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Reçu aujourd’hui — 9 décembre 2025

Les vraies menaces contre le vivant

9 décembre 2025 à 05:52

La crise affectant la biodiversité est réelle, massive, et l’endiguer doit être une priorité. Mais encore faut-il bien identifier les raisons de ce déclin. Or, celles qui sont mises en avant sont souvent très loin d’être les plus délétères. Au risque d’aggraver le problème.

Arrêtez cette lecture et réfléchissez-y un instant : quel serait votre top 5 des causes de la crise de la biodiversité ? Vous l’avez ? Eh bien… vérifions cela. Avec, pourquoi pas, quelques surprises à la clé…

N°5 : Le réchauffement climatique (6%)

Vous l’imaginiez certainement plus haut, pourtant le réchauffement climatique n’arrive qu’en cinquième et dernière position. Un résultat en partie en trompe-l’œil, car pour beaucoup de chercheurs, ilpourrait bientôt devenir la cause principale du déclin biologique si l’humanité ne parvient pas à freiner sa progression.

Ses effets sur la biodiversité sont multiples. La plupart des espèces réagissent en migrant vers des latitudes ou des altitudes plus hautes, mais toutes n’en ont pas la possibilité. Les espèces peu mobiles, comme certaines plantes, sont particulièrement vulnérables. D’autres sont littéralement prises au piège dans leur milieu. C’est le cas de l’edelweiss, emblème des montagnes européennes, qui, ne pouvant plus migrer plus haut, est aujourd’hui menacé par le réchauffement du climat alpin.

Et même pour celles qui migrent, l’histoire n’est pas forcément heureuse. Ces déplacements bouleversent les chaînes alimentaires et provoquent des déséquilibres écologiques. Dans l’Arctique, par exemple, la migration vers le nord du cabillaud — un poisson prédateur — met à mal les espèces locales. En se nourrissant de juvéniles de morue polaire ou de lycodes arctiques, il exerce une pression nouvelle sur leurs populations tout en entrant en compétition avec d’autres prédateurs comme le flétan. Résultat : une perturbation en cascade de tout l’écosystème, jusqu’aux oiseaux marins et aux phoques.

Le réchauffement perturbe aussi le rythme du vivant. En modifiant la saisonnalité, il désynchronise les relations entre espèces. En Suisse romande, le gobemouche noir en fait les frais. Cet oiseau migrateur arrive chaque printemps pour nourrir ses petits avec des chenilles… mais celles-ci éclosent désormais plus tôt, à cause de la hausse des températures. Quand les oisillons naissent, le pic de nourriture est déjà passé. Ce décalage temporel, ou « mismatch », entraîne un effondrement du succès reproducteur et, à terme, menace la population.

Enfin, les océans subissent particulièrement les conséquences du réchauffement, notamment à travers les « canicules marines » — de véritables vagues de chaleur qui déciment des populations entières. Couplées à l’acidification des eaux, provoquée par l’excès de CO₂ absorbé, elles déclenchent le blanchiment massif des coraux, piliers de la biodiversité océanique. Plus de 40% des espèces coralliennes sont ainsi menacées d’extinction selon la liste rouge de l’UICN.

N°4 : La pollution (7%)

Vous la pensiez elle aussi certainement beaucoup plus haut. Son impact reste cependant très significatif.

Quand on parle de pollution, on pense d’abord à la pollution chimique des milieux naturels. Celle de l’air, notamment : l’ozone troposphérique, produit indirectement par les activités humaines (combustions, solvants, transports…), est toxique pour les végétaux. Il altère la photosynthèse, ralentit leur croissance et les rend plus vulnérables aux maladies ou à la sécheresse. Quant aux oxydes d’azote et de soufre, ils se transforment dans l’atmosphère en acides nitrique et sulfurique, donnant naissance aux fameuses pluies acides, capables d’altérer de nombreuses fonctions biologiques.

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Vient ensuite la pollution de l’eau, douce ou marine. L’agriculture en est souvent une source majeure : l’épandage d’engrais azotés et phosphatés entraîne un lessivage vers les rivières, puis vers la mer. Ce cocktail nourrit les proliférations d’algues vertes et de cyanobactéries, qui bloquent la lumière et épuisent l’oxygène en se décomposant. En conséquence, des zones mortes où la vie ne tient plus qu’à un fil. C’est le phénomène bien connu de l’eutrophisation.

Les pesticides, les métaux lourds, les médicaments ou autres molécules issues de l’industrie et des eaux usées aggravent encore la situation. Absorbées par les organismes aquatiques, ces substances intoxiquent les êtres vivants. Certaines molécules s’accumulent tout au long de la vie sans pouvoir être éliminées ; leur concentration augmente alors par bioamplification le long de la chaîne alimentaire, jusqu’à menacer les grands prédateurs. Côté hydrocarbures et plastiques, l’enjeu est double : des accidents spectaculaires (marées noires) et une pollution chronique par les macro- puis microplastiques qui blessent, étouffent ou contaminent la faune.

Les sols, eux, n’échappent pas à la contamination. L’usage de pesticides, d’engrais ou encore le travail mécanique du sol fragilisent les communautés souterraines : filaments mycéliens, bactéries, vers, insectes. À cela s’ajoutent les pollutions issues de décharges mal gérées, de rejets industriels ou miniers, qui empoisonnent lentement les sols vivants.

Enfin, des “pollutions sensorielles” — lumière et bruit — perturbent aussi les cycles biologiques : éclairages nocturnes désorientant insectes et oiseaux, bruit des transports ou activités maritimes nuisant à la communication, la chasse ou la reproduction. Les rejets d’eaux chaudes, plus localisés, modifient la température des cours d’eau et réduisent l’oxygène disponible.

N°3 : Les espèces et maladies envahissantes (13%)

Peut être pour vous la surprise de ce classement. Et pourtant, songez-y…

Avant l’arrivée de l’Homme, les écosystèmes évoluaient lentement, soumis aux forces naturelles : climat, dérive des continents, catastrophes ponctuelles… Chaque espèce occupait une niche écologique, c’est-à-dire un ensemble de conditions de vie, de ressources et d’interactions avec son environnement. Ces niches restaient globalement équilibrées : si une espèce prenait le dessus, ses prédateurs ou la limitation de ses ressources régulaient rapidement la situation. Sauf lors de grandes crises, les déséquilibres restaient lents, comme lors de migrations naturelles, ou très localisés, par exemple après une éruption volcanique. Les espèces avaient le temps de s’adapter, et un nouvel équilibre s’installait.

Puis est arrivé l’Homme. En colonisant la planète, il a brusquement chamboulé cet équilibre fragile. Les échanges de marchandises et de personnes entre continents ont déplacé des espèces beaucoup plus vite que ne l’aurait fait la nature. Résultat : certaines débarquent dans un nouvel environnement avec des avantages biologiques que les habitants locaux n’ont pas — reproduction rapide, grande tolérance écologique, agressivité… Parfois, elles n’ont pas de prédateurs. Parfois, leurs proies se laissent faire. Dans tous les cas, elles s’installent, se multiplient et prennent la place des espèces autochtones, souvent à leurs dépens.

