New IQ Research Shows Why Smarter People Make Better Decisions
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Depuis plusieurs semaines, je lis de nombreux papiers qui semblent tous avoir le même point de vue. Les jeunes sont devenus nuls en informatique alors qu’on les pense tous compétents dans le domaine. Et je ne suis pas tout à fait d’accord avec cette vision. Je ne dis pas que les personnes proposant ces avis ont forcément tort, je pense que leur témoignage est précieux et nous alerte sur une certaine évolution des pratiques informatiques. Mais il est plus directement témoin de l’évolution globale de notre société que d’un véritable constat concernant les « jeunes » en général.
Il y a d’abord une définition qui entre en jeu. Car «jeune » ne veut rien dire. S’il s’agit d’une tranche d’âge, elle varie suivant chaque interlocuteur. Pour certains, les jeunes sont des collégiens et lycéens, peut-être aussi des étudiants. Pour d’autres, cela englobe jusqu’aux trentenaires voir plus. Parler de « jeunes » est aussi flou que parler de « vieux ». On emploie ces concepts générationnels pour ranger des gens dans des profils comportementaux. C’est souvent une approximation très fausse des populations et ces termes ont une fiabilité tellement faible qu’ils ne servent à rien sinon à créer des antagonismes. Quand les jeunes parlent des vieux ou quand les vieux parlent des jeunes, tout se mélange. Il s’agit de projeter une idée sans jamais vouloir la comprendre.
Et, du reste, constater que les jeunes ne s’intéressent plus à l’informatique sans prendre en compte l’évolution toute entière de la société, l’ensemble des problématiques liées justement à cette pratique informatique, tout cela crée une vision assez fausse de ce que l’on tente d’analyser.
Dans un article publié récemment sur Ouest France, un octogénaire qui animait un club d’informatique annonce avoir du abandonner son association. La raison est qu’elle est désertée par les jeunes. Ce qui fait dire, entre autres, à notre animateur qu’ils « ne s’y connaissent pas » en informatique. Un des arguments qui revient en boucle est lié au désamour pour ces clubs qui ont vécu, et survécu, jusqu’ici. C’est l’angle choisi pour parler de notre Papy volontaire qui ne trouve pas de repreneur pour son club en perte de vitesse.
Ce constat d’un abandon des clubs n’est pas spécifiquement lié à l’informatique. Il touche tout le milieu associatif. Clubs d’échecs, sportifs ou artistiques, toutes les associations peuvent témoigner de la large désertification opérée dans leurs rangs ces dernières années. Sur tous les secteurs et… toutes les tranches d’âge. Le COVID et les phases de restrictions de mouvements liées à celui-ci ayant semble t-il largement accéléré une érosion déjà en route. Le jeu vidéo et les réseaux sociaux ayant ajouté deux énormes ancres aux chevilles de nombreux ados. Le poids est devenu extrêmement lourd à gérer pour des parents qui, en essayant de les ouvrir à diverses pratiques, se retrouvent a payer des associations pour qu’au final leur enfant leur « fasse la tronche ». Payer pour voir son enfant traîner des pieds vers un club et revenir en disant que c’était nul, ce n’est pas vraiment le rêve d’un parent.
Je suppose que pour les clubs d’informatique, ce constat est encore plus sévère. Pour la simple et excellente raison que ces jeunes qui se réunissaient avant en groupe pour découvrir l’informatique, apprendre à programmer, jouer, échanger des infos ou se dépanner… Ces jeunes sont les premiers a avoir appris à se passer des clubs pour y parvenir. Les premiers à trouver toutes les réponses dont ils ont besoin en ligne. Envie d’apprendre les bases de l’informatique ? De savoir comment faire de la musique assistée par ordinateur ? De monter des vidéos ? De changer de carte graphique ? Toutes ces infos se trouvent en quelques clics sur internet. Avec le choix dans un catalogue de dizaines de conseils, de tutos et de vidéos qui auront toutes les réponses à vos questions. Vous voulez apprendre comment utiliser des fonctions avancées dans votre tableur ? Des forums entiers de passionnés connaissent tous les trucs et peuvent vous y aider. Des compétitions existent sous Excel.
