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Hier — 2 juin 2024Flux principal

Projets impossibles, zéro investissement : les centrales hydroélectriques françaises vont-elle enfin sortir de l’impasse ?

Par : Ugo PETRUZZI
2 juin 2024 à 14:55

Une mission d’information dédiée aux modes de gestion et d’exploitation des installations hydroélectriques a été mise sur pied pour trouver un avenir juridique aux barrages. Aujourd’hui, 10 % de la puissance installée du plus grand parc hydroélectrique européen est dans un flou juridique, car ses concessions sont arrivées à échéance et pas encore renouvelées. Certains barrages sont donc dans l’impossibilité de réaliser des investissements pourtant majeurs et essentiels.

120 barrages ont été construits à la fin de la Seconde Guerre mondiale lors de la nationalisation du secteur électrique français. Ils sont exploités sous un régime dit de concession pour  90 % de la puissance installée en France : une forme de « bail » qui lie l’État et les entreprises concessionnaires pour une durée de 80 ans. Ce régime d’exploitation transfère la responsabilité des investissements, de la construction et de l’exploitation d’une installation hydroélectrique à des entreprises qui se rémunèrent en tirant bénéfice de l’exploitation des installations pendant toute la durée de la concession. En contrepartie, le concessionnaire verse une redevance, accorde des réserves en eau et en énergie. 

Le parc hydroélectrique en France est donc le fruit d’un héritage historique caractérisé par un grand nombre de concessions, produisant 12 % de l’électricité française, attribuées à trois principaux concessionnaires :

  • Électricité de France (EDF) pour 70 % de la production nationale
  • Compagnie nationale du Rhône (CNR) pour 25 %
  • Société hydroélectrique du midi (SHEM) pour moins de 3 %

Un flou juridique qui compromet les objectifs énergétiques

Or, certains droits d’exploitation de barrages sont déjà arrivés à leur terme et n’ont pas été renouvelés ou remis en concurrence comme le veut la Commission européenne. Elle a mis deux fois l’État en demeure (2015 et 2019). Les conséquences de ce flottement sont regrettables, met en garde la Cour de Comptes : « il est nécessaire de sortir rapidement de cette situation afin d’éviter que la gestion d’ensemble du parc hydroélectrique ne se dégrade et qu’il ne puisse jouer pleinement son rôle dans la transition énergétique » avertit-elle. « Le cadre juridique actuel ne permet de réaliser que des modifications de faibles montants sans remise en concurrence », regrette de son côté EDF. « Il n’est donc possible de réaliser que de très légères augmentations de puissance sur ces ouvrages. » Les stations de stockage d’énergie par pompage (STEP) sont dans la même situation : leur développement est à l’arrêt, « notamment à cause des difficultés rencontrées pour prolonger la durée des concessions concernées par ces investissements considérables. »

L’État est donc dans une impasse. Il refuse d’un côté les mises en demeure de la Commission, qui presse la mise en concurrence, et donc la possible entrée de nouveaux acteurs. D’un autre, le projet Hercule, imaginé sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron et visant à démanteler EDF en trois blocs, a été abandonné. Sinon, fut envisagé en décembre 2023 dans l’avant-projet de loi souveraineté énergétique de passer les barrages sous le régime de l’autorisation, consistant en un transfert de propriété de l’État sans mise en concurrence. Or, il est difficile de fixer un prix puisque EDF est déjà bien endetté. Le projet est donc mort-né.

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Ni démantèlement d’EDF, ni mise en concurrence

Il est inenvisageable pour les députés de laisser les barrages aux mains d’autres acteurs privés. Ils souhaitent les conserver dans le giron public. Ces derniers travaillent sur une autre solution : celle de la « quasi-régie », qui consiste à attribuer la concession publique discrétionnairement à un opérateur public sur lequel l’État exerce un contrôle analogue à ses propres services.

Cela permettra d’éviter une désoptimisation de la production hydroélectrique et le maintien d’un opérateur unique permettant de gérer au mieux les chaînes hydrauliques. Au niveau national, les compensations entre toutes les concessions permettraient « d’éviter la mise en difficulté des installations moins rentables en situation de prix bas. » À l’inverse, lors d’épisodes de prix hauts, l’État et les collectivités locales pourraient plus facilement capter la rente « inframarginale » des barrages, dont les coûts sont fixes.

