Municipales : une dizaine d’associations proposent 10 mesures de « désescalade numérique »
Gâchis partout, sobriété nulle part

Aux côtés de l’ingénieur Philippe Bihouix, de la journaliste Célia Izoard ou du neuropsychiatre Boris Cyrulnik, des associations, des coopératives et divers spécialistes des enjeux de sobriété numérique appellent les candidats aux municipales 2026 à se positionner en faveur d’une « désescalade numérique ».
« Depuis 20 ans, à rebours de toutes les promesses qui accompagnent la numérisation, le recours massif à internet, au smartphone et aux réseaux sociaux accélère l’effondrement du lien social (…). Et si les municipalités devenaient les premiers lieux de résistance à l’escalade numérique ?»
Alors que des centaines (désormais des milliers) de personnalités signent un nouvel appel international à « interdire le développement de la superintelligence », sans développer les manières de s’y prendre, une trentaine d’autres appellent, en France, à la « désescalade numérique ».
Ciblant explicitement les élections municipales qui doivent se tenir en mars 2026, le projet propose dix jeux de mesures concrètes, décrites comme « de prudence, d’économie et de santé publique pour limiter l’emprise numérique (…) dans un esprit d’urgence écologique et de justice sociale ».
Collectif de défenseurs de la sobriété numérique
Parmi les signataires, de nombreux promoteurs d’une approche sobre du numérique. Parmi eux, l’ingénieur Philippe Bihouix, auteur de L’âge des Low tech (Seuil, 2014) ou du Bonheur était pour demain (Seuil, 2019), qui détaillait en juin dans notre podcast comment l’industrie numérique alimentait la consommation globale de ressources, ou la journaliste Célia Izoard, autrice du remarqué La Ruée minière au XXIe siècle (Seuil, Coup de cœur du jury du Prix du livre d’écologie politique 2024).
À leurs côtés, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, le chercheur Fabien Lebrun, auteur de Barbarie Numérique (L’Échappée, 2024), divers spécialistes de la sobriété numérique, et une dizaine de structures. L’appel est ainsi signé de coopératives comme Telecoop, Noesya ou Commown, et d’associations comme Point de M.I.R, qui milite pour une décroissance numérique, du réseau Changer de Cap, qui travaille à la défense des services publics et l’accès aux droits sociaux, ou encore de Génération Lumière, qui sensibilise sur les effets concrets de l’extraction de ressources nécessaires aux équipements numériques en République démocratique du Congo.
Sortir des GAFAM, de la vidéosurveillance, et limiter l’IA
Parmi les dix propositions détaillées et sourcées sur le site Désescalade numérique, celle de sécuriser les services essentiels « hors réseau », de manière à rester autonome en cas de coupure de courant similaire à celle qui a frappé la péninsule ibérique en avril 2025, le bannissement des écrans publicitaires de l’espace public et des transports en commun, ou encore la lutte contre « l’airbnbisation de l’habitat ».
Le projet de désescalade numérique appelle par ailleurs les municipalités à se défaire de leur dépendance aux GAFAM, en passant au logiciel libre, sur le modèle de ce qui est en cours à Lyon ou déjà réalisé à Échirolles ; en cessant la distribution de smartphones ou de tablettes aux élu·es, sauf besoin spécifiques ; ou encore en modifiant leurs canaux de diffusion pour informer le public, en se tournant vers le journal municipal, des newsletters, ou des réseaux sociaux décentralisés comme Mastodon ou Mobilizon.
L’appel dédie un point complet à la sécurité, soulignant que le budget des municipalités consacré à la vidéosurveillance croit depuis vingt ans, pour une contribution très limitée à l’élucidation d’enquêtes. Et d’enjoindre les candidats à préférer recourir à des médiateurs de quartier, à créer des Maisons de jeunes et de la culture, ou encore à mettre à disposition des espaces favorisant l’entraide, plutôt qu’à des solutions technologiques à l’efficacité contestée.
L’intelligence artificielle est aussi abordée, en opposition à l’emploi. « Pour contribuer à la création de métiers pérennes et utiles sur leurs territoires, les municipalités peuvent favoriser la création de filières techniques dans les métiers qui manquent cruellement aujourd’hui : la réparation, le réemploi, la conception d’objets simples et réparables ou encore la restauration du bâti ancien », écrivent les signataires.
Outre proposer une alternative à la dynamique selon laquelle « de plus en plus d’emplois sont vidés de leur sens ou supprimés par le recours des entreprises à l’intelligence artificielle et aux objets connectés », ce type de décision est présenté comme une manière de lutter contre la « croissance préoccupante des flux de déchets électroniques ».