Vous voulez savoir comment optimiser votre carte graphique ? Des guides pas à pas recensent spécifiquement votre modèle. Vous êtes néophyte mais on vous a offert une carte Raspberry Pi ou une imprimante 3D ? Les deux produits seront abondamment couverts par une somme astronomique de guides dans toutes les langues. Notre Papy se plaint que « les jeunes » ne savent plus comment fonctionne un ordinateur mais un « jeune » curieux peut trouver la réponse à cette question en quelques clics. Il peut trouver une vidéo d’un acteur célèbre qui monte un PC de A à Z en trois clics. Et cette démarche est beaucoup plus efficace, naturelle et évidente pour lui que de poser ses questions à quelqu’un. C’est d’ailleurs ce que tout le monde fait toute la journée désormais.
Que font la majorité des clubs informatiques aujourd’hui quand une question un peu pointue leur est posée ? Avant ils disaient « je ne sais pas, je vais fouiller, on verra ça la semaine prochaine ». Aujourd’hui, ils font la même chose que vous. Ils vont fouiller en ligne pour avoir la bonne réponse. Les membres de ces clubs finissent logiquement par recomposer des communautés en ligne autour de leurs principaux centres d’intérêt. Des ensembles de personnes aux compétences hyper pointues, souvent très disponibles pour régler un problème immédiatement s’y retrouvent. Et du reste, vous qui êtes face à votre écran, si vous avez un problème, quel qu’il soit aujourd’hui, que feriez-vous si vous aviez le choix : vous poseriez la question à votre moteur de recherche habituel pour trouver une réponse en quelques clics ou vous noteriez la question quelque part et attendriez ensuite la réunion hebdomadaire de votre club ?
Ce rythme de la réunion hebdomadaire est terminé, il continue d’exister pour tout un tas de loisirs comme le sport, la musique, le dessin, le théâtre ou toute autre échange qui dépasse les simples compétences techniques. Mais pour apprendre a utiliser un traitement de texte ou brancher un SSD, c’est un fonctionnement totalement dépassé.
Le jeu en ligne est également devenu un excellent facteur d’éloignement des clubs. Dans les années 90 à 2000 on fréquentait des associations pour jouer ensemble. On montait des LAN party pour simplement pouvoir techniquement s’affronter en réseau local. Il n’y avait pas vraiment d’autres alternatives pour jouer à plusieurs à l’époque. Mais depuis de nombreuses années, il est préférable de jouer en ligne et donc sur des réseaux différents et éloignés géographiquement pour pouvoir se « rencontrer » en ligne. Le jeu vidéo est devenu un véritable facteur d’éloignement des clubs alors qu’il était tout l’inverse il y a vingt-cinq ou trente ans.
Je ne nie pas l’importance de ces clubs, notamment pour les gens n’ayant aucune compétence en informatique – et donc pas spécifiquement « les jeunes » – mais il faut qu’ils changent totalement de vision et d’objectifs.
Aujourd’hui, un club d’informatique attirera plus de monde avec une mission proche d’une association d’alphabétisation qu’un club pour apprendre à se servir d’une suite office ou à gérer physiquement son ordinateur. Prendre par la main quelqu’un qui ne connaît rien du tout à l’outil et le guider étape par étape dans cet univers aura du sens. Proposer une formation contre les arnaques en ligne fera sûrement salle comble si vous proposez une formation locale à votre mairie. Mais un « jeune » saura exactement comment trouver tout seul les ressources dont il a besoin pour peu qu’il veuille le faire. Comme je peux moi-même trouver en ligne les compétences que je ne possède pas. Comment changer un chauffe-eau ou faire une recette de légumes au Curry. En quelques minutes sur Youtube, je peux trouver tous les tutos nécessaires. Les « jeunes » ont exactement ce même réflexe.
Autre constat d’évidence, l’informatique a beaucoup changé. Si dans les années 1990-2010 acheter un ordinateur en pièce détachées était l’alternative la plus économique, ce temps est révolu. Cette passion est devenue de plus en plus dure à assumer financièrement. L’usage qui va au-delà de la simple exploitation d’un ordinateur, comme le conçoit notre bienveillant Papy. Celle qui consiste a connaître les composants de son ordinateur sur le bout des doigts. Qui permet de réaliser leur assemblage et assurer le bon fonctionnement de son PC. Celle qui veut qu’on installe soi-même son système d’exploitation et connaître toutes les ficelles du monde numérique, celle-là même est devenue hors de prix.
