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De la difficulté de voir les événements liés aux logiciels libres être couverts par la Presse
Le constat de Bad Service Belgium ne s’applique pas seulement à la Belgique.
En décembre dernier Stéphane Bortzmeyer a partagé dans la rubrique liens de LinuxFr.org la conférence de Loris Guémart intitulée « Les journalistes se moquent des logiciels libres, je vous explique pourquoi ». Cette conférence avait eu lieu lors du Forum PHP organisé par l’AFUP. Ce journaliste d’Arrêt sur images avait commencé sa conférence par questionner pourquoi il n’y pas de journalistes couvrant l’évènement.
En 2022 lors du salon Open Source Experience (OSXP), en discutant avec Nÿco sur le stand LinuxFr.org, j’avais émis l’idée d’aller au FOSDEM en 2023 pour faire un reportage photo comme celui que j’avais fait pour les Journées Méditerranéennes du Logiciel Libres et de le la démopartie Alchimie en 2013.
Car un événement de plus de 20 ans d’âge réunissant plus de 8000 spécialistes à la pointe de la technologie ça mérite l’intérêt et le détour.
Mais qu’est-ce que le FOSDEM ?
Créé à l’initiative de Raphaël Bauduin en 2001 sous le nom de OSDEM pour Open Source Software Developers' European Meeting (le F de Free fut ajouté plus tard), le FOSDEM rassemble chaque année des milliers de développeurs de logiciels libres du monde entier, aussi bien utilisateurs, contributeurs bénévoles, ou salariés d’entreprises travaillant dans ce domaine ou ayant un intérêt dans le logiciel libre, et probablement aussi certains de leurs employeurs.
L’événement se passe sur deux jours, et accueille une grande quantité de conférences sur des sujets divers et variés en rapport avec le logiciel libre.
Se faufiler parmi la foule pour prendre cette photo ne fut pas chose aisée…
L’évènement reçoit régulièrement pour ses conférences des personnes renommées comme Larry Lessig et Alan Cox en 2003 et 2005, Theo de Raadt, Jimmy Wales et Richard Stallman en 2005, Keith Packard et Miguel de Icaza en 2007, Andrew Tanenbaum et Greg Kroah-Hartman en 2008.
Vous êtes journaliste et vous ne connaissez pas ces noms ? C’est le moment de commencer à potasser le sujet. Cette liste est incomplète et s’arrête en 2008 ? Je vous invite à écrire les articles qui permettront de compléter et sourcer la page Wikipédia. 😉️
Mais au-delà de quelques personnalités qu’on peut parfois y croiser, le FOSDEM est un événement très populaire qui rassemble beaucoup, mais vraiment beaucoup de monde.
D’abondantes conférences ont lieu en simultané toute la journée, et de nombreux stands sont présents un peu partout pour des présentations plus informelles, notamment pour les associations.
C’est l’occasion d’acheter quelques goodies et de se servir en autocollants à apposer sur son laptop de hacker, mais surtout de faire des rencontres. Lors de ma visite en 2023 j’ai par exemple eu l’occasion de trinquer à la buvette avec Karol Herbst de chez Red Hat (l’auteur de RustiCL, la nouvelle implémentation d’OpenCL en Rust de Mesa).
libriste + ordinateur portable + autocollants == ❤️ |
Repartir du FOSDEM avec un ordinateur aussi bien décoré que celui du stand FreeBSD, c’est un projet de vie tout à fait honorable…
Un évènement populaire
Je me suis rendu compte à mon retour en 2023 que mes photos ne sauront entièrement retransmettre le sentiment que provoque l’impressionnante foule que rassemble le FOSDEM. Dans mon exercice photographique, je me suis surtout concentré sur des tableaux illustrant la vie au FOSDEM avec un cadrage plus personnel, ce qui rend moins évident cet aspect de masse humaine très impressionnante.
Mes photos de la conférence de clôture 2023 qui se déroule alors sans concurrence donne un certain aperçu du nombre de personnes présentes, mais humainement, je pense que le plus fort sentiment pour un visiteur sur place est nourri à midi lorsque tout le monde fait la queue aux différents food trucks.
Certains viennent en famille |
PostgreSQL et patin-couffin…
Cette année 2024 voit l’ouverture d’un FOSDEM junior avec des ateliers pour les plus-jeunes, de 7 à 17 ans ! Contrairement aux ateliers des adultes, les ateliers pour les jeunes sont sur inscription.
