DMA : Apple intensifie son offensive en déposant plainte contre l’Union européenne

La détestation profonde d’Apple pour le Digital Markets Act s’est changée en plainte officielle. L’entreprise américaine attaque l’Union européenne pour un texte qui ne peut aboutir, selon elle, qu’à une réduction de la sécurité pour la clientèle du Vieux Continent, entre autres.
Apple a déposé plainte contre l’Union européenne devant sa propre Cour de justice (CJUE) au Luxembourg.
Une plainte sur trois piliers
Dans sa plainte, Apple mentionne les trois points sur lesquels elle attaque l’Union.
Son grief principal concerne l’ouverture forcée de certaines technologies au seul bénéfice de sociétés tierces, rapporte Bloomberg, notamment tout ce qui touche aux écouteurs et montres connectées, comme la bascule automatique des appareils en fonction de ce qui est utilisé. Si les demandes de la Commission européenne peuvent paraître raisonnables, il n’en serait rien pour Apple, pour qui ces exigences n’aboutiront qu’à une baisse générale de la sécurité et de la protection de la vie privée.
L’entreprise est vent debout contre ces demandes, comme elle le faisait savoir en juin dernier. En décembre 2024, Apple accusait déjà Meta d’abuser du DMA avec de multiples demandes d’interopérabilité, dont la finalité n’était (selon Cupertino) que la collecte d’un plus grand nombre de données personnelles.
Meta aurait ainsi instrumentalisé le DMA pour obtenir autant d’informations que possible. Si Apple avait accepté, la société de Mark Zuckerberg aurait été en capacité « de lire sur l’appareil d’un utilisateur tous ses messages et courriels, de voir tous les appels téléphoniques qu’il passe ou reçoit, de suivre toutes les applications qu’il utilise, de scanner toutes ses photos, de regarder ses fichiers et les événements de son calendrier, d’enregistrer tous ses mots de passe, et bien plus encore », fustigeait Apple.
Sans surprise, le deuxième pilier de la plainte concerne l’App Store. Pour Apple, il ne devrait pas être considéré comme un service unique et donc ne pas être concerné par le DMA. Dans le viseur d’Apple bien sûr, son obligation de permettre aux boutiques tierces de s’installer, ainsi que d’autres exigences comme la liberté de choisir son prestataire de paiement. Une fêlure dans le juteux modèle commercial de l’entreprise, qui touche une commission allant de 30 % sur tous les achats, pouvant tomber à 15 % pour les abonnements quand ils entrent dans leur deuxième année.
Enfin, Apple conteste la tentative de la Commission d’enquêter sur son service iMessage, puisque ce dernier ne génère aucun revenu pour l’entreprise.
Visions contraires
Daniel Beard, l’un des avocats d’Apple, a indiqué devant le tribunal que le DMA « impose des charges extrêmement lourdes et intrusives » aux entreprises, tout particulièrement Apple qui semble plus visée que les autres. Ces obligations « ignorent la protection des droits de propriété et les questions de confidentialité et de sécurité, qui sont vitales pour les citoyens de l’Union européenne », a ajouté l’avocat.
Paul-John Loewenthal, l’un des avocats de la Commission européenne, estime au contraire qu’Apple a un « contrôle absolu » sur l’iPhone, lui ayant permis de générer « des bénéfices anormalement élevés sur des marchés complémentaires où ses concurrents sont handicapés et ne peuvent pas rivaliser avec lui sur un pied d’égalité ».
« Seul Apple a les clés de ce jardin clos. Elle décide qui les obtient et qui peut offrir ses produits et services aux utilisateurs d’iPhone. Et grâce à ce contrôle, Apple a verrouillé plus d’un tiers des utilisateurs européens de smartphones », a ajouté l’avocat européen.
Le point d’orgue d’une longue détestation
La plainte d’Apple est peu surprenante. La firme américaine a déjà eu de nombreuses occasions de dire tout le mal qu’elle pensait de la réglementation européenne.
Fin septembre, elle torpillait ainsi le DMA pour ses complexités, son manque d’homogénéité dans son application au sein des États membres ou encore les lourdeurs que le règlement entrainait. Le pamphlet d’Apple était autant dirigé contre les politiques de Bruxelles que pour les utilisateurs, avec un message simple : si des fonctions ont du retard en Europe, c’est à cause du DMA, et les citoyens européens vont pâtir d’un retard technologique, notamment tout ce qui touche à l’IA.
En clair, le DMA n’est pas bon pour les affaires et complique tout. Quelques jours plus tard, la Commission répondait par la voix de son porte-parole Thomas Regnier, qui n’avait alors pas masqué son agacement : « Apple a toujours contesté la moindre phrase du DMA depuis son entrée en vigueur. […] Nous nous inquiétons grandement de la conformité d’Apple aux dispositions de cette législation. […] Nous avons facilité la conformité avec la législation pour Apple et nous l’avons aidée à faciliter l’interopérabilité. Au bout de deux mois, Apple nous demande de revenir sur toutes les dispositions prises. Nous comprenons bien les choses : les entreprises veulent défendre à tout prix leurs profits ».
On se souvient également de la grande charge portée contre le DMA en mars 2024. Dans un livre blanc, l’entreprise tentait de prouver par A + B que le DMA allait entrainer une baisse de la sécurité sur les iPhone européens. Les boutiques tierces allaient notamment provoquer une apocalypse en laissant entrer des malwares de tous les côtés. Apple était allée jusqu’à déclarer que ses smartphones seraient moins sécurisés en Europe, mais que même en tenant compte de cet impact, ils resteraient les téléphones les plus sécurisés du marché.