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À partir d’avant-hierFlux principal

Stockage d’électricité : l’Écosse va construire une STEP aussi grande que Montézic

23 mai 2024 à 14:57

L’Écosse va-t-elle devenir le nouvel empire des stations de transfert d’énergie par pompage (STEP) ? C’est bien possible. La nation pourrait bien mettre à profit la géologie avantageuse de ses Highlands pour mieux exploiter la production de ses parcs éoliens en mer. Dernier projet en date : une STEP de 30 GWh de capacité de stockage, soit autant que la centrale française de Montézic. 

L’entreprise écossaise Glen Earrach Energy Limited espère bientôt pouvoir implanter, aux abords du Loch Ness, une station de pompage turbinage d’une puissance de 2 GW qui permettrait de stocker l’équivalent de 30 GWh d’électricité. Des mensurations comparables à la STEP de Montézic en France, en service depuis 1982. Le vaste projet sera situé aux environs de Balmacaan Estate, à 25 km au sud-ouest d’Inverness. Nécessitant un investissement colossal de 2 à 3 milliards de livres sterling (2,4 à 3,5 milliards d’euros), il devrait permettre, selon les porteurs de projets, de réduire de 10 % les émissions de CO2 du réseau électrique écossais. Il pourrait également faire économiser près de 2 milliards de livres sterling en coûts de fonctionnement pour le réseau.

L’Écosse brille par sa production remarquable d’électricité renouvelable, et dispose d’un mix électrique presque entièrement décarboné. Mais parfois, des difficultés d’exportation de la production électrique obligent les opérateurs de parcs éoliens à brider les éoliennes, représentant un véritable manque à gagner.

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Les projets se multiplient dans les Highlands

Pour résoudre ce problème, l’entreprise Glen Earrach Energy Limited n’est pas la seule à vouloir stocker de l’électricité en exploitant le relief des Highlands. En plus de la centrale hydroélectrique Foyers, mise en service en 1974, on dénombre pas moins de 4 projets de STEP dans la région des Lochs, dont deux se servent du Loch Ness comme réservoir haut ou bas.

La multiplication de ces projets suscite d’ailleurs des inquiétudes concernant l’éventuelle fluctuation de niveau du Loch Ness, et ses répercussions sur la faune locale. Une étude d’impact environnementale, réalisée dans le cadre du projet Loch Kemp, a indiqué que l’effet combiné des centrales de Foyer (300 MW), Loch Na Cathrach (450 MW) et Loch Kemp (600 MW)  pourrait entraîner une baisse de 73 centimètres du Loch Ness tout entier. Le projet de Glen Earrach Energy Limited viendrait potentiellement augmenter ce chiffre. Néanmoins, les différents exploitants de STEP se sont montrés rassurants, avançant qu’un fonctionnement simultané des stations, bien que possible, serait très rare. Au contraire, ces stations de pompage turbinage permettraient de réguler l’eau du Loch Ness en fonction des conditions climatiques.

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Des barrages en plein désert : les mégaprojets hydroélectriques d’EDF au Moyen-Orient sont-ils vraiment climaticides ?

12 mai 2024 à 05:48

Construire un barrage au milieu du désert est-il réellement une aberration environnementale ? Alors qu’EDF termine actuellement une STEP de 250 MW à Dubaï, et travaille avec l’Arabie Saoudite à la réalisation d’un autre projet d’envergure, la question se pose plus que jamais. Mais la réponse, complexe, dépasse le simple cadre du stockage de l’électricité.

EDF Hydro, la filiale d’EDF spécialisée dans la production d’électricité à partir de l’énergie hydraulique, dispose d’un savoir-faire reconnu dans le monde entier, en particulier pour la mise en oeuvre de STEP. Après avoir permis à la France, dès les années 70, d’optimiser son potentiel de stockage d’électricité à travers de nombreuses installations de pompage-turbinage, l’entreprise fait désormais rayonner son savoir-faire un peu partout dans le monde. Parmi les projets d’envergure qu’EDF Hydro mène au-delà de nos frontières, on peut citer la centrale hydroélectrique Hatta, à Dubaï. Cette station de pompage-turbinage, d’une puissance de 250 MW, devrait être mise en service dès cette année. Elle aura nécessité la création d’un réservoir supérieur de 5,1 millions de mètres cubes d’eau grâce à la création de deux barrages mesurant respectivement 35 mètres et 70 mètres de hauteur. Un tunnel de 1200 mètres permet de conduire l’eau jusqu’au réservoir inférieur déjà existant.