Avec des composants dont les tarifs se sont envolés ou sont chroniquement indisponibles pendant des mois entiers, comme les cartes graphique, beaucoup changent d’optique et ne réinvestissent tout simplement pas dans un PC classique. Acheter une machine basique et prête à l’emploi n’a jamais été aussi peu cher. Les MiniPC ne coûtent littéralement que le prix d’un seul composant de PC classique. Les ordinateurs portables sont également devenus beaucoup plus abordables et sont livrés avec une licence système préinstallée vendue à prix cassé.
Quand les clubs info étaient à la mode, les ordinateurs se construisaient à la pièce, les boutiques de composants pullulaient et les passionnés avaient droit à des dizaines de magazines spécialisés en rayon.
Aujourd’hui ces magazines n’existent plus, 01Net Magazine vient de se placer en liquidation. Les boutiques de composants ont largement disparu du paysage. Les gens achètent des machines prêtes à l’emploi et les clubs ferment. Commander un ordinateur monté sur mesure est devenu un véritable luxe pour peu qu’on veuille une configuration récente. Pourquoi les boutiques, les magazines papier et les clubs disparaissent ? Par manque d’intérêt pour ces formats physiques et par l’évidente force de la concurrence en ligne. Tous ces éléments sont sociétaux, sans aucun rapport avec l’âge de qui que ce soit.
Un point souvent mis en avant pour parler de « l’incompétence » des jeunes vient de leur préférence pour l’interface et les outils du smartphone plutôt que pour ceux de l’ordinateur. Elle est clairement visible mais elle n’est absolument pas antagoniste avec l’usage d’un PC, comme on aime a nous le répeter. Le smartphone a simplement cet énorme avantage d’être un outil personnel et qui accompagne les utilisateurs tout au long de la journée. De ce fait il a la préférence de certains dans l’usage. Faire une recherche en ligne est souvent plus rapide sur smartphone que sur un PC parce que l’appareil est déjà allumé et en service. Il est également toujours connecté au contraire des ordinateurs qui réclament un bout de Wi-Fi en mobilité. Mais quelqu’un déjà devant un PC connecté ne va pas chercher a allumer son smartphone pour lancer une recherche. Il la fera bien évidemment sur son ordinateur. C’est toujours la disponibilité de l’objet qui prime.
Je lis toujours les témoignages de profs qui voient des élèves mieux maîtriser le clavier du smartphone que celui de leur portable avec un certain étonnement. Evidemment, comme pour toutes les pratiques du genre, l’usage aide à l’apprentissage. Un enfant a qui on confie un téléphone portable comme premier appareil personnel ayant une véritable valeur, y investira beaucoup de temps et d’énergie. S’étonner ensuite que tout son univers tourne autour de cet objet est assez étrange. Du reste, prendre un bus, aller à la terrasse d’un café ou simplement déjeuner avec des gens montre aujourd’hui que les moins jeunes ne sont pas moins accrocs à cet objet. Ne voir l’impact du smartphone uniquement sur « les jeunes » ne trahit que la facilité de jugement portée à cette population particulière. Le prof est enclin au jugement des comportements de ses élèves mais ne relèvera pas celui d’un de ses collègues. Celui qui passe pourtant la totalité de son déjeuner les yeux fixé sur son smartphone à la cantine.
L’autre grosse différence c’est qu’un « jeune » n’aura souvent pas d’autre envie ni d’autre solution que de profiter de cet outil formidable qu’est le smartphone. Entre cet objet très personnel et l’ordinateur familial qu’il doit forcément partager. Entre le petit écran largement associé aux loisirs et au jeu et l’ordinateur qui reflète devoirs et apprentissages, la balance n’est clairement pas équilibrée.
Certaines pratiques qui découlent de cette préférence ont tendance a fortement crisper les adultes et en particulier les enseignants. Je comprends parfaitement leur logique car l’emploi d’un smartphone pour prendre des notes n’a en réalité rien de maîtrisé ni d’efficace. Il paraît complètement délirant pour un prof de voir un étudiant pianoter sur l’écran de son téléphone ses cours plutôt que de profiter de ses dix doigts pour pianoter sur un clavier. Mais si le premier est plus maîtrisé que le second cela fait pourtant totalement sens.