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Parmi les exemples les plus frappants : le rat noir, embarqué dans les cales des navires, qui a conquis toutes les îles du globe et dévoré œufs et poussins d’oiseaux nicheurs ; ou la jacinthe d’eau, originaire d’Amérique du Sud, qui a envahi de nombreux cours d’eau tropicaux et subtropicaux, formant des tapis denses qui étouffent la faune aquatique, bloquent la lumière et perturbent pêche et navigation.

Des exemples comme ceux-là, on en compte des milliers — plus exactement 3 500 — répartis aux quatre coins du monde. Et ces invasions concernent tous les groupes du vivant : animaux, plantes, mais aussi bactéries et champignons. Comme Xylella fastidiosa, une protéobactérie qui attaque oliviers, vignes et agrumes, devenue envahissante en Europe, ou encore Batrachochytrium dendrobatidis, un champignon responsable de la chytridiomycose et du déclin massif des amphibiens à l’échelle planétaire.

Bref, là où ces envahisseurs passent, l’équilibre fragile des écosystèmes est bouleversé, et la biodiversité locale en paie le prix. Mieux connaître les mécanismes de ces invasions, c’est donc déjà commencer à réfléchir à la manière de les prévenir.

N°2 : La surexploitation des espèces (24%)

La surexploitation des espèces et des ressources naturelles se hisse au second rang des causes de perte de biodiversité — bien loin devant la pollution ou le réchauffement climatique.

L’être humain a toujours prélevé dans la nature de quoi vivre : chasser, pêcher, cueillir. Mais les lances ont laissé place aux fusils, les filets artisanaux aux chaluts géants, et la planète compte désormais plus de huit milliards d’habitants. Ce qui n’était autrefois qu’une pression ponctuelle sur les écosystèmes est devenu, à l’échelle mondiale, une véritable hécatombe. Les prélèvements dépassent souvent la capacité de renouvellement des populations : on parle alors de surexploitation.

Celle-ci touche d’abord les vertébrés terrestres, chassés pour leur peau, leur ivoire, le commerce d’animaux de compagnie ou, parfois, simplement par pur loisir. Certaines espèces ont même failli disparaître à cause de croyances absurdes : la corne de rhinocéros, censée être aphrodisiaque, ou les os, griffes et pénis de tigre, jadis vantés comme remèdes contre l’arthrite ou l’impuissance.

Les plantes et les champignons ne sont pas épargnés : cueillette intensive et exploitation forestière menacent plusieurs espèces emblématiques. Le cèdre de l’Atlas, par exemple, subit des abattages clandestins pour son bois parfumé.

Mais c’est surtout dans les océans que la surexploitation atteint des proportions dramatiques. Chaluts de fond, filets démesurés ou dispositifs de concentration de poissons : les techniques de pêche industrielle, souvent peu sélectives, tuent bien plus qu’elles ne capturent, laissant derrière elles des écosystèmes épuisés et silencieux. Et quand les poissons disparaissent, ce sont aussi les oiseaux marins, les mammifères et les communautés humaines côtières qui s’effondrent à leur tour.

N°1 : Les changements dans l’utilisation des terres et de la mer (50%)

Numéro un et de très loin, la destruction des milieux naturels et les changements dans leur utilisation.

Car du haut de nos 8,2 milliards d’habitants, l’espèce humaine prend de la place. Beaucoup de place. Pour assurer survie et confort, il faut bien construire, circuler, produire, se nourrir… bref, aménager. En conséquence, entre 2 et 3 % de la surface terrestre émergée sont aujourd’hui couverts de bâtiments, de routes et d’infrastructures en tous genres. Cela peut sembler dérisoire, mais ces quelques pourcents pèsent lourd dans la balance du vivant.

Les zones côtières, d’abord, sont en première ligne : urbanisation, ports, digues, extraction de sable ou de granulats détruisent des écosystèmes parmi les plus riches et les plus utiles de la planète. À l’intérieur des terres, les infrastructures linéaires — routes, voies ferrées, canaux — peuvent aussi occasionner des dégâts majeurs en fragmentant les habitats.

Or, un animal a besoin d’un territoire, de ressources et de mobilité. Une quatre-voies entre une forêt et un étang peut suffire à rompre cet équilibre, coupant certaines populations de leur point d’eau. Chez les espèces à faible densité d’individus, comme beaucoup de grands mammifères, cette fragmentation isole les individus, limite les échanges génétiques et favorise la consanguinité — un lent poison pour la résilience des populations.
Plus le maillage d’obstacles se resserre, plus les populations se retrouvent à l’étroit, jusqu’à disparaître purement et simplement.

Mais les plus gros impacts proviennent sans doute de l’agriculture. Les terres cultivées et pâturées recouvrent près d’un tiers des surfaces émergées, et presque la moitié des terres habitables.

Cette expansion s’est faite au détriment des écosystèmes naturels, grignotant inexorablement les habitats d’innombrables espèces. Depuis la préhistoire, on estime ainsi que 46 % des surfaces forestières ont été perdues, et avec elles les êtres vivants qui s’y trouvaient.

Il faut toutefois nuancer, car environ deux tiers des terres agricoles sont constitués de prairies, souvent riches en biodiversité végétale et souterraine. Le dernier tiers, en revanche, correspond aux terres cultivées, fréquemment labourées, fertilisées et traitées, donc appauvries en êtres vivants. Et la disparition progressive des haies a aggravé la situation : en supprimant ces corridors écologiques, on a isolé les poches de nature restantes, piégeant la faune dans un puzzle d’habitats morcelés.

Différentes causes, différentes perceptions

Au fond, le déclin du vivant ne s’explique pas par une seule cause, mais par une mosaïque d’impacts. Tous n’ont pas la même ampleur… ni la même visibilité. Et c’est bien là le problème : ce qui frappe l’opinion n’est pas toujours ce qui affecte le plus les écosystèmes.

Certaines menaces deviennent de véritables totems médiatiques. Les pesticides, en particulier, cristallisent les peurs, les slogans et les débats politiques, jusqu’à occulter d’autres pressions tout aussi préoccupantes. Et cette focalisation sélective façonne notre vision du monde. En 2018, une enquête européenne révélait ainsi que la pollution était perçue – à tort – comme la première cause de perte de biodiversité, loin devant la destruction des milieux ou la surexploitation.

Une perception biaisée, héritée du bruit médiatique, qui brouille parfois la hiérarchie réelle des priorités écologiques. Car comprendre les véritables causes du déclin du vivant, c’est déjà faire un pas vers les solutions. Nous verrons au chapitre suivant qu’il existe des leviers simples, souvent peu coûteux, pour inverser les tendances locales, à condition de cibler les bonnes causes. 

Car sans bon diagnostic, pas de remède efficace.

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Reçu avant avant-hier

Extinction ou rébellion : état des lieux d’un monde vivant

2 décembre 2025 à 05:58

« Effondrement », « extinction de masse », « déclin »…
Dès qu’il est question de biodiversité, ces mots reviennent en boucle. À force, on en viendrait presque à croire que la fin du monde vivant est pour demain. Mais faut-il vraiment céder au fatalisme, ou existe-t-il encore une place pour l’optimisme – et surtout, pour l’action ?

Contrairement à ce que pensaient les naturalistes avant Darwin, la biodiversité n’a jamais été figée. Elle évolue, s’adapte, se réinvente depuis plus de 3,5 milliards d’années. L’histoire du vivant, que les archives fossiles racontent patiemment, est celle d’un renouvellement permanent. Tandis que des espèces apparaissent, d’autres s’éteignent.

