoor dans les systèmes de messageries chiffrés. Comme elle l’avait fait lors de l’étude de l’Online Safety Act au Royaume-Uni, l’experte avait déclaré que Signal quitterait le pays plutôt que de se plier à ce type d’obligation.

Pas de backdoor qui ne soit accessible par une multiplicité d’acteurs

Interrogée l’an dernier sur la récurrence des tentatives d’attaquer le chiffrement des communications, la présidente de Signal ne niait pas la réalité des problématiques auxquelles font face les forces de l’ordre. Auprès de Next, elle déclarait en revanche : « la promesse est toujours la même : si vous nous donnez accès à tout, nous pourrons résoudre tous les problèmes du monde. Sauf qu’il n’y a aucune preuve de cela, pas plus que de démonstration que le chiffrement soit le coupable. »

PDG de Telegram, Pavel Durov s’est joint aux critiques. Il a déclaré qu’il préférait fermer le service en France (qu’il a quittée en mars après plusieurs mois d’interdiction de sortir du territoire) et dans d’autres pays européens plutôt que renoncer à son option de chiffrement de bout en bout dans la messagerie.

Comme depuis la création du chiffrement, les experts en cybersécurité répètent par ailleurs que la moindre création de backdoor met en danger l’intégralité de l’édifice d’un système de communication, puisque son existence pourrait ensuite être utilisée par des pirates ou des gouvernements autoritaires.

Trois types de menaces

Quoi qu’il en soit, la responsable des politiques de chiffrement chez l’ONG Access Now, Namrata Maheshwari, décrit à Wired trois types d’attaques récentes contre le chiffrement. La première consiste en la demande, par des gouvernements ou des forces de l’ordre, d’obtenir un « accès légal » à des données chiffrées.

En février, le Washington Post révélait ainsi que la justice britannique avait secrètement ordonné à Apple de lui permettre l’accès aux données enregistrées par ses utilisateurs, partout sur la planète. Plutôt que d’y accéder, Apple a suspendu le service Advanced Data Protection, qui donne la possibilité de chiffrer de bout en bout les données stockées sur iCloud, pour les internautes britanniques.

La deuxième consiste en des propositions relatives au « scanning côté client », ou « analyse sur appareil », qui consiste à examiner les messages localement sur l’appareil d’une personne, avant qu’ils ne soient chiffrés. C’est le raisonnement qui avait animé le projet européen de lutte contre la pédocriminalité surnommé #ChatControl, ou « le projet de loi européen le plus critiqué de tous les temps ». Il proposait de vérifier l’ensemble des photos, vidéos et URL avant qu’elles ne soient envoyées dans des messageries potentiellement chiffrées.

Le troisième consiste enfin en un risque persistant de suspension de l’accès aux services de messageries chiffrées. La Russie a, par exemple, bloqué l’accès à Signal fin 2024. En Inde, WhatsApp est aux prises avec une action en justice qui pourrait l’obliger à quitter le pays ou à renoncer au chiffrement de bout en bout dans ce marché.

Cela dit, des voix importantes s’élèvent aussi en faveur du chiffrement. Aux États-Unis, à la suite de la cyberattaque Salt Typhoon, plusieurs représentants du FBI et de la CISA (US Cybersecurity and Infrastructure Security Agency) ont encouragé la population à largement utiliser des applications de messagerie chiffrées.

☕️ « Surprise » par l’engouement, Nintendo n’aura pas assez de Switch 2 pour le lancement

24 avril 2025 à 06:50

8 ans après la première console Switch, vendue à plus de 150 millions d’exemplaires, Nintendo annonçait au début du mois le lancement prochain de la Switch 2.

Le 23 avril, l’entreprise a déclaré sur X être « surprise » devant l’engouement.

Après le lancement d’une loterie de précommande, la société indique avoir reçu plus de 2,2 millions de candidatures rien que pour le Japon. Selon Nintendo, ce nombre « dépasse largement nos attentes », ainsi que le « nombre de Nintendo Switch 2 qui pourront être livrées le 5 juin ».

Pour faire face à la demande, l’entreprise organise une seconde loterie. Elle indique surtout « travailler à renforcer son système de production », alors que les précommandes doivent s’ouvrir aujourd’hui au Canada et aux États-Unis.

Bien qu’elle ne donne pas de chiffre précis, la responsable gaming de la FNAC laisse aussi entendre auprès de Frandroid que les niveaux de précommandes sont très élevés en France.

Monopole : attaqué de toutes parts, Google refuse de céder Chrome, et d’ouvrir son index

23 avril 2025 à 07:37
Un grand pouvoir implique de grandes...
Monopole : attaqué de toutes parts, Google refuse de céder Chrome, et d’ouvrir son index

Après avoir été jugée, aux États-Unis, en situation de monopole sur le marché de la recherche en ligne en août dernier, Google vient également de l’être pour ce qui est du marché de la publicité en ligne. L’entreprise, qui vient de faire l’objet d’accusations similaires au Royaume-Uni, essaie en outre de contrer la menace de devoir céder son navigateur Chrome, et d’ouvrir l’accès à ses données de recherche.

En août 2024, le ministère de la Justice états-unienne (Department of Justice, DOJ) avait tranché : Google LLC, filiale d’Alphabet, est en position de monopole sur le marché de la recherche en ligne, et elle en abuse. 



Ce 21 avril, un nouveau chapitre s’est ouvert pour la société fondée par Larry Page et Sergueï Brin, qui tente de s’opposer aux conséquences susceptibles de lui être imposées. En octobre, nous détaillions en effet que le juge Amit P. Mehta envisageait des « mesures structurelles et comportementales qui empêcheraient Google d’utiliser des produits comme Chrome, Play et Android pour avantager Google search ou des produits et des fonctionnalités liées à Google search ».

Autrement dit, le DOJ réfléchissait à démanteler Google, et notamment à le forcer à se séparer de son navigateur. L’entreprise a décidé de monter au créneau avant qu’une décision finale ne soit rendue. Une bataille centrée sur les mesures de lutte contre sa position monopolistique s’est donc ouverte hier.

Et si les dirigeants d’Alphabet, comme ceux de la plupart des autres géants numériques du pays, ont fait en sorte de se rapprocher de la nouvelle administration états-unienne, cela ne leur assure pas pour autant d’éviter la condamnation. D’autant qu’en parallèle de ce procès, une autre juge fédérale états-unienne a conclu le 17 avril que Google était aussi en situation de monopole sur le marché de la publicité en ligne.

Au Royaume-Uni, l’entreprise doit par ailleurs se défendre face à une class action l’accusant… d’avoir abusé de sa position dominante pour surfacturer les annonceurs britanniques.

La fin de Chrome tel qu’on le connaît ?

La séparation de Google d’avec son navigateur, son magasin d’application ou son système d’exploitation de smartphone ne sont qu’une des pistes envisagées par la justice états-unienne. Comme nous l’expliquions en octobre, les démantèlements restent extrêmement rares aux États-Unis, surtout depuis 1984 (date de la séparation du géant des télécoms AT&T en de multiples filiales).

Néanmoins, l’industrie évoluant à marche rapide, le DoJ souligne que le monopole de Google participe à améliorer ses outils d’intelligence artificielle, désormais au cœur de toutes les attentions.

Google a, par exemple, accepté de payer Samsung chaque mois en échange de l’installation de son application d’IA Gemini sur tous ses appareils. Dans son jugement, relève Reuters, Amit Mehta avait souligné que ce genre d’accord unilatéral avec des constructeurs avait permis à Google de maintenir son monopole dans la recherche.

Google fait valoir, pour sa part, que la proposition du ministère américain de la Justice de scinder ses activités Chrome et Android affaiblirait la sécurité nationale et nuirait à la position du pays dans la course mondiale à l’intelligence artificielle, en particulier face à la Chine, souligne CNBC.