Surtout, cette problématique n’est absolument pas liée à la jeunesse des protagonistes mais plutôt à leur apprentissage. Si la pratique de certaines choses sur smartphone vous paraît incompréhensible, il suffit de regarder derrière vous pour comprendre qu’il ne s’agit que du reflet d’une expérience. Combien de fois avez-vous croisé des manœuvres informatiques totalement délirantes dans votre vie professionnelle ou personnelle ? Des gens qui font des photos de leur écran avec leur smartphone pour capturer une info a transmettre en pièce jointe ? Au lieu d’appuyer sur la si énigmatique touche « PrtSc » du clavier. Combien de personnes qui tentent pour la cinquantième fois de suite de glisser un dossier de photos de 500 Go sur une clé USB de 2 Go et qui se plaignent que « rien ne marche » ? Des utilisateurs qui jonglent avec des fenêtre en plein écran sans savoir comment les organiser ? Des tours de passe-passe invraisemblables pour compenser une mauvaise compréhension d’un outil. J’ai croisé à une époque des gens avaient réussi à glisser trois disquettes dans un lecteur… On critique « des jeunes » qui ne savent pas gérer leurs fichiers ou qui ne comprennent pas comment piloter leur système mais avez-vous vu « les autres âges » gérer leur informatique ? Pas les spécialistes mais des collègues à vous du bureau d’à côté ? Des gens perdus devant un réseau problématique ? Des adultes totalement largués face à des problèmes aussi simples qu’un fichier « zip » ou comment imprimer en réseau ? Vous verrez que la fleur de l’âge n’est pas vraiment le point commun de toutes ces personnes.
Là encore, désolé de me répéter, je ne vois pas un problème lié à la jeunesse mais bien à une curiosité, un appétit pour le sujet. Il n’y a pas plus de jeunes incompétents en informatique que de personnes plus agées. C’est juste que la société estime désormais que toute personne née avec un outil informatique accessible dans un univers professionnel quasi tout entier tourné vers son usage, est logiquement censée en connaître les rouages sur le bout des doigts. C’est clairement une projection de la part des adultes sur les jeunes. Le stéréotype du môme incompétent qui vient se fracasser sur l’idée que l’on se fait de lui comme forcément très à l’aiset. Et rien de cela n’est vrai.
Un PC monté par Top Achat
Le second message souvent véhiculé par ce discours est une constatation de la méconnaissance technique de l’outil informatique. Une incompétence jugée comme incroyable aujourd’hui.
Faire un petit pas de côté historique et technique permet de mieux comprendre la situation. Au début du siècle précédent, en 1900 / 1910, rares étaient les automobiles. En 1905 on en compte un peu plus de 20 000 dans le pays. Et c’est compréhensible, outre le prix de ces engins, c’était un temps où il était délicat d’imaginer partir en balade à la campagne en voiture sans aucune connaissance en mécanique. Je ne parle pas de savoir changer une roue ni de régler un retroviseur. Je parle d’avoir toujours sous la main une généreuse burette d’huile, de clés à molette graisseuses au fond d’une sacoche goudronnée, de savoir calmer un carburateur qui vide goulûment le réservoir et de dépanner des bougies encrassées. Il ne s’agit pas de régler un ralenti qui ne tourne pas rond mais plutôt de déposer la moitié du moteur sur une nappe, au bord de la route, sous les yeux de toute la famille alors qu’on devait partir en pique-nique.
J’imagine comment le conducteur automobile de l’époque regarderait un siècle plus tard « les jeunes » comme des analphabètes du moteur à explosion. Les rares personnes qui s’intéressaient à la mécanique automobile au début du vingtième sont comparables aux personnes qui s’intéressaient aux entrailles des ordinateurs à la fin du même siècle. Elles se classent à chaque fois en deux grandes catégories. Les gens qui n’avaient pas d’autre choix parce que c’était leur métier d’un côté et des gens absolument passionnés de l’autre. Cela ne concernait qu’une infime partie de la population et tout le reste des utilisateurs de ces engins ne comprenait absolument pas comment ils fonctionnaient.