Mais le rythme de ces extinctions n’a pas toujours été homogène. À plusieurs reprises, la Terre a connu de véritables cataclysmes biologiques. Cinq grandes crises ont marqué son histoire, chacune effaçant une part colossale de la vie existante. La plus célèbre ? La crise du Crétacé-Tertiaire, il y a 66 millions d’années, qui a vu disparaître les dinosaures et près des trois quarts des espèces. La plus sévère ? Celle du Permien-Trias, où plus de 90 % des êtres vivants ont été rayés de la carte.

Mais alors que ces extinctions nous semblent appartenir à un passé lointain, la réalité du présent pourrait bien nous rattraper. Car aujourd’hui, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme. Sous la pression cumulée de nos activités, le rythme des disparitions s’emballe. Une question brûlante se pose alors : sommes-nous en train de traverser, par notre faute, la sixième extinction de masse ?

Peur sur la vie

Pour mesurer l’état réel de la biodiversité mondiale, le mieux est de s’en remettre à la source la plus fiable : le rapport de l’IPBES, qui évalue les pressions exercées sur les écosystèmes et les espèces. Cet organisme intergouvernemental, souvent surnommé le « GIEC de la biodiversité », synthétise des milliers d’études scientifiques sur le vivant. Et son dernier rapport livre un constat implacable. Les formidables progrès réalisés en matière de développement humain ces cinquante dernières années se sont accompagnés d’une perte massive de biodiversité et d’une dégradation accélérée des écosystèmes naturels. En clair, l’humanité a prospéré… mais au prix d’un affaiblissement de la nature qui la soutient.

Pire encore, l’IPBES prévoit la poursuite de cette tendance. La fragmentation et la disparition des habitats rendent les milieux naturels trop petits pour accueillir toutes les espèces qui y vivent. Cela ne provoque pas toujours d’extinction immédiate, mais crée ce que les scientifiques appellent une « dette d’extinction » : une perte différée, qui se réglera lentement, sur plusieurs siècles, jusqu’à ce qu’un nouvel équilibre soit atteint.

Les chiffres de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) montrent une tendance analogue. Près d’un tiers des espèces évaluées sont aujourd’hui menacées, même si la situation varie fortement selon les groupes. Ce sont les oiseaux et les insectes qui s’en sortent le mieux, avec environ 15 % d’espèces en danger. En revanche, chez les coraux et les cycadales, c’est une véritable hécatombe : la moitié des premiers et les trois quarts des secondes courent un risque d’extinction.

Certes, nous sommes encore loin des taux observés lors des grandes crises biologiques du passé. Mais le facteur inédit, c’est la vitesse. Les extinctions massives se déroulaient autrefois sur des dizaines de milliers d’années. Aujourd’hui, le déclin se joue à l’échelle du temps humain. L’essentiel des pertes est survenu depuis la révolution industrielle, en à peine un siècle et demi.

Nous avons déjà évoqué au chapitre précédent un autre chiffre inquiétant, celui du Living Planet Index. Même si cet indicateur souffre, on l’a vu, de biais importants, il indique une baisse moyenne de 73 % en cinquante ans au sein des 35 000 populations animales suivies. Bref, les chiffres ne sont pas bons. Pas bons du tout.

Mais faut-il pour autant céder au désespoir ? Non, car derrière ces moyennes alarmantes se cachent des réalités contrastées, et même, ici et là, de vraies bonnes nouvelles.

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Alerte sur les insectes

–75 % de biomasse d’insectes en seulement 27 ans. Le chiffre, tiré d’une étude allemande publiée en 2017, a fait l’effet d’une bombe. Du Guardian au Monde, des ONG aux tribunes alarmistes, tout le monde y a vu le signe d’un effondrement biologique imminent. Certains annonçaient déjà qu’« à ce rythme, il n’y aura plus d’insectes en 2050 ». Vraiment ?

Huit ans plus tard, les mêmes chercheurs publient une mise à jour. Et là, surprise : la courbe remonte. Légèrement, certes, mais assez pour questionner le récit d’un déclin inéluctable. Une équipe indépendante s’est penchée sur ce rebond inattendu et a découvert qu’il coïncidait… avec une série d’années à météo favorable. Leur conclusion est que la biomasse d’insectes varie fortement selon les conditions climatiques, notamment les températures, les précipitations et les anomalies saisonnières.

Autrement dit, une partie du déclin initial pourrait s’expliquer, elle aussi, par les conditions météorologiques particulières des années 1990 et 2000. D’autant que les données provenaient d’un réseau limité de réserves naturelles, concentrées en Allemagne de l’Ouest, dont plus de la moitié n’ont été échantillonnées qu’une seule fois, et ne permettant pas une généralisation à l’ensemble des insectes européens. De quoi relativiser le scénario d’un effondrement linéaire. La réalité semble plus complexe, plus fluctuante… et donc, peut-être, moins désespérée qu’on l’a dit.

Et ce n’est pas tout. Lorsqu’on s’intéresse non plus à la biomasse, mais à l’abondance des espèces, d’autres travaux récents dressent un tableau bien plus nuancé. Une étude britannique publiée en août 2025 ne constate aucun déclin global depuis 1990, mais plutôt, pour les populations suivies (papillons, libellules, syrphes,…), une restructuration des communautés d’insectes. Certaines espèces spécialistes déclinent, remplacées par des espèces plus généralistes, mieux adaptées à des milieux modifiés. Là encore, le principal moteur reste la météo.

Dans le même temps, une autre étude portant sur les insectes aquatiques européens rapporte même une hausse de l’abondance et de la richesse spécifique, de l’ordre d’une dizaine de pourcents.

Soyons clairs : ces études « à contre-courant » — étrangement passées sous silence dans les médias — ne suffisent pas, à elles seules, à invalider la thèse d’un déclin des insectes que d’autres travaux documentent solidement. Mais elles rappellent une vérité souvent oubliée : la biodiversité est un système d’une complexité vertigineuse, et son étude produit inévitablement des signaux contradictoires. Autrement dit, tirer des conclusions définitives à partir d’une seule étude, aussi spectaculaire soit-elle, n’est jamais une bonne idée.

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Vertébrés terrestres : le début du comeback ?

Si l’on en croit le Living Planet Index, les vertébrés terrestres semblent en première ligne de la crise de la biodiversité. Mais ces chiffres, trop globaux pour être vraiment parlants, pourraient bien masquer une réalité nettement plus nuancée.

C’est du moins ce que montre une étude de 2020. En réexaminant les données brutes utilisées dans le LPI, les chercheurs ont découvert que le déclin mondial des populations de vertébrés est en réalité porté par une infime minorité de populations en chute libre : moins de 3 % d’entre elles. Si on les met de côté, la tendance globale devient même… positive.

Les auteurs plaident donc pour une approche plus fine, centrée sur ces « clusters » de déclin extrême, afin d’identifier les zones ou les groupes d’espèces réellement en danger, et concentrer les efforts de conservation là où ils sont vraiment nécessaires.

Et cette étude, plutôt rassurante, ne fait pas cavalier seul. D’autres travaux récents vont dans le même sens. Une analyse publiée dans Nature Communications, portant sur près de 10 000 séries chronologiques d’abondance (1970–2014) issues de plus de 2 000 espèces de vertébrés, montre ainsi une hausse nette des populations d’oiseaux, de reptiles et de mammifères. Seuls les amphibiens affichent un recul notable.

