☕️ Sur TikTok, les idées masculinistes à portée de scroll
Notations de femmes en fonction de leur physique, vocabulaire propre à la manosphère (mâles alpha, mâles sigma, incels, pour « célibataires involontaires », c’est-à-dire qui se considèrent seuls par la faute des femmes)…
Sur TikTok, les contenus à tendance misogyne, voire ouvertement masculinistes – c’est-à-dire considérant non seulement que le féminisme a pris trop de place, mais encore que la masculinité doit reprendre de l’ampleur, généralement en s’attaquant aux droits des femmes – sont facilement propulsés dans le fil d’actualité des adolescents.
Pour tenter d’établir la rapidité à laquelle un mineur peut se retrouver exposé à ce type de contenus, la RTBF a construit cinq profils fictifs d’adolescents de 15 ans, tous intéressés par la musculation. Le chercheur en criminologie Melvin Hasescic explique en effet au média belge qu’il existe un lien entre « l’hypermasculinité et l’antiféminisme » et « l’intensité de la pratique sportive ».
But de l’expérimentation : comprendre dans quelle mesure à quelle vitesse TikTok proposait des contenus masculinistes à des internautes qui, a priori, ne cherchaient qu’à trouver des conseils en matière de musculation. Pour la mener à bien, le média a constitué cinq faux profils likant et scrollant automatiquement du contenu en fonction de sujets pré-imposés.
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En moins de 10 minutes d’activité du faux profil nommé « Matteo », la machine opère un premier glissement de vidéo spécifiquement centrée sur la musculation vers des propos de l’ordre de la motivation. Des hommes seuls, dans un univers relativement inquiétant, appellent l’internaute à se dépasser, ce qui interroge déjà sur les effets de ces vidéos sur la santé mentale du public visé.
Au bout de 10 minutes supplémentaires, de premiers contenus masculinistes apparaissent, incitant l’usager à douter de l’existence d’amitiés hommes-femmes, de celle de choisir son orientation sexuelle, ou renforçant divers discours sexistes ou homophobes. En moins d’une heure, l’internaute s’est retrouvé projeté dans cet univers fait de références aux pilules bleues et rouges de Matrix, au cynisme du Joker dans Batman, ou encore à la série Peaky Blinders, dont certains courants masculinistes empruntent les codes vestimentaires.
L’expérience rappelle celles menées par la journaliste Pauline Ferrari, qui étudie dans son ouvrage Formés à la haine des femmes comment les idéologies masculinistes se sont répandues dans les mondes numériques.
Elle permet de constater à nouveau que les propos portés par les discours les plus extrêmes sont foncièrement violents, appelant au contrôle coercitif des « gonzesses » (qu’il faudrait « surveiller », en contrôlant leur tenue ou leurs mouvements), voire promeuvent agressions et crimes sexuels, comme le viol.
La tendance est d’autant plus inquiétante qu’elle peut constituer une forme de terrorisme, comme l’analyse la chercheuse Stéphanie Lamy. En France, au moins trois projets d’attentats masculinistes ont ainsi été déjoués en moins d’un an.
Si TikTok est loin d’être le seul espace où fleurissent ces idées, la plateforme a néanmoins pris un rôle particulier dans les travaux de l’Assemblée nationale. Les résultats de la Commission d’enquête lancés en mars sur ce sujet sont sans appel : il s’agit, selon ses rapporteurs, de l’un « des pires réseaux sociaux à l’assaut de notre jeunesse ».