Clearview : outil de reconnaissance faciale tourné dès l’origine contre les migrants
Qui aurait pu prévoir ?

Dès la création de l’entreprise en 2017, le co-fondateur de Clearview, Hoan Ton-That, avait en tête la reconnaissance faciale des immigrants et la surveillance des frontières étasuniennes. L’entreprise s’appuie sur des milliards d’images récupérées sur Internet, très souvent sans aucun consentement. Elle a aussi essayé de récupérer des millions de données de police comprenant des photos de suspects.
L’entreprise américaine Clearview est connu pour son web scraping sauvage pour obtenir des milliards d’images, ceci à fin de créer un logiciel proposé aux forces de l’ordre pour résoudre des enquêtes criminelles. Sur son site web, elle propose aux autorités d’ « exploiter le pouvoir de la reconnaissance faciale dans les enquêtes criminelles ».
Ses méthodes de scraping ont été reconnues illégales en Europe par la CNIL, mais aussi par ses homologues britannique, grecque, italienne et néerlandaise, entre autres. En tout, ces autorités de contrôle ont prononcé un peu plus de 100 millions d’amendes, sans pour autant avoir les moyens de contraindre l’entreprise de payer.
Du côté étasunien, un juge s’est prononcé le 20 mars dernier sur un règlement unique de class-action sans compensation financière immédiate et spécifique pour les victimes. Mais ce règlement pourrait, à terme, mener à un fond de compensation basé sur la valeur de Clearview et atteindre 23% de celle-ci, ce qui équivaudrait à 51,75 millions de dollars si on prend la valeur actuelle de l’entreprise.
Un pitch pour le contrôle aux frontières dès 2017
Le co-fondateur de l’entreprise, Hoan Ton-That, a, dès la création de l’entreprise en 2017, présenté le projet de Clearview comme une technologie de surveillance des frontières étasuniennes, selon une enquête du média américain Mother Jones.
Dans un email obtenu par Mother Jones et envoyé à des partenaires commerciaux en mars 2017, alors que l’entreprise n’avait pas encore adopté le nom de Clearview, il proposait un « pitch sur les patrouilles aux frontières ». Il y expliquait vouloir convaincre le gouvernement fédéral américain d’intégrer à ses caméras de surveillance des frontières son logiciel pour utiliser la « détection des visages » sur les immigrants entrant aux États-Unis.
Celui qui a récemment laissé sa place de CEO à un proche de Donald Trump est pourtant lui-même un immigrant venant d’Australie, tout en se réclamant d’une descendance royale vietnamienne. Après des études à San Francisco, « il s’est ensuite rapproché des néoréactionnaires de la Silicon Valley qui ont adopté une vision technocratique et d’extrême droite de la société », commente Mother Jones, et est devenu un « partisan inconditionnel de Donald Trump ». L’entreprise a été financée, dès ses débuts, par Peter Thiel.
Dans son pitch, Hoan Ton-That proposait de comparer les images des étrangers venant aux États-Unis avec des photos de suspects pour déterminer s’ils avaient déjà été arrêtés dans ce pays, selon le média. Récemment, 404 Média révélait que l’entreprise avait dépensé près d’un million de dollars en 2019 pour acheter « 690 millions de dossiers d’arrestation et 390 millions de photos d’arrestation » à une entreprise de renseignement nommée Investigative Consultant.
Surveillance des réseaux sociaux des migrants
Toujours dans cette présentation, l’ancien CEO de Clearview proposait d’analyser les médias sociaux des personnes migrantes pour connaître leur « sentiment à l’égard des États-Unis ». Cette proposition rappelle le système appelé « Catch and Revoke » que le secrétaire d’État des États-Unis, Marco Rubio, veut mettre en place afin de traquer les étudiants étrangers et révoquer leurs visas.
Hoan Ton-That proposait d’analyser les médias sociaux des migrants à la recherche de « messages disant “Je déteste Trump” ou “Trump est une puta” » et de cibler les personnes ayant des « affinités avec des groupes d’extrême-gauche », en donnant comme seul exemple UnidosUS, « l’une des plus grandes organisations hispaniques de défense des droits civiques du pays », explique Mother Jones.