Aujourd’hui, en ouvrant le capot d’une voiture moderne on ne voit pas grand-chose. La protection carénée d’un moteur, quelques rares bouchons qui protègent des tubes pleins de liquides variés à remplir de temps en temps. Et un objet souvent totalement inaccessible. Le tableau de bord est dans les deux cas purement informatif. On se sert du véhicule en utilisant une interface simple : un volant, des pédales et quelques accessoires. Il n’est plus nécessaire de comprendre comment l’engin fonctionne pour rouler des milliers et des milliers de kilomètres avec. On a un contrat avec un garage spécialisé qui s’occupe de son entretien. Il y a quelques générations encore, les gens savaient réparer eux-même leurs voitures, changer les pièces détachées ou, au pire, faire appel à un voisin qui maîtrisait cet art. Aujourd’hui la situation est beaucoup plus complexe avec l’obligation de posséder un équipement électronique indispensable avant tout entretien. On est devenus nuls en mécanique.
L’analogie avec un ordinateur moderne est assez flagrante. Beaucoup moins de personnes ne s’intéressent au fonctionnement de l’informatique qu’il y a quelques dizaines d’années tout simplement parce que cela n’a plus aucun intérêt pour la majorité d’entre eux. Plus le temps passe et, comme pour la voiture, on est bien obligés de faire confiance en l’objet plutôt que dans sa propre maîtrise. Qui va savoir réparer un ordinateur portable ? Qui va dépanner une carte mère de MiniPC ? Il reste bien les PC au format tour classique qui permettent des évolutions et qui demandent des compétences supplémentaires. Mais leurs ventes réduit d’année en année et le grand public s’en désintéresse.
Et que nous réserve le futur ? Les régions investissent dans des portables irréparables pour les Lycéens, certains ont même droit à des Chromebooks qui confisquent l’accès au matériel et au logiciel. Apple se tourne vers un système de plus en plus fermé. Les puces ARM ont débarqué dans les PC sous Windows et limitent les systèmes exploitables, de plus en plus de composants sont soudés, blindés, cachés… Les capots de portables aujourd’hui n’ont souvent plus rien à envier aux capots des voitures électriques. Ce sont des coffre-forts dont l’acheteur n’a plus la clé.
Cette situation amène à un paradoxe évident. Avec des sources d’information très complètes d’un côté et des gens qui ne voient plus l’intérêt de mettre le nez dans des entrailles de plus en plus fermées de l’autre, les utilisateurs ont évolué vers deux classes distinctes.
Il y a d’abord des néophytes pur et durs, qui ne savent pas comment un ordinateur fonctionne parce qu’il n’y a aucune raison qu’ils le sachent. Leur ordinateur portable comme leur smartphone sont quasiment montés d’un seul bloc, entièrement composés de pièces soudées et non accessibles. Ils n’ont aucune raison de chercher a comprendre comment leur matériel affiche et calcule des données. C’est un… outil, au même titre qu’un photocopieur ou un marteau.
Qu’un ingénieur système ou un joueur dont c’est le loisir principal ne comprenne pas comment son ordinateur fonctionne est un problème, au même titre qu’un garagiste ou un coureur automobile doivent savoir leur mécanique sur le bout des doigts. Mais qu’un étudiant en histoire, un futur diplomate ou un apprenti boulanger ne maîtrisent pas l’informatique technique n’a rien de choquant. Pas plus qu’ils ne maîtrisent la réparation de leur voiture.
Évidemment il serait bon qu’ils sachent piloter les machines avec des réflexes, des habitudes et des compétences plus poussées. Ils ne les maîtrisent pas forcément mais… a bien y regarder. Est-ce que leurs aînés font mieux ? Absolument pas.
Je pense même que les jeunes générations ont plus de compétences que les précédentes sur plein de domaines. Ils maîtrisent le web, savent envoyer une pièce jointe du premier coup, retouchent des images, font des montages vidéo, surfent, communiquent. Ce ne sont pas les jeunes qui sont nuls en informatique, ce sont les Français en général, un certain pourcentage de jeunes y compris.
Et le paradoxe de tout cela c’est que les gens qui nous alertent de cette nullité des jeunes en informatique sont souvent les moins exposés aux compétences de cette population. Mis à part dans les voies spécialisées, le niveau actuel des plus férus d’info fait que les leçons distribuées dans les établissements scolaires peinent à réveiller leur curiosité. Les notions distillées par l’éducation nationale au travers de QCM et autres applications en ligne d’auto-évaluation comme le fameux « PIX » ne font que survoler les sujets. Les profs n’ont absolument pas le temps d’approfondir ces champs et souvent aucune notion réelle de programmation, de vigilance et de comportement en ligne ne sont proposées. Un adolescent curieux maîtrisera tellement plus de notions informatiques que le programme n’en propose qu’il pourrait largement rattraper des heures de sommeil en cours sans jamais déranger le prof. Ce dernier se retrouve donc avec un retour de classe qui ne fait que signaler les manques des moins curieux, des moins équipés ou des moins compétents. Et cela se traduit par un reflet de jeunes « nuls en infos ».
