Pourquoi notre électricité est plus taxée que celle destinée à produire du kérosène « vert »
Alors que la décarbonation repose en grande partie sur l’électrification des usages, une incohérence majeure demeure dans la fiscalité énergétique actuelle : l’électricité que nous utilisons au quotidien pour le chauffage, la cuisson ou la mobilité, est bien plus taxée celle servant à la production de carburants synthétiques, ou e-fuels, destinés à l’aviation, relève le chercheur Jean-Baptiste Jarin.
Le chercheur Jean-Baptiste Jarin relève une contradiction sur la taxation d’une même électricité dirigée vers nos maisons et celle pour produire les e-fuels. Selon son analyse, publiée dans un article le 11 février 2025, le prix final de l’électricité pour un ménage français atteint en moyenne 27 centimes d’euros le kilowattheure (c€/kWh). En face, les futurs e-fuels d’origine renouvelable (produits via électrolyse et synthèse à partir de CO₂) ne seraient taxés qu’à hauteur de 9 c€/kWh lorsqu’ils sont destinés au transport aérien. Cet écart d’un facteur trois vient en grande partie de la fiscalité appliquée à chaque énergie.
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L’électricité est soumise à une combinaison de charges : TVA (5,5 % à 20 % selon les cas), contribution au service public de l’électricité (CSPE) et coûts d’acheminement. Cette structure tarifaire résulte d’une logique historique de financement des réseaux.
À l’inverse, les e-fuels, bien que très énergivores à produire (rendement global inférieur à 20 % depuis l’électricité initiale consommée) sont aujourd’hui peu, voire pas taxés. Le secteur aérien bénéficie d’exemptions fiscales : absence de taxe sur le kérosène, exonération de TVA sur les vols internationaux et incitations pour l’incorporation de carburants dits « durables », même si ceux-ci peuvent être issus de sources fossiles requalifiées (comme les carburants synthétiques utilisant du gaz fossile avec captage de CO₂).
Selon le chercheur, ce traitement différencié révèle une hiérarchisation implicite des usages : les usages dits primaires (logement, alimentation, mobilité quotidienne) sont davantage taxés que les usages tertiaires (loisirs, aviation) et réservés aux plus riches, qui va à l’encontre d’une transition juste. Il appelle à une révision des grilles tarifaires et fiscales, fondée sur la valeur sociale et climatique des usages plutôt que sur leur poids économique ou historique.
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Au moment où l’Union européenne révise sa directive sur la taxation de l’énergie, cette asymétrie devrait y être au cœur. À défaut, la fiscalité pourrait freiner l’électrification des usages pourtant les plus sobres, tout en subventionnant des filières émergentes à faible efficacité énergétique et dont on peut en partie se passer. Cette différence de taxation avait été relevée par l’Observatoire de l’industrie électrique : l’électricité bas-carbone est souvent grandement taxée relativement à sa faible émission de CO2.
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