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Reçu aujourd’hui — 2 décembre 2025

Cancers : aux USA, des datacenters accusés d’amplifier l’exposition aux nitrates

2 décembre 2025 à 07:37
Données nitratées
Cancers : aux USA, des datacenters accusés d’amplifier l’exposition aux nitrates

Le comté de Morrow, dans l’Oregon, accueille d’immenses fermes et des usines agroalimentaires, mais aussi plusieurs centres de données de très grande taille (hyperscales) d’Amazon. Pour certains experts, ce mélange mène à un taux très élevé de nitrate dans l’eau potable, avec des effets délétères sur la santé humaine.

Éleveur de bétail, ancien commissaire du comté, Jim Doherty n’était initialement pas tellement intéressé par les problématiques d’eau. C’est l’accumulation de récits de maladies étranges et d’interruptions spontanées de grossesses, depuis son élection au comité de commissaires en 2016, qui lui a mis la puce à l’oreille : les habitants liaient ces enjeux à la qualité de l’eau potable.

Dans le comté et autour, 45 000 personnes tirent leur eau du bassin inférieur de l’Umatilla. D’après les relevés du ministère de la qualité environnementale de l’Oregon, la qualité de son eau se dégrade régulièrement depuis 1991, à mesure que la concentration en nitrates y augmente.

Si, en France, l’essentiel des centres de données sont refroidis en circuit fermé, aux États-Unis la technique la plus courante consiste à utiliser de l’eau en circuit ouvert. Par ailleurs, depuis 2022, deux tiers des centres de données nouvellement construits le sont dans des zones subissant déjà des stress hydriques. Dans le comté de Morrow, cela dit, ce ne sont pas les conflits d’usage qui posent problème, mais bien la pollution de l’eau : certains nitrates et nitrites présentent des risques cancérogènes (notamment de cancer colorectal) et génotoxiques pour l’être humain, ce qui explique que l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) recommande à la population française d’en limiter la consommation.

Depuis l’installation de son premier data center de près de 1 000 mètres carrés dans le comté de Morrow, en 2011, Amazon en a créé sept autres dans la région, et a obtenu des accords pour en construire cinq autres. Soutenus par un abattement fiscal de 15 ans octroyé pour chaque hyperscale, ces centres de données démultiplieraient la pollution de l’aquifère qui approvisionne les populations, d’après une enquête de Rolling Stones.

Reins en moins et interruptions de grossesse

En 2022, Jim Dohertey a mené ses propres tests : sur six premiers échantillons d’eau potable prélevée dans six foyers choisis au hasard, les six présentaient une concentration de nitrate beaucoup plus élevée que celle autorisée au niveau fédéral. Le commissaire a reproduit l’expérience avec 70 échantillons supplémentaires, pour constater que 68 d’entre eux présentaient des concentrations trop fortes, souvent proches de quatre fois celle autorisée.

Accompagné par un représentant du bureau local de la santé, Jim Doherty a sonné aux portes pour demander si des membres des foyers présentaient certaines des problématiques liées à la surexposition au nitrate. Auprès du magazine, le commissaire indique que sur les 30 premières visites, 25 se sont traduites par des déclarations d’interruptions spontanées de grossesses et au moins six comptaient une personne vivant avec un seul rein.

Accélération de la concentration en nitrates

Depuis près de trente ans, la pollution de l’eau s’accroît à force de rejets dans la nature d’eau pleine du nitrate issu des engrais des mégafermes installées dans la région. Depuis quinze ans, l’ajout des centres de données accélérerait la problématique : en pratique, les hyperscales d’Amazon pompent des millions de litres d’eau de l’aquifère chaque année, qu’ils redirigent ensuite vers les bassins d’eaux usées déjà traitées par le port de Morrow.

Historiquement, le port s’occupe d’en extraire les résidus solides, de brûler le méthane, puis de rediriger vers les plantations les eaux riches en azote qui, au contact du sol, produiront du nitrate. Avant même l’arrivée des centres de données, cela dit, les plantes peinaient à absorber tout le nitrate, et l’excédent était absorbé par les sols puis par l’aquifère du sous-sol. Divers experts interrogés par Rolling Stones estiment que l’arrivée des centres de données d’Amazon a aggravé cette logique de concentration de nitrate, puis de pollution via les rejets dans les champs.

Les centres de données consomment en effet eux aussi des eaux pleines de nitrates pour refroidir leurs serveurs. Par l’évaporation provoquée par la chaleur des équipements, les relevés de certains centres ont constaté des concentrations de l’ordre de 56 ppm, soit huit fois la limite de sécurité établie par l’État de l’Oregon. Or, en bout de course, cette eau rejoint elle aussi les bassins d’eaux usées, accélère la concentration globale en nitrate, puis, par le jeu des arrosages dans les champs, celle du stock d’eau potable.

Amazon se défend d’avoir un rôle dans l’affaire : sa porte-parole Lisa Levandowski indique que l’entreprise n’utilise aucun additif à base de nitrates, et que « le volume d’eau utilisé et rejeté par nos installations ne représente qu’une infime partie du réseau d’approvisionnement en eau », donc a un impact insignifiant sur le circuit du comté.

Sur place, une partie de la population pense le contraire. La directrice du groupe de défense des droits liés à l’eau Oregon Rural Action, Kristine Octrom, souligne notamment l’écart de pouvoir entre les différentes industries et sociétés concernées dans la production et la concentration de nitrates dans l’eau et celle des populations impactées.

Cancers : aux USA, des datacenters accusés d’amplifier l’exposition aux nitrates

2 décembre 2025 à 07:37
Données nitratées
Cancers : aux USA, des datacenters accusés d’amplifier l’exposition aux nitrates

Le comté de Morrow, dans l’Oregon, accueille d’immenses fermes et des usines agroalimentaires, mais aussi plusieurs centres de données de très grande taille (hyperscales) d’Amazon. Pour certains experts, ce mélange mène à un taux très élevé de nitrate dans l’eau potable, avec des effets délétères sur la santé humaine.

Éleveur de bétail, ancien commissaire du comté, Jim Doherty n’était initialement pas tellement intéressé par les problématiques d’eau. C’est l’accumulation de récits de maladies étranges et d’interruptions spontanées de grossesses, depuis son élection au comité de commissaires en 2016, qui lui a mis la puce à l’oreille : les habitants liaient ces enjeux à la qualité de l’eau potable.

Dans le comté et autour, 45 000 personnes tirent leur eau du bassin inférieur de l’Umatilla. D’après les relevés du ministère de la qualité environnementale de l’Oregon, la qualité de son eau se dégrade régulièrement depuis 1991, à mesure que la concentration en nitrates y augmente.

Si, en France, l’essentiel des centres de données sont refroidis en circuit fermé, aux États-Unis la technique la plus courante consiste à utiliser de l’eau en circuit ouvert. Par ailleurs, depuis 2022, deux tiers des centres de données nouvellement construits le sont dans des zones subissant déjà des stress hydriques. Dans le comté de Morrow, cela dit, ce ne sont pas les conflits d’usage qui posent problème, mais bien la pollution de l’eau : certains nitrates et nitrites présentent des risques cancérogènes (notamment de cancer colorectal) et génotoxiques pour l’être humain, ce qui explique que l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) recommande à la population française d’en limiter la consommation.

Depuis l’installation de son premier data center de près de 1 000 mètres carrés dans le comté de Morrow, en 2011, Amazon en a créé sept autres dans la région, et a obtenu des accords pour en construire cinq autres. Soutenus par un abattement fiscal de 15 ans octroyé pour chaque hyperscale, ces centres de données démultiplieraient la pollution de l’aquifère qui approvisionne les populations, d’après une enquête de Rolling Stones.

Reins en moins et interruptions de grossesse

En 2022, Jim Dohertey a mené ses propres tests : sur six premiers échantillons d’eau potable prélevée dans six foyers choisis au hasard, les six présentaient une concentration de nitrate beaucoup plus élevée que celle autorisée au niveau fédéral. Le commissaire a reproduit l’expérience avec 70 échantillons supplémentaires, pour constater que 68 d’entre eux présentaient des concentrations trop fortes, souvent proches de quatre fois celle autorisée.

Accompagné par un représentant du bureau local de la santé, Jim Doherty a sonné aux portes pour demander si des membres des foyers présentaient certaines des problématiques liées à la surexposition au nitrate. Auprès du magazine, le commissaire indique que sur les 30 premières visites, 25 se sont traduites par des déclarations d’interruptions spontanées de grossesses et au moins six comptaient une personne vivant avec un seul rein.

Accélération de la concentration en nitrates

Depuis près de trente ans, la pollution de l’eau s’accroît à force de rejets dans la nature d’eau pleine du nitrate issu des engrais des mégafermes installées dans la région. Depuis quinze ans, l’ajout des centres de données accélérerait la problématique : en pratique, les hyperscales d’Amazon pompent des millions de litres d’eau de l’aquifère chaque année, qu’ils redirigent ensuite vers les bassins d’eaux usées déjà traitées par le port de Morrow.

