Téléchargement : fronde en cours autour du tracker YggTorrent
In 'Arr trust the leechers
L’équipe qui gère le tracker YggTorrent, haut lieu francophone du téléchargement illégal, a mis en place un système d’abonnement payant qui rompt avec la logique historique de ratio. L’annonce a déclenché une fronde chez les utilisateurs, qui dénoncent la supposée avidité d’un projet censé valoriser le partage gratuit.
Au gré des ordonnances de blocage, YggTorrent change régulièrement de nom de domaine, mais reste l’un des repaires emblématiques de la scène francophone du téléchargement de films, séries, morceaux de musique et autres livres électroniques soumis au droit d’auteur. Présenté par ses administrateurs comme le successeur spirituel du célèbre T411, ce tracker BitTorrent semi-privé (l’inscription est généralement ouverte, mais indispensable) s’attire depuis lundi les foudres d’une partie de ses utilisateurs. Raison de la grogne ? La mise en place d’un nouveau système d’accès payant permettant de passer outre les fameux ratios de téléchargement.
Des euros, pas de ratio
La formule, résumée dans la capture d’écran qui suit, prévoit quatre niveaux, avec des tarifs qui s’échelonnent de 14,99 à 85,99 euros. En échange, le tracker octroie différents avantages et bonus, dont une période de freeleech, c’est-à-dire de téléchargement sans limites de volume de données, et sans qu’il soit nécessaire d’équilibrer le « ratio » qui constitue pourtant la colonne vertébrale du système YggTorrent.

Tous les adeptes du P2P le savent : le système repose sur un équilibre entre ceux qui mettent à disposition des fichiers (les seeders) et ceux qui les téléchargent (les leechers). Ygg, comme bien d’autres trackers BitTorrent, a construit son fonctionnement sur le principe d’équilibre entre envoi et réception de fichiers. Autrement dit, chaque Go téléchargé doit être compensé par un Go envoyé (mis à disposition des autres utilisateurs via le protocole BitTorrent) afin de maintenir un ratio de 1. Dans ce modèle, la communauté valorise les seeders (ceux qui ont les ratios les plus élevés) et pénalise les leechers. L’accès à un compte Ygg est ainsi suspendu en cas de ratio inférieur à 1.
C’est cette mécanique, censée incarner au mieux les valeurs de partage, que remettent en cause les nouvelles options payantes instaurées par Ygg. La plateforme a toujours permis de payer pour augmenter sa capacité de téléchargement, mais cette fois, elle va nettement plus loin dans les restrictions opposées à ceux qui refusent de passer à la caisse. « Bravo YGG, vous avez réussi à rendre le piratage moins attractif que Netflix L’illégal qui devient payant ET compliqué, c’est le monde à l’envers (5 téléchargements max par jour + délai de 30 secondes) », ironise un internaute sur X.
Outre les options payantes, les utilisateurs dénoncent la mise en place de quotas renforcés pour lever certains verrous. Une approche quantitative qui compromet, selon eux, la qualité des uploads mis à disposition sur le tracker. Pour ne rien gâcher, l’équipe d’administration semble avoir banni certains comptes, pourtant anciens et réputés, qui exprimaient leur désapprobation. « Les pratiques d’YGG sont devenues clairement incompatibles avec toute idée de communauté saine. Censure, décisions unilatérales, absence totale de dialogue : on parle de dictature », résume un fil de discussion Reddit.
Plusieurs pseudonymes se réclamant d’équipes spécialisées dans la mise à disposition (les groupes spécialisés dans le rip ou la récupération de fichiers, qui constituent d’importants pourvoyeurs sur la scène du téléchargement illégal) participent à la fronde.
L’appât du gain plus efficace que les blocages DNS ?
« Le dimanche 21/12, en milieu d’après-midi, et en pleine période de fêtes, YggTorrent a déployé un nouveau paywall baptisé « Turbo », imposant soit de passer à la caisse, soit d’accepter une limite de 5 téléchargements par jour, ainsi qu’un délai de 30 secondes avant de pouvoir accéder au téléchargement du fichier, dénonce par exemple le compte de l’équipe QTZ, une team réputée qui compte à son actif plus de 3 000 torrents mis à disposition. Le site, qui n’est censé n’être (sic) qu’un simple outil de diffusion, s’est toujours positionné comme un intermédiaire entre les teams et les utilisateurs, non pas pour promouvoir la liberté et le partage, mais pour imposer une commission, souvent au détriment des plus vulnérables », embraie-t-il avant d’annoncer son retrait prochain de la plateforme.

Dans la foulée de ces incidents, équipes d’uploaders et utilisateurs de la plateforme évaluent, de fil Reddit en salon Discord, leurs solutions de repli potentielles. Reste à voir si l’épisode provoquera réellement la chute d’Ygg, comme l’appellent de leurs vœux les plus véhéments détracteurs, alors que le site résiste aux actions de blocage intentées par les ayants-droits depuis près de dix ans.