Si j’en crois ma propre expérience, relayée et entretenue par des milliers de discussions au fil des années en tant que vendeur informatique à une époque et avec mes lecteurs depuis lors, le constat fait de cette incompétence en informatique est le même depuis toujours. On accuse les jeunes de ne pas s’intéresser à l’informatique mais les moins jeunes sont tout autant incompétents. Et cela sur toutes les tranches d’âges. Des trentenaires qui ne comprennent rien à Excel, j’en connais. Des quarantenaires qui ne pigent pas un traître mot quand on leur parle technique et qui ne savent pas où sont rangés leurs fichiers, j’en connais. Des cinquantenaires qui préfèrent utiliser un smartphone en dictée pour rédiger un email, j’en connais également. Au-delà des soixante ans on touche peut être du doigt la réalité que cache cette appellation généraliste des « jeunes ».
Car à mon avis, le problème n’est pas lié à l’âge, il est clairement lié à l’appétit. On connaît tous un papy ou une mamie très à l’aise avec l’informatique. Et on le regarde un peu comme un énergumène dans son genre. Autour de lui, une vaste majorité de personnes du même âge ne s’y intéresse pas, n’y comprend rien et ne veut rien y comprendre. La différence de ce comportement s’explique par une simple caractéristique : la curiosité. Et c’est le cas pour toutes les tranches d’âge. La proportion réelle de gens qui ont le goût de l’informatique est quasiment toujours la même. Et elle est faible. Jeunes ou vieux, cela ne change rien.
Ce que cette vision des « jeunes incompétents» trahit c’est la projection que l’on fait sur eux de nos propres centres d’intérêt. Un peu comme cette personne de notre connaissance passionnée d’un sujet précis qui ne comprend pas pourquoi nous, nous n’aimons pas la philatélie, l’histoire du Marais-Poitevin, la mécanique des fluides ou l’entomologie. Tout le monde n’a tout simplement pas envie d’investir du temps dans l’apprentissage d’une matière pour laquelle il n’est pas curieux.
Je reste persuadé que la proportion de gens intéressés par l’informatique a largement augmenté ces 30 dernières années. Le niveau global a également fortement progressé avec des gens possédant des compétences sans commune mesure avec ce qui est représenté comme les années « glorieuses » de l’auto apprentissage. Les fameuses années 80-90 avec ces magazines qui livraient des programmes en Basic qu’on copiait laborieusement ligne par ligne pour pouvoir faire avancer une vilaine tortue en pixels CGA… Ces années vues comme l’âge d’or de passionnés font face à des collégiens qui savent piloter des outils pour inventer des mondes 3D avec une narration complète, un univers sonore et des mécaniques de jeu. Des mômes qui font de l’impression 3D à partir de modèles dessinés par leurs soins avec des outils autrement plus complexes et puissants que ce que nous proposait l’informatique disponible des années 90. Des lycéens qui créent des albums audio de toutes pièces dans leur chambre. Des graphistes en herbe dont le portfolio numérique n’a pas a rougir face à des artistes chevronnés et reconnus.
On reproche à « des jeunes » de ne pas savoir se servir d’un tableur. Et c’est tout à fait vrai, plein d’adolescents sortent du lycée avec une très vague notion des bases informatiques que sont la gestion bureautique. Mais la grande majorité d’entre eux savent tout de même se servir d’un traitement de texte mieux que leurs parents au même âge.
La proportion de ces jeunes gens qui savent réellement se servir de l’outil informatique est au pire identique à celle précédente et à mon avis supérieure. La qualité des productions des plus passionnés de ces jeunes est largement au-dessus de ce que proposaient leurs aînés. Les limites logicielles et techniques ont sauté. Ce qui était uniquement disponible à Hollywood en 1990 est désormais accessible en supermarché.
