L’UE a un plan pour devenir « le continent de l’IA »
Reste à ce qu'il se déroule sans accroc

La Commission européenne a présenté ce mercredi 9 avril son « plan d’action pour le continent de l’IA » qui a pour objectif de pousser l’Europe à devenir un leader mondial de l’intelligence artificielle. Cinq axes sont mis en avant : plus d’infrastructures sur le continent, l’accès à des données massives et de haute qualité, un encouragement à l’adoption de l’IA partout, des formations encore plus tournées vers le sujet et une simplification de la régulation.
La Commission européenne a adopté la vision des industriels du secteur : l’Europe doit combler l’écart qui s’est creusé entre les leaders de l’IA, les États-Unis et la Chine d’un côté et le Vieux continent de l’autre.
La Commissaire à la souveraineté technologique, Henna Virkkunen, a présenté son « AI Continent Action Plan », ce mercredi 9 avril. Le texte [PDF] affirme que « la course mondiale au leadership dans le domaine de l’IA est loin d’être terminée » et affiche l’espoir de faire de l’Union Européenne « un continent leader en matière d’IA ».
Pour cela, la Commission veut accélérer et intensifier ses efforts dans cinq domaines clés : les infrastructures sur le sol européen pouvant proposer une puissance de calcul massive, la gestion de données de qualité à l’échelle européenne, l’adoption de la technologie partout, la formation à l’IA et la simplification de la législation.
Des projets d’usines d’IA et de gigafactories sur tout le continent
Concernant les infrastructures, la Commission affirme vouloir renforcer sur son sol le réseau de ce qu’elle appelle des « usines d’IA » (AI factories, en anglais), qu’elle définit comme des « écosystèmes dynamiques qui favorisent l’innovation, la collaboration et le développement dans le domaine de l’IA » qui « intègrent des superordinateurs optimisés pour l’IA, de grandes ressources de données, des installations de programmation et de formation, ainsi que du capital humain pour créer des modèles et des applications d’IA de pointe ».
13 projets d’ « usines d’IA » ont été sélectionnés pour être financés. Par exemple, l’un d’eux est basé en France, l’AI2F. Celui-ci rassemble un consortium géré par le GENCI, en collaboration avec l’AMIAD, le CEA, le Cines, le CNRS, France Universités, Inria, la French Tech, Station F, et HubFranceIA. Il est censé s’appuyer sur le supercalculateur Alice Recoque qui doit mobiliser à lui seul un budget de 542 millions d’euros sur cinq ans et doit être pourvu d’au moins 15 000 GPU. Mais, annoncé en 2023 pour une ouverture fin 2025, celui-ci, n’ouvrira pas avant fin 2026, selon les informations de Capital.
Pour la Commission, ces 13 projets ont vocation à jouer un rôle central dans l’avancement des applications de l’IA dans de nombreux secteurs stratégiques :

Rappelons que la communauté scientifique n’est pas unanime sur le rôle prépondérant de l’IA dans les découvertes scientifiques futures. Certains argumentent même qu’elle pourrait faire « plus de mal que de bien ».
Au-delà de ce réseau d’ « usines d’IA », la Commission veut mettre en place ce qu’elle appelle des « gigafactories », des infrastructures à visées plurielles de l’ordre de 100 000 GPU. En février dernier, elle dévoilait déjà sa volonté de former un investissement public-privé susceptible d’atteindre 200 milliards d’euros nommé InvestAI (dont 20 milliards d’euros venant d’un nouveau fonds européen). Cinq « gigafactories » devraient en profiter, précise maintenant la Commission.
Des textes pour mettre en place un écosystème favorable
Du côté textes légaux pour favoriser l’implantation d’infrastructures, la Commission prévoit l’adoption de « la loi sur le développement du cloud et de l’IA » fin 2025 ou début 2026. Elle doit « créer les conditions adéquates pour que l’UE encourage les grands investissements dans le cloud et les capacités de périphérie ».
Une « feuille de route stratégique pour la numérisation et l’IA dans le secteur de l’énergie » doit être présentée en 2026. Elle devra « proposer des mesures visant à faciliter l’intégration durable des centres de données dans le système énergétique et à traiter d’autres questions liées à l’énergie résultant du déploiement à grande échelle des centres de données dans l’UE, telles que l’optimisation du réseau électrique, l’efficacité énergétique dans les bâtiments et l’industrie et la flexibilité du côté de la demande ».
La Commission veut aussi aider à l’amélioration des données que pourront utiliser les entreprises européennes du secteur. Elle veut « améliorer l’interopérabilité et la disponibilité des données dans tous les secteurs, afin de répondre à la pénurie de données solides et de haute qualité pour l’entraînement et la validation des modèles d’IA » et prévoit de mettre en place une stratégie de l’Union pour les données fin 2025 après avoir consulté les entreprises sur leurs besoins.
Un simple centre d’assistance pour aider à se conformer à l’AI Act
Celles-ci, via leurs différents lobbys, attendaient de ce plan la simplification de la législation mise en place au sein de l’Union européenne et notamment celle de l’AI Act. La Commission propose comme « première étape », la création d’un « centre d’assistance » (AI Act Service Desk) au sein du bureau de l’IA de l’UE, « pour aider les entreprises à se conformer à l’AI Act. Il servira de point de contact central et de plaque tournante pour les informations et les conseils relatifs » à cette loi.
Selon Contexte, les lobbys du secteur jugent que le plan alloue une maigre place à la simplification. « Le niveau d’ambition doit être plus élevé » car « l’incertitude juridique continue de peser lourdement sur les développeurs et déployeurs d’IA », affirme par exemple Boniface de Champris du lobby de la tech américaine CCIA à nos confrères.
« La course mondiale à l’IA est loin d’être terminée, Il est temps d’agir », lance de son côté Henna Virkkunen. « Le présent plan d’action décrit les domaines clés dans lesquels les efforts doivent être intensifiés pour faire de l’Europe un continent de pointe en matière d’intelligence artificielle. Nous travaillons à un avenir où l’innovation technologique fait progresser l’industrie et les services publics, apportant des avantages concrets à nos citoyens et à nos entreprises grâce à une IA digne de confiance », ajoute la Commissaire à la souveraineté technologique.