[Édito] Et si on arrêtait avec cette hypocrisie autour de l’IA ?
IA plus qu’à !
L’intelligence artificielle est un outil largement utilisé, qui inquiète autant qu’elle fascine. Elle provoque des échanges musclés entre internautes, qui ont parfois bien du mal à se comprendre. Une des causes : la sémantique. L’arrivée des grands modèles de langage et des chatbots a rebattu les cartes et exacerbé les tensions. Ceux qui l’utilisent y réfléchissent certainement à deux fois avant de le dire.
Il y a un peu plus d’un an, nous avions publié un édito sur l’intelligence artificielle, avec une question en trame de fond : est-elle intelligente ou artificielle ? Une chose est sûre, la réponse n’est pas binaire. C’est les deux à la fois et cela varie suivant les points de vue.
De l’algorithme aux intelligences artificielles puis aux IA génératives
La frontière entre algorithmes et IA est de plus en plus poreuse, tandis que la notion même d’intelligence artificielle est mouvante. Un rappel important : l’intelligence artificielle n’est pas nouvelle, loin de là puisqu’elle a plus de 75 ans. Citons, par exemple, l’article « L’ordinateur et l’intelligence » d’Alan Turing en 1950, dans lequel il est question du fameux test de Turing.
Le premier logiciel d’intelligence artificielle remonte à 1956 avec le Logic Theorist : « Il réalise tout seul des démonstrations de théorèmes mathématiques », expliquait le CEA. En 1957, le psychologue Frank Rosenblatt invente le premier logiciel d’apprentissage grâce à un neurone : le Perceptron. Il y a ensuite les « hivers de l’IA » dans les années 70/80 et 80/90. L’explosion de l’intelligence artificielle est arrivée avec la montée en puissance des ordinateurs et surtout des GPU particulièrement à l’aise avec ce genre de calculs.
Il y a déjà plus de quatre ans, soit avant l’arrivée des IA génératives, Alexei Grinbaum (physicien et philosophe) expliquait que le terme IA « désigne un comportement produit par une machine dont on peut raisonnablement estimer que, s’il avait été le fruit d’une action humaine, il aurait exigé de l’intelligence de la part de l’agent concerné […] L’apprentissage machine n’est qu’un outil d’IA parmi d’autres mais, en pratique, ces deux termes sont de plus en plus fréquemment synonymes ». Aujourd’hui tout se mélange sous une seule appellation : IA.
Ceux qui étaient généralement présentés comme des algorithmes ont donc été promus au rang d’intelligence artificielle. Pour distinguer les nouvelles IA – ou systèmes, un terme moins marketing mais plus adapté – « capables de créer des contenus (texte, code informatique, images, musique, audio, vidéos, etc.) », on parle d’intelligences artificielles génératives, rappelle la CNIL. Ces différences ne sont pas toujours comprises.
Cachez ces avantages que je ne saurais voir
Sur les réseaux sociaux et dans de nombreuses discussions, la question de son utilisation cristallise les échanges, peu importe le projet ou presque. Faut-il ou non l’utiliser ? Faut-il clouer au pilori les personnes qui le font ? Y a-t-il une bonne et une mauvaise catégorie d’intelligence artificielle ? Les débats sont nombreux, les peurs et les incompréhensions aussi, tout comme les avantages. Il ne faut pas les oublier. Ce n’est pas une généralité pour autant. Sur LinkedIn par exemple, les discussions autour de l’IA sont souvent différentes, plus apaisées et dans l’(auto)congratulation.
Régulièrement, ceux qui reconnaissent utiliser l’intelligence artificielle se font prendre à partie publiquement. D’autres l’utilisent sans le dire et passent à travers les mailles du filet de la polémique. On arrive dans une situation absurde où ceux qui cachent la vérité ou mentent – volontairement ou par omission – s’en sortent mieux que ceux qui l’indiquent.
L’intelligence artificielle permet des améliorations importantes dans de nombreux domaines, y compris la santé, l’automatisation de tâches fastidieuses ou répétitives afin de « consacrer davantage de temps à des tâches plus créatives ou plus centrées sur l’humain », des opérations de sauvetage (notamment en milieu hostile), la prédiction de défaillances techniques, la lutte contre le changement climatique, etc.
Pour la Commission européenne aussi, cela ne fait pas de doute : « Les technologies de l’IA apportent de nombreux avantages à la société et à l’économie ». Ils sont rarement mis en avant et, quand c’est le cas, ils finissent trop souvent ensevelis sous des montagnes de critiques. Quand ils ressortent dans la bouche de certains professionnels, c’est souvent pour finir lynchés dans les commentaires. Les exemples sont nombreux.