Quelqu’un qui participe au FOSDEM se trouvera un hôtel à proximité et s’achetera une carte du tramway local. J’ai remarqué que le matin du deuxième jour, les suggestions Youtube sur la télé de mon hôtel avaient complètement changé en comparaison avec celles de la veille : Youtube me proposait désormais des vidéos de développement avec Rust. 😁️
Le primo-visiteur du FOSDEM aura aussi besoin d’un smartphone avec un grand écran et une bonne batterie (qu’il n’est pas forcément évident de recharger sur place). En effet, la grande taille du campus, le nombre considérable de salles, le nombre de conférences impressionnant, et la quantité de monde toute aussi superlative font qu’il vaut mieux compter sur sa poche pour avoir un plan des lieux à tout instant, ainsi que le programme complet. En fait ce n’est pas absurde pour un nouveau venu de venir avec un dossier imprimé sous le bras, plus fiable qu’une zappette au lithium.
La restauration est assurée par des restaurateurs ambulants locaux et leur camion-fricadelle, camion-frites, camion-pizza, camion-pâtes, et camion-gauffres, sans oublier le chocolat, avec les gauffres.
Bon par contre, j’ai testé pour vous, on a beau être en Belgique où la langue française est une des langues nationales, si mon hôtel parlait français, aucun des restaurateurs ambulants n’a honoré des simples commandes (frites, pizza…) en français. Même à Bruxelles, l’anglais est obligatoire pour manger sur le lieu de l’évènement. Ah, et la moutarde n’existe pas. Vous aurez droit à une variété de sauces pour vos frites, mais la moutarde y est totalement inconnue ! 😲️
Frites et fricadelle |
Pizza |
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Un « vrai influenceur » prend en photo ce qu’il mange n’est-ce pas ? J’attends encore ma moutarde…
Une buvette tenue par les volontaires est disponible dans les locaux. Oubliez les distributeurs automatiques que vous pourriez trouver dans les couloirs, ils ne seront jamais en mesure d’encaisser le choc d’une telle population, de toute façon.
La buvette est aussi le lieu parfait pour le geek qui veut se poser avec son ordinateur portable (là encore, avec une bonne batterie) pour geeker en toute convivialité, accompagné d’une gaufre au chocolat et d’un sympathique petit rafraîchissement à bulles.
La buvette |
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Avec ses milliers de participants, le FOSDEM ne tournerait pas sans son armée de bénévoles qui font un travail tout aussi précieux que discret. J’en ai compté environ 160 pour 2023.
L’organisation et ses volontaires |
L’équipe du FOSDEM veille au bon déroulement de l’évènement.
Au-delà de ses conférences et de ses stands chamarrés, le FOSDEM est donc aussi l’occasion d’une virée en Belgique pour y manger des frites, des gaufres et boire de la bière. Si vous n’avez pas une conférence qui vous attend très tôt le lendemain matin, c’est l’occasion de vous promener en centre-ville dans la soirée.
Les conférences
Le FOSDEM a 35 salles de conférences, en 2023 il y avait 787 conférenciers. En 2024 ce sont 946 conférenciers qui sont attendus ! Pour deux jours seulement de conférences !
Il faut donc compter qu’au plus fort de la journée, à chaque instant, se déroulent plus d’une trentaine de conférences en simultané. Une fois qu’une salle est pleine, on n’entre plus. C’est l’usine.
Quelques photos panoramiques… |
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Mmh, ça en fait du monde…
Les salles de conférences vont de petites salles de cours à l’atmosphère intimiste aux grands amphis qui peuvent nous faire regretter de ne pas avoir apporté une jumelles.
Conférences sur conférences |
Le découpage en de très nombreuses conférences permettent tout de même quelques échanges de questions/réponses à la fin de celles-ci, malgré le nombre conséquent de visiteurs.
Suivre les conférences en ligne
Toutes les conférences du FOSDEM sont captées, diffusées, et enregistrées !
Il est donc possible d’assister aux conférences en ligne, y compris les archives des années précédentes.
En 2023, le FOSDEM avait diffusés 35 flux vidéo simultanés (une par salle j’imagine), avec 19 630 spectateurs uniques et 800 spectateurs concurrents. Ça fait plus de 300 heures de vidéo pour un seul FOSDEM !
Captation des conférences |
Des développeurs Microsoft viennent au FOSDEM pour nous parler de Rust, certains douteront-ils encore que Rust saylemal?
Les stands
Les couloirs de l’université sont le lieu des stands, et cette partie est similaire à ce qu’on peut trouver à d’autres rassemblements d’utilisateurs et développeurs de logiciel libres.
Stands en tout genre |
Stands en tout genre |
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On y trouve aussi bien des stands d’associations que d’entreprises et cela reflète bien la dynamique libre de collaboration. Prenez l’expérience OSXP et imaginez les entreprises avec la même ambiance que le village associatif, ça donne les couloirs du FOSDEM.