Loin de justifier de séparer Chrome de Google, analyse Platformer, ces éléments pourraient aussi pousser à obliger l’entreprise à partager son trésor de guerre, par exemple en ouvrant l’accès aux données relatives aux requêtes de recherche, aux résultats et à ce sur quoi les utilisateurs cliquent.

Google cherche de son côté à sortir l’intelligence artificielle du périmètre des discussions. L’entreprise a par ailleurs signalé qu’elle ferait appel du jugement une fois celui-ci rendu. Dans les derniers mois, elle a néanmoins fait évoluer la gouvernance du projet libre Chromium, qui soutient son navigateur.

OpenAi s’est de son côté déclaré intéressé par le rachat de Chrome si le tribunal tranchait en faveur du démantèlement. Son directeur exécutif a déclaré avoir contacté Google pour conclure un éventuel partenariat permettant à ChatGPT de s’appuyer sur les technologies de recherche de Google (en plus de son autre partenariat avec Bing de Microsoft), ce que cette dernière a refusé.

Nommée par Donald Trump, la nouvelle directrice du département de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles du DOJ, Gail Slater, était présente à l’ouverture du procès aux côtés d’autres membres de l’équipe, pour souligner qu’il s’agissait d’un enjeu non partisan. « C’est l’avenir d’internet qui est en jeu », a-t-elle déclaré. La plainte initiale contre Google avait été déposée lors du premier mandat de Donald Trump, puis traité lors du mandat de Joe Biden.

Cinq milliards de livres sterling en jeu

En parallèle, l’entreprise doit se défendre face à une action collective déposée le 16 avril devant le tribunal d’appel de la concurrence, la juridiction en charge des problématiques monopolistiques au Royaume-Uni, relève The Guardian. Déposée par Or Brook, maître de conférence en droit et politiques de la concurrence à l’université de Leeds, le recours accuse la société d’avoir profité de sa position de monopole dans le marché publicitaire pour surfacturer les annonceurs. 



De fait, Google Ads fonctionne sur un système d’enchères : plus une entité est prête à payer, meilleures seront ses chances de voir sa publicité arriver en tête des résultats sur le moteur de recherche. L’action collective demande 5 milliards de livres sterling de dommages et intérêts (soit 5,85 milliards d’euros) et appelle toute organisation britannique ayant utilisé les services publicitaires de Google du 1er janvier 2011 au 15 avril 2025 à les rejoindre.

Le recours présente des arguments similaires à ceux employés aux États-Unis, rapporte l’Usine digitale, dont les accords conclus avec des fabricants de smartphone pour réinstaller Chrome et Search sur de multiples appareils Android, et ainsi asseoir sa position.

☕️ IA : deux étudiants de Columbia lèvent 5,3 millions de dollars pour « tricher sur tout »

22 avril 2025 à 14:02

En mars, un thread de Chungin Roy Lee sur X est devenu viral : le jeune homme de 21 ans y expliquait avoir été suspendu de l’université de Columbia après avoir triché lors des tests techniques d’entretiens d’embauche pour des emplois de développeurs.

Avec son camarade Neel Shanmugam, Chungin Lee avait construit un outil nommé Interview Coder, initialement pensé pour tricher aux tests techniques passés sur la plateforme LeetCode. Il déclare avoir réussi des entretiens pour un poste chez Amazon grâce à son système.

Quelques semaines plus tard, Interview Coder est devenu une start-up nommée Cluely. Son principal produit est présenté comme permettant de « tricher » à tout moment, et surtout pendant des examens ou des entretiens d’embauche, grâce à une fenêtre cachée dans le navigateur et invisible pour l’intervieweur ou l’examinateur.

Ses deux fondateurs ont publié une vidéo de présentation appréciée par certains, comparée à un épisode de Black Mirror par d’autres. Elle s’accompagne d’un manifeste, dans lequel ils expliquent globalement que l’IA permet de « tricher » de la même manière que des calculatrices, des correcteurs orthographiques ou Google l’ont permis à leur apparition.

Pour développer le projet, Chungin Lee vient d’annoncer avoir levé 5,3 millions de dollars auprès des fonds Abstract Ventures et Susa Ventures. 


[Tuto] : comment empêcher Meta d’utiliser vos données pour entraîner ses IA

22 avril 2025 à 12:41
Leave my data alone
[Tuto] : comment empêcher Meta d’utiliser vos données pour entraîner ses IA

À partir du 27 mai, Meta utilisera les données des comptes Facebook, Instagram et Thread publics, sauf si leurs propriétaires s’y opposent.

Vous utilisez Instagram, Facebook ou Threads ? Vos profils sont réglés pour être visibles par le grand public ? Si oui, vous devez avoir reçu une notification comme celles ci-dessous vous alertant que Meta allait se servir des données de vos profils accessibles publiquement pour entraîner ses systèmes d’IA.

En vertu du Règlement Général sur la protection des données, Meta doit vous demander votre consentement avant d’utiliser ces données, quand bien même publiques, pour entraîner ses modèles. Si vous ne souhaitez pas le donner, Next vous explique comment procéder.

En 2024, Meta avait déjà annoncé son projet de traiter les données de ses usagers européens. Devant les 11 plaintes déposées par l’association noyb, l’entreprise avait d’abord renoncé. Si vous avez refusé le traitement de vos données lors de ce premier épisode, vous aurez tout de même à refaire l’opération cette fois-ci.

Cheat sheet

Si vos comptes sur vos différentes plateformes sont liés, vous n’aurez a priori qu’une seule démarche à réaliser, depuis votre espace compte. Mais si, comme dans notre cas, vos comptes Facebook et Instagram sont séparés, vous devrez la reproduire pour signaler votre refus de voir les données de chacun des comptes utilisés par l’entreprise de Mark Zuckerberg. Pour Threads, certaines fonctionnalités – dont celle-ci – sont paramétrables directement dans le compte Instagram.

Sur chacune des applications, cherchez le centre de confidentialité. Sur Instagram, vous le trouverez depuis votre profil, en cliquant en haut à gauche sur les trois barres qui donnent accès aux paramètres, puis en scrollant assez bas, jusqu’à la mention « centre de confidentialité ». Sur Facebook, un chemin possible consiste à cliquer sur votre image de profil en haut à gauche, puis sur « paramètres et confidentialité », puis sur « centre de confidentialité ».

Pour aller plus vite, cela dit, vous pouvez aussi directement vous rendre à l’adresse suivante : https://www.facebook.com/privacy/genai, ou sur les « centres de confidentialité » de chaque plateforme : https://www.facebook.com/privacy/center, https://privacycenter.instagram.com/.

« Opposer »

Là, Meta vous informe d’une évolution de ses politiques de confidentialité qui entreront en vigueur le 27 mai 2025. « Nous souhaitons vous informer que nous utiliserons des informations publiques telles que les publications et les commentaires publics de comptes appartenant à des personnes âgées de 18 ans ou plus, ainsi que vos interactions avec les fonctionnalités d’IA de Meta. Nous utiliserons ces informations sur la base de nos intérêts légitimes de développement et d’amélioration des modèles d’IA générative pour l’IA de Meta », écrit l’entreprise.