Même constat du côté du rapport Wildlife Comeback in Europe, qui documente le retour spectaculaire de nombreuses espèces emblématiques : l’Oie cravant, le Gypaète barbu, l’Aigle royal, le Loup gris, le Lynx, l’Ours brun… et surtout le Castor d’Europe, dont la population a explosé de plus de 16 000 % depuis 1960 !

Ces signaux positifs ne nient évidemment pas les déclins bien réels observés ailleurs. Mais ils montrent qu’avec des politiques cohérentes et une volonté de long terme, les trajectoires peuvent s’inverser. Après tout, si l’on a su sauver le castor, pourquoi pas le reste ?

Tragédie en sol majeur

La vie des sols, essentielle au fonctionnement des écosystèmes et à la fertilité des terres agricoles, est elle aussi mise à mal par les activités humaines, en particulier par les pratiques agricoles qui couvrent plus d’un tiers des terres émergées. Les études convergent : intensification, labour profond, usage massif de pesticides… tout cela contribue à un appauvrissement progressif de la vie du sol. À cela s’ajoute la déforestation, qui transforme des sols forestiers naturellement riches en milieux agricoles beaucoup moins peuplés.

Mais là encore, le tableau n’est pas uniformément sombre.

D’abord, selon l’Évaluation des ressources forestières mondiales (2025), la déforestation mondiale ralentit. Ensuite, une part importante du déclin observé concerne surtout la dégradation des prairies, reconnues comme parmi les écosystèmes les plus riches en biodiversité du sol. Or, paradoxalement, ces prairies sont pour beaucoup d’origine humaine. Issues de l’élevage et du pastoralisme, elles ont, depuis des millénaires, contribué à accroître localement la biodiversité des sols. Des gains qui tendent aujourd’hui à s’éroder progressivement, mais qui rappellent que l’activité humaine n’est pas toujours synonyme de perte.

Enfin, certaines terres agricoles montrent des signes de renouveau biologique, grâce à des pratiques désormais bien documentées : couverts végétaux, réduction du travail du sol, agroforesterie, rotation des cultures… Autant d’approches qui prouvent qu’il est possible d’allier production et régénération du vivant. Des pistes concrètes, et surtout des raisons d’espérer.

Grand bleu, grands problèmes

Imaginez un monde sans poissons… Scénario improbable ? Pourtant, il a été sérieusement envisagé dans certains médias. À l’origine, une étude de 2006 qui prévoyait un effondrement total des stocks de poissons de pêche — et non de la biodiversité totale — d’ici le milieu du XXIème siècle.
Exactement la même mécanique que pour les insectes. Un article dramatique attire l’attention, et tout le monde s’en empare, souvent sans recouper les données avec d’autres travaux bien plus nuancés.

Alors rassurons-nous : il y aura encore des poissons en 2048. Quant aux stocks exploitables, l’apocalypse annoncée par cette étude semble aujourd’hui bien improbable. D’abord, parce que l’étude elle-même a été critiquée et nuancée par une partie de la communauté scientifique entre 2007 et 2011. Ensuite, plusieurs travaux récents montrent que la gestion durable peut inverser localement la tendance, avec des populations de poissons qui se rétablissent là où des pratiques responsables ont été mises en place. D’autant que les pratiques de pêche tendent à se stabiliser, voire à régresser, en faveur du développement de l’aquaculture.

D’ailleurs, même Boris Worm, auteur principal de l’étude controversée, a co-signé en 2009 un article soulignant que certaines régions avaient déjà inversé la tendance grâce à ces mesures. Le scénario “tendance inchangée”  initial n’est donc ni une fatalité ni une prophétie, mais juste… un avertissement au conditionnel.

Cela ne signifie pas pour autant que tout va bien dans nos océans. L’inquiétude pour les écosystèmes marins reste réelle et légitime, en particulier parce que de nombreux habitats dépendent d’espèces clés parfois en déclin : barrières de corail, herbiers marins, mangroves, forêts de kelp… Dans ces systèmes, la disparition d’un acteur central peut provoquer un effondrement en cascade. Les environnements récifaux en sont l’exemple le plus emblématique ; les coraux, symbiotes bâtisseurs de refuges pour les poissons, sont parmi les organismes les plus menacés.

Mais là encore, il y a des raisons d’espérer. Des programmes de restauration d’habitats récifaux sont expérimentés dans plusieurs régions du monde, et certains montrent des résultats encourageants. Preuve qu’avec de la volonté et des solutions adaptées, des jours meilleurs sont possibles.

Les leçons des succès

Océans, sols, vertébrés, insectes… quelles que soient les catégories étudiées, le constat reste le même : derrière les grands chiffres alarmants qui tournent en boucle dans l’espace médiatique, se cachent aussi des réussites, souvent passées sous silence.

Certes, les indicateurs globaux ont leur utilité, ils rappellent l’ampleur de la crise et nourrissent une nécessaire prise de conscience. Mais à force de ne regarder que le verre à moitié vide, on oublie que des voies existent pour enrayer le déclin, et que certaines fonctionnent déjà.

Car les exemples positifs ne tombent pas du ciel, mais découlent presque toujours de politiques de conservation ciblées, appuyées sur la science et sur la gestion durable. Autrement dit, quand on s’en donne les moyens, la nature répond. Ces réussites locales, qu’on devrait davantage mettre en avant, ne nient pas la gravité du problème. Mais elles montrent que l’action paie.

Encore faut-il savoir où et comment agir : identifier les groupes réellement menacés, comprendre les facteurs précis du déclin, et concentrer les efforts là où ils comptent le plus. C’est cette lucidité-là, plus que les slogans anxiogènes, qui permet de vraiment changer la donne.

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Méga-canal, méga-opportunité ?

23 octobre 2025 à 04:15

On se souvient encore des méga-manifestations contre les méga-bassines, des cris d’alarme autour du méga-tunnel transalpin ou encore de la fameuse méga-ferme des 1000 vaches, stoppée net par la fronde écologiste. Et voilà qu’un nouveau méga-projet entre en scène : un méga-canal, censé relier la Seine à l’Escaut, deux grands bassins économiques du nord de l’Europe. Des méga-problèmes en vue ? Ou une méga-opportunité ?

Au nord, le bassin de l’Escaut : véritable carrefour logistique et industriel de l’Europe septentrionale. Centré sur le port d’Anvers – le deuxième plus important du continent – il se distingue par une forte densité industrielle et un réseau de voies navigables profondes et larges, permettant une logistique fluviale de grande capacité. Autant de caractéristiques qui en font la principale interface du fret maritime européen.

Au sud, le bassin de la Seine, cœur battant de l’économie française. C’est là que se concentrent la production, la consommation et les échanges, avec Paris et sa région comme moteurs. Grâce au système portuaire HAROPA, véritable porte d’entrée maritime du pays, les conteneurs venus du monde entier remontent vers la capitale, tandis que les céréales françaises prennent le large vers l’exportation.