Historiquement, le port s’occupe d’en extraire les résidus solides, de brûler le méthane, puis de rediriger vers les plantations les eaux riches en azote qui, au contact du sol, produiront du nitrate. Avant même l’arrivée des centres de données, cela dit, les plantes peinaient à absorber tout le nitrate, et l’excédent était absorbé par les sols puis par l’aquifère du sous-sol. Divers experts interrogés par Rolling Stones estiment que l’arrivée des centres de données d’Amazon a aggravé cette logique de concentration de nitrate, puis de pollution via les rejets dans les champs.

Les centres de données consomment en effet eux aussi des eaux pleines de nitrates pour refroidir leurs serveurs. Par l’évaporation provoquée par la chaleur des équipements, les relevés de certains centres ont constaté des concentrations de l’ordre de 56 ppm, soit huit fois la limite de sécurité établie par l’État de l’Oregon. Or, en bout de course, cette eau rejoint elle aussi les bassins d’eaux usées, accélère la concentration globale en nitrate, puis, par le jeu des arrosages dans les champs, celle du stock d’eau potable.

Amazon se défend d’avoir un rôle dans l’affaire : sa porte-parole Lisa Levandowski indique que l’entreprise n’utilise aucun additif à base de nitrates, et que « le volume d’eau utilisé et rejeté par nos installations ne représente qu’une infime partie du réseau d’approvisionnement en eau », donc a un impact insignifiant sur le circuit du comté.

Sur place, une partie de la population pense le contraire. La directrice du groupe de défense des droits liés à l’eau Oregon Rural Action, Kristine Octrom, souligne notamment l’écart de pouvoir entre les différentes industries et sociétés concernées dans la production et la concentration de nitrates dans l’eau et celle des populations impactées.

Reçu hier — 1 décembre 2025

Superintelligence, accélérationisme, doomers, AI slop… de quoi on parle ?

1 décembre 2025 à 15:20
B.a.bIA #4
Superintelligence, accélérationisme, doomers, AI slop… de quoi on parle ?

En novembre 2022, le grand public découvrait ChatGPT. Trois ans plus tard, retour sur les mots essentiels des débats autour de l’intelligence artificielle (générative, mais pas que).

Depuis trois ans, les intelligences artificielles génératives, dont le nom est quelquefois réduit en GenAI, chamboulent le paysage numérique. Alors que les créateurs de ChatGPT soufflent la troisième bougie de l’outil, Next revient sur une série de concepts manipulés par le secteur ou ses observateurs.

Le but : mieux appréhender ce champ économique et technologique dont le développement est plébiscité par beaucoup de programmeurs, utilisé par certaines entreprises pour justifier des plans de licenciements et le gel des embauches, ou encore débattu pour son impact sur l’économie américaine et mondiale.

Intelligence artificielle générale

L’intelligence artificielle générale (IAG) est un concept débattu, supposé désigner des modèles d’IA capables de réaliser des tâches aussi bien, voire mieux que les humains. C’est de l’hypothèse de la capacité humaine à créer ce type d’objet technique et potentiellement doué de conscience ou de sensibilité que découlent de nombreuses thématiques propres aux champ de l’intelligence artificielle, de celle de la sécurité de l’IA (AI safety) au risque existentiel (x-risk) qu’une telle entité pourrait poser à l’humanité.


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Reçu avant avant-hier

☕️ Suicide après discussions avec ChatGPT : OpenAI rejette la responsabilité sur le défunt

27 novembre 2025 à 14:29

En avril 2025, Adam Raine, 16 ans, s’est suicidé. Après avoir examiné les traces de ses activités numériques, ses parents ont déposé la première plainte connue contre OpenAI.

En cause : l’historique de conversation d’Adam Raine avec ChatGPT montrait que l’adolescent avait longuement échangé avec le robot conversationnel, et commencé à chercher des méthodes de suicide dès le mois de janvier.

Adam Raine a en particulier utilisé GPT-4o, une version de l’outil dont le ton est connu pour être très affirmatif et flagorneur.

Ce 25 novembre, OpenAI a déposé devant la Cour supérieure de Californie, à San Francisco, son argumentaire relatif à l’affaire.

Elle y indique que les dommages causés à la victime sont le fait du « mésusage, de l’usage non autorisé, non voulu, imprévisible et impropre de ChatGPT ». Autrement dit, selon l’entreprise, si problème il y a eu en lien avec ChatGPT, c’est parce qu’Adam Raine n’a pas utilisé la machine correctement.

OpenAI explique notamment que, selon ses conditions d’utilisation, les internautes de moins de 18 ans ne doivent normalement pas utiliser ses outils sans le consentement d’un parent ou dépositaire de l’autorité parentale, et que le document interdit aux usagers d’utiliser les termes « suicide », « automutilation » ou de contourner toute forme de garde-fou existant. Adam Raine avait, à plusieurs reprises, indiqué chercher des informations « pour créer un personnage » afin de contourner les blocages initiaux de ChatGPT.

Auprès de NBC, l’avocat de la famille Raine qualifie cet argumentaire de « dérangeant ». Depuis cette première plainte, sept autres ont été déposées contre OpenAI et Sam Altman pour des faits similaires.

L’entreprise a publié ce 25 novembre un article de blog dans lequel elle déclare vouloir traiter les litiges relatifs à la santé mentale avec « soin, transparence et respect ». Elle précise néanmoins que sa réponse à la plainte de la famille Raine inclut des « faits difficiles relatifs à la santé mentale et aux conditions de vie d’Adam Raine ».

☕️ Suicide après discussions avec ChatGPT : OpenAI rejette la responsabilité sur le défunt

27 novembre 2025 à 14:29

En avril 2025, Adam Raine, 16 ans, s’est suicidé. Après avoir examiné les traces de ses activités numériques, ses parents ont déposé la première plainte connue contre OpenAI.

En cause : l’historique de conversation d’Adam Raine avec ChatGPT montrait que l’adolescent avait longuement échangé avec le robot conversationnel, et commencé à chercher des méthodes de suicide dès le mois de janvier.

Adam Raine a en particulier utilisé GPT-4o, une version de l’outil dont le ton est connu pour être très affirmatif et flagorneur.

Ce 25 novembre, OpenAI a déposé devant la Cour supérieure de Californie, à San Francisco, son argumentaire relatif à l’affaire.

Elle y indique que les dommages causés à la victime sont le fait du « mésusage, de l’usage non autorisé, non voulu, imprévisible et impropre de ChatGPT ». Autrement dit, selon l’entreprise, si problème il y a eu en lien avec ChatGPT, c’est parce qu’Adam Raine n’a pas utilisé la machine correctement.

OpenAI explique notamment que, selon ses conditions d’utilisation, les internautes de moins de 18 ans ne doivent normalement pas utiliser ses outils sans le consentement d’un parent ou dépositaire de l’autorité parentale, et que le document interdit aux usagers d’utiliser les termes « suicide », « automutilation » ou de contourner toute forme de garde-fou existant. Adam Raine avait, à plusieurs reprises, indiqué chercher des informations « pour créer un personnage » afin de contourner les blocages initiaux de ChatGPT.

Auprès de NBC, l’avocat de la famille Raine qualifie cet argumentaire de « dérangeant ». Depuis cette première plainte, sept autres ont été déposées contre OpenAI et Sam Altman pour des faits similaires.

L’entreprise a publié ce 25 novembre un article de blog dans lequel elle déclare vouloir traiter les litiges relatifs à la santé mentale avec « soin, transparence et respect ». Elle précise néanmoins que sa réponse à la plainte de la famille Raine inclut des « faits difficiles relatifs à la santé mentale et aux conditions de vie d’Adam Raine ».

ChatControl : le compromis du Conseil européen soulève de nouveaux problèmes

27 novembre 2025 à 13:22
One Step Beyond...
ChatControl : le compromis du Conseil européen soulève de nouveaux problèmes

Si la surveillance des messageries chiffrées serait abandonnée, les plateformes devraient scanner les messages privés à l’aide d’IA, introduire des contrôles d’âge obligatoires pour tous les utilisateurs d’Internet, et des conditions strictes risquant d’exclure les adolescents des applications dotées de fonctions de chat. Les négociations (« trilogues ») débuteront prochainement, dans le but de finaliser le texte avant avril 2026, entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen.

Après des années de débats, le Conseil européen est parvenu à une position commune sur le projet de « règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants » (Child Sexual Abuse Regulation, CSAR).

Il avait avant tout été retardé par la controverse liée à son pan numérique, et à la gestion des contenus numériques d’abus sexuels sur mineurs (Child Sexual Abuse Material, CSAM). Surnommé ChatControl par ses opposants, le projet de surveillance des messageries a finalement été abandonné au mois d’octobre.

À l’origine, il prévoyait que les forces de l’ordre puissent demander aux entreprises du numérique, plateformes chiffrées de bout en bout comprises, de scanner les échanges sur leurs outils pour repérer du CSAM.

Ce mercredi, les pays de l’Union européenne se sont finalement mis d’accord sur un texte qui supprime les ordonnances de détection obligatoire et met plutôt l’accent sur des mesures renforcées d’atténuation des risques, note Euractiv.