Dans le deuxième paragraphe, cliquez sur le mot « opposer ». Vous arriverez sur un panneau intitulé « Vous opposer à l’utilisation de vos informations pour l’IA de Meta » qui demande encore une fois de beaucoup scroller si vous êtes sur téléphone. Sur ordinateur, ça ressemble à ceci : 


Vérifiez que l’adresse e-mail entrée automatiquement correspond bien à celle de votre compte, puis cliquez sur « envoyer ». Une boîte indiquant « Nous honorerons votre objection » s’affiche. Pour vous assurer que tout est bon, vérifiez votre boîte mail. Vous devez y recevoir un mail de ce type :

La vie privée est un sport d’équipe

Au terme de ses explications sur l’entraînement de ses IA, Meta indique :

« Nous sommes susceptibles de continuer à traiter des informations vous concernant pour développer et améliorer l’IA de Meta, même si vous vous y opposez ou que vous n’utilisez pas nos produits. Cela pourrait arriver dans les cas suivants :

  • Vous ou vos informations apparaissez sur une image partagée publiquement sur nos produits par quelqu’un qui les utilise
  • Vous ou vos informations êtes mentionné·es publiquement dans des publications ou des légendes partagées par un tiers sur nos produits. »

Autrement dit, pour une meilleure protection de vos données, recommandez aussi à vos contacts ou à toute personne susceptible de partager vos contenus publiés sur Facebook, Instagram ou Threads de s’opposer au traitement de leurs données par Meta. Comme l’énonçait la directrice juridique de l’Electronic Frontier Foundation Corynne McSherry auprès de Next, « la vie privée est un sport d’équipe ».

Mon compte est privé, que dois-je faire ?

Meta précise bien que les données qu’il utilisera pour entraîner ses systèmes sont les éléments publics des comptes. Si les vôtres sont privés, vous êtes parés… en revanche, si vous décidez de les passer en public dans le futur, mais que vous ne souhaitez pas voir vos données utilisées dans l’entraînement des IA de Meta, veillez bien à vous opposer au traitement de vos données.

Peut-on se protéger sur WhatsApp ?

Si WhatsApp appartient bien à Meta, il s’agit d’une application de messagerie, dans laquelle les publications n’ont pas vocation à être accessible publiquement. Elle n’est donc pas concernée par cette communication précise de Meta.

Comme vous l’avez peut-être remarqué, Meta y propose néanmoins un accès à son robot Llama, aussi intégré dans Messenger sous la forme d’un onglet similaire à celui d’une conversation. Meta indique que « vos interactions avec les fonctionnalités d’IA peuvent être utilisées pour entraîner des modèles d’IA. C’est notamment le cas des messages envoyées (sic) dans les discussions avec l’IA, des questions que vous posez et des images que vous demandez à Meta AI d’imaginer pour vous. »

Sur WhatsApp et Messenger, la meilleure manière d’éviter de voir des données utilisées dans l’entraînement du modèle Llama, c’est donc… d’éviter d’interagir avec.

☕️ « SkinnyTok » : Clara Chappaz saisit l’Arcom et la Commission européenne

22 avril 2025 à 09:17

« Ton estomac ne gargouille pas, il t’applaudit. » Alors que la tendance #SkinnyTok, qui promeut la maigreur extrême, rencontre un grand succès sur TikTok (plus de 55 000 vidéos ce 22 avril au matin), la ministre en charge du Numérique Clara Chappaz a annoncé le 18 avril avoir saisi l’Arcom, régulation des médias et la Commission européenne pour faire face au phénomène.

À l’AFP, l’Arcom a déclaré s’être « d’ores et déjà saisie du sujet compte tenu du risque de santé publique que ce phénomène peut représenter ».

TikTok affirme de son côté avoir mis en place « des règles strictes contre le body shaming (dénigrement du corps) et les comportements dangereux liés à la perte du poids. »

Lorsque les termes « skinny tok » sont recherchés, l’application affiche en effet un message d’alerte (mais celui-ci n’est plus visible dès que l’internaute commence à regarder des vidéos).

capture d’écran du message affiché par TikTok

Le message mène les utilisatrices et utilisateurs vers des ressources liées aux troubles de l’alimentation.
Début mars, l’Assemblée nationale a créé une commission d’enquête sur les effets psychologique de l’application chinoise sur les enfants et les adolescents.

Depuis les skyblogs jusqu’à TikTok aujourd’hui, la promotion de l’anorexie est une problématique récurrente en ligne, devenue visible il y a une vingtaine d’années avec l’émergence des contenus « pro-ana ».

Accords financiers et « légion » d’enfants : les rapports troubles d’Elon Musk à la procréation

17 avril 2025 à 07:55
Papa don't preach
Accords financiers et « légion » d’enfants : les rapports troubles d’Elon Musk à la procréation

Elon Musk a 14 enfants publiquement connus, et « certainement beaucoup plus » selon ses proches. Plongée dans une réflexion tout à fait liée à ses projets entrepreneuriaux.

Elon Musk a 14 enfants connus de 4 mères différentes. La dernière à s’être fait connaître publiquement : l’influenceuse pro-Trump Ashley St. Clair. En février, la jeune femme de 26 ans a publié un message sur X dans lequel elle déclarait être la mère d’un enfant de 5 mois, conçu avec Elon Musk. Elle expliquait au passage publier cette déclaration pour prendre de vitesse des tabloïds qui s’apprêtaient à révéler l’affaire.

Outre les médias à l’affut du scoop, l’autre victime de cette publication semble être Ashley St. Clair elle-même. Dans une longue enquête sur la manière dont Elon Musk gère ses relations avec les mères de ses multiples enfants, le Wall Street Journal revient en effet sur l’imbroglio judiciaire dans lequel l’influenceuse a été propulsée après avoir refusé de signer un accord liant confidentialité et soutien financier.

La reproduction, partie intégrante du projet de Musk

Car dans le parcours de l’homme le plus riche du monde et actuelle tête du « ministère de l’efficacité gouvernementale » (DOGE) des États-Unis, la reproduction est une entreprise à part entière. Proche du courant de pensée long-termiste, adepte de thèses complotistes comme celle du grand remplacement, Elon Musk encourage les personnes de son milieu social à se reproduire pour peupler la planète de ce qu’il considère être des personnes d’intelligence supérieure.

Ceci explique les débats récurrents en ligne sur le quotient intellectuel (QI) de l’entrepreneur – comme nous le rappelions dans notre article sur les idéologies TESCREAL, auxquelles appartient le long-termisme, la validité scientifique de la notion de QI est largement débattue.

Ouvertement pronataliste, Musk se déclare en effet inquiet devant les taux de natalité plus élevés dans les pays du Sud mondial que dans les pays du Nord. À de multiples reprises, il a qualifié la question de la natalité de priorité absolue pour la « survie de l’humanité au long-terme », un projet qu’il prévoit par ailleurs d’aider en envoyant des fusées Space X vers la planète Mars, qu’il souhaite coloniser (lors d’un meeting politique, il a récemment déclaré la planète comme faisant partie des États-Unis, au mépris du traité de l’espace de 1967 interdisant l’appropriation nationale des corps célestes).

Musk se réfère enfin à sa progéniture en évoquant une « légion », en référence à l’unité militaire utilisée pour évoquer les milliers de soldats nécessaires à l’extension de l’Empire romain. Lors de sa relation avec Ashley St. Clair, Musk a notamment souligné le besoin « de recourir à des mères porteuses » pour avoir des enfants plus rapidement et « atteindre le niveau de la légion avant l’apocalypse ».

Rapports financiers

La question de la reproduction occupe Musk au point qu’il aborde des utilisatrices de X par message privé, jusqu’à leur proposer d’avoir des enfants. Dans le cas de l’influenceuse crypto Tiffany Fong, la proposition a été formulée après plusieurs semaines de discussions en ligne, mais sans que Musk et Fong ne se soient rencontrés, rapporte le Wall Street Journal.

Vu la position publique et politique d’Elon Musk, le procédé se met en place dans un évident contexte de rapport de pouvoir. La place qu’il occupe sur son propre réseau social et l’audience qu’il y accumule fait par ailleurs mécaniquement monter l’audience des internautes avec lesquels il interagit, donc leurs revenus. Tiffany Fong explique ainsi avoir enregistré une nette hausse de revenus et gagné 21 000 dollars pendant deux semaines d’interactions avec Elon Musk.

