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Dans une publication lundi soir, Microsoft a accusé Google de préparer une guerre « clandestine » contre ses offres Azure. La société de Mountain View serait directement à l’origine de l’Open Cloud Coalition – officielle depuis quelques heures – pour faire du lobbying en Europe et influencer l’opinion.
Rien ne va plus entre Microsoft et Google. Les deux entreprises s’affrontent depuis des années sur le cloud mais, en parts de marché, Microsoft est loin devant Google, tandis qu’Amazon Web Services détient toujours la première place dans le monde.
Dans un communiqué publié lundi, Microsoft révèle d’étranges informations. La société accuse sa concurrente d’être derrière l’Open Cloud Coalition (OCC), tout juste lancée. « La mission de l’OCC est de promouvoir l’ouverture, l’interopérabilité et la concurrence loyale dans le paysage du cloud, en favorisant un écosystème du cloud plus innovant, transparent, résilient et sécurisé qui profite aux clients du Royaume-Uni, de l’UE et d’ailleurs », indique ainsi la nouvelle coalition.
Google, Civo, Centerprise International, Gigas, ControlPlane, DTP Group, Prolinx, Pulsant, Clairo et Room 101 en sont les dix membres. Cette coalition est dirigée par Nicky Stewart, auparavant à la tête de la société britannique UKCloud.
L’avocate de Microsoft, Rima Alaily, qualifie les futures activités de l’OCC comme de « l’astroturfing », soit de la désinformation populaire orchestrée. Selon Microsoft, cette coalition semble dirigée par « une poignée de fournisseurs européens de services en nuage » intéressés par la transparence sur le marché du cloud, mais qui auraient en réalité été recrutés par Google pour lui servir de caisse de résonance. Google aurait payé ces entreprises pour mener une autre forme du combat qu’elle tente de mener contre Microsoft.
« Campagnes obscures »
Toujours selon le père de Windows, cette Open Cloud Coalition ne serait qu’un élément parmi plusieurs « campagnes obscures » directement ou indirectement financées par Google. L’objectif général de ces campagnes serait de brouiller les pistes et d’influencer l’opinion sur tout ce qui touche aux procédures antitrust. Celles-ci, aux États-Unis, sont d’ailleurs renforcées depuis l’arrivée de Lina Khan à la tête de la Federal Trade Commission.
« Google s’est donné beaucoup de mal pour dissimuler son implication, son financement et son contrôle, notamment en recrutant une poignée de fournisseurs européens de services d’informatique en nuage pour servir de visage public à la nouvelle organisation. Lorsque le groupe sera lancé, Google se présentera vraisemblablement comme un membre de second plan plutôt que comme le chef de file », affirme Microsoft au sujet de la nouvelle coalition. L’entreprise estime que Google a pu offrir des avantages sous forme d’argent ou de remises. Dans le groupe, Google n’apparait que comme un membre parmi les autres.
Cette stratégie de Google serait l’héritage direct de son essai manqué avec le CISPE (Cloud Infrastructure Services Providers in Europe). Ce dernier avait en effet déposé plainte en novembre 2022 contre Microsoft, fustigeant les conditions et tarifs de ses produits pour les exécuter dans d’autres environnements qu’Azure.
Seulement, Microsoft a fini par négocier, aboutissant à un accord très critiqué avec le CISPE. En plus d’un paiement de 22 millions de dollars, Microsoft s’était engagée à participer à un observatoire permettant de suivre l’évolution de plusieurs de ses produits. Le 16 juillet, Bloomberg affirmait également que Google avait tout fait pour enjoindre le CISPE à refuser cet accord et à continuer la bataille. La firme aurait proposé jusqu’à 470 millions de dollars, ce que le CISPE aurait refusé. Une décision « sage », selon Microsoft.
Cette dernière trace un parallèle entre l’Open Cloud Coalition et la Coalition for Fair Software Licensing (CFSL), toujours pour du lobbying (États-Unis, Royaume-Uni et Europe). Selon Microsoft, Google en est le principal soutien financier. Contacté par Ars Technica, Ryan Triplette, président de la CFSL, indique au contraire que Google est un soutien public depuis plus de deux ans. Interrogé sur l’accusation de Microsoft sur son statut de lobbyiste chez Google auparavant, Triplette a répondu qu’il s’agissait d’une « étrange critique » : « tout le monde dans le domaine du droit, de la politique, etc. a travaillé pour Google, Microsoft ou Amazon à un moment donné, à un titre ou à un autre ».