« Chat Control n’est pas mort, il est simplement privatisé »

Le scan volontaire de plateformes à la recherche de CSAM reste néanmoins cité comme outil possible, ce qui inquiète les défenseurs de la vie privée. L’ex-eurodéputé pirate Patrick Breyer avance en effet que « les gros titres sont trompeurs : Chat Control n’est pas mort, il est simplement privatisé » :

« Si le Conseil a supprimé l’obligation de scan, le texte convenu crée un cadre juridique toxique qui incite les géants technologiques américains à scanner sans discernement les communications privées, introduit des contrôles d’âge obligatoires pour tous les utilisateurs d’Internet et menace d’exclure les adolescents de la vie numérique. »

Il souligne que le mandat du Conseil « contraste fortement avec la position du Parlement européen, qui exige que la surveillance ne vise que les suspects et que les contrôles d’âge restent volontaires ». Cela permettrait à des fournisseurs tels que Meta ou Google de « scanner tous les chats privés, sans distinction et sans mandat judiciaire », déplore l’ex-eurodéputé.

« Vous aurez besoin d’une carte d’identité pour envoyer un message »

Le mandat autoriserait en outre le « scan de messages privés, d’images inconnues et de métadonnées à l’aide d’algorithmes et d’une intelligence artificielle ». Et ce, alors que la police fédérale allemande (BKA) a reconnu que 50 % des rapports générés dans le cadre d’un programme volontaire étaient sans intérêt sur le plan pénal, souligne Patrick Breyer :

« Nous sommes confrontés à un avenir où vous aurez besoin d’une carte d’identité pour envoyer un message et où une intelligence artificielle étrangère décidera si vos photos privées sont suspectes. Ce n’est pas une victoire pour la vie privée, c’est un désastre annoncé. »

Patrick Breyer relève en effet que pour se conformer à l’exigence du Conseil d’« identifier de manière fiable les mineurs », les fournisseurs « seront contraints de vérifier l’âge de chaque utilisateur », ce qui repose le problème du partage de documents d’identité avec des entreprises privées (au surplus états-uniennes), et du recours à la reconnaissance faciale.

Une « assignation à résidence numérique » pour les moins de 17 ans

Le texte du Conseil propose de plus d’interdire aux utilisateurs de moins de 17 ans d’utiliser des applications dotées de fonctions de chat, notamment WhatsApp, Instagram et les jeux en ligne populaires, « à moins que des conditions strictes ne soient remplies ».

Cela reviendrait à une « assignation à résidence numérique », isolant les jeunes de leurs cercles sociaux et de l’éducation numérique, déplore Patrick Breyer : « La protection par l’exclusion est un non-sens pédagogique. Au lieu de responsabiliser les adolescents, le Conseil veut les exclure complètement du monde numérique ».

Les négociations (« trilogues ») débuteront prochainement, dans le but de finaliser le texte avant avril 2026, entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen. Adoptée en novembre 2023, la position de ce dernier avait supprimé toute mention d’ordonnance de détection sur les plateformes chiffrées.

ChatControl : le compromis du Conseil européen soulève de nouveaux problèmes

27 novembre 2025 à 13:22
One Step Beyond...
ChatControl : le compromis du Conseil européen soulève de nouveaux problèmes

Si la surveillance des messageries chiffrées serait abandonnée, les plateformes devraient scanner les messages privés à l’aide d’IA, introduire des contrôles d’âge obligatoires pour tous les utilisateurs d’Internet, et des conditions strictes risquant d’exclure les adolescents des applications dotées de fonctions de chat. Les négociations (« trilogues ») débuteront prochainement, dans le but de finaliser le texte avant avril 2026, entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen.

Après des années de débats, le Conseil européen est parvenu à une position commune sur le projet de « règles en vue de prévenir et de combattre les abus sexuels sur enfants » (Child Sexual Abuse Regulation, CSAR).

Il avait avant tout été retardé par la controverse liée à son pan numérique, et à la gestion des contenus numériques d’abus sexuels sur mineurs (Child Sexual Abuse Material, CSAM). Surnommé ChatControl par ses opposants, le projet de surveillance des messageries a finalement été abandonné au mois d’octobre.

À l’origine, il prévoyait que les forces de l’ordre puissent demander aux entreprises du numérique, plateformes chiffrées de bout en bout comprises, de scanner les échanges sur leurs outils pour repérer du CSAM.

Ce mercredi, les pays de l’Union européenne se sont finalement mis d’accord sur un texte qui supprime les ordonnances de détection obligatoire et met plutôt l’accent sur des mesures renforcées d’atténuation des risques, note Euractiv.

« Chat Control n’est pas mort, il est simplement privatisé »

Le scan volontaire de plateformes à la recherche de CSAM reste néanmoins cité comme outil possible, ce qui inquiète les défenseurs de la vie privée. L’ex-eurodéputé pirate Patrick Breyer avance en effet que « les gros titres sont trompeurs : Chat Control n’est pas mort, il est simplement privatisé » :

« Si le Conseil a supprimé l’obligation de scan, le texte convenu crée un cadre juridique toxique qui incite les géants technologiques américains à scanner sans discernement les communications privées, introduit des contrôles d’âge obligatoires pour tous les utilisateurs d’Internet et menace d’exclure les adolescents de la vie numérique. »

Il souligne que le mandat du Conseil « contraste fortement avec la position du Parlement européen, qui exige que la surveillance ne vise que les suspects et que les contrôles d’âge restent volontaires ». Cela permettrait à des fournisseurs tels que Meta ou Google de « scanner tous les chats privés, sans distinction et sans mandat judiciaire », déplore l’ex-eurodéputé.

« Vous aurez besoin d’une carte d’identité pour envoyer un message »

Le mandat autoriserait en outre le « scan de messages privés, d’images inconnues et de métadonnées à l’aide d’algorithmes et d’une intelligence artificielle ». Et ce, alors que la police fédérale allemande (BKA) a reconnu que 50 % des rapports générés dans le cadre d’un programme volontaire étaient sans intérêt sur le plan pénal, souligne Patrick Breyer :

« Nous sommes confrontés à un avenir où vous aurez besoin d’une carte d’identité pour envoyer un message et où une intelligence artificielle étrangère décidera si vos photos privées sont suspectes. Ce n’est pas une victoire pour la vie privée, c’est un désastre annoncé. »

Patrick Breyer relève en effet que pour se conformer à l’exigence du Conseil d’« identifier de manière fiable les mineurs », les fournisseurs « seront contraints de vérifier l’âge de chaque utilisateur », ce qui repose le problème du partage de documents d’identité avec des entreprises privées (au surplus états-uniennes), et du recours à la reconnaissance faciale.

Une « assignation à résidence numérique » pour les moins de 17 ans

Le texte du Conseil propose de plus d’interdire aux utilisateurs de moins de 17 ans d’utiliser des applications dotées de fonctions de chat, notamment WhatsApp, Instagram et les jeux en ligne populaires, « à moins que des conditions strictes ne soient remplies ».

Cela reviendrait à une « assignation à résidence numérique », isolant les jeunes de leurs cercles sociaux et de l’éducation numérique, déplore Patrick Breyer : « La protection par l’exclusion est un non-sens pédagogique. Au lieu de responsabiliser les adolescents, le Conseil veut les exclure complètement du monde numérique ».

Les négociations (« trilogues ») débuteront prochainement, dans le but de finaliser le texte avant avril 2026, entre la Commission, le Conseil et le Parlement européen. Adoptée en novembre 2023, la position de ce dernier avait supprimé toute mention d’ordonnance de détection sur les plateformes chiffrées.

☕️ Des informaticiens créent Jmail, une boîte mail remplie des correspondances de J. Epstein

27 novembre 2025 à 11:47

Comment simplifier l’exploration du jeu de correspondances de Jeffrey Epstein rendues publiques par la United States House Committee on Oversight sous la forme de PDF difficiles à trier ?

À cette question, les informaticiens Riley Walz et Luke Igel ont proposé une réponse simple : permettre aux internautes de naviguer dans ces informations en les présentant sous la forme d’une boîte mail, en beaucoup de points similaires au service de Google qu’1,8 milliard de personnes utilisent chaque mois.

Capture d’écran de la correspondance de Jeffrey Esptein marquée d’une étoile par les internautes sur Jmail.

C’est ainsi qu’est née Jmail, la fausse boîte mail de Jeffrey Epstein, riche de plus de 2 000 messages, dans laquelle tout internaute peut marquer un message comme important (avec une étoile).

La messagerie permet aussi d’identifier des contacts réguliers, parmi lesquels l’ex-conseiller de Donald Trump Steve Bannon, l’associée d’Epstein désormais derrière les barreaux Ghislaine Maxwell, l’ancien directeur du laboratoire de recherche dédié aux nouvelles technologies MIT Media Lab Joichi Ito, ou encore le linguiste Noam Chomsky.

Pour produire cet outil, Riley Walz et Luke Igel ont notamment recouru au LLM de Google Gemini, avec lequel ils ont récupéré le contenu des pdf par reconnaissance optique des caractères (OCR), détaille PC Gamer.

Derrière chaque résultat fourni par le robot, ils permettent aux internautes de cliquer pour voir le document source.