Entre les deux ? Des échanges commerciaux considérables, soutenus essentiellement par le transport routier, notamment via l’autoroute A1. Il existe bien un canal – le canal du Nord – mais sa capacité ne permet pas le passage de grands convois fluviaux. Conçu pour des péniches d’à peine 400 tonnes, il ne peut accueillir les convois modernes, dix fois plus lourds, qui sillonnent déjà le nord de l’Europe. Le trafic y avance donc au ralenti, trop lent et trop coûteux pour concurrencer la route. D’où l’idée du Canal Seine-Nord Europe (CSNE) : une version grand gabarit de 107 km, pensée pour remettre la voie d’eau au cœur du fret du XXIᵉ siècle.

© SCSNE

Mais voilà que le projet entre à son tour dans le collimateur de l’écologie militante. Le 11 octobre dernier, plus d’un millier de manifestants se sont retrouvés dans l’Oise pour dire « non » au méga-canal. Parmi eux, les Soulèvements de la Terre et l’association historique « Mégacanal, non merci ! ». Une mobilisation qui vient clore plusieurs mois d’actions, réunissant les figures familières de la contestation écologique : Extinction Rebellion, Greenpeace, la Confédération paysanne ou encore Attac. Comme un air de déjà-vu…

Des méga-impacts sur la biodiversité ?

« J’avais une forêt devant chez moi. Ils ont absolument tout détruit. Ça me donne envie de chialer », lâche un manifestant. Difficile de ne pas comprendre sa colère : un chantier de cette ampleur laisse forcément des traces. Car si l’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, on ne creuse pas un méga-canal sans bousculer des écosystèmes.

Les chiffres donnent le vertige : 107 km de long, 54 m de large, 4,5 m de profondeur… et 74 millions de m³ de terre déplacée ! L’étude d’impact est claire : la construction du canal et la gestion des déblais bouleverseront 222 hectares de forêts, 240 hectares de zones humides et plus de 2 400 hectares de terres agricoles. Le tracé traverse au passage six zones naturelles d’intérêt écologique (ZNIEFF) de type 1, trois de type 2 et deux sites Natura 2000. Autant dire que la biodiversité n’en sortira pas indemne.

Mais avant de crier au désastre, prenons un peu de recul. Après tout, les 240 hectares de zones humides concernées ne représentent que 2 % de celles de la plaine alluviale de l’Oise moyenne, et les forêts touchées à peine 0,2 % des surfaces boisées du département. Quant aux terres agricoles, les pertes s’élèvent à 0,6 % des surfaces cultivées locales. En clair, l’impact existe, mais il reste contenu à l’échelle du territoire.

Et surtout, le projet ne laisse pas ces dégâts sans réponse. Pour limiter la fragmentation des milieux, une cinquantaine de passages à biodiversité sont prévus. De plus, des rampes et escaliers seront aménagés sur les berges pour éviter que la faune ne se retrouve piégée.

Passage à biodiversité ©SCSNE-ONE-AEI

Mieux encore, des compensations massives sont planifiées : 463 hectares de zones humides seront créés ou restaurés, notamment dans la vallée alluviale de l’Oise. D’anciennes gravières seront réaménagées en habitats aquatiques, des cours d’eau restaurés – comme la source de la Tortille – et des berges lagunées aménagées.

Berges lagunées ©SCSNE-PIXXIM

Côté forêts, le projet prévoit de replanter près de trois fois la surface détruite, en y ajoutant des haies le long des berges pour renforcer les corridors écologiques. Bref, les promoteurs du canal ne se contentent pas de réparer : ils affichent la volonté de compenser les impacts, voire d’améliorer la biodiversité locale. Reste à savoir combien de temps il faudra pour que la nature retrouve son équilibre.

De méga-perturbations du cycle de l’eau ?

26 millions de mètres cubes. L’équivalent de plus de quarante mégabassines de Sainte-Soline. Forcément, ça fait réagir : tout ce volume d’eau pour un seul canal ? Mais rassurons-nous : en matière de gestion de l’eau, ce n’est pas tant la quantité qui compte que le moment et l’endroit où elle est prélevée.

Ici, l’eau ne sera pas pompée dans les nappes phréatiques, mais simplement dérivée de grands cours d’eau qui, de toute façon, se jettent dans la mer. Et contrairement à l’ancien Canal du Nord, le nouveau sera en grande partie étanche. Fini donc le drainage souterrain qui faisait baisser les niveaux d’eau. Les rares tronçons non étanchéifiés se situeront dans des zones argileuses ou crayeuses, où les échanges avec le sous-sol restent minimes. Ironie du sort : en remplaçant l’ancien canal, le projet devrait même remonter localement certains niveaux piézométriques.

La méga-bassine du méga-canal

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Seule ombre au tableau : cette modification du régime hydrique affectera tout de même quatre captages d’eau potable et cinq forages agricoles. Mais là encore, des mesures sont prévues : sécurisation, approfondissement ou déplacement de ces points de captage, histoire que personne ne soit privé d’eau au robinet.

Des méga-émissions de gaz à effet de serre ?

Un méga-canal, c’est forcément un méga-chantier. Et qui dit chantier dit pelleteuses, bétonnières et ciment à la tonne. Forcément, ça pèse sur le bilan carbone : plus de 2,8 millions de tonnes de CO₂ émises rien que pour la phase de construction.

Mais avant de crier au scandale climatique, rappelons l’objectif du projet : le report modal. Autrement dit, transférer une partie du fret de la route vers la voie d’eau. Or, un convoi fluvial, c’est jusqu’à quatre fois moins d’émissions qu’une file de camions. En conséquence, le canal devrait atteindre la neutralité carbone en une dizaine d’années, puis générer un bénéfice net de 56 millions de tonnes de CO₂ d’ici 2070 — soit l’équivalent de deux années de transport routier national.

Et ce n’est pas tout : moins de camions, c’est aussi moins de particules fines, moins de bruit et moins de routes saturées. Bref, un chantier lourd… pour un allègement durable.

Un projet méga-pharaonique ?

Le Canal Seine-Nord Europe, c’est un projet titanesque. Et dans un contexte de déficit public, la question du « combien ça va nous coûter ? » est légitime. D’autant que le budget initial, fixé à 4,2 milliards d’euros, a vite explosé. La Cour des comptes européenne pointait dès 2020 une hausse de 199 % — soit 3,3 milliards de plus que prévu, le plus gros débordement parmi les grands projets audités.

Mais depuis, de l’eau a coulé sous les ponts : le montage financier a été entièrement revu, le pilotage simplifié et les coûts optimisés. Tracé allégé, ouvrages réduits, déblais mieux gérés. Résultat : la facture reste élevée — 5,1 milliards pour la construction — mais plus réaliste. En ajoutant les investissements connexes (ports, plateformes multimodales, raccordements), le total grimpe à 8 milliards d’euros, chiffre largement relayé par les opposants.

Sauf que cet argent ne s’évapore pas : c’est un investissement. Pendant la décennie de travaux, 13 000 emplois seront créés, principalement dans les entreprises locales du BTP et les bureaux d’études. Et une fois le canal opérationnel, c’est un tout autre monde économique qui s’ouvrira : davantage de transport fluvial, donc moins de coûts logistiques, moins de carburant brûlé et plus de compétitivité pour les filières exportatrices. À terme, 50 000 emplois pourraient en découler, en France comme en Europe.

L’étude d’impact chiffre la valeur actuelle nette (le gain global sur 50 ans) à 8,4 milliards d’euros pour la France et 11,6 milliards à l’échelle européenne. On pourrait critiquer les hypothèses de trafic, souvent jugées optimistes, mais même en restant prudent, le projet reste rentable. D’après nos calculs, même si le transit était divisé par deux par rapport aux prévisions, le canal dégagerait encore un bénéfice. Il faudrait une erreur d’un facteur trois, ou une explosion majeure des coûts, pour que la balance vire au rouge.