Détourner l’attention
Pour Microsoft, il n’y a pas de doute : « Jamais, au cours des deux dernières décennies, les monopoles de Google en matière de recherche, de publicité numérique et de magasins d’applications mobiles n’ont fait l’objet d’une menace aussi concertée et déterminée qu’aujourd’hui. Selon nos estimations, au moins 24 enquêtes antitrust ont été ouvertes à l’encontre de Google sur les principaux marchés numériques du monde ».
La tactique actuelle servirait donc deux objectifs : détourner l’attention et, bien sûr, récupérer les restes en cas d’impact concret. Et, pour cela, Google aurait donc monté son propre CISPE, engageant « une agence de lobbying et de communication en Europe pour créer et gérer l’organisation ».
Le tout se ferait en parallèle de la plainte déposée en septembre devant la Commission européenne contre Microsoft pour pratiques abusives. La communication de Google était à cette occasion devenue ronflante.
Faisant référence à la panne CrowdStrike, la société de Mountain View avait déclaré : « Comme l’a montré la panne de sécurité massive survenue il y a deux mois, les tactiques de verrouillage de Microsoft peuvent aboutir à un point de défaillance unique qui nuit aux entreprises, aux industries et aux gouvernements ». Un incident certes grave, mais dont Microsoft n’était pas à l’origine et qui, surtout, ne concernait pas le cloud ni même les serveurs.
Microsoft accuse également Google de vouloir noyer le poisson en se faisant passer pour un petit acteur, bien loin d’un AWS ou d’un Microsoft. Cette dernière insiste – sans doute avec beaucoup de plaisir : cela est peut-être vrai en matière de parts de marché, mais pas en termes de moyens, puisque Google serait première au classement des centres de données.
Comment Microsoft a-t-elle appris tout ça ? L’entreprise explique que l’un des fournisseurs européens approchés par Google aurait refusé et l’en aurait averti. Aucun nom n’est donné.
Que se passe-t-il ?
Il ne fait aucun doute que Microsoft a voulu couper l’herbe sous le pied de la nouvelle coalition, pour présenter ses actions sous un mauvais jour. Mais le communiqué de Microsoft est également un exercice de communication, même si c’est la première fois que l’entreprise adopte un ton aussi offensif.
Difficile pour l’instant de savoir ce qu’il s’est passé. Microsoft semble avoir été piquée au vif par sa concurrente. Cependant, la société passe elle-même par des coalitions et alliances, comme l’European Cloud Alliance. Microsoft pourrait simplement avoir été fâchée d’apprendre que les activités du CISPE allaient ressurgir sous une autre forme, alors qu’elle pensait en avoir terminé.
« Nous avons fait part publiquement de nos inquiétudes concernant les licences de Microsoft pour le cloud. Nous pensons, comme beaucoup d’autres, que les pratiques anticoncurrentielles de Microsoft verrouillent les clients et créent des effets négatifs en aval qui ont un impact sur la cybersécurité, l’innovation et le choix. Vous pouvez en savoir plus dans nos nombreux billets de blog sur ces questions », a simplement réagi Google auprès d’Ars Technica.
Et en France ? Interrogée, OVHcloud ne cache pas un certain agacement : « Il nous apparaît regrettable que les débats actuels semblent se concentrer sur la forme et les modalités d’action des acteurs plutôt que sur l’amélioration concrète de la situation pour les utilisateurs du cloud. Nous souhaitons que ces acteurs mettent fin aux pratiques préjudiciables qui enferment les utilisateurs du cloud. »
Du côté de Clever Cloud, on sourit : « Ce spectacle est à la fois ironique et révélateur. Ironique, car ces géants américains qui s’affrontent aujourd’hui n’ont jamais brillé par leur attachement à une concurrence libre et non faussée. Révélateur, car ils confirment ce que nous savions déjà : l’Europe est le terreau idéal pour l’émergence d’un cloud équitable pour le consommateur. Mais cette transformation ne viendra pas de ces entreprises. C’est à nous, industriels européens, qu’il revient de faire de cette opportunité une réalité, de faire comprendre à nos dirigeants, dans chaque pays de l’Union, l’importance stratégique qu’elle représente. C’est précisément cette vision qui anime Clever Cloud : construire jour après jour un écosystème souverain, compétitif et ouvert », a ainsi réagi Quentin Adam, CEO de Clever Cloud.