Tout le monde semble avoir également gommé l’énorme sacrifice de temps que représentaiy l’apprentissage informatique dans les années 80-90. Les après-midis en solo dans sa chambre avec un ordinateur en pleine « défragmentation » en face de soi pendant que tous les copains jouaient dehors au ballon ou faisaient du vélo. Le temps passé a éplucher des ressources peu nombreuses pour juste réussir a faire tourner son PC correctement sous MS-DOS. Les jeunes d’hier réellement passionnés d’informatique n’étaient pas plus nombreux que ceux d’aujourd’hui. Loin de là. Et ils étaient très motivés. Avoir 15 ans en 1990 avec un ordinateur en main c’était également la promesse de trouver du boulot. L’avenir dans la branche informatique semblait radieux et cela motivait pas mal de monde. Aujourd’hui c’est l’inverse, si on ne maîtrise pas un maximum de compétences jugées comme minimales ont ne trouvera simplement pas de travail.
La première fois que, en sixième, j’ai rendu un devoir d’anglais imprimé grâce à un traitement de texte à ma prof, elle m’a mis zéro. Son argument était que le devoir avait été traduit par mon ordinateur. Pour donner un peu de contexte c’était un devoir pianoté sur Papyrus, un traitement de texte basique disponible sur Apple IIe. Il a fallu plusieurs décennies pour que des solutions de traduction de l’anglais vers le français rattrapent mon maigre niveau d’anglais en sixième. Pourtant, la prof n’a rien voulu savoir et j’ai du ré-écrire mon devoir à la main pour qu’elle daigne changer ma note. C’était la première fois qu’un élève lui rendait un devoir comme cela. Elle n’avait pas d’ordinateur personnel et fort peu de mes camarades de classe avaient une machine de ce type à la maison.
Aujourd’hui c’est l’inverse, les profs abandonnent les devoirs de traduction à la maison par peur de lire les travaux rédigés par une IA. Les enfants, dès le collège, ont bien compris comment dompter ces nouveaux outils pour faciliter leur vie. Le monde a totalement basculé dans l’informatique au cours de ma simple petite existence.
Et ce qui a surtout changé, ce ne sont pas les lycéens ni les étudiants, c’est le contexte du marché, les attentes du monde du travail. On voit aujourd’hui des postes de manutention basique exiger un niveau de compétence avancé en bureautique avec une « maîtrise de la suite Office ». On estime donc logiquement que chaque enfant doit acquérir lors de sa scolarité un bagage minimal dans ce domaine. Ce n’est pas pour autant que tous les « jeunes » vont avoir de l’appétit pour la pratique. La proportion d’enfants et adolescents réellement intéressés par la programmation, le matériel, son fonctionnement ou les protocoles de communication employés en son sein est sans doute restée la même qu’en 1990. Et ce n’est pas parce qu’on juge aujourd’hui certains éléments comme indispensables que cette proportion va changer. Mélanger passion personnelle et obligation professionnelle n’a pas de sens.
Ce que je remarque, pour avoir beaucoup d’enfants autour de moi dans le milieu associatif, c’est que la majorité d’entre eux sont largement plus capables d’absorber des notions complexes d’informatique qu’à mon époque. J’ai donné par exemple des « cours » à des enfants de niveau CM2/5e pour une approche de l’impression 3D. Les programmes a utiliser sont, pour utiliser un euphémisme, assez « touffus ». Des centaines de réglages, d’options, de notions se mélangent pour préparer un fichier avant de l’envoyer vers l’imprimante. Ces enfants, clairement intéressés par l’informatique, ont saisi l’ensemble des problématiques de préparation de fichiers mais également des notions de durée d’impression et de coût suivant les réglages en une heure trente de formation.
Ces mêmes enfants, et beaucoup de leurs camarades, absorbent désormais parfaitement les éléments nécessaires à l’exploitation de la majorité des programmes grand public. Quand je lis qu’un jeune aujourd’hui peut sortir du Lycée sans avoir de compétence en bureautique. Ce n’est pas de sa faute à lui. C’est clairement un échec dans sa formation. Il rattrapera ce retard dans la plupart des cas. Atteignant les besoins attendus en quelques jours si il ne s’agit que de comprendre un traitement de texte ou un tableur.
Cela ne veut pas dire que c’est la faute des profs ou des établissements fréquentés mais bien d’un système tout entier qui ne donne pas assez d’opportunités pour apprivoiser ces outils. Prenez un jeune de 16 ans, de n’importe quel milieu social, promettez-lui qu’il trouvera un meilleur boulot à terme en se mettant devant un ordinateur une ou deux après midi avec vous pour apprendre les bases d’une suite office ainsi que le fonctionnement d’un ordinateur et les mécanismes de base du web. Et vous aurez un jeune formé au bout de quelques heures.