Et encore : le calcul ne prend pas en compte la nouvelle valeur du carbone. L’étude se base sur un prix de 32 €/t de CO₂ (celui de 2010). Or, aujourd’hui, on parle de 256 €/t, selon le Haut-Commissariat à la Stratégie et au Plan. Avec cette mise à jour, le bénéfice carbone pourrait grimper à plus de 14 milliards d’euros, rendant le projet rentable dans presque tous les scénarios — même les plus pessimistes.

Alors, trop cher, le méga-canal ? Pas forcément. Et il est savoureux de voir certains écologistes s’inquiéter soudain de rentabilité économique, eux qui, d’ordinaire, jugent les projets à l’aune de leurs vertus climatiques plutôt que de leurs bilans comptables.

Rhin-Ruhr, la prospérité économique au fil de l’eau

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La méga-peur des méga-projets

Les mégabassines de Sainte-Soline, le tunnel Lyon–Turin et maintenant le canal Seine–Nord Europe : trois projets titanesques qualifiés tour à tour d’aberrations écologiques. Trois projets qui, pourtant, pourraient bien représenter une véritable plus-value environnementale. Car lorsqu’on prend la peine d’aller au-delà des slogans, le scandale n’est pas toujours là où on le croit.

Mais que combattent vraiment leurs opposants ? Défendent-ils sincèrement la nature, ou s’opposent-ils à un modèle de société qu’ils rejettent — celui du progrès, de l’innovation, de la croissance ? À moins qu’ils ne cherchent simplement des symboles tangibles à abattre pour fédérer autour d’eux et faire avancer leur agenda politique. Ou, plus profondément encore, expriment-ils une angoisse collective face à un futur qu’ils perçoivent comme hors de contrôle ?

Après tout, qui a décrété qu’un méga-projet ne pouvait pas être, aussi, une méga-opportunité pour l’avenir ?

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Du cuivre et Duplomb, deux poids deux mesures

16 octobre 2025 à 03:04

De nouveaux pesticides viennent d’être interdits. Pourtant, aucune pétition ne le réclamait à cor et à cri. Aucun post Instagram, aucun article du Monde n’a crié victoire. Pourquoi ? Parce qu’ils sont « bio ». Un silence qui en dit long.

La loi Duplomb, ça vous parle certainement ? Des débats enflammés, des plateaux agités, des militants remontés, et une pétition qui a dépassé les deux millions de signatures. Tout ça pour un pesticide — l’acétamipride — que le texte voulait réhabiliter. Un pesticide pourtant autorisé par les agences sanitaires et utilisé dans le monde entier, les pays de l’UE en tête. Difficile à remplacer dans certaines filières, comme celles regardant la betterave ou la noisette, son interdiction fait planer la menace de fortes baisses de rendement, voire de la disparition pure et simple de ces productions dans notre pays.

Lorsqu’il a été banni, les acteurs de l’écologie politique ont laissé éclater leur joie. Même enthousiasme lorsque le Conseil constitutionnel a retoqué sa réintroduction, en août dernier. Mais alors que toute l’attention se concentrait sur cet épisode hautement polémique, l’Anses — l’agence chargée d’évaluer les risques liés aux produits phytosanitaires — se penchait, elle, sur un tout autre dossier. Un dossier bien moins brûlant, mais porteur d’un enjeu environnemental tout aussi majeur : celui du cuivre.

Des substances stratégiques en bio

Le cuivre, c’est un vieil allié de l’agriculture. Un élément chimique capable de tuer à peu près tout ce qui vit à l’échelle microscopique. À bonne dose, il altère les membranes cellulaires, provoque la libération de radicaux libres meurtriers et inhibe certaines enzymes. Autant d’actions qui en font un biocide redoutable, notamment contre les champignons et les bactéries. Ces propriétés le désignent comme une arme de choix contre le mildiou, ce fléau des pommes de terre, des cultures maraîchères… et surtout de la vigne.

Sans traitement, la maladie fongique peut ravager une récolte entière et occasionner jusqu’à 100 % de pertes. Les pesticides cupriques — dans lesquels le cuivre est souvent associé à des sulfates ou à des hydroxydes — agissent en détruisant les spores du champignon, empêchant ainsi toute propagation. Ils ne soignent pas le mildiou, car le cuivre ne pénètre pas les tissus végétaux, mais ils le contiennent efficacement. Une sorte de bouclier préventif.

Est-ce grâce à leurs performances, ou simplement parce qu’ils ont plus d’un siècle d’histoire derrière eux, avec la célèbre bouillie bordelaise, qu’ils étaient autorisés dans l’agriculture biologique ? Ils sont pourtant les fruits de procédés industriels et difficilement qualifiables de « naturels ». Une licence qui pouvait étonner, mais hautement stratégique.

Car des alternatives existent. Certaines molécules issues de la chimie de synthèse sont même plus efficaces et beaucoup plus ciblées. Elles agissent sur des enzymes fongiques précises et permettent de réduire drastiquement, voire d’éliminer, l’usage du cuivre. Mais, on l’aura compris, elles ont un défaut rédhibitoire, celui de ne pas être… bios.

En 2018, l’INRA s’est d’ailleurs posé la question : peut-on se passer du cuivre en agriculture biologique ? La réponse fut sans surprise : difficilement. Les solutions agronomiques — meilleure aération du feuillage et élimination des résidus contaminés — sont lourdes à mettre en œuvre et rarement suffisantes. Les produits « naturels » (huiles essentielles, extraits de plantes, stimulateurs de défenses immunitaires) n’atteignent pas encore l’efficacité espérée.

Et la piste de l’amélioration variétale piétine : refus du génie génétique, contraintes des AOC, cépages imposés, exigences de goût… Les freins sont multiples. En somme, à l’instar de l’acétamipride pour la betterave ou la noisette, les pesticides à base de cuivre demeurent, pour la viticulture biologique, tout simplement incontournables.

Bio, mais pas écolo

Incontournables, oui. Mais loin d’être anodins. Car si les pesticides à base de cuivre sont autorisés en agriculture biologique, cela ne veut pas dire qu’ils sont sans risques, ni pour la santé, ni pour l’environnement. Côté santé, la bonne nouvelle, c’est que le cuivre ne s’infiltre pas dans les tissus végétaux. Le consommateur est donc a priori épargné. En revanche, pour ceux qui manipulent ou épandent ces produits, c’est une autre histoire. L’exposition directe répétée peut provoquer à terme des troubles digestifs, des atteintes hépatiques (stéatose, cirrhose) et, en cas de fortes doses, des effets pulmonaires, neurologiques ou sanguins. Pas de cancérogénicité détectée ici, mais une toxicité bien réelle en cas d’exposition chronique, surtout en l’absence d’équipements de protection.