Lorsque l’entrepreneur lui a proposé de se reproduire, cela l’a obligée à s’interroger sur les conséquences financières de son refus. Dès que le milliardaire a appris que Tiffany Fong avait demandé l’avis de ses proches, il a arrêté de suivre la jeune femme et cessé de communiquer avec elle.

Les rapports financiers s’installent aussi avec celles qui acceptent les propositions de Musk, d’après Ashley St. Clair. Au Wall Street Journal, elle explique s’être vue proposer 15 millions de dollars et 100 000 $ de soutien mensuel jusqu’aux 21 ans de leur fils Romulus en échange de son silence sur l’identité du père. Jared Birchall, l’analyste financier à la tête du family office d’Elon Musk depuis 2016, lui aurait expliqué que des accords similaires avaient été signés avec les mères d’autres enfants. Leur nombre n’est pas connu – Jenna Wilson, fille de Musk ayant rompu tout contact avec son père après que celui-ci a refusé d’accepter sa transition, indique ainsi ne pas connaître le nombre exact de ses frères et sœurs.

Ashley St. Clair a refusé l’accord, car celui-ci lui interdisait d’évoquer le lien entre Musk et son fils, mais n’empêchait pas le milliardaire de parler mal d’elle s’il le souhaitait. La jeune femme indique ne pas vouloir que son fils se sente illégitime, et que le contrat ne prévoyait aucune sécurité en cas de maladie de l’enfant, ou de décès de Musk avant les 21 ans du petit garçon.

Quatre jours après sa publication sur X, l’influenceuse indique que Musk a mis fin à l’offre de 15 millions de dollars. Alors que St. Clair demandait un test de paternité – depuis revenu avec une probabilité de 99, 9999 % sur le fait que Musk soit le père –, celui-ci a réduit l’allocation mensuelle à 40 000, puis 20 000 dollars. Les dates des réductions de paiement coïncident avec des désaccords juridiques, explique l’un des avocats de la mère de famille : « La seule conclusion que nous puissions en tirer est que l’argent est utilisé comme une arme ».

Avant Ashley St. Clair, la chanteuse Grimes (Claire Boucher à la ville) a, elle aussi, eu à se battre contre l’entrepreneur politique. Après avoir fréquenté Musk à partir de 2018, l’artiste a eu avec lui trois enfants, puis s’est battue dans les tribunaux pour obtenir leur garde – la chanteuse accuse le chef d’entreprises de l’avoir empêchée de voir l’un de leurs enfants pendant cinq mois. Elle déclare en outre avoir été ruinée par la bataille judiciaire.

Obsession partagée

Outre Ashley St. Clair et Grimes, les deux autres mères connues d’enfants de Musk sont son ex-femme Justine Musk et l’investisseuse Shivon Zilis. Cette dernière vit dans un complexe fermé dont l’acquisition a été gérée par Jared Birchall, qui supervise l’essentiel des négociations liées aux grossesses et au soutien financier post-naissance des femmes liées à Musk. Dans l’idée initiale de Musk, le complexe aurait accueilli tous ses enfants – il a tenté de convaincre Grimes de s’y installer, puis St. Clair de venir y passer du temps.

Aussi étranges que puissent sonner ces récits, ils ne sont pas propres à Elon Musk.

Dans l’univers de la tech, ils s’intègrent dans un courant plus large de promotion d’une forme d’eugénisme « positif », qui permettrait de faire naître des enfants « plus intelligents » que la moyenne. Le fondateur de Telegram Pavel Durov s’est ainsi félicité que ses dons de spermes aient aidé plus de 100 couples dans 12 pays différents à concevoir des enfants. Si le projet peut sembler philanthropique (en France, les dons de sperme sont très insuffisants), ils prennent un tour plus sujet à débat lorsqu’on lit l’entrepreneur décrire ses dons comme du « matériel de haute qualité » et vouloir rendre son ADN « open source ».

D’un point de vue plus entrepreneurial, le patron d’OpenAI Sam Altman a notamment investi dans la start-up Conception, qui cherche à rendre possible la conception biologique entre personnes de même sexe.

Le cas de Musk s’inscrit, aussi, dans un contexte politique. Fin mars, des influenceurs d’extrême-droite organisaient par exemple un événement d’un week-end au Texas pour permettre à des personnes fortunées de se rencontrer, dans le but de leur faire concevoir des enfants.

Alors que le Parti républicain est divisé sur la question de la procréation médicalement assistée, Donald Trump a récemment déclaré vouloir devenir le « président de la fécondation ». C’est aussi au président, par l’intermédiaire de ses nominations à la cour suprême, que les États-Unis doivent le recul du droit à l’avortement à l’échelle fédérale.

☕️ Le gouvernement israélien a fait supprimer à Meta des publications pro-palestiniennes dans plus d’une dizaine de pays arabes

16 avril 2025 à 14:57

Depuis l’attaque terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, l’État a réalisé une opération de modération des plateformes de Meta d’un genre particulier : il a formulé des requêtes de suppression de contenus publiés dans quantité de pays étrangers.

D’après des documents internes obtenus par Drop Site, une newsletter créée par d’anciens journalistes d’investigation de The Intercept, Meta a coopéré dans 94 % des cas. 
L’immense majorité de ces contenus contenaient des propos pro-palestiniens ou critiques du génocide opéré dans la bande de Gaza. Les demandes de retraits formulées par Israël ont principalement visé des internautes de pays arabes ou à majorité musulmanes, parmi lesquels l’Égypte, la Jordanie, l’Algérie, le Yémen, la Tunisie ou encore le Maroc.

95 % des requêtes – quasiment toujours formulées de la même manière, quel que soit le contenu – était classifiée par le gouvernement israélien comme relevant du « terrorisme » ou de l’« incitation à la violence » selon les politiques d’utilisation de Meta.

Les logos de Facebook et Meta dans des carrés en 3D sur un fond grisé dégradé
Photo de Dima Solomin sur Unsplash

Les données montrent que Meta aurait modéré plus de 90 000 posts pour se conformer aux demandes du gouvernement israélien en 30 secondes en moyenne. Drop Site souligne que ces actions auront un impact futur, dans la mesure où les contenus supprimés servent à entraîner les systèmes automatisés de modération pour leur faire faire prendre de futures décisions.

Meta a également considérablement étendu les suppressions automatisées depuis le 7 octobre, ce qui aurait valu à près de 39 millions de posts supplémentaires de faire l’objet d’une « action » (interdiction, retrait, voire bannissement) sur Facebook et Instagram depuis la fin de l’année 2023, relève d’ailleurs Drop Site.

Ces documents renforcent une tendance observée par des organisations comme Human Rights Watch, qui relevait dès la fin 2023 des suppressions de contenus, du shadow banning (fait de limiter la visibilité) et de la suspension de comptes favorables à la cause palestinienne sur Instagram et Facebook dans plus de soixante pays du globe.

Drop Site relève que seulement 1,3 % des requêtes de suppression formulées par le gouvernement israélien concerne ses propres internautes, quand l’immense majorité des autres gouvernements s’intéressent à du contenu domestique (63 % des requêtes de la Malaisie se concentrent du contenu publié en Malaise, 95 % de celles formulées par le Brésil concernent du contenu brésilien).

Meta face à la justice pour répondre de l’achat d’Instagram et WhatsApp

15 avril 2025 à 15:41
« Better to buy than compete »
Meta face à la justice pour répondre de l’achat d’Instagram et WhatsApp

Le procès de Meta s’est ouvert le 14 avril à Washington. L’entreprise est accusée par la FTC d’avoir acheté Instagram et WhatsApp pour étouffer toute concurrence.

Meta a-t-il racheté Instagram et WhatsApp pour tuer toute compétition ? Telle est la thèse défendue ce 14 avril par Daniel Matheson, avocat du gendarme états-unien de la concurrence, la Federal Trade Commission, devant le tribunal de Washington.

