Intel abandonne son x86S, place aux décisions coordonnées
Ensemble, c'est tout
Intel abandonne son initiative x86S, par laquelle l’entreprise souhaitait dépoussiérer la vieille architecture. Il s’agit du premier effet tangible de l’Ecosystem Advisory Group mis en place en octobre par Intel et AMD.
Le x86S était une initiative intéressante qu’Intel avait annoncée en mai 2023. L’idée centrale était de refonder la vieille architecture sur une base exclusivement 64 bits, supprimer tout ce qui pouvait l’être et confier les 16 et 32 bits à l’émulation. Le tout via une approche relativement ouverte.
Comme nous le soulignions alors, Intel considérait que les systèmes 64 bits étaient devenus le standard de facto et que de nombreux composants pouvaient être retirés. Le ring 0 du 32 bits, les rings 1 et 2 (car inutilisés par les applications d’aujourd’hui), les modes réel et protégé 16 bits, l’adressage 16 bits de la mémoire, les MTRR fixes, une partie des entrées/sorties, le mode CR0 Write-Through, le contrôle du flag d’interruption du ring 3, certaines instructions obsolètes, l’impossibilité de désactiver certains mécanismes comme NX et SYSCALL, XAPIC (contrôle d’interruption) pour ne plus supporter que x2APIC ou encore les exceptions #SS et #NP étaient cités.
Intel présentait une liste de bénéfices, dont surtout la simplification générale de la conception et un fonctionnement intégral en 64 bits, y compris l’initialisation et le redémarrage. Une simplification matérielle qui aurait entraîné celle des systèmes d’exploitation, malgré la nécessité d’adapter ces derniers.
Intel fait cependant machine arrière. x86S, tel qu’il a été présenté jusqu’à maintenant en tout cas, n’aura pas lieu. C’est la conséquence directe du groupe de travail sur l’écosystème x86 créé avec AMD, et auquel participent de nombreux acteurs : Broadcom, Dell, Google, Hewlett Packard Enterprise, HP Inc, Lenovo, Meta, Microsoft, Oracle et Red Hat.
La nécessité d’un travail en commun
La confirmation de cet abandon vient de Tom’s Hardware, qui avait posé la question à Intel.
« Nous restons profondément attachés à l’architecture x86, comme en témoigne la création du x86 Ecosystem Advisory Group en collaboration avec AMD et d’autres leaders de l’industrie. Cette initiative renforce notre volonté d’assurer un avenir solide à x86, en s’appuyant sur des décennies de compatibilité logicielle. Bien que nous nous soyons éloignés de l’initiative x86S, notre objectif reste de stimuler l’innovation et la collaboration au sein de l’écosystème x86 », a ainsi déclaré un porte-parole du fondeur.
Pour nos confrères, il ne fait aucun doute que l’arrêt du x86S est une conséquence directe du x86 Ecosystem Advisory Group (EAG). L’initiative était en effet un développement unilatéral de l’architecture, qu’il aurait fallu présenter en détail à tous les membres du groupe pour obtenir leur assentiment, ou au moins leurs retours. L’objectif du groupe est justement de créer une plus grande cohésion autour de l’architecture et surtout de ses multiples extensions.
L’avenir coordonné du x86
Si l’initiative se termine en l’état, rien ne dit qu’elle ne ressurgira pas sous une autre forme plus tard. Le cas du x86S a très probablement été abordé durant les réunions préparatoires du groupe et il serait logique qu’AMD ait donné son avis.
Or, la perspective d’une refondation du x86 par sa simplification est une idée intéressante, d’autant que Microsoft fait partie de l’EAG. AMD pourrait avoir apprécié l’idée, sans pour autant valider l’approche d’Intel, peut-être parce que trop centrée sur les besoins de ce dernier. Il n’est pas impossible non plus qu’Intel ait imaginé en premier lieu le x86S pour se différencier de la concurrence et qu’AMD ne s’y soit pas retrouvé.
Quoi qu’il en soit, on attend maintenant de savoir quelles seront les premières mesures constructives du groupe. Les extensions pourraient être les premières concernées. Intel a d’ailleurs confirmé à Tom’s Hardware que le travail sur AVX10 continuait.
Linus Torvalds a jeté récemment un éclairage indirect sur cet aspect du x86 en pestant contre les niveaux de microarchitecture présents dans certains systèmes Linux. Ils permettent de classer les nombreuses extensions par ordre chronologique et d’établir des seuils minimaux, comme on l’a vu cette semaine avec CentOS Stream 10.
Il est probable que l’un des objectifs du groupe soit la sortie coordonnée des nouvelles extensions sur des générations équivalentes de processeurs avec, à la clé, un fonctionnement que l’on espère identique. Plus avant, les entreprises pourraient être intéressées par une modernisation générale de l’architecture, qui impliquerait aussi bien le monde Windows que celui du libre, Linus Torvalds faisant d’ailleurs partie du groupe. Il sera bien placé pour dire tout le mal qu’il pense des bugs dans le matériel.