Elon Musk quitte le DOGE, celui-ci reste bien actif
Tespasla

Elon Musk quitte le Doge sur un bilan très mitigé. L’entrepreneur aura néanmoins réussi à consolider son influence au sein de l’administration des États-Unis.
Elon Musk quitte la tête du département de l’efficacité gouvernementale (DOGE, nommé d’après sa cryptomonnaie favorite). La date butoir était le 28 mai : au-delà de cent trente jours comme conseiller de Donald Trump, le patron de X, SpacesX et Tesla aurait eu à se plier aux obligations de transparence et de contrôle du Congrès des États-Unis.
La panne massive qui a frappé son réseau social X, ce 24 mai, semble avoir été le dernier clou dans le cercueil de son expérience gouvernementale. À la tête des États-Unis comme dans ses différentes sociétés, cela dit, les répercussions de ses activités à la tête du DOGE n’ont pas fini de se faire sentir.
Après avoir été vanté pendant des années pour avoir inspiré le personnage d’Iron Man, dans les films de la franchise Marvel, Elon Musk hérite de « l’image du méchant dans les films d’actions », souligne le docteur en civilisation américaine Jérôme Viala-Gaudefroy auprès du Parisien. Le vide qu’il a participé à installer à tous les étages de l’administration des États-Unis, lui, crée le parfait appel d’air pour permettre à davantage de sociétés privées, dont les siennes, de récupérer de nouveaux contrats publics.
« Move fast and destroy things »
À la tête du DOGE, Musk et ses équipes auront acquis une forme de « God Mode » sur les systèmes informatiques, donc sur le fonctionnement des institutions états-uniennes : coupes brutales dans le budget de diverses agences, à commencer par l’USAID ; accès, voire croisement de multiples bases de données sensibles relatives aux citoyens comme au secteur économique ; demandes de comptes brutales aux millions de fonctionnaires de l’administration…
Pour illustrer le tout, Elon Musk s’est plu à brandir une tronçonneuse offerte par le politicien populiste Javier Milei sur la scène d’une convention. Sa promesse ? Réduire la « tyrannie de la bureaucratie », identifier les « fraudes et les abus » pour les supprimer (y compris quand ces fraudes sont fantasmées, ou juste recyclées).
The Guardian a une formule pour résumer l’ampleur du choc : move fast and destroy things (aller vite et détruire des choses). Une version « hardcore », comme aime dire Musk, du move fast and break things qui fut jusqu’à 2014 le slogan de Facebook et une devise populaire dans la Silicon Valley.
Il faut dire que jamais, dans l’histoire moderne, un homme aussi riche (le plus riche du monde) ne s’était vu octroyer le pouvoir de superviser et supprimer des agences dont la mission même est de superviser le secteur économique. Jamais non plus une telle entreprise n’avait été menée en mettant à profit la numérisation du monde administratif pour se retourner contre lui (à plusieurs reprises, Musk a explicitement déclaré sa volonté d’ « effacer » des agences et des postes de coûts, comme on efface une ligne dans un tableau Excel).
Aide humanitaire et science bousculées à l’échelle mondiale
Directement importées de son style de management historiquement violent dans ses diverses entreprises, les méthodes de Musk auront aussi joué dans les critiques, de même que ses promesses, non remplies. De 2 000 milliards de dollars d’économies promises pour les comptes de l’État fédéral, le DOGE a rapidement revu ses ambitions à la baisse, pour ne plus viser que 1 000 milliards… puis n’en réaliser, à date, que 165 milliards. Si des dizaines de milliers de départs volontaires ont été décidés, la plupart sont contesté en justice.
Bien qu’elle soit aussi imputable à la politique trumpiste qu’aux choix du multimilliardaire, les effets des actions du DOGE, associé à la personne de Musk, auront de toute manière des conséquences de long terme aux États-Unis comme à l’international.
Certains calculs estiment que la suppression de l’USAID pourrait causer jusqu’à 176 000 morts supplémentaires, dont la moitié concerneraient des enfants. Des experts lient déjà l’augmentation de nouveaux cas de SIDA à la suppression de l’agence états-unienne, alors qu’un plan pour éradiquer la maladie d’ici 2030 était en plein déploiement.
Les activités scientifiques, notamment toutes celles relatives de près ou de loin aux connaissances de la planète et de l’environnement, ont globalement si durement touchées que de nombreux scientifiques appellent le dirigeant français et européens à œuvrer pour la sauvegarde des données susceptibles de disparaître.
Aux États-Unis, le rejet des actions du DOGE s’est d’abord exprimé par la voie judiciaire. Si la Justice a semblé incapable de suivre le rythme des premières semaines, les décisions rendues à partir de février ont mis de premiers freins au programme en cours de déroulement. Début mars, les propres conseillers de Trump se sont rebellés : si le projet de changer les modalités de gouvernance est partagé, le rythme imposé par Musk et son rôle de décideur n’étaient pas acceptés.
Quant aux citoyens états-uniens, ils ont aussi exprimé leur mécontentement dans les urnes. Dans le Wisconsin, en avril, la juge démocrate Susan Crawford a remporté un siège à la Cour suprême, alors que Trump soutenait le candidat républicain et que Musk y avait investi son temps et plus de 25 millions de dollars.
Tesla se cherche un CEO, SpaceX gagnant ?
Mais sur place, comme à l’international, ce sont peut-être certaines sociétés d’Elon Musk qui ont pâti le plus directement de ses activités. Tesla a notamment été régulièrement visée par des appels au boycott, des manifestations, voire des dégradations de véhicules.
Devant la chute de ses ventes (continue en Europe sur les quatre premiers mois de 2025), le conseil d’administration du constructeur automobile a commencé à chercher un potentiel nouveau directeur exécutif au mois d’avril, d’après le Washington Post. Le professeur de marketing Scott Galloway qualifie l’impact sur le constructeur automobile de « l’une des plus grandes destructions de marque » qui ait jamais existé.
Si X a été un peu moins violemment touchée – la perception du réseau social avait déjà largement évolué depuis son rachat par Musk, en 2022 –, des campagnes ont tout de même été orchestrées, y compris en France, pour pousser des internautes à quitter la plateforme. Le réseau comme la société d’IA xAI font partie des objectifs sur lesquels Musk a déclaré vouloir se concentrer, avec Tesla, maintenant qu’il a quitté l’administration états-unienne.
Relativement épargnée par la grogne populaire, SpaceX pourrait de son côté tirer réel profit de l’implication de Musk dans l’administration états-unienne. À la tête de la NASA, Donald Trump a placé Jared Isaacman, un proche de l’homme d’affaires et le premier « touriste spatial » ayant effectué une sortie dans l’espace.
Quid du DOGE, sans Musk ? L’agence reste bien en place. Et comme la subsistance d’Elon Musk à sa tête a permis de l’illustrer au fil des mois, écrit Wired, son projet de transformer radicalement l’administration des États-Unis ainsi que celui de collecter, combiner et analyser quantité de données sensibles pour permettre à Donald Trump de mener ses politiques réactionnaires continuera.
L’influence de Musk reste aussi : le Doge compte dans ses rangs de nombreux alliés de l’entrepreneur. Parmi eux : Edward Coristine, un adolescent de 19 ans, tout juste débarqué de quelques mois à Neuralink, ou encore Steve Davis, qui a travaillé pendant vingt ans pour l’entrepreneur, chez SpaceX comme the Boring Company.
Pour opérer ses traitements de données, le Doge recourt enfin à Grok. Un positionnement idéal pour en pousser l’usage un peu partout dans l’administration.