1 669 MW : l’EPR de Flamanville passe à 100 % de puissance… mais le chemin est encore long
Extended Power à Retardement
L’EPR de Flamanville est monté à 100 % de sa capacité ce week-end. Les tests vont continuer, mais une lourde opération de maintenance est déjà programmée pour septembre 2026 : 350 jours d’arrêt pour notamment remplacer le couvercle de la cuve, une petite pièce de… 100 tonnes. Le réacteur a déjà vu les délais et son coût exploser dans les grandes largeurs.
Vendredi, l‘ASNR (Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection) donnait son accord « pour le passage du réacteur EPR de Flamanville à un niveau de puissance supérieur à 80 % de sa puissance nominale ». En clair, le réacteur peut monter jusqu’à 100 % de sa puissance maximale de fonctionnement. On est encore loin d’une mise en production pérenne.
L’EPR a produit 1 669 MW de puissance électrique brute
Au début de l’année, le réacteur avait eu le droit de dépasser les 25 % de puissance. L’ASNR avait ensuite procédé à des inspections, sans mettre « en évidence d’élément susceptible de remettre en cause la possibilité de poursuivre la montée en puissance du réacteur ». Le réacteur avait pour rappel produit ses premiers électrons en décembre 2024, après avoir obtenu l’autorisation de mise en service quelques mois auparavant. Le réacteur avait alors produit 100 MW de puissance électrique, loin des plus de 1 600 MW prévus.
Dans la foulée de l’autorisation, EDF a poussé les curseurs. Dimanche 14 décembre 2025, la pleine puissance a été atteinte à 11h37 se félicite l’entreprise : « le réacteur de Flamanville 3 […] a produit 1 669 MW de puissance électrique brute ».
On parle de puissance brute, en opposition à la puissance nette qui est celle injectée dans le réseau. EDF rappelle que la puissance nucléaire d’un réacteur correspond à la quantité totale de chaleur produite dans le cœur du réacteur par la fission nucléaire ; à ne pas confondre avec la fusion, qui est en cours de développement. La « chaleur sert à produire de la vapeur qui fera tourner la turbine. Elle est exprimée en MW thermiques (MWth) ».
Principe de fonctionnement : chaleur -> turbine -> électricité
Quand on parle de puissance électrique brute, c’est la puissance maximale en sortie de turbine, qui « entraîne un alternateur chargé de convertir l’énergie mécanique en électricité ». Dans la pratique, un « réacteur nucléaire consomme une partie de l’électricité qu’il produit pour ses propres besoins de fonctionnement (pompes, systèmes de ventilation, circuits de sûreté…) ».
Cette montée en puissance devait avoir lieu plus tôt dans l’année, mais un problème détecté en juin a repoussé l’échéance de plusieurs mois : « l’unité de production n°3 de Flamanville a été mise à l’arrêt dans le cadre des essais de mise en service du réacteur. Suite à des analyses, le réacteur de Flamanville est maintenu à l’arrêt pour intervenir sur des soupapes de protection du circuit primaire principal ». Tout est rentré dans l’ordre fin octobre.
Attention, le réacteur est en phase de test, la production de masse de manière pérenne n’est pas encore là. Il est question de « tester les matériels à pleine puissance, réaliser des relevés et vérifier leur bon fonctionnement ». Sur les réacteurs nucléaires, le rodage est long. Au cours des prochaines semaines, « la puissance du réacteur sera amenée à varier pour poursuivre les essais à différents paliers de puissance et une intervention sera réalisée sur un poste électrique interne ».
Nouveau couvercle de 100 tonnes en 2026
L’EPR va aussi avoir droit à des travaux de plus grande envergure avec le remplacement du couvercle de la cuve, une pièce de 100 tonnes et 6 mètres de diamètre. Cette opération se fera lors du premier arrêt pour rechargement du réacteur, prévu pour septembre 2026. Elle doit durer la bagatelle de 350 jours, quasiment une année complète. Le démarrage ne devrait donc pas avoir lieu avant fin 2027.
En 2017, l’ASNR avait expliqué que cette « anomalie concerne le fond et le couvercle de la cuve. L’acier de ces composants n’a pas la composition chimique attendue. Au cours de leur fabrication par forgeage, l’usine Creusot Forge d’Areva NP n’a pas suffisamment éliminé une zone qui contient naturellement un excès de carbone […]. Cette zone se retrouve donc au centre des pièces finales ».
Comme nous l’avons déjà expliqué, l’Autorité considère que, sur la base de ces analyses techniques, « les caractéristiques mécaniques du fond et du couvercle de la cuve sont suffisantes au regard des sollicitations auxquelles ces pièces sont soumises, y compris en cas d’accident ». Il fallait compter environ 7 ans pour construire un nouveau couvercle, l’ASNR avait donc donné son feu vert jusqu’à fin 2024 en attendant que la pièce soit disponible. La date limite a ensuite été repoussée.
Pour la cuve, la revue technique était arrivée à la conclusion que « l’anomalie ne remet pas en cause l’aptitude au service ». Pierre-Franck Chevet, président de l’ASNR en 2017, affirmait qu’« on peut se prononcer favorablement sur l’utilisation pérenne du fond de cuve ». Si la cuve était à changer, les coûts et les délais auraient explosé… enfin davantage de ce qu’ils sont déjà.
Les calculs et les comptes ne sont pas bons
Le réacteur a pour rappel été mis en marche après pas moins de 17 ans de travaux (12 ans de retard sur le calendrier initial) et une explosion des coûts… c’est peu de le dire. De 3 milliards d’euros, l’addition est passée à… plus de 20 milliards d’euros.
Dans un nouveau rapport publié au début de l’année, la Cour des comptes affirmait que « les calculs effectués par la Cour aboutissent à une rentabilité médiocre pour Flamanville 3, inférieure au coût moyen pondéré du capital de l’entreprise, sur la base d’un coût total de construction estimé à environ 23,7 milliards d’euros (intérêts intercalaires compris) ». En 2020 déjà, la Cour tirait à boulet rouge sur le nucléaire français.
Récemment, RTE appelait à accélérer les usages électriques (voitures, datacenters, hydrogène) afin d’assurer un meilleur équilibre entre consommation et production d’électricité. La raison, selon RTE : une consommation « atone » depuis la pandémie de Covid-19 alors que la production d’énergies renouvelables (hydraulique comprise) et nucléaire ont progressé. La mise en marche de l’EPR de Flamanville va encore augmenter la capacité de production de la France.