Il y a quelques temps j’ai fait réparer le toit de ma maison. J’ai choisi des artisans locaux, dont l’entreprise est dans ma rue et qui ont été formés au Lycée d’Enseignement Professionnel de ma ville. Deux frères assez « jeunes » qui ont tout juste lancé leur entreprise l’année dernière après des années d’apprentissage. Ils n’ont jamais eu de cours d’informatique sérieux lors de leur scolarité. Et pourtant ils ont trouvé, tous seuls, toutes les ressources dont ils ont besoin pour leur entreprise. Un outil en ligne de facturation qui gère leurs devis, leurs factures, leurs emails et leur comptabilité qu’ils maîtrisent aussi bien sur téléphone que sur leur vieux PC. Mais aussi et surtout un système de suivi de chantier digne du suivi de projets de grandes sociétés.
Dans leur entreprise de bâtiment chaque tâche est documentée au travers de nombreuses photographies sur le vif. Une cloison est montée ? Toutes les étapes sont documentées sous la forme d’images. Avant le chantier, pendant le travail avec le détail des finitions et des options choisies et à la fin, une fois le chantier terminé, le résultat est également pris en photo avec le nettoyage des lieux. De telle sorte qu’à la moindre question, il est possible de remonter dans le temps et montrer au client tout ce qui a été fait. A une question du traitement de la toiture avec un agent de protection, je reçois immédiatement une photo de la dispersion du produit sur mon toit.
Chaque chantier est ainsi géré sous la forme d’un dossier dans les nuages. Un classeur qui s’appelle du nom du client et du mois du début des travaux. Tous les ouvriers agissant sur chaque chantier sont sommés de partager leur travail en photos et respectent cette consigne. Ils peuvent ainsi garder une trace précise de leurs actions. Avec un budget minimal, sans aucune compétence de base en informatique, ces deux trentenaires ont mis en place un système de suivi de projet complet et adapté à leur situation de travail. Un suivi qui permet en plus de rassurer leur clientèle et même de répondre précisément, des années après un chantier, aux éventuelles questions sur les travaux effectués. Un suivi qui leur sert de publicité très efficace pour montrer leurs compétences aux autres clients.
Ce que je veux démontrer ici c’est que, comme souvent, la nécessité fait son ouvrage. Face à des problématiques nouvelles, les gens s’adaptent. Et si un jeune adulte se retrouve dans la situation où son futur nécessitera une prise en main d’un outil informatique, il s’en accommodera sans doute rapidement. Certains seront toujours rétifs et totalement incapables de s’y intéresser mais probablement dans les mêmes proportions qu’auparavant. Pourtant, je suis persuadé que face à un expert qui leur poserait des questions techniques informatiques, mes deux couvreurs seraient catalogués dans le camp des « nuls ».
Je pense sincèrement que le stéréotype des jeunes « nuls en informatique » est le résultat d’un changement des attentes de la société. C’est parce que les employeurs ambitionnent de n’embaucher que des gens capables de faire du « reporting » sur toutes leurs tâches en fin de journée ou de suivre un terminal, que tout le monde ne recherche que des informaticiens en herbe. Mais si cette recherche s’accentue jusqu’à toucher des métiers autrefois purement manuels comme l’agriculture ou la pêche, la formation nécessaire ne suit pas.
Si un stéréotype doit être retenu pour les jeunes, c’est qu’ils sont très souvent curieux et qu’ils apprennent vite. Le souci va être de profiter de ces atouts innés pour les intéresser à la chose informatique, à la programmation, au fonctionnement des machines qui les entourent. Leur donner assez de billes pour qu’ils aient envie d’apprendre un minimum et ne soient pas perdus devant un clavier et un écran. La totalité de la population ne sera jamais passionnée d’informatique mais si la majorité parvient au moins a maîtriser correctement les outils et les protocoles, ce sera bien plus performatif que de déplorer qu’ils n’aient pas réussi a apprendre tous seuls. Comme le mythe de leurs aînés tente de le faire croire.
Les jeunes sont devenus nuls en informatique, vraiment ? © MiniMachines.net. 2025
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