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Comment la loi 4D va réformer la procédure de sanction de la CNIL

26 février 2021 à 14:02

Le projet de loi 4D concerne surtout les collectivités locales. Mais, surprise, dans l’avant projet de loi envoyé au Conseil d’État, publié par Contexte et que s’est également procuré Next INpact, l’article 41 prévoit de « simplifier les procédures de mise en demeure et de sanction » de la CNIL.

Sanctionner plus vite et moins fort pour sanctionner plus. Voici l’état d’esprit de la réforme envisagée par le projet de loi 4D (Différenciation, Décentralisation, Déconcentration et Diverses mesures de simplification).

Le gouvernement justifie la création de procédures simplifiées par le changement de paradigme qu’a entraîné le RGPD. Nous sommes en effet passés d’un système de formalités préalables à une logique de conformité, dans laquelle les acteurs sont responsables sous le contrôle et avec l’accompagnement de la CNIL.

Problème, les procédures de traitement des plaintes sont désormais inadaptées, ne permettant d’adopter annuellement qu’une cinquantaine de mises en demeure et une dizaine de sanctions.

Rappels et sanctions plus directs

Le gouvernement veut donc simplifier les procédures et moderniser les outils dont dispose la CNIL, pour qu’elle puisse traiter plus de plaintes. La présidente de la Commission pourrait prononcer directement des « rappels aux obligations » pour les faits les moins graves. La procédure de mise en demeure serait elle aussi simplifiée.

Un autre président disposera lui aussi de pouvoir propres, celui de la formation restreinte composée de cinq membres. Sans avoir à convoquer toute sa formation, il disposera d’un pouvoir propre d’injonction et d’astreinte (limitée à 100 euros par jour) et pourra constater un non-lieu ou prononcer des amendes ou des astreintes d’un montant maximal de 20 000 euros ou 100 euros par jour dans des délais plus resserrés qu’aujourd’hui.

Mais cette procédure rapide ne concernera que les affaires de moindre gravité et qui ne présentent pas de difficulté particulière (jurisprudence établie, faits et questions de droit simple).

Disposition pour le très haut débit, calendrier incertain

L’article 42 va accélérer la mise en place des bases adresses locales utiles pour le déploiement du très haut débit. Les communes devront garantir l'accès aux informations sur les voies et adresses. Un décret viendra le préciser.

Ces articles doivent encore passer plusieurs étapes : outre le Conseil d’État, il n’est pas sûr que le projet de loi 4D soit adopté par le Parlement. En effet, le gouvernement n’est pas certain de trouver toutes les dates nécessaires pour une étude complète du texte au Sénat et à l’Assemblée avant la présidentielle 2022.

D’autant que les textes sur les collectivités locales, très techniques, passionnent bien plus les élus que les citoyens.

La police en dit plus sur la surveillance des manifestants et des boucles Telegram

11 février 2021 à 11:09

Le service central du renseignement territorial et du renseignement de la préfecture de police ont été auditionnés à huis clos par la commission d’enquête sur la gestion des manifestations. Tout juste publié, le compte rendu en dit plus sur les moyens qu'utilise la police pour surveiller les boucles Telegram et identifier les manifestants.

Le 21 octobre, les députés auditionnaient Lucile Rolland, cheffe du service central du renseignement territorial et Françoise Bilancini, directrice du renseignement de la préfecture de police. Cette audition n’avait pas été diffusée, mais le compte-rendu, soumis pour relecture aux intervenantes, contient plusieurs enseignements intéressants.

Le renseignement de la préfecture de police, qui comprend 800 fonctionnaires, a suivi en 2019 quelque 7 000 manifestations sur la petite couronne : « elles ont toutes fait l’objet de plusieurs notes et signalements ».

Le service central du renseignement territorial est plus important (3 100 fonctionnaires) car compétent sur tout le reste du territoire. Avant chaque manifestation (31 750 en 2019), ils anticipent l’affluence et l’ambiance, afin de prévenir les risques de heurts.