Mais ce n’est pas le seul projet d’EDF dans la région. Une autre STEP, répondant au nom de code NESTOR, pourrait bientôt être construire en Arabie saoudite. Cette centrale est vivement critiquée par du personnel interne à EDF, qui y voit un projet « climaticide », qui ne serait pas en adéquation avec les valeurs d’EDF.

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Les STEP, un atout indispensable de la transition énergétique

Ce ne sont pas les dimensions de ces STEP qui font réagir. La centrale Hatta n’a, sur ce point, rien d’exceptionnel. Il s’agit même d’une petite installation en comparaison aux installations françaises. À titre d’exemple, la centrale de Grand’Maison, en France, affiche une puissance de de 1160 MW, et son réservoir supérieur peut stocker 140 millions de mètres cubes d’eau.

En revanche, il paraît surprenant de voir naître, au cœur d’un paysage pour le moins aride, de si grands réservoirs d’eau. D’ailleurs, cette eau des réservoirs devra être prélevée dans la Mer Rouge, puis dessalée avant d’être acheminée jusqu’aux réservoirs. Pourtant, dans une optique de décarbonation des moyens de production d’électricité, le stockage de l’énergie devient peu à peu un enjeu stratégique colossal pour pallier le caractère intermittent de la production des énergies renouvelables. Malgré le développement des batteries chimiques, les STEP jouent, dans ce contexte, un rôle crucial. Contrairement aux BESS (Battery energy storage system), elles ont l’avantage de permettre le stockage d’immenses quantités d’énergie sur de longues périodes. L’investissement initial, nécessairement colossal, est largement compensé par une très longue durée de vie. La centrale de Hatta a été conçue pour stocker de l’énergie pendant au moins 80 ans ! Face à cette situation, créer des centrales de pompage turbinage dans des zones arides comme l’Arabie Saoudite, mais également Dubaï ou le désert d’Atacama n’est pas dénué de sens d’un point de vue environnemental.

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Au cœur de la controverse, The Line, le projet de tous les extrêmes

En revanche, pour le projet saoudien NESTOR, c’est plutôt la finalité qui pourrait poser problème. Celui-ci est est, en effet, associée à The Line, cette ville géante en forme de ligne qui devrait venir déchirer le désert saoudien sur près de 170 kilomètres. C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré Jean-Yves Segura, représentant du personnel et délégué Force Ouvrière (FO) à EDF Hydro, au micro de France Info : « Le problème, ce n’est pas de construire une centrale hydroélectrique en Arabie Saoudite, c’est de la construire à Neom. Bien évidemment, l’Arabie Saoudite, comme tous les pays, doit se décarboner. Et les centrales hydroélectriques, notamment les centrales de pompage turbinage, peuvent participer à cette décarbonation, estime le délégué syndical. Mais Neom nous gêne parce que c’est un projet pharaonique qui ne bénéficiera pas à la population saoudienne. Ce sera pour faire du tourisme de luxe au milieu du désert. Et ça, ce n’est pas du tout durable ».

Vue d’artiste du projet The Line en Arabie Saoudite / Image : NEOM

Cette ville intelligente et futuriste, déchaîne, effectivement, les critiques de par son gigantisme. Haute de 500 mètres, large de 200 mètres, et longue de 170 kilomètres, cette ville à la fois verticale et horizontale est prévue pour recevoir à terme 9 millions d’habitants. Annoncée comme décarbonée, The Line est pourtant critiquée d’un point de vue environnemental. Rien que la construction du projet pourrait générer, selon l’enseignant-chercheur Philip Oldfield, près de 1,8 gigatonnes d’équivalent CO2. Cela correspond à l’équivalent de trois ans d’émissions de CO2 de la France entière. D’un point de vue environnemental, ce projet est vu de la même manière que, par exemple, l’organisation des jeux asiatiques d’hiver de 2029 dans la région saoudienne de Trojena, où la neige est très rare.

Outre l’aspect écologique, le projet est également critiqué parce qu’il pourrait conduire à l’expulsion de 20 000 membres de la tribu des Huwati, qui habitent le site d’implantation du projet. En octobre 2022, 3 opposants aux projets avaient d’ailleurs été condamnés à mort par l’Arabie Saoudite.