☕️ Des informaticiens créent Jmail, une boîte mail remplie des correspondances de J. Epstein

27 novembre 2025 à 11:47

Comment simplifier l’exploration du jeu de correspondances de Jeffrey Epstein rendues publiques par la United States House Committee on Oversight sous la forme de PDF difficiles à trier ?

À cette question, les informaticiens Riley Walz et Luke Igel ont proposé une réponse simple : permettre aux internautes de naviguer dans ces informations en les présentant sous la forme d’une boîte mail, en beaucoup de points similaires au service de Google qu’1,8 milliard de personnes utilisent chaque mois.

Capture d’écran de la correspondance de Jeffrey Esptein marquée d’une étoile par les internautes sur Jmail.

C’est ainsi qu’est née Jmail, la fausse boîte mail de Jeffrey Epstein, riche de plus de 2 000 messages, dans laquelle tout internaute peut marquer un message comme important (avec une étoile).

La messagerie permet aussi d’identifier des contacts réguliers, parmi lesquels l’ex-conseiller de Donald Trump Steve Bannon, l’associée d’Epstein désormais derrière les barreaux Ghislaine Maxwell, l’ancien directeur du laboratoire de recherche dédié aux nouvelles technologies MIT Media Lab Joichi Ito, ou encore le linguiste Noam Chomsky.

Pour produire cet outil, Riley Walz et Luke Igel ont notamment recouru au LLM de Google Gemini, avec lequel ils ont récupéré le contenu des pdf par reconnaissance optique des caractères (OCR), détaille PC Gamer.

Derrière chaque résultat fourni par le robot, ils permettent aux internautes de cliquer pour voir le document source.

☕️ Le Parlement européen soutient l’âge minimal de 16 ans pour accéder aux réseaux sociaux

27 novembre 2025 à 11:00

Les parlementaires européens ont voté mercredi en faveur d’un seuil minimal de 16 ans pour accéder aux réseaux sociaux à travers l’Union.

Ils ont aussi voté en faveur de tenir Mark Zuckerberg, Elon Musk et les autres patrons de la tech personnellement responsables si leurs entreprises persistent à ne pas respecter les règles européennes en matière de protection des mineurs en ligne, rapporte Politico.

Drapeau de l'Europe

Ces positions ont été tranchées dans le cadre de la production d’un rapport sur la protection des mineurs en ligne. Les parlementaires y appellent la Commission européenne à harmoniser les limites d’âge à travers l’Union européenne, alors que de nombreux pays travaillent à mettre en place leurs propres seuils, comme la France.

Les décisions du Parlement européen pourraient aussi influencer deux textes européens à venir : la directive sur les services de médias audiovisuels et le règlement sur l’équité numérique (Digital Fairness Act).

☕️ Le Parlement européen soutient l’âge minimal de 16 ans pour accéder aux réseaux sociaux

27 novembre 2025 à 11:00

Les parlementaires européens ont voté mercredi en faveur d’un seuil minimal de 16 ans pour accéder aux réseaux sociaux à travers l’Union.

Ils ont aussi voté en faveur de tenir Mark Zuckerberg, Elon Musk et les autres patrons de la tech personnellement responsables si leurs entreprises persistent à ne pas respecter les règles européennes en matière de protection des mineurs en ligne, rapporte Politico.

Drapeau de l'Europe

Ces positions ont été tranchées dans le cadre de la production d’un rapport sur la protection des mineurs en ligne. Les parlementaires y appellent la Commission européenne à harmoniser les limites d’âge à travers l’Union européenne, alors que de nombreux pays travaillent à mettre en place leurs propres seuils, comme la France.

Les décisions du Parlement européen pourraient aussi influencer deux textes européens à venir : la directive sur les services de médias audiovisuels et le règlement sur l’équité numérique (Digital Fairness Act).

Psychoses induites par IA : le défi de sortir les internautes de leur « spirale » mentale

25 novembre 2025 à 13:42
Spirale infernale
Psychoses induites par IA : le défi de sortir les internautes de leur « spirale » mentale

Pour faire face aux psychoses générées chez certaines internautes par l’usage d’IA, des internautes canadiens et états-uniens s’organisent.

Comment faire face aux psychoses générées par l’utilisation intensive d’outils d’intelligence artificielle générative ? Alors que les plaintes pour incitation au suicide contre les constructeurs de ChatGPT, Gemini ou Replika s’accumulent, déposées par les proches de personnes qui se sont donné la mort après de longs échanges avec les robots conversationnels, la question se pose de manière toujours plus urgente.

En ligne, et depuis les États-Unis et le Canada, un groupe informel s’est construit en quelques mois pour apporter des réponses, aussi bien aux personnes victimes de ces fantasmes alimentés par les machines génératives que pour leurs proches. Son nom : « groupe de soutien Spirale » (Spiral Support Group), en référence aux « spirales » d’échanges dans lesquelles tombent certains internautes (le terme a émergé au creux des échanges en ligne, sur divers forums ou subreddit). En quelques mois, le groupe de soutien s’est formalisé, pour être administré par la récente ONG canadienne The Human Line Project, dont nous avions déjà parlé dans un précédent article.

Un serveur Discord pour « spiralers » et proches de « spiralers »

À l’origine, le groupe a été créé par quatre personnes, dont Allan Brooks, un Canadien lui-même tombé dans une spirale d’IA dont il a publiquement témoigné, et le Québécois Étienne Brisson. Ce dernier est passé à l’action après qu’un de ses proches a été hospitalisé pendant plusieurs semaines sur ordre de la Justice, après d’intenses échanges avec ChatGPT.

Auprès de Futurism, les deux hommes témoignent de l’évolution de ce groupe informel vers une organisation plus officielle réunissant désormais plus de 200 personnes, dont l’essentiel échange quotidiennement sur un serveur Discord.

Parmi elles, d’anciens « spiralers », voire des personnes hésitant encore entre croire leurs échanges avec les chatbots d’IA générative et en sortir ; la « famille et les amis », des proches de personnes tombées dans ce genre de trou du lapin (rabbit hole) d’échanges si crédibles, avec les robots, qu’ils s’en isolent du monde extérieur ; et quelques scientifiques ou professionnels de la santé mentale.

Dans un sens, l’initiative ressemble à celle de QAnon Casualties, cette communauté Reddit dédiée au soutien entre proches de personnes tombées dans la théorie QAnon. Comme du côté des mécaniques complotistes, des récits de familles déchirées par la chute progressive d’un de leurs membres dans des échanges avec un outil d’IA émergent, des proches cherchent de l’aide pour tenter de percer la carapace de récits faux ou fantasmagoriques de leurs partenaires, enfants, amis.

Dans ce contexte-ci, cela dit, difficile de ne pas penser aux récits des proches d’Adam Reine, qui s’est suicidé à 16 ans après avoir passé des semaines à échanger avec ChatGPT, de ce chercheur belge en proie à l’écoanxiété, qui, de même, s’est donné la mort après plusieurs semaines d’échanges avec la machine, ou de Sophie Riley, qui s’est suicidée à 29 ans sans qu’aucun signe avant-coureur n’ait été détecté par ses proches, mais dont les échanges avec la machine ont révélé un profond mal-être.

Psychoses orientées sciences ou spiritualité

Ces quelques exemples le dévoilent déjà : n’importe qui peut tomber dans une spirale inquiétante d’échanges avec un robot génératif, quels que soient son genre, son âge, sa catégorie socioprofessionnelle. Le plus souvent, l’internaute utilise d’abord Claude, Gemini ou ChatGPT à des fins utilitaires, puis la discussion évolue, jusqu’à ce que la machine devienne une sorte de confident.

À force d’accueillir les naufragés de ces drames psychologiques, les modérateurs du groupe de soutien Spirale discernent deux grands types de récits chez ceux qui se retrouvent emprisonnés dans leurs échanges.

Certains internautes tombent plutôt dans des délires très axés vers les sciences, technologies et mathématiques. Les discussions avec les chatbots les rendent obsédés par de potentielles découvertes mathématiques et scientifiques, qu’ils ou elles seraient seuls à avoir identifiées. Les internautes sont renforcés dans cette idée par le ton aussi affirmatif que flagorneur des machines utilisées, dont le langage mêle par ailleurs propos plausibles et références supposément savantes.

Si ce type de thèses peuvent être réfutées, l’autre grand axe de délires récurrent est plus complexe à manipuler, dans la mesure où il repose plutôt sur des mécaniques d’ordre spirituel, religieux, voire conspirationniste.

Dans tous les cas, les membres les plus actifs du groupe de soutien ont monté un groupe de discussion. L’une de leurs convictions : les personnes qui tombent dans ce type de psychoses vivent une grande solitude – et dans la plupart des cas, les retours qu’ils ou elle reçoivent en ligne tendent, trop facilement, à les décrire comme « stupides » ou « malades mentaux », ce qui n’aide pas à recréer le moindre lien.

Ni le serveur The Spiral ni son organisation mère The Human Line Project ne proposent de soutien psychologique en tant que tel. À force de travailler sur la question de ces comportements psychotiques produits par l’exposition aux IA génératives, en revanche, ils collectent des récits, des outils concrets, des articles scientifiques aussi, qui permettent, peu à peu, d’améliorer leurs réponses et leur argumentaire.

