La stratégie hydrogène française est « irréaliste » selon la Cour des comptes
Dans un rapport publié le 5 juin, la Cour des comptes alerte sur les dérives potentielles de la stratégie française en matière d’hydrogène décarboné. Objectifs hors de portée, efficacité discutable des soutiens publics, risques budgétaires : les magistrats dressent un bilan sévère de la politique engagée depuis 2020.
La stratégie nationale hydrogène 2 (SNH2) fixe un objectif de 4,5 GW de capacités d’électrolyse installées en 2030. Or, la Cour estime, dans un rapport, que le potentiel réaliste n’excède pas 3,1 GW d’ici 2030, compte tenu de l’état d’avancement des projets et des dispositifs de soutien existants. Côté demande, les perspectives sont également jugées trop optimistes : les magistrats relèvent une consommation limitée à horizon 2030, en ligne avec les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie et d’un rapport de l’Inspection générale des finances resté confidentiel.
Surtout, le soutien public, qui devait initialement se limiter à 9 milliards d’euros sur la décennie, pourrait en réalité dépasser 13 milliards une fois intégrés les dispositifs indirects comme la compensation carbone, les exonérations fiscales sur l’électricité ou les tarifs d’accès réduits au réseau. À mi-2024, 1 milliard a été effectivement décaissé, les engagements juridiques atteignent déjà 3 M€ et les appels d’offres à venir pourraient n’aboutir qu’à la fin de la décennie.
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La Cour dénonce par ailleurs un fléchage des aides peu cohérent avec les priorités affichées. La mobilité routière concentre à elle seule 46 % des financements déjà engagés alors que la SNH2 prévoit désormais de concentrer les efforts sur l’industrie. Inversement, le raffinage — premier secteur utilisateur d’hydrogène — bénéficie encore de soutiens, que la Cour recommande d’exclure à l’avenir, car elle bénéficie déjà d’un soutien sous forme de taxe sur les carburants.
Enfin, les magistrats soulignent le problème structurel de compétitivité du procédé électrolytique. Produire un kilogramme d’hydrogène par électrolyse coûte aujourd’hui entre 4,0 et 4,9 € contre environ 2,4 € pour du vaporeformage. L’écart pourrait se réduire si les prix du carbone augmentent et si l’électricité reste bon marché — deux hypothèses sur lesquelles la Cour n’a pas modélisé les probabilités. À l’inverse, la capture et le stockage du CO₂ dans les installations fossiles apparaissent, pour la Cour, comme une alternative plus économique à court terme (entre 2,3 et 3,0 € par kg).
Les magistrats appellent à définir des trajectoires de production et de consommation plus réalistes, à réévaluer les soutiens à la mobilité (pour qu’ils cessent), et à exclure effectivement le raffinage du soutien direct. Elle invite aussi l’État à clarifier les priorités de la filière au risque, sinon, de faire peser une charge croissante — et durable — sur les finances publiques.
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