Pourquoi des réacteurs nucléaires s’arrêtent-ils en période de canicule ?
Lors d’une canicule, plusieurs centrales nucléaires françaises peuvent être obligées à baisser leur production, voire même, parfois, à s’arrêter. Une contrainte liée non pas à la sûreté des installations, mais à la température des cours d’eau utilisés pour les refroidir. Le réchauffement climatique, en réduisant les débits et en chauffant les rivières, les contraint à moduler leur production.
Fin juin 2025, EDF a arrêté le réacteur n°1 de la centrale nucléaire de Golfech (Tarn-et-Garonne), en raison de la température de la Garonne qui atteignait 28 °C. Selon l’arrêté préfectoral de 2006, c’est la limite maximale autorisée en température à l’aval de la centrale en période estivale. EDF a ainsi annoncé un redémarrage prévu pour le 7 juillet, en fonction de l’évolution météo (une nouvelle canicule étant annoncée).
Ce type d’adaptation n’est pas nouveau. Déjà en 2022, un été caniculaire avait conduit EDF à solliciter des dérogations auprès de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) pour maintenir la production à Golfech, au Bugey, à Tricastin et à Saint-Alban. L’ASN avait alors temporairement relevé les seuils autorisés pour 24 jours cumulés avec une surveillance environnementale renforcée. En 2019, un des deux réacteurs de Golfech avait également été arrêté pour les mêmes raisons comme à Saint-Alban ou au Bugey lors d’étés secs.
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Les réacteurs nucléaires prélèvent de l’eau dans un fleuve pour refroidir leur circuit secondaire. Dans les centrales à circuit ouvert (comme Golfech), cette eau est restituée quasi immédiatement après avoir gagné quelques degrés. L’eau étant puisée dans le fleuve, elle est moins abondante que les centrales en bord de mer et va chauffer un peu plus. Dans les circuits fermés (comme dans la centrale nucléaire du Tricastin), une partie de la chaleur est dissipée par des tours aéroréfrigérantes et la problématique de l’eau est bien moins grande. Entre 2015 et 2020, la grande majorité des pertes en énergie (71 %) était due à des « débits trop faibles de la source froide » selon RTE, pour refroidir donc. Dans ce cas, la sûreté du réacteur est en jeu, puisqu’il ne peut pas être suffisamment refroidi. Mais l’arrêt actuel de Golfech n’est pas de cet ordre : c’est la température de l’eau, déjà haute, qui dépasserait la température limite autorisée après avoir refroidi le réacteur, lors de sa restitution au fleuve.
Pour protéger les écosystèmes aquatiques, les températures maximales admissibles en aval des centrales sont strictement réglementées par l’ex-autorité de sûreté (ASN). Les deux niveaux de limite sont les suivants :
– 1ᵉʳ niveau (« normal ») : des seuils à ne pas dépasser en période ordinaire.
– 2ᵉ niveau (« exceptionnel ») : activé en cas de tension sur le réseau électrique (à la demande de RTE), avec des limites provisoirement relevées pour quelques semaines.
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« Ces normes sont là pour protéger la biodiversité, pas pour garantir la sûreté », rappelle l’ASN. Dans les cas extrêmes, elle peut accorder une dérogation, mais cela suppose un arbitrage : faut-il limiter la production et respecter la biodiversité du fleuve ou l’inverse ponctuellement ? En 2022, le gouvernement avait justifié les assouplissements par le besoin de préserver les réserves de gaz et d’assurer la sécurité énergétique à l’approche de l’hiver.
Ces dernières années, EDF a renforcé ses équipements (climatisation, tours de refroidissement…). Près de 1,6 milliard d’euros ont été investis ou engagés jusqu’en 2038 dans le cadre de son programme Adapt, conçu pour faire face au dérèglement climatique. Mais selon la Cour des comptes, l’indisponibilité liée à la chaleur pourrait être multipliée par trois ou quatre d’ici 2050, si rien n’est fait. L’ASNR préconise d’augmenter le « renforcement de la prise en compte des effets du changement climatique » lors de la cinquième visite décennale.
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