Considéré comme un ingrédient majeur de la transition énergétique à l’échelle mondiale, le biocarburant a pourtant des limites qui sont déjà atteintes dans de nombreuses situations. Un rapport révèle qu’en moyenne, dans le monde, les biocarburants seraient même plus polluants que les énergies fossiles ! Voici pourquoi.
Les biocarburants sont-ils plus mauvais pour l’environnement que les carburants d’énergie fossile ? C’est ce que l’on pourrait croire, à la lecture du récent rapport du cabinet Cerulogy. Ce dernier indique, en effet, que l’impact environnemental des biocarburants serait 16% supérieur à celui des carburants fossiles traditionnels. Dans un rapport de presque 100 pages, le cabinet Cerulogy a étudié les politiques de production de biocarburants des neuf premiers pays producteurs de biocarburants, et les chiffres obtenus sont impressionnants.
D’abord, ce rapport révèle que près de 32 millions d’hectares sont destinés à la production de biocarburant, pour seulement 4 % des carburants utilisés dans le domaine des transports. Cela représente la superficie d’un pays comme l’Italie ! Et c’est loin d’être terminé, car selon les dernières prévisions, ce chiffre pourrait atteindre les 52 millions d’hectares, soit la superficie de la France, dès 2030.
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La difficile caractérisation des émissions liées à la production de biocarburants
Pour parvenir à apporter une comparaison pertinente aux énergies fossiles, Cerulogy a fait un important travail de caractérisation de toutes les émissions de CO2 liées à la production de biocarburant. On peut citer le recours à des engrais, à des machines agricoles ainsi qu’à des transports.
Ce n’est pas tout. Cerulogy a introduit la notion de « coût d’opportunité carbone ». Il s’agit du manque à gagner environnemental que représente le développement d’une plantation destinée à la production de biocarburant, plutôt qu’une reforestation ou un retour à l’état naturel qui peut être considéré comme une réserve de carbone. Outre cet aspect environnemental, Cerulogy dénonce la concurrence existant entre la production de biocarburant et l’alimentation de la population. À l’heure actuelle, les 32 millions d’hectares pourraient nourrir 1,3 milliard d’être humains. Et ce n’est pas tout, puisque la production de biocarburants nécessite une grande quantité d’eau.
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Cap sur la seconde génération de biocarburants
Sur les neuf pays étudiés, Cerulogy a relevé une moyenne d’émission de CO2 supérieure de 16% aux carburants fossiles, dont la référence a été établie à 94 grammes de CO2 équivalent par mégajoule (gCO2e/MJ). Néanmoins, ce n’est pas à généraliser sans nuances, car les différences sont très importantes selon les pays. Voici les chiffres relevés pour chaque pays :
Année |
Unité |
Argentine |
Brésil |
Canada |
Chine |
UE+RU |
Inde |
Indonésie |
Thaïlande |
USA |
Moyenne |
2023 |
gCO2e/MJ |
152.0 |
85.1 |
67.8 |
46.1 |
90.9 |
68.4 |
293.2 |
218.9 |
79.3 |
109.2 |
2023 |
% par rapport aux fossiles |
+62% |
-10% |
-28% |
-51% |
-3% |
-27% |
+212% |
+133% |
-16% |
+16% |
2030 |
gCO2e/MJ |
153.6 |
88.6 |
76.5 |
39.7 |
72.7 |
115.1 |
289.6 |
185.6 |
101.7 |
111.7 |
2030 |
% par rapport aux fossiles |
+63% |
-6% |
-19% |
-58% |
-23% |
+22% |
+208% |
+97% |
+8% |
+19% |
On constate ainsi que dans certains pays, les émissions de CO2 des biocarburants sont nettement inférieures aux énergies fossiles. C’est notamment le cas au Canada par exemple. Le bilan carbone du biocarburant canadien est relativement faible grâce à l’utilisation massive de cultures de maïs sur des terres qui étaient déjà cultivées, avec une pression moins importante sur les écosystèmes naturels. À l’inverse, la Thaïlande applique une politique différente, avec une part importante d’huile de palme Or, l’huile de palme affiche une très forte intensité carbone, notamment du fait que sa culture entraîne souvent la conversion de forêts et de tourbières en cultures agricoles. Ce changement d’affectation des sols contribue à relâcher du carbone dans l’atmosphère, ce qui génère énormément d’émissions.
À l’horizon 2030, une utilisation de plus en plus grande de biocarburant devrait engendrer une pression plus importante sur les écosystèmes. C’est le cas au Canada, ce qui explique une intensité carbone supérieure en 2030 par rapport à 2023. De son côté, la Thaïlande devrait réduire l’impact environnemental de ses biocarburants en réduisant l’usage des biodiesels routiers à base de palme, et en boostant l’utilisation d’huiles usagées pour l’aviation.
Le cas de l’Union Européenne
En 2023, le bilan carbone des biocarburants européen est assez proche de celui des carburants fossiles, notamment du fait de la pression exercée sur les cultures destinées à l’alimentation, ainsi que sur la présence d’huiles de palme. Néanmoins, une réglementation sophistiquée devrait permettre d’améliorer grandement le bilan global d’ici à 2030.
Une seconde génération de biocarburants plus vertueuse
La véritable réussite de la substitution des carburants fossiles par des biocarburants ne devrait être réellement possible qu’avec la démocratisation des biocarburants de seconde génération. Pour rappel, la première génération, aujourd’hui très majoritaire, consiste à créer du carburant à partir de produits agricoles destinés à l’alimentation humaine ou animale. Il peut s’agir de canne à sucre, de betterave, de maïs ou de colza : des cultures riches en sucre, en amidon et en huile.
La deuxième génération de biocarburant devrait être produite à partir de biomasse lignocellulosique non comestible, c’est-à-dire de déchets forestiers, de tiges de maïs ou encore d’ordures ménagères. Cette transformation de la filière permettrait ainsi de limiter la concurrence entre cultures destinées à l’alimentation et à la production de carburant, et de mieux faire cohabiter les deux. Pour le moment, cette nouvelle génération de biocarburant n’en est qu’au stade du développement.
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