 

 

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À quoi sert ce tunnel EDF long de 15 kilomètres perché à quelque 1 500 mètres d’altitude ?

1 mai 2024 à 06:16

Pour produire de l’électricité, il faut parfois en passer par des ouvrages imposants. Même s’ils peuvent rester cachés à nos regards. C’est le cas d’un tunnel qu’EDF a creusé dans la montagne française il y a déjà plus de 70 ans. Le tunnel de Malgovert.

Les initiés l’appellent la galerie de Malgovert. Un tunnel de 4,5 mètres de diamètre et de près de 15 km de long. Le tout creusé sous le mont Pourri (Savoie), à quelque 1500 mètres d’altitude. Jusqu’au début de ce mois de juin, EDF y réalise des travaux de maintenance et de modernisation. Il faut dire que ce tunnel a été percé il y a plus de 70 ans déjà. En 1952. Pendant la mise en chantier du barrage de Tignes. Et même si d’importants travaux y ont déjà été menés il y a quelques années, de nouvelles interventions sont toujours utiles.

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Un tunnel pour acheminer l’eau d’un barrage vers une centrale hydroélectrique

Pour bien comprendre, il faut situer le chantier. L’histoire se joue sur le domaine de la Haute Tarentaise (Savoie). Là, EDF exploite un important complexe hydroélectrique. Des prises d’eau, plusieurs centrales et des barrages. Parmi eux, celui de Tignes. Il est le plus haut barrage de France, perché à environ 1 700 mètres d’altitude. Sa capacité : 235 millions de m3. C’est l’équivalent de 110 000 piscines olympiques.

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Le tunnel de Malgovert correspond à ce que les experts appellent une galerie d’amenée. Le tunnel, en effet, court pour ainsi dire du barrage de Tignes — plus exactement, de la retenue des Brévières qui alimente aussi la première usine hydroélectrique en aval du barrage de Tignes — jusqu’à la centrale hydroélectrique de Malgovert. Il fonctionne comme un drain non étanche et collecte ainsi une eau déversée jusqu’à 100 litres par seconde dans une galerie blindée de 3,20 mètres de diamètre. Le tout sur une distance de 14,7 kilomètres jusqu’à deux conduites forcées qui accélèrent alors la chute de l’eau vers l’usine hydroélectrique de Malgovert.

Celle-ci a été mise en service en 1953. Elle turbine jusqu’à 50 mètres cubes par seconde de l’eau stockée par le barrage de Tignes. Et elle produit environ 680 gigawattheures (GWh) par an. C’est l’équivalent de la consommation de plus de la moitié des habitants de la Savoie. La production de l’ensemble du complexe hydroélectrique, quant à elle, atteint les 80 % des besoins du département.

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Le tunnel de Malgovert en travaux

Il y a quelques années, c’est surtout sur les conduites forcées que des travaux ont été effectués. Celles par lesquelles l’eau chute de quelque 700 mètres vers les turbines de l’usine de Malgovert. L’opération délicate par son envergure, mais aussi par les conditions de terrain — avec des pentes parfois à 80 % — et par les conditions météorologiques, a mobilisé jusqu’à 200 personnes. Le tout organisé de manière à limiter au maximum l’impact sur l’environnement et la population.

Pour mener à bien les nouveaux travaux de modernisation et de maintenance nécessaires dans le tunnel de Malgovert, EDF Hydro Alpes a d’abord dû provoquer un « assèchement » de la retenue du barrage de Tignes depuis le début de l’hiver. Comprenez que l’eau stockée a été utilisée régulièrement pour produire de l’hydroélectricité. Et lorsque la retenue a atteint son niveau minimum d’exploitation — soit environ 1655 mètres NGF, en d’autres mots, 1655 mètres au-dessus du « nivellement général de la France », soit presque autant de mètres au-dessus du niveau de la mer —, il y a quelques jours, les opérations ont pu commencer. Un chantier de 7 millions d’euros pour reprendre, notamment, les parties blindées de la galerie, les portes étanches, les conduites forcées et les groupes de production. Ensuite, la fonte des neiges, attendue dans les semaines à venir, devrait permettre au barrage de Tignes de retrouver progressivement son niveau habituel pendant l’été.

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