Le procès, dont les débats doivent durer deux mois, s’ouvre à la suite d’une plainte initialement déposée en 2020, sous le premier mandat de Donald Trump. D’abord rejetée par le juge James Boasberg car mal argumentée, sa reformulation a été acceptée en janvier 2022, alors que Joe Biden présidait les États-Unis.

Dedans, la FTC accuse Meta d’avoir racheté Instagram en 2012 et WhatsApp en 2014, respectivement pour 1 et 19 milliards de dollars, afin de créer un monopole – la FTC considère d’ailleurs que le montant concédé pour l’achat d’Instagram était surévalué, et de nature à neutraliser un concurrent en pleine ascension.

Enjeux de taille

Meta a beaucoup à perdre dans ce procès, souligne Le Monde : en 2024, grâce à son modèle essentiellement publicitaire, elle réalisait 62 milliards de dollars de bénéfice net après impôts, ce qui représentait 38 % de son chiffre d’affaires. Sa valorisation de l’ordre de 1 380 milliards de dollars en Bourse fait de Mark Zuckerberg le troisième homme le plus riche du monde, derrière Elon Musk et Jeff Bezos.

En 2025, d’après le cabinet Emarketer cité par la BBC, Instagram devrait compter pour plus de la moitié du chiffre d’affaires réalisé par Meta aux États-Unis. Mais si la FTC convainc le juge, la société pourrait être contrainte au démantèlement.

Premier témoin appelé à la barre, son fondateur a été interrogé lundi au sujet d’un mémo de 2011, dans lequel il s’inquiétait des résultats de son application face au nouvel arrivant de partage de photo qu’était Instagram. S’il explique avoir investi dans le produit après son rachat, donc avoir participé à son évolution, la FTC considère qu’il est difficile d’être « plus littéral » que cette vision, énoncée par Zuckerberg en 2008 : « Mieux vaut acheter que rivaliser ». Ce mardi, ce dernier est de nouveau appelé à la barre.

Périmètre de marché et crédibilité de la FTC

Parmi les enjeux à trancher, celui du périmètre de marché à considérer pour établir si Meta est en situation de monopole. Si la FTC cherche à ne considérer que les réseaux sociaux « personnels », c’est-à-dire mettant en relation familles et amis, et dans lesquels elle range Facebook, Instagram, WhatsApp et Snapchat, Meta est en désaccord.

Mark Hansen, l’avocat de l’entreprise, a d’ailleurs utilisé la réaction des internautes au bref blocage de TikTok pour décrire la vitalité du secteur. Au moment de la suspension, le trafic d’Instagram avait bondi de 17 % et celui de Facebook de 20 %. Et l’entreprise de lancer, dans un communiqué : « Les preuves présentées au procès démontreront ce que chaque adolescent de 17 ans sait : Instagram est en concurrence avec TikTok (et YouTube, et X et beaucoup d’autres applications). »

La société s’attaque par ailleurs à la crédibilité de l’institution, précisant que la FTC n’avait pas empêché les rachats à l’époque de leur réalisation. Alors que le gendarme de la concurrence tente d’empêcher l’arrêt de TikTok, après avoir ordonné sa cession à des acteurs états-uniens, Meta avance par ailleurs : « Il est absurde que la FTC cherche à démanteler une grande entreprise américaine alors même qu’elle essaie de sauver l’entreprise chinoise TikTok. »

Le procès se déroule dans un contexte politique tendu, Donald Trump ayant supprimé l’indépendance de plusieurs agences états-uniennes par décret en février. La FTC fait partie des institutions visées, de même que la Fédéral Communications Commission (FCC) et la Securities and Exchange Commission (SEC).

D’après le Wall Street Journal, Mark Zuckerberg a d’ailleurs personnellement rencontré le président des États-Unis pour tenter d’obtenir l’abandon du procès. L’entrepreneur et ses équipes se sont entretenus trois fois avec Donald Trump depuis le début de son mandat, après avoir implémenté d’importants changements de politiques allant dans son sens (suspension de modération, paiement de 25 millions de dollars pour avoir suspendu le compte du président en janvier 2021, etc).

☕️ Livre d’occasion : Rachida Dati relance tardivement le sujet de la rémunération des auteurs

15 avril 2025 à 08:48

Moins d’un Français sur deux lit chaque jour, s’inquiète le Centre National du Livre… mais cela n’empêche pas le marché du livre d’occasion de bien se porter.

En 2022, 9 millions de Français avaient acheté des livres d’occasion pour un prix deux fois et demi inférieur à celui des livres neufs, en moyenne. Avec pour principaux bénéficiaires, les plateformes numériques comme Amazon, Momox, eBay ou Vinted.

Pour les auteurs – dont les travaux sont par ailleurs allègrement utilisés par les géants numériques pour entraîner leurs modèles d’IA – et les éditeurs, le manque à gagner est visible. Si bien que depuis des années, ils plaident pour la création d’un droit de suite au droit d’auteurs, qui permettrait de toucher une rémunération lors de la vente d’un livre d’occasion.

Si le gouvernement tarde à s’emparer du sujet, la ministre de la Culture Rachida Dati a indiqué en plein Festival du livre s’apprêter à demander un avis au Conseil d’état.

Une annonce dont Télérama souligne l’aspect tardif, dans la mesure où le président de la République, lors de l’édition précédente du Festival, déclarait déjà demander à la ministre de faire des propositions sur le sujet.

Big Tech : la multiplication des datacenters pèse sur les zones les plus arides du globe

15 avril 2025 à 08:02
Agua, por favor
Big Tech : la multiplication des datacenters pèse sur les zones les plus arides du globe

Tirée par les usages du cloud et de l’IA, la multiplication de centres de données sur le globe accentue la pression sur les zones arides.

Avec le soutien affiché de Donald Trump, Amazon, Microsoft et Google prévoient la construction de nouveaux datacenters partout sur la planète, avec des effets potentiellement importants des zones subissant déjà des restrictions d’accès à l’eau.

Si le nombre et les localisations précises de ces entrepôts de serveurs sont généralement gardées secrètes, les journalistes de Source Material ont collecté coupures de presses locales et sources de l’industrie pour cartographier 632 centres de données actifs ou en projet sur le globe.

63 % de datacenter en plus en zones sèches

Principal constat : sur les cinq continents, les entreprises prévoient une augmentation de 78 % du nombre de leurs centres de donnés pour accompagner l’expansion de leurs services de cloud et soutenir la croissance de l’intelligence artificielle. Et dans les zones les plus sèches, qui devraient observer une augmentation de 63 % du nombre de datacenter, cela crée de vrais conflits d’usage.

En 2023, Microsoft déclarait que 42 % de sa consommation d’eau venait de zones « en stress hydrique », et Google indiquait que 15 % était tirée de région « en forte pénurie d’eau ». Pour la fondatrice d’Ethical Tech Society Jaume-Palasí interrogée par the Guardian, « ils ne construisent pas dans des zones arides par pure coïncidence » : la faible humidité réduit les risques de corrosion des métaux, corrosion que l’eau de mer provoquerait aussi si elle était utilisée pour refroidir les serveurs.

En interne, des employés contestent d’ailleurs la politique menée par les géants numériques.
Chez Amazon, l’ex-responsable de la soutenabilité de l’eau Nathan Wangusi explique avoir contesté la politique consistant principalement à compenser sa consommation d’eau en aidant l’accès d’autres communautés en difficultés, dans la mesure où l’eau, contrairement aux émissions de carbone, est un enjeu plus local.

Irrigation équivalente à 230 hectares de maïs

Les trois prochains datacenters qu’Amazon prévoit d’installer en Aragon, au nord de l’Espagne, ont par exemple obtenu des licences pour utiliser plus de 755 000 m³ d’eau (des volumes suffisants pour irriguer plus de 230 hectares de mais). Chaque centre sera créé à côté de datacenters préexistants.