Françoise Bilancini indique que son service est « en relation avec les représentants des syndicats pour discuter, de façon ouverte, de la partie qui nous concerne. Nous ne discutons pas uniquement des manifestations, mais aussi de la crise sanitaire ou encore du mouvement des Gilets jaunes. Nos relations ne sont pas mauvaises, même si certains syndicalistes, notamment les anciens, ont toujours une appréhension au contact de ce qu’ils appellent encore "les renseignements généraux" ».

Anticiper, évaluer mais également identifier

Comme le reconnaît Lucile Rolland, « si nous identifions des individus en train de commettre des infractions, nous intervenons aussitôt. Par ailleurs, après la manifestation, si des infractions ont pu être captées par des caméras ou autres systèmes vidéo, nous procédons à une reconnaissance des individus, de manière à aider nos collègues chargés du volet judiciaire. » Puis, plus loin, « nos collègues de la sécurité publique, de la gendarmerie ou de la police judiciaire pourront nous demander d’identifier à partir d’une vidéo un individu en train de casser une vitrine. »

Mais si le renseignement peut retrouver un casseur, parfois après un long travail, ils ne recherchent jamais les fonctionnaires qui auraient commis une infraction, s’interdisant de travailler sur leurs collègues. Pour Lucile Rolland, « notre travail ne consiste pas à surveiller les policiers ou les gendarmes, mais les manifestants violents », même s’ils peuvent faire un rapport s’ils sont témoins d’une « faute détachable du service ».

Ce travail d’identification permet de mieux comprendre le rôle de PASP et de GIPASP, les deux fichiers de renseignement qui ont été musclés au mois de décembre.

Composés chacun de 60 000 fiches, ils permettent de renseigner des éléments sur toute personne susceptible de porter atteinte à la sécurité publique. Les décrets passés en décembre ont permis d’inscrire des éléments sur la santé des personnes, mais également sur leurs opinions. Par ailleurs, il y a des velléités pour renforcer les capacités en matière de reconnaissance faciale de ces fichiers qui comprennent des photos.

Des moyens « pour ne pas être écartés des messageries de type Telegram »

Une autre modification importante des fichiers PASP et GIPASP en décembre a été la possibilité de recueillir les identifiants utilisés par les personnes (pseudonymes, sites ou réseaux concernés, autres identifiants techniques), à l'exclusion des mots de passe.

La députée socialiste George Pau-Langevin interroge les deux cheffes du renseignement : « Quelles méthodes vos directions utilisent-elles pour obtenir des informations ? Vous ne semblez pas pratiquer l’infiltration ; pour quelle raison avez-vous écarté cette technique ? »

Réponse de la directrice du renseignement de la préfecture de police : « Nous disposons des moyens nécessaires pour ne pas être écartés des messageries de type Telegram. Mais il n’est pas évident de faire entrer une personne extérieure dans une boucle Telegram. Nous sommes donc très prudents. »

Par contre « la DRPP n’est pas en position de demander à un manifestant ses codes. Nous ne sommes jamais au contact des manifestants de manière coercitive. »

Même son de cloche pour le renseignement territorial : « Concernant les messageries cryptées, comme le compte rendu de cette audition sera publié, je préfère ne pas donner trop de détails. Je dirai simplement que tous les moyens qui nous sont attribués par la loi sont mis en œuvre. En outre, les contacts que nous avons, d’une part avec les organisateurs et, d’autre part, avec les loueurs de bus, la SNCF ou encore les municipalités nous permettent d’avoir un aperçu sur l’ambiance générale et d’anticiper. »

Pour rappel, les deux services en question sont habilités à faire des interceptions de correspondance émises par la voie des communications électroniques pour prévenir les violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique.

Les auditions des deux cheffes du renseignement territorial montrent que les Gilets jaunes ont été un moment clé pour les forces de l’ordre. Un constat partagé par de nombreuses personnes auditionnées par la mission.