Sur le plan environnemental, le bilan n’est pas plus flatteur. Le cuivre, rappelons-le, est un biocide à large spectre : il ne choisit pas ses cibles. Ce qui fait sa force contre les micro-organismes pathogènes en fait aussi une arme aveugle, capable de nuire sans distinction à tout un écosystème. Dans les sols, il décime les micro-organismes utiles. Et dans les rivières, il peut affecter la faune aquatique lorsqu’il est entraîné par le ruissellement ou l’érosion. De plus, leur emploi préventif conduit souvent à des traitements systématiques, sans réelle prise en compte du niveau de contamination, contrairement aux produits de synthèse, dont l’action plus ciblée et curative permet de n’intervenir qu’en cas de nécessité.

Mais le plus gros problème, c’est sa persistance. Contrairement aux fongicides organiques modernes ou à des molécules comme l’acétamipride, biodégradables par nature, le cuivre est un élément chimique : il ne disparaît pas comme ça. Sous forme d’ion Cu²⁺, il se fixe solidement aux particules du sol, piégé par les complexes argilo-humiques chargés négativement. Ainsi, il ne se lessive pas, il s’accumule.

Et cette accumulation n’a rien d’anecdotique : dans les sols viticoles, les concentrations de cuivre sont généralement 5 à 20 fois supérieures à la normale. À long terme, ces niveaux deviennent toxiques, non seulement pour les vers de terre et les micro-organismes, mais aussi pour les plantes elles-mêmes. Le cuivre finit donc par freiner la croissance des cultures… et menace la fertilité des sols qu’il était censé protéger.

L’épée de Damoclès

Pour ces raisons, depuis 2018, le cuivre figure sur la liste européenne des « substances candidates à la substitution ». Toléré, mais sous surveillance. Et dès qu’une alternative crédible émerge ou que les risques apparaissent trop importants, les autorisations de mise sur le marché (AMM) peuvent sauter.

C’est précisément ce qui s’est produit à l’été 2025. Alors que la France s’écharpait sur la possible réintroduction de l’acétamipride, l’Anses, de son côté, tranchait : lors du réexamen septennal, elle a drastiquement restreint l’usage des pesticides cupriques. Désormais, la plupart sont interdits, notamment les formulations à base de poudre mouillable, jugées trop risquées pour les utilisateurs. Pour la vigne, seuls deux produits ont conservé leur AMM, assortis de limites strictes sur les doses et les fréquences d’épandage.

Et tandis que la censure de la réhabilitation de l’acétamipride déclenchait l’euphorie des milieux militants, les mesures strictes prises contre le cuivre ne suscitaient quant à elles que silence et indifférence. Le camp écologiste, d’habitude si prompt à s’enflammer sur la question des pesticides, est resté muet.

Les réactions sont donc venues d’ailleurs. Du côté de la filière bio, d’abord. Pour ceux qui s’étaient réjouis de l’interdiction de l’acétamipride, c’est la douche froide. Il leur reste bien deux produits cupriques pour sauver les récoltes… mais pour combien de temps ?

Et puis, il y a la « Task Force cuivre » qui a déposé un recours gracieux contre l’Anses — un consortium d’entreprises du secteur, créé pour défendre l’usage du cuivre et tenter de prolonger son autorisation en Europe. Bref, un lobby. Mais un lobby bio, alors tout va bien.

Moralité

La première leçon de cette affaire ? L’écologie politique a ses priorités : protéger le bio semble passer avant la lutte contre les pesticides réellement problématiques. Et il est d’ailleurs assez cocasse de constater que les lobbys en lien avec le bio, comme cette fameuse « Task Force cuivre » peuvent mettre publiquement la pression sur les agences, sans jamais subir les foudres des militants. Une situation qu’on aurait du mal à imaginer dans le cadre de la loi Duplomb.

Deuxième enseignement : le bio n’est pas forcément synonyme d’absence d’impact. Cette affaire met en lumière une incohérence du label : privilégier des substances « naturelles », même quand elles sont pires que leurs équivalents synthétiques. Résultat : des situations où l’on se retrouve coincé, sans alternatives viables.

Et enfin, la dernière leçon : l’agriculture avance, même sans pétitions, campagnes médiatiques ou décisions politiques démagogiques. Les agences sanitaires peuvent trancher sur des bases scientifiques, dans l’intérêt commun. Les pesticides les plus problématiques sont déjà interdits — c’est le cas de la majorité des substances CMR1 (cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques avérées). Et avec le temps, de plus en plus de substances dangereuses sont remplacées par des produits moins nocifs.

En bref, pendant que les débats font le buzz, la science, elle, continue de faire le ménage.

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Mars, la quête de la vie

3 octobre 2025 à 02:37

Trouver de la vie ailleurs… Une incroyable découverte, passée presque inaperçue dans le tumulte de la rentrée politique, a relancé ce vieux rêve, à quelques millions de kilomètres de nous, sur cette planète rouge qui fascine l’humanité depuis l’invention de la lunette astronomique.

Été 1877. Les conditions d’observation sont idéales. L’astronome italien Giovanni Schiaparelli scrute la planète rouge lorsqu’il croit distinguer un réseau de lignes géométriques. Intrigué, il tente de les schématiser et les baptise « canali », c’est-à-dire « canaux » en italien.

Lorsqu’il prend connaissance de ces travaux, son collègue américain Percival Lowell brûle d’enthousiasme. Car pour lui, ces lignes sont la signature indiscutable d’une civilisation extraterrestre. Porté par sa conviction, il fonde en 1894 son propre observatoire, dédié à l’étude de Mars et de ses mystérieux « canaux ». Et il ne se contente pas d’observer. Il médiatise ses certitudes, fascine le public et impose l’idée que Mars est habitée.

Peu importent les mises en garde des astronomes sceptiques, qui soupçonnent une simple illusion d’optique. Le récit s’installe, gagne l’opinion, et inspire bientôt des œuvres majeures de science-fiction, comme La Guerre des Mondes de H.G. Wells. Le mythe des « Martiens » venait de naître.

Le mystère de la vie

Il faudra attendre 1909 pour que la fable des « canaux martiens » s’effondre. Cette année-là, l’astronome franco-grec Eugène Antoniadi profite de conditions exceptionnelles et de la puissante lunette de l’Observatoire de Meudon. Son verdict est sans appel : aucune ligne droite sur Mars, seulement des formations diffuses, irrégulières, naturelles. Qu’importe, la machine est lancée. Mars est entrée dans l’imaginaire scientifique et populaire, et elle n’en sortira plus.

Peu à peu, au fil de la première moitié du XXe siècle, l’idée d’une civilisation martienne s’effrite. Les images de plus en plus nettes de la planète révèlent un monde désertique, bien loin de l’oasis de vie que l’on avait imaginée. Pourtant, une conviction demeure : Mars pourrait malgré tout abriter des organismes plus discrets.

Car la vie ne se limite pas aux êtres intelligents. Elle peut exister sous des formes bien plus simples, presque invisibles. Définir la vie est un défi, à la fois scientifique et philosophique, mais on peut toutefois la résumer comme un système organisé, capable de s’entretenir grâce à un métabolisme, et de se reproduire. Une cellule rudimentaire, avec une membrane, un liquide interne et un brin d’ARN, c’est déjà de la vie. Alors, pourquoi n’en trouverait-on pas sur Mars, même si sa surface paraît aride, bombardée de météorites et hostile à première vue ?

D’autant que Mars coche toutes les cases au départ. Les biologistes en conviennent, pas de vie sans eau liquide, ce milieu réactif idéal où s’enchaînent les réactions métaboliques. Or Mars est la seule planète, avec la Terre, à se situer dans la « zone habitable » de notre système : ni trop près du Soleil, ni trop loin, juste à la bonne distance pour que l’eau puisse rester liquide.

