« Droit à la fraîcheur » : cet ingénieur français plaide pour la climatisation
Traditionnellement opposée à la climatisation, la France change progressivement d’avis à la suite des canicules toujours plus longues et intenses. Diabolisés, les climatiseurs ne seraient pas aussi nocifs qu’on l’imagine, selon un ingénieur pourtant spécialisé dans le développement durable. Il publie une tribune en faveur d’un « droit à la fraîcheur », en démontant de nombreux préjugés sur cet appareil. Un point de vue nuancé, assez rare sur le sujet.
Dans un long billet d’analyse publié sur le réseau social Linkedin, Arthur de Lassus, ingénieur et co-fondateur d’un cabinet de conseil en développement durable, fait le point sur les idées reçues autour de la climatisation. Les mythes écartés, le technicien évalue objectivement l’intérêt des climatiseurs, qui sont ni plus ni moins des pompes à chaleur, en France, dans un contexte de réchauffement climatique.
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Premier constat : la climatisation ne serait pas l’ogre énergétique souvent décrit. « Loin d’être particulièrement vorace, la climatisation est en réalité très efficace et peu consommatrice » commence l’ingénieur. Un climatiseur moderne serait donc assez sobre : 500 à 700 W en moyenne pour une puissance thermique restituée de 2 000 W. En comparaison annuelle, sa consommation – 250 kWh/an, certes très variable d’un lieu à un autre – resterait inférieure à celle d’un réfrigérateur et marginale face aux déplacements en voiture ou au chauffage de l’eau.
De plus, l’électricité utilisée pour faire fonctionner les climatiseurs est principalement produite durant l’été, période où la demande est habituellement faible et l’énergie solaire abondante, ce qui limiterait l’impact sur le réseau.« Ces derniers jours, on [a] écrêté/réduit la production solaire, car l’offre était supérieure à la demande » détaille Arthur de Lassas, qui propose d’aller plus loin, en proposant des créneaux horaires où l’électricité serait gratuite. « Ne serait-il pas plus malin d’annoncer des heures de consommations avec tarifs ultra-réduits (voire gratuits comme cela se fait en Australie du Sud) afin de profiter de l’abondance énergétique temporaire, faire fortement baisser la température du logement et la laisser remonter lentement en soirée et pendant la nuit ? »
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La climatisation représenterait moins de 1 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Son impact carbone serait davantage lié aux fuites de fluides frigorigènes qu’à la consommation électrique elle-même. La maîtrise de ces fuites – par la formation des professionnels, l’entretien rigoureux et des choix techniques judicieux – réduirait considérablement cet effet.
Concernant les îlots de chaleur urbains, l’ingénieur cite une étude menée à Paris, qui montrerait que même en cas d’usage intensif de la climatisation (réglée à 23 °C), l’augmentation des températures extérieures resteraient très localisées (+0,5 °C en moyenne). Si l’expert plaide pour les climatiseurs, il ne néglige pas l’intérêt de l’isolation thermique et de la végétalisation des espaces publics, mais émet quelques réserves. Car l’efficacité de ces îlots de fraicheur serait incertain.
« L’effet de refroidissement [produit par l’évapotranspiration des végétaux, NDLR] dépend fortement de l’eau disponible pour la végétation : si nous supposons qu’il n’y a pas d’eau disponible pour l’arrosage pendant les vagues de chaleur, l’effet de refroidissement devient négligeable » indique-t-il. L’isolation, elle, serait moins performante sur la réduction des consommations énergétiques qu’une gestion intelligente des climatiseurs. « L’isolation massive permet une baisse de 17 %. Le passage de 23 °C à 26 °C dans les bureaux et 28 °C dans les logements permet de faire baisser de 42 % » affirme l’ingénieur.
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Les réseaux de froid mutualisés seraient plus efficaces et écologiquement vertueux que les climatiseurs individuels, mais leur déploiement nécessiterait beaucoup de temps et de financement. Ils ne pourraient couvrir que partiellement les besoins, notamment dans les zones urbaines denses. De quoi relativiser les discours du Premier ministre François Bayrou et de la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher, qui assurent pouvoir climatiser tous les bâtiments publics à bas coût au moyen de la géothermie et des réseaux de froid.
Contrairement à certaines interprétations, la climatisation ne serait pas intrinsèquement une mauvaise adaptation au changement climatique. Elle pourrait même devenir un levier de décarbonation à condition d’être bien encadrée : équipements réversibles (qui chauffent sobrement en hiver et climatisent en été), usage raisonné, alimentation solaire, fluides frigorifiques à faible impact.
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