Pour Françoise Bilancini, « la parole, les gestes et les actes ont été totalement libérés. » Si les fichiers PASP et GIPASP ont gonflé le nombre de fiches de 50 % en deux ans, c’est aussi à cause de cette crise. De nombreuses personnes, auparavant inconnues des services, ont été intégrées. Et avec la crise sociale qui vient, le mouvement devrait se poursuivre.

Comme l’indique Lucile Rolland, « la question que nous nous posons n’est pas de savoir où la contestation va exploser – nous connaissons les endroits –, mais qui seront les prochains Gilets jaunes. Avec la "tempête économique", pour reprendre les mots de l’ancien Premier ministre, qui arrive, le désespoir et la colère seront les ferments, une fois encore, du prochain mouvement social. »

Bloctel, une machine enrayée

1 février 2021 à 10:59

Next INpact s’est fait communiquer le rapport annuel de la délégation Opposetel qui gère le service Bloctel. Un rapport largement caviardé, au nom du secret des affaires, mais qui donne quelques éléments sur le fonctionnement de ce service aux résultats décevants, pour le consommateur, comme pour la société qui le gère.

Les journalistes qui travaillent pour Next INpact ont trois caractéristiques. Ils n’aiment pas être dérangés pour rien. Ils aiment savoir ce qui est fait de leurs données. Ils pourraient remplir les yeux fermés le formulaire de saisine de la commission d’accès aux documents administratifs (Cada).

Mi-octobre, suite à un énième appel téléphonique non désiré sur un numéro inscrit depuis quatre ans sur Bloctel, nous avons demandé à la SAS Opposetel son dernier rapport d’activité. En l’absence de réponse au bout d’un mois, nous avons saisi la Cada. Et, le 20 janvier, suite à cette saisine, Opposetel nous a renvoyé son rapport annuel de la délégation 2019.

Un rapport, hélas, largement caviardé. Opposetel a en effet occulté tout ce qui était considéré comme relevant du secret des affaires. C’est-à-dire les deux tiers du document. De quoi transformer un rapport technocratique en œuvre de Pierre Soulages. Dans son avis qu’elle a rendu le 1er février (document en pièce jointe), la Cada indique n'avoir « pas pu apprécier la pertinence des occultations effectuées faute de disposer du document original. »

Bloctel

Il faut dire que pour Opposetel, la période est sensible : le marché public pour renouveler la concession de l’exploitation de la gestion d’une liste d’opposition au démarchage téléphonique est en cours .

Le solde d’exploitation de la concession significativement déficitaire

Le rapport montre que sur l’année 2019, « d’un point de vue financier les recettes ont continué sur une légère tendance baissière - sans corrélation avec une évolution notable des pratiques des entreprises en matière de démarchage téléphonique ». Avec 4,79 millions d’euros de chiffres d’affaires, l’exercice 2019 accusait un déficit de 118 740 d’euros (contre 1,6 million en 2018) et un résultat d’exploitation déficitaire à 1,8 million d’euros.

Début 2020, Opposetel laissait présager que l’exercice serait positif, les gros investissements étant terminés, « les charges d’exploitation en forte baisse et les charges exceptionnelles inexistantes. » Même si au 30 juin 2021, à la fin des cinq ans de délégation, « il est à craindre que le solde d’exploitation demeure significativement déficitaire ».

Le chapitre consacré aux « Perspectives d’évolution de l’activité » est quasi-intégralement caviardé. Tout juste apprend-on que « Si l’on se réfère à l’évolution sur les deux dernières années, l’activité devrait être baissière en 2020 ».

Fin 2019, 576 entreprises étaient adhérentes à Bloctel (-12 % en un an). Au total, il y avait 841 abonnements, dont 99 intensifs et 57 illimités. Mais Bloctel avait du mal à recruter de nouveaux clients. Le rapport prévoyait que l’activité serait en baisse en 2020. Vu la faiblesse des sanctions longtemps prononcées par la DGCCRF, il pouvait être financièrement intéressant de ne pas payer l’abonnement à Bloctel.