« Nous voulons simplement nous assurer que [les robots conversationnels] sont conçus de manière à ce que la sécurité, la protection et le bien-être de l’utilisateur priment sur l’engagement et la monétisation », indique Etienne Brisson.

Poursuivi en justice par plusieurs proches de personnes qui se sont donné la mort, OpenAI a indiqué plusieurs mesures et mises à jour dédiées à améliorer la sécurité des utilisateurs depuis la fin de l’été. D’après les propres chiffres de l’entreprise, au moins 0,07 % de ses usagers hebdomadaires montrent des signes de comportement maniaque ou de crise psychotique dans leurs échanges avec la machine – rapporté à ses 800 millions d’utilisateurs, un tel pourcentage équivaut à 560 000 personnes.

Vous ou vos proches rencontrez des problématiques de santé mentale liés à l’usage de ChatGPT ou d’autres outils d’IA ? Écrivez-nous à mathilde@next.ink ou actu@next.ink


Psychoses induites par IA : le défi de sortir les internautes de leur « spirale » mentale

25 novembre 2025 à 13:42
Spirale infernale
Psychoses induites par IA : le défi de sortir les internautes de leur « spirale » mentale

Pour faire face aux psychoses générées chez certaines internautes par l’usage d’IA, des internautes canadiens et états-uniens s’organisent.

Comment faire face aux psychoses générées par l’utilisation intensive d’outils d’intelligence artificielle générative ? Alors que les plaintes pour incitation au suicide contre les constructeurs de ChatGPT, Gemini ou Replika s’accumulent, déposées par les proches de personnes qui se sont donné la mort après de longs échanges avec les robots conversationnels, la question se pose de manière toujours plus urgente.

En ligne, et depuis les États-Unis et le Canada, un groupe informel s’est construit en quelques mois pour apporter des réponses, aussi bien aux personnes victimes de ces fantasmes alimentés par les machines génératives que pour leurs proches. Son nom : « groupe de soutien Spirale » (Spiral Support Group), en référence aux « spirales » d’échanges dans lesquelles tombent certains internautes (le terme a émergé au creux des échanges en ligne, sur divers forums ou subreddit). En quelques mois, le groupe de soutien s’est formalisé, pour être administré par la récente ONG canadienne The Human Line Project, dont nous avions déjà parlé dans un précédent article.

Un serveur Discord pour « spiralers » et proches de « spiralers »

À l’origine, le groupe a été créé par quatre personnes, dont Allan Brooks, un Canadien lui-même tombé dans une spirale d’IA dont il a publiquement témoigné, et le Québécois Étienne Brisson. Ce dernier est passé à l’action après qu’un de ses proches a été hospitalisé pendant plusieurs semaines sur ordre de la Justice, après d’intenses échanges avec ChatGPT.

Auprès de Futurism, les deux hommes témoignent de l’évolution de ce groupe informel vers une organisation plus officielle réunissant désormais plus de 200 personnes, dont l’essentiel échange quotidiennement sur un serveur Discord.

Parmi elles, d’anciens « spiralers », voire des personnes hésitant encore entre croire leurs échanges avec les chatbots d’IA générative et en sortir ; la « famille et les amis », des proches de personnes tombées dans ce genre de trou du lapin (rabbit hole) d’échanges si crédibles, avec les robots, qu’ils s’en isolent du monde extérieur ; et quelques scientifiques ou professionnels de la santé mentale.

Dans un sens, l’initiative ressemble à celle de QAnon Casualties, cette communauté Reddit dédiée au soutien entre proches de personnes tombées dans la théorie QAnon. Comme du côté des mécaniques complotistes, des récits de familles déchirées par la chute progressive d’un de leurs membres dans des échanges avec un outil d’IA émergent, des proches cherchent de l’aide pour tenter de percer la carapace de récits faux ou fantasmagoriques de leurs partenaires, enfants, amis.

Dans ce contexte-ci, cela dit, difficile de ne pas penser aux récits des proches d’Adam Reine, qui s’est suicidé à 16 ans après avoir passé des semaines à échanger avec ChatGPT, de ce chercheur belge en proie à l’écoanxiété, qui, de même, s’est donné la mort après plusieurs semaines d’échanges avec la machine, ou de Sophie Riley, qui s’est suicidée à 29 ans sans qu’aucun signe avant-coureur n’ait été détecté par ses proches, mais dont les échanges avec la machine ont révélé un profond mal-être.

Psychoses orientées sciences ou spiritualité

Ces quelques exemples le dévoilent déjà : n’importe qui peut tomber dans une spirale inquiétante d’échanges avec un robot génératif, quels que soient son genre, son âge, sa catégorie socioprofessionnelle. Le plus souvent, l’internaute utilise d’abord Claude, Gemini ou ChatGPT à des fins utilitaires, puis la discussion évolue, jusqu’à ce que la machine devienne une sorte de confident.

À force d’accueillir les naufragés de ces drames psychologiques, les modérateurs du groupe de soutien Spirale discernent deux grands types de récits chez ceux qui se retrouvent emprisonnés dans leurs échanges.

Certains internautes tombent plutôt dans des délires très axés vers les sciences, technologies et mathématiques. Les discussions avec les chatbots les rendent obsédés par de potentielles découvertes mathématiques et scientifiques, qu’ils ou elles seraient seuls à avoir identifiées. Les internautes sont renforcés dans cette idée par le ton aussi affirmatif que flagorneur des machines utilisées, dont le langage mêle par ailleurs propos plausibles et références supposément savantes.

Si ce type de thèses peuvent être réfutées, l’autre grand axe de délires récurrent est plus complexe à manipuler, dans la mesure où il repose plutôt sur des mécaniques d’ordre spirituel, religieux, voire conspirationniste.

Dans tous les cas, les membres les plus actifs du groupe de soutien ont monté un groupe de discussion. L’une de leurs convictions : les personnes qui tombent dans ce type de psychoses vivent une grande solitude – et dans la plupart des cas, les retours qu’ils ou elle reçoivent en ligne tendent, trop facilement, à les décrire comme « stupides » ou « malades mentaux », ce qui n’aide pas à recréer le moindre lien.

Ni le serveur The Spiral ni son organisation mère The Human Line Project ne proposent de soutien psychologique en tant que tel. À force de travailler sur la question de ces comportements psychotiques produits par l’exposition aux IA génératives, en revanche, ils collectent des récits, des outils concrets, des articles scientifiques aussi, qui permettent, peu à peu, d’améliorer leurs réponses et leur argumentaire.

« Nous voulons simplement nous assurer que [les robots conversationnels] sont conçus de manière à ce que la sécurité, la protection et le bien-être de l’utilisateur priment sur l’engagement et la monétisation », indique Etienne Brisson.

Poursuivi en justice par plusieurs proches de personnes qui se sont donné la mort, OpenAI a indiqué plusieurs mesures et mises à jour dédiées à améliorer la sécurité des utilisateurs depuis la fin de l’été. D’après les propres chiffres de l’entreprise, au moins 0,07 % de ses usagers hebdomadaires montrent des signes de comportement maniaque ou de crise psychotique dans leurs échanges avec la machine – rapporté à ses 800 millions d’utilisateurs, un tel pourcentage équivaut à 560 000 personnes.

Vous ou vos proches rencontrez des problématiques de santé mentale liés à l’usage de ChatGPT ou d’autres outils d’IA ? Écrivez-nous à mathilde@next.ink ou actu@next.ink


☕️ États-Unis : Amazon licencie plus de 1 800 ingénieurs

25 novembre 2025 à 09:23

Des employés de tous les départements d’Amazon sont concernés par la vague historique de 14 000 licenciements que celle-ci annonçait fin octobre. 


Si tous les détails ne sont pas encore publics, CNBC constate que parmi les 4 700 personnes qui devraient se retrouver privées de leur emploi dans les États américains de New York, de Californie, du New Jersey et de Washington, plus de 40 % occupent des postes d’ingénieurs.

Le CEO d’Amazon Andy Jassy se décrit en mission pour faire de l’entreprise fondée par Jeff Bezos la « plus grande startup du monde ».

Il déclare compter sur ces licenciements pour rendre le groupe moins bureaucratique et plus rapide.

L’entreprise a par ailleurs indiqué allouer une large part de ses ressources à l’investissement dans l’intelligence artificielle.

Outre les emplois d’ingénieurs logiciels, Amazon a notamment visé son département dédié au jeu vidéo. L’entreprise réduit aussi ses équipes dédiées à la recherche visuelle (Amazon Lens et Lens Live), des services pourtant récents qui permettent d’identifier des produits à partir de la caméra de son téléphone ou de photos prises au préalable.

Même les équipes spécialisées dans la publicité en ligne, l’une des activités les plus rentables d’Amazon, ont vu leurs équipes partiellement réduites.

Par ces licenciements, Amazon rejoint la liste des sociétés de l’industrie numérique qui réduisent leurs effectifs depuis la fin des confinements liés à la pandémie de Covid-19.