J’y ai retrouvé le stand Debian que j’avais vu à l’OSXP quelques mois plus tôt, ainsi que celui de VLC avec sa roue de la fortune dont le succès n’était égalé que par l’incroyable salopette orange de son animatrice.
Au détour de ces stands lors de ma visite en 2023 j’ai eu une conversation très sympathique avec les tenanciers du stand de Chamillo, un logiciel libre d’ « e-learning ».
Les visiteurs
Le bain de foule du FOSDEM est aussi l’occasion d’une analyse sociologique de sa population, entre les officiels de certaines entreprises, les invités de marque, les geeks barbus dont la taille de la pilosité reflète peut-être la profondeur de leur expertise (ou pas), etc.
Rust saymal… |
Google c’était mieux avant ! |
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Quelques affichages sauvages facétieux…
On peut aussi sonder certaines tendances parmi cette population. Prenons par exemple deux catégories d’utilisateurs de logiciel libre : le geek enthousiaste à la pointe de la technologie et prêt à sauter sur la première nouveauté d’où qu’elle vienne, et le prudent et circonspect par défaut, plus porté sur les aspects de souveraineté, de vie privée, etc.
On peut supposer que la communauté des utilisateurs et développeurs des logiciels libres soit plus favorable à la seconde population que d’autres communautés, par exemple on aura probablement plus de chances de trouver un partisan de l’autohébergement chez un libriste linuxien que chez un membre d’un fanclub Apple.
Mais la population « circonspecte » est-elle majoritaire dans la population libriste ? Il y a une dizaine d’années certains remarquaient l’omniprésence de Macbooks à certaines conventions de libristes, cette mode semble être passée et j’ai observé un grand retour des Thinkpads quoi que j’ai pu entendre des intentions d’achat de machines Apple silicon pour jouer avec Asahi Linux.
Un autre aspect cher à certains libristes attachés à une certaine philosphie Unix est : un outil pour une tâche. Je me suis pourtant trouvé un peu comme un OVNI à séparer les fonctions téléphone, appareil photo, et carte bancaire…
C’est pour ces deux raisons que j’ai trouvé particulièrement intéressante et inattendue l’observation sociale suivante : le constat que l’écrasante majorité des participants au FOSDEM paient leurs consommations avec leur téléphone. Cela vous surprend-il ? N’hésitez pas à partager votre analyse ou vos explications en commentaire ! 😉️
Où est la Presse ?
Comme indiqué en introduction, en 2023 la conférence de clôture était donc donné par Steve Crawford de la NASA, ce qui pouvait susciter un article facile pour la presse non-spécialisée. On pouvait traduire le début de l’annonce de cette conférence ainsi : « Le logiciel a été le fil conducteur de toutes les grandes réalisations de la NASA, de l’alunissage aux images les plus profondes de notre univers. Aujourd’hui, la NASA s’appuie sur les logiciels libres, y contribue et les publie pour faire avancer ses missions scientifiques. ». Sans forcément entrer dans des détails cryptiques, il était facile de faire quelques publications avec un joli titre accrocheur.
La conférence de clôture du FOSDEM en 2023 |
La NASA au FOSDEM en 2023 |
Dans les étoiles |
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La conférence de clôture du FOSDEM en 2023 |
Cette année 2024, on notera la conférence « Where have the women of tech history gone? » qu’on doit pouvoir traduire par « Où sont passées les femmes de l’histoire technologique ? », un sujet accessible à de très nombreux médias, et tout à fait dans l’air du temps pour vendre du papier.
À propos des photos
Ces photos sont un peu mes cartes postales envoyées au lectorat de LinuxFr.org, avec un service postal soumis aux aléas de mes (in)disponibilités 😜️.
Les photos de ce reportage sont distribuées sous license libre CC By 4.0 (Creative Commons Attribution). L’album complet peut être téléchargé ici. On y trouvera quelques photos que je n’ai pas mises ici pour ne pas noyer le reportage, et quelques photos un peu redondantes mais dont le point de vue ou certains aspects peuvent susciter un certain intérêt (spécialement si certains s’y reconnaissent !).
Ceux qui souhaiteraient faire un don libre pour les photos peuvent le faire ici.
Ce reportage photographique a été réalisé avec les logiciels libres suivants :
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Darktable (développement photo numérique) ;
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Hugin (assemblage de photo panoramique) ;
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Magic Lantern (extension pour micrologiciel d’appareil photo) ;
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GpsPrune (géolocalisation de photos) ;
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Ghostwriter (édition de texte au format Markdown).
Et si vous êtes au FOSDEM cette année, n’hésitez pas à venir raconter votre aventure ! 👋️