Côté consommateurs, 639 000 se sont inscrits en 2019 (ce qui porte le total à 4,6 millions depuis 2016). En cumul au 31 décembre 2019, depuis la création de Bloctel, plus de 560 000 fichiers conformes d'opérateurs ont été traités (dont près de 297 000 pour la seule année 2019), totalisant 279 milliards de numéros de téléphone criblés et passés à la moulinette Bloctel et 10,5 millions de numéros de téléphone repoussés par Bloctel (soit autant de numéros qui n'ont pas été dérangés par un opérateur).

Bloctel

Des réclamations portées sur l’isolation à 1 €

Le rapport donne des éléments sur les réclamations déposées par les consommateurs. « La majorité des appels de démarchage sont toujours effectués vers des personnes retraitées qui subissent des dérangements entre 11 h et 15 h et le soir à partir de 18 h.

« Les principaux secteurs incriminés sont toujours les mêmes qu’en 2017 et qu’en 2018 : l’énergie, le bâtiment, les mutuelles, la voyance…, avec toujours le programme à 1€ pour l’isolation de la maison qui représente 90 % voire 95 % des appels » indique le rapport. « Nous notons encore un certain nombre d’appels relatifs aux automates d’appels et "ping call" qui perturbent les consommateurs inscrits chez Bloctel, mais la tendance est toujours en baisse. Il est à noter que lorsque des consommateurs nous contactent, nous en profitons pour expliquer le fonctionnement de Bloctel et le dépôt de réclamation. »

En temps normal, Bloctel reçoit aussi une cinquantaine d’appels téléphoniques par jour, 90 % provenant de consommateurs. Leur nombre a quadruplé au moment des réinscriptions. Sur les 37 763 appels reçus, 6 701 étaient des réclamations de consommateur. Bloctel a également reçu 161 appels qui ne le concernaient pas. Le rapport ne précise pas combien venaient d’entreprise qui lui proposaient de l’isolation à 1 €.

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Le service Bloctel étant limité à trois ans, il faut recontacter le consommateur au bout de cette période pour lui demander s’il souhaite se réinscrire. Pour les inscrits par mails, 3,175 millions mails de premières relances ont été envoyés. Après deux autres courriels de relance, 2,13 millions d’inscriptions avaient été renouvelées. Mais il faut aussi relancer ceux qui se sont inscrits par courrier. Une cible « très sénior » reconnaît Opposetel. En 2019, 58 160 lettres de demande de réinscription ont été envoyées (et 24 000 relances).

Pour renforcer Bloctel, sanctionner plus

Le rapport mentionne également des études OpinionWay auprès des consommateurs inscrits et des entreprises. Des études qui ne nous ont pas été communiquées, mais dont le rapport indique les principaux résultats. « Les champs d’intervention de Bloctel sont toujours surestimés par les adhérents, impactant à la baisse la perception du volume d’appels reçus et la satisfaction à l’égard du service qui demeurent insuffisantes en 2019. »

Il y a toujours une insatisfaction « concernant le suivi des réclamations et la qualité des réponses apportées via le service consommateur. Des éléments sur lesquels Bloctel n’a pas la capacité de réponses attendue par les adhérents. »

Pour les entreprises, la connaissance du fonctionnement de Bloctel reste perfectible. Seules trois sur cinq connaissent la procédure exacte de purge des fichiers et beaucoup donnent de mauvaises réponses quant aux clients pouvant être recontactés.

Les préconisations d’Opinionway : donner au public des preuves qu’il y a des sanctions, augmenter le nombre de contrôles et de sanctions et améliorer le fonctionnement du service en assurant un meilleur suivi des réclamations et un meilleur retour d’informations aux adhérents.

Ce sentiment de défaillance de Bloctel devrait trouver des réponses avec la loi Naegelen, adoptée l’an dernier et qui vise à durcir les sanctions et responsabiliser les opérateurs. Les appels pour l’isolation à 1 € ont été interdits. De quoi renforcer l’attractivité du service pour les entreprises.

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