Aux États-Unis, le site Layoffs.fyi a repéré plus de 114 000 licenciements depuis le début de l’année 2025.

☕️ États-Unis : Amazon licencie plus de 1 800 ingénieurs

25 novembre 2025 à 09:23

Des employés de tous les départements d’Amazon sont concernés par la vague historique de 14 000 licenciements que celle-ci annonçait fin octobre. 


Si tous les détails ne sont pas encore publics, CNBC constate que parmi les 4 700 personnes qui devraient se retrouver privées de leur emploi dans les États américains de New York, de Californie, du New Jersey et de Washington, plus de 40 % occupent des postes d’ingénieurs.

Le CEO d’Amazon Andy Jassy se décrit en mission pour faire de l’entreprise fondée par Jeff Bezos la « plus grande startup du monde ».

Il déclare compter sur ces licenciements pour rendre le groupe moins bureaucratique et plus rapide.

L’entreprise a par ailleurs indiqué allouer une large part de ses ressources à l’investissement dans l’intelligence artificielle.

Outre les emplois d’ingénieurs logiciels, Amazon a notamment visé son département dédié au jeu vidéo. L’entreprise réduit aussi ses équipes dédiées à la recherche visuelle (Amazon Lens et Lens Live), des services pourtant récents qui permettent d’identifier des produits à partir de la caméra de son téléphone ou de photos prises au préalable.

Même les équipes spécialisées dans la publicité en ligne, l’une des activités les plus rentables d’Amazon, ont vu leurs équipes partiellement réduites.

Par ces licenciements, Amazon rejoint la liste des sociétés de l’industrie numérique qui réduisent leurs effectifs depuis la fin des confinements liés à la pandémie de Covid-19.

Aux États-Unis, le site Layoffs.fyi a repéré plus de 114 000 licenciements depuis le début de l’année 2025.

Candace Owens et Pavel Durov relaient des thèses complotistes sur le couple Macron

24 novembre 2025 à 16:06
Candace et Pavel sont dans une chambre d'écho
Candace Owens et Pavel Durov relaient des thèses complotistes sur le couple Macron

Sur X, l’influenceuse pro-Trump Candace Owens et le cofondateur de Telegram Pavel Durov diffusent des thèses complotistes relatives au couple Macron, sur fond de démêlés avec la Justice.

Depuis qu’il a été arrêté à la sortie de l’avion, à l’été 2024, pour douze chefs d’accusation, le patron de Telegram a une dent contre la France. Cette irritation s’était jusqu’ici traduite surtout par des prises de parole sur son propre réseau social, quelquefois au prix de notifications intempestives sur les appareils d’usagers n’ayant rien demandé.

En cette fin novembre, la prise de position de Pavel Durov prend un nouveau tour, dans la mesure où il relaie les thèses de Candace Owens.

Forte de 7,4 millions d’abonnés sur X, l’influenceuse pro-Trump est poursuivie par le couple Macron devant la Justice américaine pour avoir donné une résonance internationale aux thèses transphobes et misogynes visant Brigitte Macron.

La thèse des tueurs du couple Macron

Dans une publication du 22 novembre, celle-ci affirme avoir « été contactée par un employé haut placé du gouvernement » dont elle ne donne pas le nom, selon lequel le couple Macron aurait payé pour qu’une petite équipe du GIGN l’assassine. Ce faisant, elle reprend une thèse complotiste préexistante, selon laquelle le couple Macron aurait constitué une « armée de tueurs à gages » de « 40 à 50 assassins professionnels » dédiés à supprimer leurs opposants politiques.

Le média Les Surligneurs retrace l’origine de cette théorie à une publication de la Foundation to Battle Injustice, dont l’acronyme FBI peut prêter à confusion. D’après des travaux de l’université de Clemson et de Viginum sur l’opération de désinformation russe Storm-1516, cette entité a été créée par l’ex-directeur de la milice privée russe Wagner, Evgueni Prigojine.

Parmi les autres éléments de sa publication, Candace Owens affirme que l’assassin du soutien de Trump Charlie Kirk aurait été entraîné au sein de la Légion étrangère. Elle déclare enfin que la vie de Xavier Poussard serait elle aussi en danger. Ne rentrant plus en France depuis son signalement pour « appel à la haine en raison de la race ou de la religion », ce dernier est l’auteur du livre de désinformation Devenir Brigitte auquel Candace Owens a donné une audience internationale.

En appelant ses lecteurs à « RETWEET et partager », Candace Owens cultive la circulation de ses propos : au 24 novembre, sa publication dépassait les 95 000 retweets, 211 000 likes et 30 000 sauvegardes.

Pavel Durov amplifie la thèse

Suivi par 2,6 millions de personnes sur X, et aux prises avec ses propres démêlés avec la Justice française, Pavel Durov participe de manière non négligeable à cette circulation.

« Après avoir repris tout ce que Charlie Kirk a jamais dit sur la France de Macron, je trouve l’information de Candace sur l’implication de la France dans sa mort entièrement plausible », déclare-t-il. Et de citer, en guise de preuve, le fait que l’activiste d’extrême droite s’était prononcé en faveur de taxes douanières de 300 % contre la France – dans un contexte où l’essentiel des pays du monde étaient ciblés par les menaces de taxes de Donald Trump. Plus loin, Pavel Durov qualifie Charlie Kirk de « héros ».

Cette saillie fait suite à une série de prises de parole de l’entrepreneur, notamment depuis sa propre application, dans lesquelles il mettait en cause les capacités de la Justice ou du gouvernement français. Fin octobre, il alimentait même cette communication par le partage d’un mini-jeu dans lequel les internautes devaient incarner Pavel Durov s’échappant d’une prison française.

Ce 13 novembre, la Justice française levait l’interdiction de voyager qui empêchait Pavel Durov de se déplacer ailleurs qu’entre son logement dubaïote et le commissariat de police de Nice.

Des comptes influents pilotés depuis l’étranger ? Une fonctionnalité de X sème le doute

24 novembre 2025 à 15:29
T'es où ?
Des comptes influents pilotés depuis l’étranger ? Une fonctionnalité de X sème le doute

Une nouvelle fonctionnalité de X présentant les informations de création et de localisation des comptes semble dévoiler l’ampleur de l’ingérence à l’œuvre derrière, notamment, les discussions MAGA et d’extrême droite. Mais les informations présentées par le réseau social restent à prendre avec des pincettes.

Le 21 novembre, X publiait une nouvelle fonctionnalité dédiée à fournir plus de transparence sur les usagers. Nommé « À propos de ce compte », l’outil permet, en cliquant ou survolant la date d’inscription d’un compte X, d’obtenir plus d’informations sur son nombre de modifications de nom d’utilisateur, via quel outil (web ou magasin d’applications) l’internaute se connecte, et, au moins théoriquement, la région du monde d’où il ou elle se connecte.

Dans les heures qui ont suivi sa mise en ligne, de nombreuses personnes se sont lancées dans la vérification de divers comptes très actifs sur le réseau social d’Elon Musk. Depuis les États-Unis, ceci a notamment permis de constater que certains comptes MAGA (Make America Great Again, le mouvement de soutien à Donald Trump) très suivis étaient localisés en Russie, en Inde ou au Nigeria. De même en France, des comptes d’apparence « patriote », ou d’extrême droite, parfois suivis par plusieurs dizaines de milliers de comptes, apparaissent localisés au Sénégal.

Pour autant, chacune de ces informations reste à prendre avec des pincettes. Comme le montrent nos tests réalisés sur les comptes de journalistes de la rédaction, le fonctionnement de l’outil déployé par X reste fragile.

Des VPN et des magasins d’applications

Commençons donc par le compte de Jean-Marc Manach. Depuis sa bio, nous apprenons qu’il a rejoint Twitter en 2008, qu’il utilise l’application téléchargée depuis un smartphone sous Android, et que son compte est basé en France. Jean-Marc souligne que dans les faits, il consulte « d’abord et avant tout X en mode desktop web ».

Le petit « i », pour « information », à la droite de sa géolocalisation ? En cliquant, nous obtenons le message suivant.

Capture d’écran des informations de localisation fournies par X : « Le pays ou la région dans lequel un compte est installé peut être touché par de récents voyages ou une relocalisation temporaire. Ces données peuvent être inexactes et changer périodiquement. »

Le compte de l’autrice de ces lignes présente des informations un peu plus atypiques. D’une part, on y apprend que j’ai changé trois fois de handle. La localisation indique quant à elle « États-Unis », alors même que j’écris ces lignes depuis la France métropolitaine.

Ceci s’explique probablement par le fait que je ne recours à X que depuis mon navigateur, lui-même derrière un VPN (virtual private network) en France qui me permet d’accéder à différents outils de travail. À côté de la géolocalisation faussée, le symbole « information » n’est d’ailleurs plus entouré d’un simple cercle, mais d’un symbole de bouclier. Lorsqu’on clique, le message n’est pas exactement le même que dans le cas précédent.