Et même si découvrir une forme de vie primitive sur Mars ne serait pas aussi spectaculaire que de croiser de « petits hommes verts » ambassadeurs d’une civilisation extraterrestre, ce serait déjà une révolution scientifique. Car cela signifierait que l’apparition de la vie n’est pas une anomalie rarissime. Si elle a émergé deux fois, sur deux planètes voisines d’un même système solaire, alors elle doit pulluler ailleurs dans l’Univers. Et qui dit vie fréquente dit, par extension, civilisations évoluées probablement nombreuses. De surcroît, étudier d’éventuelles bactéries martiennes offrirait un éclairage unique sur nos propres origines, encore très mystérieuses.

Vénus, une atmosphère d’enfer

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Un problème de taille

Pourtant, dès la fin des années 1950, un doute s’installe. L’atmosphère martienne pourrait être trop ténue pour permettre la présence d’eau sous la forme liquide. Les premières estimations laissent penser que la pression serait très faible. Or, en dessous de 6,11 mbar — la fameuse pression du « point triple » de l’eau, là où les trois états peuvent coexister — l’eau passe directement de la glace à la vapeur, et inversement.

La confirmation tombe en 1965 avec le lancement de la sonde Mariner 4. L’humanité découvre pour la première fois les paysages martiens, aussi arides et désertiques que les scientifiques le redoutaient. Mais surtout, ses capteurs livrent un verdict implacable : la pression atmosphérique n’est que de 6 mbar. Juste en dessous du seuil fatidique. Le couperet tombe, à la surface de Mars, l’eau liquide est physiquement impossible.

Pourquoi une atmosphère aussi fine ? À cause de la petite taille de la planète. Avec un diamètre deux fois plus petit que celui de la Terre, Mars s’est refroidie trop vite, jusqu’à se figer entièrement. Contrairement à la Terre, plus massive, qui conserve un noyau partiellement liquide. Et c’est ce bouillonnement métallique interne qui, chez nous, génère un champ magnétique protecteur. Mars, elle, en est dépourvue. Ainsi, sans magnétosphère pour dévier les particules ioniques, son atmosphère a été lentement érodée par le vent solaire.

Et si l’espoir gravitait autour des géantes gazeuses ?

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Autrement dit, si Mars avait eu la taille de la Terre ou de Vénus, l’histoire aurait sans doute été différente. Mais dans l’état actuel des choses, l’idée de trouver une forme de vie à sa surface s’éloigne… 

Les nodules de l’espoir

Il reste pourtant une dernière carte à jouer. Car si aujourd’hui la vie en surface semble compromise, il n’en a probablement pas toujours été ainsi. Les sondes ont détecté dans les roches martiennes les traces d’un ancien champ magnétique, preuve que la planète possédait bel et bien une magnétosphère jusqu’il y a 3,7 milliards d’années.

En conséquence, à l’époque, l’atmosphère devait être plus épaisse qu’aujourd’hui, assez pour maintenir de l’eau liquide en surface. Par ailleurs, les indices topographiques abondent : anciens canyons, deltas, lits de lacs, roches sédimentaires stratifiées… Il semble avéré que Mars ait connu une longue période — près de 800 millions d’années — où les conditions semblaient favorables à l’émergence de la vie. Était-ce suffisant ? C’est précisément ce que tentent d’élucider les rovers actuels.

Traces d’écoulement sur la surface martienne – © ESA / DLR / FU Berlin (G. Neukum)

Car la vie laisse des traces. Parfois directes, comme la fossilisation dans les roches. Parfois indirectes, à travers ce qu’on appelle des biosignatures : molécules organiques, minéraux particuliers ou textures caractéristiques des métabolismes biologiques. Et c’est peut-être bien ce que Perseverance vient de révéler.

Son terrain de chasse : le cratère Jezero, ancien lac martien riche en sédiments argileux, parfaits pour piéger des restes biologiques. C’est là, dans la vallée de la Neretva, au sein d’une formation baptisée Bright Angel, que le rover a foré d’anciennes couches de boue fossilisée jusqu’à découvrir… de minuscules nodules riches en fer et en phosphore, entourés de carbone organique.

Nodules riches en vivianite et en greigite – © NASA / JPL-Caltech / MSSS

Du carbone organique d’origine abiotique, on sait que c’est possible. Mais la composition de ces nodules intrigue : ils semblent faits de deux minéraux, la vivianite (phosphates de fer) et la greigite (sulfures de fer). Or, ces minéraux résultent de réactions d’oxydo-réduction très spécifiques. Théoriquement, elles peuvent se produire sans intervention biologique… mais seulement dans des conditions environnementales très contraignantes, et difficiles à reconstituer ici. L’autre hypothèse, bien plus séduisante, est que ces réactions auraient été catalysées… par des micro-organismes. Un scénario crédible, puisqu’on observe sur Terre des nodules similaires produits par l’action de bactéries.

Les chercheurs restent toutefois prudents. Pour trancher, il faudra rapatrier et analyser directement les échantillons sur Terre. C’est tout l’enjeu du programme Mars Sample Return (MSR). Mais ce projet titanesque se heurte à la réalité. Le plan initial, trop lent et trop coûteux (11 milliards de dollars pour un retour vers 2040), a été abandonné. La NASA planche sur d’autres solutions, avec possiblement l’appui du secteur privé — SpaceX et Blue Origin en tête — pour accélérer la cadence. Mais l’avenir du programme reste suspendu aux arbitrages politiques : l’administration Trump évoque même la possibilité de couper son financement pour privilégier les missions habitées, notamment vers la Lune.

En somme, les indices d’une vie passée sur Mars n’ont jamais été aussi solides, mais il faudra encore patienter — et peut-être affronter quelques batailles politiques — avant de lever le voile sur l’un des mystères les plus fascinants de notre système solaire.

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La rumeur qui a fait déborder la Somme !

28 septembre 2025 à 05:35

Au printemps 2001, la Somme est en crue. Tandis que l’eau monte inexorablement, inondant terres et villages, une idée folle émerge… Et si c’était de la faute… des Parisiens ?

Quand, le 9 avril, Lionel Jospin débarque à Abbeville, il est déjà trop tard. Le Premier ministre, attendu de pied ferme, est violemment pris à partie par des riverains furieux. Sur la défensive, il tente maladroitement de balayer la rumeur : « Vous pouvez imaginer que quelqu’un décide, à Paris, d’aller noyer la Somme ? Ça n’a pas de sens ! » Dans la foule, une femme réplique aussitôt : « Il y a sûrement quelque chose qui participe… », exprimant la conviction des sinistrés : Abbeville a payé le prix fort pour que Paris reste au sec.

Car des crues, la Somme en a connues, mais jamais d’identiques. Les anciens l’assurent : « Une telle intensité, on n’avait jamais vu. » Et ce détail qui rend tout suspect : l’eau continue de monter… alors qu’il ne pleut plus. Mystère ? Ou plutôt évidence. Pour les habitants, le scénario est clair. Les politiciens parisiens, paniqués à l’idée de voir la capitale sous l’eau, auraient détourné les flots vers la vallée picarde. Après tout, ce ne serait pas la première fois que la province servirait de variable d’ajustement, non ?

Abracadabrantesque !

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