Sur place, la sécheresse est pourtant telle que le gouvernement a demandé en mars l’aide de l’Union européenne.

Interrogés par Source Material et The Guardian, Amazon et Google ont déclaré prendre l’accès à l’eau en compte au moment du déploiement de leurs infrastructures. Microsoft n’a pas répondu. Si Amazon est historiquement le plus gros détenteur de centres de données, les deux autres entreprises le rattrapent rapidement.

Les grands plans d’investissement comme le projet Stargate, annoncé en grande pompe après l’investiture de Donald Trump, sont de nature à soutenir la tendance.

☕️ États-Unis : le directeur de l’ICE veut gérer les déportations « comme Amazon Prime »

14 avril 2025 à 09:21

Le directeur de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE) des États-Unis a déclaré vouloir s’inspirer d’Amazon Prime pour fluidifier les flux de déportations réalisées sous la présidence de Donald Trump.

Lors d’une convention sur la sécurité aux frontières, Todd Lyons, à la tête de l’institution depuis début mars, a déclaré : « nous devons devenir meilleurs à gérer ces activités comme une entreprise » rapporte l’Arizona Mirror. Il a précisé vouloir construire un processus de déportation « comme Amazon Prime, mais avec des êtres humains ».

La comparaison est faite alors même que les États-Unis se sont lancés dans des actions de déportations de masse de ce que le gouvernement qualifie de « migrants criminels » – poussant l’ONU à rappeler que le droit d’asile était « universellement reconnu ». L’administration Trump traque déjà les propos des étudiants étrangers pour révoquer leurs visas.

Parmi ces derniers, des innocents comme Kilmar Abrego García se sont retrouvés envoyés hors de tout cadre légal dans une méga prison du Salvador.

« Le fantasme de l’ICE de devenir l’ « Amazon prime des déportations » expose l’infrastructure derrière le programme de Trump », déclare la directrice de l’ONG Mijente Cinthya Rodriguez au Guardian. « Au fil du temps, l’ICE a passé des contrats avec des entreprises technologiques pour automatiser le maintien de l’ordre, en s’appuyant sur la déshumanisation des communautés immigrées. »


Deux jours après la prise de parole de Todd Lyons, Politico révélait que l’ancien PDG de la société militaire privée Blackwater – qui avait attiré l’attention au milieu des années 2000 après avoir ouvert le feu en plein Bagdad – et un groupe d’industriels de la Défense avaient proposé à la Maison-Blanche un projet de déportation de masse vers le Salvador.

☕️ Airbnb condamnée à verser plus de 8 millions d’euros à l’île d’Oléron

9 avril 2025 à 13:32

Oléron a gagné son procès en appel contre la plateforme de location Airbnb.

Mardi 8 avril, la cour d’appel de Poitiers a confirmé les jugements rendus en 2023 et 2024 par le tribunal judiciaire de La Rochelle et augmenté le montant de ses condamnations au titre de manquements au versement de 7 410 taxes de séjour à 5 millions d’euros pour l’année 2021 et 3,5 millions d’euros pour 2022, précise Sud-Ouest.

Phare de Chassiron, Saint-Denis d’Oléron / Lucas Gallone

La Cour d’Appel a estimé le « manquement (…) d’autant plus grave que le recouvrement de la taxe de séjour représente une part non négligeable du budget de la Communauté de Communes de l’île d’Oléron pour financer les dépenses liées à l’afflux de touristes sur la période estivale. »

D’après l’AFP, Airbnb envisage un nouveau recours, jugeant les amendes « disproportionnées ». L’île d’Oléron reste en procédures avec deux autres plateformes : Booking et Leboncoin.

Souveraineté numérique : les entreprises européennes s’inquiètent mais ne la priorisent pas

9 avril 2025 à 12:00
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Souveraineté numérique : les entreprises européennes s’inquiètent mais ne la priorisent pas

Si de nombreux professionnels européens se déclarent préoccupées par les questions de souveraineté numérique, à peine un tiers font de l’adoption de solutions européennes une priorité.

La souveraineté numérique, enjeu majeur pour les entreprises, dans le contexte géopolitique tendu ? C’est ce que laissent entendre les résultats d’un sondage réalisé par Ipsos et Yougov, dans lequel 78 % des décideurs européens interrogés déclarent important de choisir des outils numériques locaux, notamment pour des raisons de cybersécurité.

Mais il y a un mais : si la préoccupation des dirigeants d’entreprise transparait de façon évidente, elle ne se transforme pas nécessairement en acte. En 2025, 53 % d’entre eux prévoient en effet de maintenir leur budget cybersécurité inchangé. Surtout, seulement 32 % font de l’adoption de solutions technologiques européennes une priorité.

Des coûts plus élevés ?

4 000 actifs Français, Espagnols, Allemands et Italiens de 18 à 75 ans ont été sondés pour les besoins de cette étude. Chacun relève de l’un des statuts d’emploi suivants : professions indépendantes, cadre supérieurs, professions intermédiaires et employés, et tous travaillent dans des secteurs variés (banque/assurance, immobilier, finance, tech, retail, ressources humaines ou éducation).

Parmi eux, 46 % se déclarent préoccupés « par la dépendance aux plateformes comme Google, Microsoft ou Amazon ». Un sujet, légèrement contrasté selon les pays : si 54 % des Italiens se déclarent préoccupés, seulement 36 % des Allemands le sont (et 43 % des Français).

Parmi les explications de ces considérations, 28 % des répondants « ne perçoivent aucun obstacle majeur » à l’utilisation de solutions européennes. Une proportion équivalente les juge en revanche plus coûteuses que les solutions non européennes, et malgré les cadres réglementaires, 20 % doutent de la fiabilité et des performances des solutions locales.

Critères de choix

Leviers potentiels : 69 % des professionnels interrogés déclarent que l’éthique des prestataires technologique est un critère essentiel (33 %) ou important (36 %) dans leur processus de choix. Un enjeu bien plus fréquemment cité en Espagne (par 79 % des répondants) qu’en Allemagne (52 %). En France, 71 % des répondants font de l’éthique de leurs prestataires un enjeu essentiel ou important.

La localisation des serveurs est un autre axe que 58 % des personnes interrogées qualifient d’important, et 23 % de primordiale. Les Français sont les plus attentifs à la question : 30 % des interrogés estiment qu’une localisation en Europe est primordiale.

Cela dit, près de 4 personnes interrogées sur 10 ne savent pas où les serveurs de leurs outils sont localisés – une problématique qui, pour des fournisseurs états-uniens, n’empêche de toute manière pas leurs autorités de surveillance nationales d’exiger l’accès aux données d’un serveur.

Souveraineté vs réalité

Évoquer les enjeux de souveraineté sans la prioriser, la logique des professionnels interrogés ressemble fort à celle… des institutions françaises, où des accords avec des fournisseurs états-uniens continuent d’être conclus malgré les préoccupations affichées.

Les solutions ne manquent pourtant pas : mi-mars, 80 entreprises et représentants de la tech appelaient la Commission européenne à soutenir EuroStack, une série de solutions européennes permettant de couvrir toute l’infrastructure numérique. À leurs côtés, chercheurs et professionnels du secteur publiaient différents répertoires de solutions – Euro-stack alternatives, european alternatives – pour faciliter la recherche et la transition vers des services numériques européens.

Pédopornographie : les plateformes poussent-elles au crime ?

9 avril 2025 à 08:30
Culture du V*0l
Pédopornographie : les plateformes poussent-elles au crime ?

La multiplication d’affaires de pédopornographie et le rajeunissement de ceux qui en possèdent et en diffusent oblige à s’interroger sur le rôle des usages numériques dans l’explosion de ce type de contenus criminels.

« Je n’ai aucune excuse (…). Mais je n’ai pas commencé par vouloir voir des enfants. J’étais accro au porno et je me suis totalement désensibilisé. » Tels sont les propos de l’un des 850 hommes arrêtés chaque mois en Angleterre et aux Pays de Galles pour avoir consommé ou échangé des contenus pédopornographiques en ligne.