Capture d’écran des informations de localisation fournies par X : « L’un de nos partenaires a indiqué que ce compte se connecter peut-être via un proxy – comme un VPN (…) Ces données peuvent être inexactes. Certains fournisseurs internet utilisent des proxies automatiquement, sans action de leurs utilisateurs. (…) »

Comptes d’extrême droite pilotés depuis l’extérieur ?

Malgré ces aléas, l’exposition des informations d’un autre compte a permis de suggérer que des comptes MAGA très suivis étaient pilotés depuis divers pays étrangers, à commencer par la Russie, l’Inde et le Nigeria. De fait, ces différents pays sont connus pour leurs opérations d’ingérence ou pour héberger des fermes à trolls, dont l’objet consiste à simuler des activités légitimes en ligne à des fins financières, politiques, ou les deux à la fois.

Tous n’ont pas nécessairement une très forte audience. Mais quelques-uns, comme le compte @MAGANationX, suivi par plus de 392 000 comptes, ou @IvankaNews_, suivi par plus d’un million de comptes, attirent particulièrement l’attention. Créé en avril 2024, le premier serait localisé en Europe de l’Est, « (hors de l’Union européenne) », selon les informations présentées par X. Vieux de 15 ans, le second serait quant à lui installé au Nigeria.

Dans le même ordre d’idées, @America_First0, suivi par plus de 67 000 comptes X, a beau donner l’image d’une Américaine convaincue par Trump, ses informations le localisent au Bangladesh.

Après ces premiers exemples, la pratique d’exposition des informations de compte s’est répandue à toute vitesse, comme une de ces tendances (trends) classiques des cultures numériques. Elle a donné lieu à des passes d’armes pleines d’insinuations entre, par exemple, le « lobby américain pro-israël » AIPAC et divers internautes. À ses 187 000 followers, le premier publie l’information selon laquelle le compte @palestine serait installé en Australie, avec pour simple légende « Oh. ». En réponse, de petits comptes comme @crawlings13 répondent, ironiquement : « Vous ne devinerez jamais la raison pour laquelle tant de comptes palestiniens sont situés en dehors de la Palestine. »

En France, de même, quantité d’utilisateurs explorent les comptes des uns et des autres. D’après X, « @cestpasdeslol_x » (84,3 K abonnés) est par exemple basé au Maroc. Autodécrit comme « spécialisé dans les faits divers en France », le profil est qualifié de « compte favori de la patriosphère xénophobe » par le maître de conférences spécialiste des cultures numériques Tristan Mendès-France, qui s’amuse de sa potentielle localisation outre-Méditerranée. Plus radical, le compte @Henri2Turenne, suivi par plus de 20 000 personnes et affichant les drapeaux français, russe et du Vatican, a été pris à parti après que X a indiqué sa localisation au Sénégal. Ce 24 novembre, le compte avait été supprimé, quand bien même divers utilisateurs plaidaient son possible recours à un VPN.

Directeur produit chez X, Nikita Bier décrivait le 22 novembre au soir le déploiement de la fonction « à propos de ce compte » comme « un premier pas important pour sécuriser l’intégrité de cet espace public mondial ». Dans les jours qui précédaient le lancement de la fonctionnalité, divers défenseurs des droits numériques avaient critiqué le projet de X, considérant le nouvel outil comme une attaque contre les internautes qui recouraient à la plateforme depuis des VPN.

Mais plutôt que de se pencher sur cette question, nombreux sont les usagers qui se sont emparés de la fonctionnalité pour tenter de démontrer l’ampleur des ingérences étrangères dans leurs débats en ligne. Tant que la stabilité de l’outil n’est pas assurée, cela dit, difficile de dresser des conclusions solides.

Alors que plusieurs usagers se plaignaient de l’inexactitude des informations relatives à leur compte, Nikita Bier convenait d’ailleurs que « les informations ne sont pas 100 % exactes pour les vieux comptes » et prévoyait que certains dysfonctionnements devraient être résolus « d’ici mardi », c’est-à-dire, a priori, ce 25 novembre.

Il précise par ailleurs : « Si des données sont incorrectes, elles seront mises à jour périodiquement en s’appuyant sur les meilleures données disponibles. » Un processus qu’il déclare organisé de manière « différée et aléatoire », pour « préserver la vie privée ».

Candace Owens et Pavel Durov relaient des thèses complotistes sur le couple Macron

24 novembre 2025 à 16:06
Candace et Pavel sont dans une chambre d'écho
Candace Owens et Pavel Durov relaient des thèses complotistes sur le couple Macron

Sur X, l’influenceuse pro-Trump Candace Owens et le cofondateur de Telegram Pavel Durov diffusent des thèses complotistes relatives au couple Macron, sur fond de démêlés avec la Justice.

Depuis qu’il a été arrêté à la sortie de l’avion, à l’été 2024, pour douze chefs d’accusation, le patron de Telegram a une dent contre la France. Cette irritation s’était jusqu’ici traduite surtout par des prises de parole sur son propre réseau social, quelquefois au prix de notifications intempestives sur les appareils d’usagers n’ayant rien demandé.

En cette fin novembre, la prise de position de Pavel Durov prend un nouveau tour, dans la mesure où il relaie les thèses de Candace Owens.

Forte de 7,4 millions d’abonnés sur X, l’influenceuse pro-Trump est poursuivie par le couple Macron devant la Justice américaine pour avoir donné une résonance internationale aux thèses transphobes et misogynes visant Brigitte Macron.

La thèse des tueurs du couple Macron

Dans une publication du 22 novembre, celle-ci affirme avoir « été contactée par un employé haut placé du gouvernement » dont elle ne donne pas le nom, selon lequel le couple Macron aurait payé pour qu’une petite équipe du GIGN l’assassine. Ce faisant, elle reprend une thèse complotiste préexistante, selon laquelle le couple Macron aurait constitué une « armée de tueurs à gages » de « 40 à 50 assassins professionnels » dédiés à supprimer leurs opposants politiques.

Le média Les Surligneurs retrace l’origine de cette théorie à une publication de la Foundation to Battle Injustice, dont l’acronyme FBI peut prêter à confusion. D’après des travaux de l’université de Clemson et de Viginum sur l’opération de désinformation russe Storm-1516, cette entité a été créée par l’ex-directeur de la milice privée russe Wagner, Evgueni Prigojine.

Parmi les autres éléments de sa publication, Candace Owens affirme que l’assassin du soutien de Trump Charlie Kirk aurait été entraîné au sein de la Légion étrangère. Elle déclare enfin que la vie de Xavier Poussard serait elle aussi en danger. Ne rentrant plus en France depuis son signalement pour « appel à la haine en raison de la race ou de la religion », ce dernier est l’auteur du livre de désinformation Devenir Brigitte auquel Candace Owens a donné une audience internationale.

En appelant ses lecteurs à « RETWEET et partager », Candace Owens cultive la circulation de ses propos : au 24 novembre, sa publication dépassait les 95 000 retweets, 211 000 likes et 30 000 sauvegardes.

Pavel Durov amplifie la thèse

Suivi par 2,6 millions de personnes sur X, et aux prises avec ses propres démêlés avec la Justice française, Pavel Durov participe de manière non négligeable à cette circulation.

« Après avoir repris tout ce que Charlie Kirk a jamais dit sur la France de Macron, je trouve l’information de Candace sur l’implication de la France dans sa mort entièrement plausible », déclare-t-il. Et de citer, en guise de preuve, le fait que l’activiste d’extrême droite s’était prononcé en faveur de taxes douanières de 300 % contre la France – dans un contexte où l’essentiel des pays du monde étaient ciblés par les menaces de taxes de Donald Trump. Plus loin, Pavel Durov qualifie Charlie Kirk de « héros ».

Cette saillie fait suite à une série de prises de parole de l’entrepreneur, notamment depuis sa propre application, dans lesquelles il mettait en cause les capacités de la Justice ou du gouvernement français. Fin octobre, il alimentait même cette communication par le partage d’un mini-jeu dans lequel les internautes devaient incarner Pavel Durov s’échappant d’une prison française.

Ce 13 novembre, la Justice française levait l’interdiction de voyager qui empêchait Pavel Durov de se déplacer ailleurs qu’entre son logement dubaïote et le commissariat de police de Nice.

Des comptes influents pilotés depuis l’étranger ? Une fonctionnalité de X sème le doute

24 novembre 2025 à 15:29
T'es où ?
Des comptes influents pilotés depuis l’étranger ? Une fonctionnalité de X sème le doute

Une nouvelle fonctionnalité de X présentant les informations de création et de localisation des comptes semble dévoiler l’ampleur de l’ingérence à l’œuvre derrière, notamment, les discussions MAGA et d’extrême droite. Mais les informations présentées par le réseau social restent à prendre avec des pincettes.

Le 21 novembre, X publiait une nouvelle fonctionnalité dédiée à fournir plus de transparence sur les usagers. Nommé « À propos de ce compte », l’outil permet, en cliquant ou survolant la date d’inscription d’un compte X, d’obtenir plus d’informations sur son nombre de modifications de nom d’utilisateur, via quel outil (web ou magasin d’applications) l’internaute se connecte, et, au moins théoriquement, la région du monde d’où il ou elle se connecte.

