3,87 € le litre d’essence « fait maison » à partir d’air et d’eau : vous n’êtes pas prêts d’abandonner la station-service
Produire de l’essence avec de l’air et de l’eau, est-ce de la magie ? Non, juste de la chimie et de la technologie, miniaturisées, mises à l’échelle d’une production locale, voire domestique. Le procédé pourrait être disponible pour la fin d’année prochaine, mais son coût énergétique et financier est exorbitant.
L’essence, ce n’est rien d’autre que de la chimie. Une chimie naturelle, tout d’abord, qui a combiné l’énergie du Soleil, les forces tectoniques de notre planète, et le travail de bactéries, pour concocter du pétrole durant des millions d’années. Un processus que l’industrie pétrolière a ensuite complété d’une chimie artificielle, dans les raffineries, pour produire l’essence qui alimente nos véhicules thermiques.
Mais les fondateurs de la start-up new-yorkaise Aircela veulent faire plus rapide et plus direct. Et quand l’on dit rapide et direct, il s’agit de ne pas mâcher ses mots : la société veut vous permettre de produire votre propre essence chez vous chaque jour. Un doux rêve ? Non, puisque l’équipe vient de démontrer que son système fonctionne.
De l’air et de l’eau jusqu’à l’essence
Il s’agit d’une machine constituée de trois modules hexagonaux empilés, mesurant à près la hauteur d’un être humain. Et à l’intérieur, c’est un processus plutôt complexe qui est mis en œuvre. Tout d’abord une solution d’hydroxyde de potassium (KOH) et d’eau absorbe le dioxyde de carbone (CO2) atmosphérique. Par ailleurs, un électrolyseur, alimenté, par exemple, par de l’électricité renouvelable, produit de l’hydrogène et de l’oxygène à partir d’une alimentation en eau. L’oxygène est ensuite libéré, tandis que l’hydrogène est combiné avec le CO2 pour former du méthanol.
La solution d’absorption est alors recyclée pour être réutilisée. Ce méthanol subit ensuite une nouvelle étape de transformation, appelée methanol-to-gasoline (MTG) qui permet de produire de l’essence. Et cette dernière pourra directement être utilisée dans un véhicule à moteur essence tout à fait normal, sans aucune adaptation nécessaire.
Un prix élevé pour le moment
Une longue cascade de transformations, donc, mais au total, un procédé d’une simplicité exemplaire : il utilise donc de l’air, de l’eau et de l’électricité, pour produire de l’essence. Dans un seul module. Lesquels peuvent en outre être démultipliés pour produire plus d’essence. Le concept a le mérite d’une certaine élégance.
La productivité d’un unique module reste toutefois plutôt faible. Ce seront un peu moins de 4 litres par jour (3,785 litres exactement, soit 1 gallon US) qui pourront être produits, ce qui pourrait correspondre à des trajets quotidiens. Mais il faudra pour cela l’alimenter de 75 kWh d’électricité. Cela équivaut à 14,64 € au tarif EDF bleu actuel, soit un coût de production de… 3,87 € par litre, sans compter le prix du matériel. La solution sera donc sans doute réservée à ceux qui peuvent se permettre une centrale solaire très puissante sur leur toit ; on peut augurer en outre que la production réelle en hiver en zone tempérée restera modeste.
Mieux vaut utiliser l’électricité pour recharger un véhicule électrique ?
Se pose également la question de la pertinence d’un système si complexe pour alimenter des voitures individuelles. Car, avec 75 kWh, une voiture électrique peut parcourir entre 400 et 550 km, selon qu’elle roule sur autoroute ou sur départementale. Et aucune transformation de l’électricité en autre chose que de l’électricité n’est nécessaire. À l’inverse, avec 3,8 litres de carburant, une voiture essence ne franchira pas plus de 75 km, éventuellement une centaine si elle est hybride. La production d’essence non-fossile d’Aircela pourrait toutefois être adaptée aux moyens de transport difficilement électrifiables : gros poids lourds longue distance, navires, trains, véhicules militaires, avions…
Aircela ne fournit pas d’information sur le prix de son système. Mais certaines sources évoquent un prix compris entre 15 000 et 20 000 dollars. Si l’on suppose que le système est amorti sur 10 ans, cela ferait un prix du carburant supérieur à 1 $/L, sans compter le coût de la production électrique. Il en résulte que le système ne sera donc pas encore compétitif ; Aircela compte toutefois sur les économies d’échelle pour en réduire les coûts. La première série limitée sera disponible à fin 2026.
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