Ils sont enseignants, policiers, chauffeurs de bus, médecins. Ils sont de plus en plus jeunes, aussi.

The Guardian en a interrogé plusieurs, pour tenter de répondre à une question complexe : les logiques de recommandations des plateformes sur lesquelles nous consommons toutes et tous des contenus de tous types se contentent-elles d’alimenter tout une génération de pédophiles, ou la créent-elles ?

Pente glissante

La plupart des pédocriminels interrogés par le média britannique décrivent un usage incontrôlé de la pornographie, consommée pour gérer du stress, tromper l’ennui ou la solitude, quelquefois jusqu’à l’addiction.

Condamné pour possession des trois catégories d’images catégorisées comme pédocriminelles dans le droit britannique, dont la plus grave, l’un d’eux indique : « La police n’a jamais trouvé une seule recherche d’images d’enfants : tout s’est fait en cliquant sur des liens – ce que les algorithmes me proposaient. Les sites pornographiques ont un bouton qui dit “Voir d’autres images de ce genre”. J’étais désensibilisé, j’avais regardé tellement de porno pour adolescents. »

Le phénomène est multiforme et international : Europol opérait en mars un coup de filet dans 19 pays, démantelant un réseau dédié à la génération de pédopornographie par IA, le mois précédant, elle alertait sur l’essor de communautés dédiées à la torture de mineurs, en décembre, la gendarmerie française arrêtait 95 membres d’un réseau pédocriminel opérant via Signal…

Pour comprendre les motivations des auteurs, le groupe finnois Protect Children a lancé une étude de deux ans impliquant de poster des questionnaires sur le dark web pour toucher des internautes consommateurs de contenus illégaux dans différents pays. Sur les plus de 4 500 personnes interrogées, un tiers se déclarent clairement intéressées par la pédopornographie. Les deux tiers déclarent un intérêt pour les mineurs, principalement les 15 à 17 ans.

Quant au rôle des plateformes, et au lien qui pourrait unir pornographie classique et pédopornographie, il est lui-même controversé. Mais plus de 50 % des répondants au questionnaire de Protect Children déclarent ne pas avoir cherché d’images pédopornographiques lorsqu’ils y ont été confrontés pour la première fois.

Si de nombreux hommes adultes arrêtés pour de tels actes posent un réel danger aux mineurs, le psychologue Michael Sheath explique au Guardian avoir vu, en 14 ans de carrière, une évolution dans les profils arrêtés. Parmi ces derniers, il rencontre désormais régulièrement « des hommes qui ont suivi ce que j’appelle une « pente glissante » ». Une explication similaire à celle du « trou du lapin » (rabbit hole), décrite pour expliquer la radicalisation d’internautes vers des idées complotistes ou haineuses.

Suspension de tabous protecteurs

Pour Michael Sheath, le lien entre pornographie classique et pédopornographie est « sans ambiguïté ». Il l’illustre notamment par l’évolution des tabous sociaux qui, pendant longtemps, protégeaient les mineurs. « Autrefois, explique-t-il au média britannique, il était difficile de trouver du matériel pédopornographique et il était extrêmement risqué d’en regarder. L’état d’esprit d’une personne qui cherchait du matériel pornographique était “je suis un vrai criminel sexuel” — elle savait qu’elle sortait des normes de la société. »

Aujourd’hui, la plupart des sites pornographique grand public proposent des titres évoquant clairement de la pédopornographie et des relations incestueuses, du type « Les garçons dépucelés par leur tante » ou « beau-père et belle-fille ».

Selon une étude menée en 2021 par l’université de Durham, un titre sur huit en page d’accueil des principales plateformes pornographiques montre des formes de violences sexuelles contre les filles et les femmes. L’équipe de chercheurs constatait par ailleurs que les vidéos étiquetées « teens » (adolescents/adolescentes) montraient plus fréquemment de la violence.

La plupart des plateformes grand public, comme Pornhub, ont des règles de modération interdisant la représentation d’activités sexuelles non consensuelles, agressions sexuelles et viols compris. PornHub a d’ailleurs conclu un partenariat avec l’Internet Watch Foundation et la Fondation Lucy Faithfull, qui a conduit à l’ajout de pop-up pour signaler à l’internaute britannique qu’il semble en train de chercher des contenus pédopornographiques.

Mais comme sur n’importe quelle plateforme sociale, cette modération est imparfaite. Et les contenus s’échangent aussi ailleurs, dans des boucles de discussion ou des forums fermés.

Enjeu de santé publique

L’enjeu, alertent les spécialistes, est aussi celui d’une forme d’addiction. Dès 2013, des études montraient que la dopamine reçue au visionnage régulier de pornographie modifie peu à peu les goûts des personnes concernés. Le mois dernier, une autre publication constatait qu’au fil du temps, un consommateur de pornographie sur cinq glissait vers des contenus plus extrêmes.

Et la tendance n’est pas prête de s’améliorer : en 2023, devant la jeunesse accrue des personnes recourant à ses services, la Lucy Faithfull Foundation, qui lutte contre les violences pédopornographiques, s’est trouvée obligée d’ouvrir un service d’accueil des adolescents. De même, du côté de la police de Worcester, l’enquêteur Tony Garner déclare recevoir de plus en plus d’adolescents, quelquefois âgés d’à peine 18 ans, mais déjà « exposés pendant 10 ans à du porno hardcore ».

☕️ Le patron de Shopify oblige ses équipes à prouver qu’une tâche ne peut être faite par IA

8 avril 2025 à 10:04

Dans un memo rendu public sur X, le directeur général de Shopify Tobi Lutke a déclaré modifier l’approche de son entreprise en termes de ressources humaines.

Il intime à ses équipes de prouver que des tâches ne peuvent être réalisées à l’aide de l’intelligence artificielle avant de demander une augmentation de ressources ou d’équipes.

Et de préciser que l’usage de l’IA est une « attente fondamentale » envers les équipes de Shopify, dans la mesure où elle aurait « multiplié » la productivité de ceux qui l’utilisent.

Comme le relève CNBC, la directive est formulée alors que les entreprises du numérique investissent des milliards de dollars dans le développement de l’intelligence artificielle, en même temps qu’elles licencient régulièrement. 


En 2024, selon le décompte de Layoffs.fyi, 152 000 postes ont été supprimés dans 549 entreprises de la tech.

Chez Shopify, les équipes totalisaient 8 100 personnes au mois de décembre, contre 8 300 plus tôt en 2024. L’entreprise avait supprimé 14 % de ses équipes en 2022 et 20 % en 2023.

Des associations demandent un débat sur la création des datacenters en France

8 avril 2025 à 09:43
Stockera, stockera pas
Des associations demandent un débat sur la création des datacenters en France

Dans le cadre du projet de loi de simplification de la vie économique, un groupe d’associations appellent les députés à supprimer l’article 15, qui faciliterait la construction de centres de données, pour laisser le temps d’organiser un débat citoyen sur la multiplication de ces entrepôts.

De ce 8 avril jusqu’à vendredi 11 avril, les députés examinent le projet de loi « de simplification de la vie économique ». De mesure de simplification du quotidien des très petites entreprises à la simplification des démarches pour accéder aux marchés publics, le texte prévoit une variété de mesures, dont la facilitation de l’obtention de licences IV dans les petites villes.

Mais son article 15, qui vise à faciliter la construction de centres de données, inquiète la Quadrature du Net, le collectif marseillais le Nuage était sous nos pieds et la coalition Hiatus, qui réunit une vingtaine d’associations françaises aux mandats variés. Ils appellent les députés à soutenir un moratoire de deux ans « sur la construction des plus gros data centers » en France, le temps d’organiser un débat public.