Dans les heures qui ont suivi sa mise en ligne, de nombreuses personnes se sont lancées dans la vérification de divers comptes très actifs sur le réseau social d’Elon Musk. Depuis les États-Unis, ceci a notamment permis de constater que certains comptes MAGA (Make America Great Again, le mouvement de soutien à Donald Trump) très suivis étaient localisés en Russie, en Inde ou au Nigeria. De même en France, des comptes d’apparence « patriote », ou d’extrême droite, parfois suivis par plusieurs dizaines de milliers de comptes, apparaissent localisés au Sénégal.

Pour autant, chacune de ces informations reste à prendre avec des pincettes. Comme le montrent nos tests réalisés sur les comptes de journalistes de la rédaction, le fonctionnement de l’outil déployé par X reste fragile.

Des VPN et des magasins d’applications

Commençons donc par le compte de Jean-Marc Manach. Depuis sa bio, nous apprenons qu’il a rejoint Twitter en 2008, qu’il utilise l’application téléchargée depuis un smartphone sous Android, et que son compte est basé en France. Jean-Marc souligne que dans les faits, il consulte « d’abord et avant tout X en mode desktop web ».

Le petit « i », pour « information », à la droite de sa géolocalisation ? En cliquant, nous obtenons le message suivant.

Capture d’écran des informations de localisation fournies par X : « Le pays ou la région dans lequel un compte est installé peut être touché par de récents voyages ou une relocalisation temporaire. Ces données peuvent être inexactes et changer périodiquement. »

Le compte de l’autrice de ces lignes présente des informations un peu plus atypiques. D’une part, on y apprend que j’ai changé trois fois de handle. La localisation indique quant à elle « États-Unis », alors même que j’écris ces lignes depuis la France métropolitaine.

Ceci s’explique probablement par le fait que je ne recours à X que depuis mon navigateur, lui-même derrière un VPN (virtual private network) en France qui me permet d’accéder à différents outils de travail. À côté de la géolocalisation faussée, le symbole « information » n’est d’ailleurs plus entouré d’un simple cercle, mais d’un symbole de bouclier. Lorsqu’on clique, le message n’est pas exactement le même que dans le cas précédent.

Capture d’écran des informations de localisation fournies par X : « L’un de nos partenaires a indiqué que ce compte se connecter peut-être via un proxy – comme un VPN (…) Ces données peuvent être inexactes. Certains fournisseurs internet utilisent des proxies automatiquement, sans action de leurs utilisateurs. (…) »

Comptes d’extrême droite pilotés depuis l’extérieur ?

Malgré ces aléas, l’exposition des informations d’un autre compte a permis de suggérer que des comptes MAGA très suivis étaient pilotés depuis divers pays étrangers, à commencer par la Russie, l’Inde et le Nigeria. De fait, ces différents pays sont connus pour leurs opérations d’ingérence ou pour héberger des fermes à trolls, dont l’objet consiste à simuler des activités légitimes en ligne à des fins financières, politiques, ou les deux à la fois.

Tous n’ont pas nécessairement une très forte audience. Mais quelques-uns, comme le compte @MAGANationX, suivi par plus de 392 000 comptes, ou @IvankaNews_, suivi par plus d’un million de comptes, attirent particulièrement l’attention. Créé en avril 2024, le premier serait localisé en Europe de l’Est, « (hors de l’Union européenne) », selon les informations présentées par X. Vieux de 15 ans, le second serait quant à lui installé au Nigeria.

Dans le même ordre d’idées, @America_First0, suivi par plus de 67 000 comptes X, a beau donner l’image d’une Américaine convaincue par Trump, ses informations le localisent au Bangladesh.

Après ces premiers exemples, la pratique d’exposition des informations de compte s’est répandue à toute vitesse, comme une de ces tendances (trends) classiques des cultures numériques. Elle a donné lieu à des passes d’armes pleines d’insinuations entre, par exemple, le « lobby américain pro-israël » AIPAC et divers internautes. À ses 187 000 followers, le premier publie l’information selon laquelle le compte @palestine serait installé en Australie, avec pour simple légende « Oh. ». En réponse, de petits comptes comme @crawlings13 répondent, ironiquement : « Vous ne devinerez jamais la raison pour laquelle tant de comptes palestiniens sont situés en dehors de la Palestine. »

En France, de même, quantité d’utilisateurs explorent les comptes des uns et des autres. D’après X, « @cestpasdeslol_x » (84,3 K abonnés) est par exemple basé au Maroc. Autodécrit comme « spécialisé dans les faits divers en France », le profil est qualifié de « compte favori de la patriosphère xénophobe » par le maître de conférences spécialiste des cultures numériques Tristan Mendès-France, qui s’amuse de sa potentielle localisation outre-Méditerranée. Plus radical, le compte @Henri2Turenne, suivi par plus de 20 000 personnes et affichant les drapeaux français, russe et du Vatican, a été pris à parti après que X a indiqué sa localisation au Sénégal. Ce 24 novembre, le compte avait été supprimé, quand bien même divers utilisateurs plaidaient son possible recours à un VPN.

Directeur produit chez X, Nikita Bier décrivait le 22 novembre au soir le déploiement de la fonction « à propos de ce compte » comme « un premier pas important pour sécuriser l’intégrité de cet espace public mondial ». Dans les jours qui précédaient le lancement de la fonctionnalité, divers défenseurs des droits numériques avaient critiqué le projet de X, considérant le nouvel outil comme une attaque contre les internautes qui recouraient à la plateforme depuis des VPN.

Mais plutôt que de se pencher sur cette question, nombreux sont les usagers qui se sont emparés de la fonctionnalité pour tenter de démontrer l’ampleur des ingérences étrangères dans leurs débats en ligne. Tant que la stabilité de l’outil n’est pas assurée, cela dit, difficile de dresser des conclusions solides.

Alors que plusieurs usagers se plaignaient de l’inexactitude des informations relatives à leur compte, Nikita Bier convenait d’ailleurs que « les informations ne sont pas 100 % exactes pour les vieux comptes » et prévoyait que certains dysfonctionnements devraient être résolus « d’ici mardi », c’est-à-dire, a priori, ce 25 novembre.

Il précise par ailleurs : « Si des données sont incorrectes, elles seront mises à jour périodiquement en s’appuyant sur les meilleures données disponibles. » Un processus qu’il déclare organisé de manière « différée et aléatoire », pour « préserver la vie privée ».

La Commission publie son projet d’omnibus numérique dans un contexte tendu

20 novembre 2025 à 07:28
Simplifier les droits humains
La Commission publie son projet d’omnibus numérique dans un contexte tendu

La Commission européenne publie ce 19 novembre un paquet législatif « digital omnibus » déjà largement critiqué. Next fait le point.

Fin janvier 2025, la Commission européenne présentait sa « boussole pour la compétitivité ». Inspirée du rapport de l’économiste italien et ex-président de la Banque centrale européenne (BCE) Mario Draghi sur la compétitivité européenne, la feuille de route prévoyait d’emblée de provoquer un « choc de simplification » administrative pour les entreprises européennes. But affiché : « réduire de 25 % les charges administratives, et de 35 % celles pesant sur les petites et moyennes entreprises » d’ici 2029, sans préciser la manière de calculer cet allégement.

Ce 19 novembre, la Commission publie donc son paquet législatif « digital omnibus », dédié au numérique. Concrètement, elle publie un jeu de propositions dédié à amender des textes déjà en vigueur, dont le Règlement général sur la protection des données (RGPD), la directive e-Privacy (pour simplifier l’utilisation des bandeaux de consentement aux cookies), celle sur la sécurité des réseaux et des systèmes d’information (NIS 2) ou encore le règlement sur la résilience opérationnelle numérique (DORA). Celui-ci s’accompagne d’une proposition d’« omnibus numérique sur le règlement sur l’intelligence artificielle », dédié à l’implémentation encore en cours du règlement sur l’intelligence artificielle (RIA ou AI Act) – le texte est entré en vigueur en août 2024, mais certaines de ses dispositions ne doivent devenir applicables qu’à partir de 2026 voire 2027.

Mais les propositions se font dans un contexte électrique. Le 13 novembre, une alliance inédite de la droite et de l’extrême-droite au Parlement européen a voté la réduction de plusieurs autres mesures (réunies au sein du paquet législatif « Omnibus I »), plus directement liées au Pacte vert (Green deal) européen, mais susceptibles de concerner aussi divers acteurs numériques. Le contenu du digital omnibus, lui, a fuité depuis une dizaine de jours, suscitant les critiques de multiples défenseurs des droits numériques ainsi que des groupes politiques de gauche et du centre.

Attaque « accélérée » du RGPD

Au cœur de leurs préoccupations : l’« attaque accélérée », comme la qualifie l’association noyb, portée contre des éléments essentiels du RGPD, à commencer par la définition des données à caractère personnel.

« Nous sommes aussi inquiets du processus législatif adopté que de son contenu », déclare la spécialiste de la protection des données auprès de la European Digital Rights (EDRi) Itxaso Domínguez. Aux côtés de 126 organisations de la société civile, l’EDRi publiait la semaine passée une lettre ouverte appelant la Commission à « protéger des libertés numériques durement gagnées ».


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