Début février, en amont du Sommet sur l’intelligence artificielle organisé à Paris, le Premier ministre avait en effet annoncé l’identification de 35 sites industriels déclarés propices à l’installation de centres de données, à la fois en termes de surface foncière, de disponibilité et d’accès à l’énergie. Matignon précisait que les surface allaient de « 18 à 150 hectares et plus », pour une surface totale de l’ordre de 1 200 hectares.

« Projet d’intérêt national majeur »

Or, l’article 15 du projet de loi de simplification de la vie économique permettrait précisément d’accorder le statut de « projet d’intérêt national majeur » (PINM) à des centres de données de ce genre. L’intérêt pour leurs porteurs : accélérer l’implantation des bâtiments et les procédures – de gestion des documents d’urbanisme, de raccordement au réseau électrique, de reconnaissance de raisons impératives d’intérêt public majeurs.

Créé dans la loi sur l’industrie verte de 2023, le statut de « projet d’intérêt national majeur » (PINM) introduit dans le code de l’urbanisme a en effet été pensé pour faciliter l’implantation de projets industriels dans le pays. En juillet 2024, il a été accordé par décret à plusieurs projets, souvent liés à l’industrie numérique : une usine de fabrication de cellules et modules photovoltaïques de la société Holosolis, une de production de panneaux photovoltaïques de la société Carbon, une usine Eastman de recyclage moléculaire des plastiques, une usine Gravithy de production de minerai de fer réduit et d’hydrogène et un site d’extraction et de transformation de lithium d’Imerys, dans l’Allier.

Moratoire de deux ans pour une convention citoyenne

L’un des problèmes que pointent les associations : le statut PINM permettrait notamment de déroger à l’obligation de protection des espèces protégées, alors que la multiplication de data centers pose de multiples enjeux environnementaux de bétonisation des sols et de concurrence dans l’usage des terres et de l’eau.

À l’heure actuelle, la France compte environ 315 data centers, dont la grande majorité est concentrée en Île-de-France (la région concentre 60 % de la puissance de la capacité nationale, selon Knight Frank), suivie par Marseille et la région PACA, où aboutissent 18 câbles sous-marins.

Détaillant l’empreinte environnementale de ces infrastructures, la Quadrature du Net et ses partenaires, rappellent que les hyperscalers, ces data centers extrêmement grands poussés par les acteurs états-uniens du numérique, recourent massivement à l’eau pour refroidir leurs serveurs. Google a ainsi révélé avoir consommé 28 milliards de litres d’eau en 2023, dont les deux tiers d’eau potable, suscitant de telles tensions que le Chili a freiné l’un de ses projets.

Les associations notent que l’expansion de ces projets en France, y compris lorsqu’elle est réalisée par étapes, comme dans la ville de Wissous, créent déjà des oppositions au niveau local. Enfin, elles interrogent les effets de ces édifices en termes de création d’emploi, un enjeu sur lequel le sociologue Clément Marquet revenait à notre micro.

En écho aux experts de l’ADEME, qui soulignent la nécessité de planifier et réguler le déploiement des centres de données, les associations incitent les députés à rejeter l’article 15 du projet de loi en cours de discussion. Elles demandent aussi un moratoire sur la construction des plus gros data centers, le temps de permettre à « une convention citoyenne de penser les conditions d’une maîtrise démocratique des data centers ».

☕️ US : les réseaux sociaux utilisés pour tenter de déjouer les expulsions de Trump

2 avril 2025 à 06:00

« Ice cream truck in NYC » (« camion de glace à New-york ») : par ce jeu de mot relevant de l’algospeak (langage inventé pour contourner la modération des plateformes), une internaute états-unienne signale à ses followers avoir repéré des agents de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE).

Comme de nombreux autres usagers de TikTok, Reddit, YouTube ou X, elle participe à l’effort collectif renforcé ces dernières semaines pour éviter à toute personne immigrée, légalement ou non, les déportations ordonnées par Donald Trump et quelquefois menées en dehors des cadres légaux.

Si le phénomène n’est pas neuf, le Washington Post relève une multiplication par cinq des discussions relatives à l’ICE sur X, Reddit et YouTube depuis début mars.

De nombreuses fausses informations se glissent parmi les alertes. Des soutiens de la démarche de déportation promue par Trump ont aussi mis à mal certains réseaux d’alertes – le compte Instagram Libs of Reddit a par exemple publié le nom, le visage et l’adresse du modérateur de r/LaMigra, un subreddit dédié au partage d’informations sur la localisation des agents de l’ICE.

Cela n’a pas empêché les efforts de suivi des agents de se multiplier en ligne, prenant quelquefois la forme de cartographies collectives, comme dans le cas de People over Papers. Si le projet est devenu viral sur TikTok, explique sa créatrice au quotidien états-unien, « c’est parce qu’il répond à un réel besoin ».

Elle aussi a été visée par des violences numériques : le 14 février, le compte très suivi Libs of TikTok a partagé son nom et son handle à son public, déclarant qu’elle aidait des criminels à échapper aux forces de l’ordre.

La suspension de TikTok en Nouvelle-Calédonie jugée illégale, mais pas impossible

1 avril 2025 à 13:45
Democracy
La suspension de TikTok en Nouvelle-Calédonie jugée illégale, mais pas impossible

Le Conseil d’État déclare illégal le blocage de TikTok imposé à la Calédonie en mai 2024. Il précise les conditions dans lesquelles une telle suspension pourrait être légale.

En pleines émeutes de contestation du projet gouvernemental de dégel électoral, en Nouvelle-Calédonie, le gouvernement avait déclaré l’état d’urgence et suspendu l’accès à TikTok. À partir du 15 mai 2024 à 20 heures et pendant deux semaines, le réseau social n’était plus accessible depuis la collectivité d’outre-mer.

La Quadrature du Net, la Ligue des droits de l’homme, ainsi que des particuliers avaient rapidement attaqué la décision de blocage en justice, le qualifiant de « coup inédit et particulièrement grave à la liberté d’expression en ligne ». Ce 1ᵉʳ avril, le Conseil d’État a rendu sa décision, dans laquelle il annule le blocage de TikTok.

Il souligne notamment que l’autorité administrative ne peut normalement interrompre un tel service « que si la loi le prévoit compte tenu des atteintes qu’une telle mesure porte aux droits et libertés (notamment liberté d’expression, libre communication des pensées et des opinions, droit à la vie privée et familiale, liberté du commerce et de l’industrie). »

Trois conditions à la suspension

Au passage, l’institution précise les conditions dans lesquelles un Premier ministre pourrait légalement interrompre « provisoirement » l’accès à un réseau social, « même si la loi ne le prévoit pas ». Ces conditions sont au nombre de trois.

La suspension peut être décidée « si la survenue de circonstances exceptionnelles la rend indispensable ». Elle ne peut l’être « qu’à titre provisoire », à condition « qu’aucun moyen technique ne permette de prendre immédiatement des mesures alternatives moins attentatoires aux droits et libertés que l’interruption totale du service pour l’ensemble de ses utilisateurs ». Enfin, cette suspension ne peut être mise en œuvre que « pour une durée n’excédant pas celle requise pour rechercher et mettre en œuvre ces mesures alternatives ».

Durée indéterminée

En l’occurrence, si le Conseil d’État admet que la situation en Nouvelle-Calédonie relevait bien des « circonstances exceptionnelles », dans la mesure où les émeutes ont entraîné des décès et des atteintes aux personnes et aux biens « d’une particulière gravité », il souligne que la suspension de TikTok décidée par le Premier ministre d’alors, Gabriel Attal, l’a été sans indication de durée, et « sans subordonner son maintien à l’impossibilité de mettre en œuvre des mesures alternatives ».

Le Conseil d’État juge ce blocage illégal, car ayant porté « une atteinte disproportionnée aux droits et libertés invoqués par les requérants ».

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