EDITION SPECIALE : la ligne 14 de Saint-Denis à Orly
Jamais dans l’histoire du métro parisien n’avait été mise en service une nouvelle section aussi longue : 14 km, sans oublier les 1700 m supplémentaires au nord. Le précédent « record » remonte… au 19 juillet 1900. C’est dire.
Une ligne olympique
Ce 24 juin 2024, la ligne 14 a donc été prolongée au nord de la mairie de Saint-Ouen à Saint-Denis Pleyel, et au sud du quartier des Olympiades à l’aéroport d’Orly. Cependant, avec 30,2 km, elle ne détrône pas en longueur la ligne 2 à Lille, qui, avec ses 32 km, ne devra céder sa place qu’à la ligne 15 du Grand Paris Express, dont la première section atteindra 33 km.
Ces deux tronçons ont été menés à un rythme effréné, quitte à imposer d’importantes perturbations aux voyageurs pour procéder au raccordement et aux essais des nouvelles installations et du nouveau système de pilotage automatique : il y aura forcément un examen a posteriori à mener pour étudier des solutions moins pénalisantes, que les voyageurs des lignes 4 et 11 ont aussi subi pour des raisons similaires.
C’est aussi le véritable lancement du Grand Paris Express puisque la ligne 14, bien que restant sous maîtrise d’ouvrage et exploitation de la RATP, est intégrée à ce projet pharaonique. Seuls les deux terminus ont été confiés à la Société du Grand Paris.
Il faut aussi ajouter la mise en service d’un autre ouvrage hors norme : le Franchissement Urbain de Pleyel, dont la première partie piétonne relie la station de la ligne 14 à celle du RER D (Stade de France – Saint-Denis) en enjambant les 48 voies du faisceau ferroviaire.
Saint-Denis - 26 juin 2024 - La première partie du Franchissement Urbain Pleyel a été ouvert au public en même temps que le métro. La seconde phase, pour la circulation routière, est déjà en travaux. © transportparis
Il fallait bien cela, puisque c’est à peu près la seule grande nouveauté en matière de transports en commun qui a finalement réussi à être livrée avant les Jeux Olympiques. CDG Express et la ligne 15 devront attendre encore au moins une année supplémentaire.
Un projet majeur pour les franciliens
Il n’est cependant pas exagéré de considérer que l’enjeu majeur de la ligne 14 réside au sud, en créant un nouvel axe de grande capacité entre le RER B, la ligne 7 (jusqu’à Villejuif) et le RER C. La desserte de l’aéroport d’Orly constitue à n’en pas douter l’autre changement majeur à l’échelle de l’Ile-de-France, même si son accès sera, pour les utilisateurs occasionnels, assujettie à un tarif particulier et d’acquisition pas forcément facile puisque incompatible avec certains pass Navigo occasionnels. Cependant, l’accès direct à l’Institut Gustave Roussy (quand la station sera terminée) et l’amélioration de l’accès aux emplois du secteur Orly – Rungis sont des points non négligeables.
Au nord, c’est un peu différent et, après les Jeux Olympiques, la nouvelle station ne prendra réellement son envol qu’avec l’arrivée des lignes 15, 16 et 17. C’est quand même une alternative de taille au RER D pour l’accès à La Plaine-Saint-Denis, voire au Stade de France, quoique celui-ci se situe à environ 20 minutes à pied.
La prévision de trafic donne le vertige : un million de voyageurs par jour. C’est unique en Europe et il faut aller en Asie pour trouver des scores au moins équivalents. Cependant, même avec des trains de 120 m de long, le gabarit 2,40 m hérité du réseau historique (un choix lié aux origines à la stratégique d’acquisition du matériel roulant) ne sera pas avare en contraintes, notamment par la cohabitation avec les voyageurs à destination de l’aéroport et leurs bagages. Certes, l’intervalle de 85 secondes devrait assurer un flux continu avec plus de 39 000 places par heure et par sens à ce niveau de service, mais il est indéniable qu’avec la charge actuelle dans Paris, les atouts de ce prolongement vont mobiliser pleinement cette capacité.
Des stations ou des gares ?
L’autre changement – et de taille – de ce prolongement réside dans la conception des stations, d’une toute autre dimension que ce qu’on a pu connaître jusqu’à présent, même avec celles de l’extension pourtant récente à Saint-Ouen. Cette rupture se manifeste évidemment par une architecture fastueuse, résultat de la mobilisation de grands architectes. Il faudra quand même évaluer dans la durée l’entretien de ces constructions parfois audacieuses, certes très spacieuses, et son coût.
Cependant, au-delà des bâtiments d’accès, les carrossages métalliques et le béton à nu n’ont pas totalement disparu. Cependant, seules Saint-Denis Pleyel et Aéroport d’Orly se distinguent réellement des autres créations. Les aménagements ne sont pas totalement finis, comme c’est désormais l’habitude : cela concerne essentiellement des finitions et quelques habillages de murs, comme à Chevilly-Larue.
Saint-Denis - 26 juin 2024 - Par rapport à une entrée Guimard, le changement d'envergure est colossal. C'est grand, c'est neuf, c'est même plutôt bien dessiné. © transportparis
Saint-Denis Pleyel - 26 juin 2024 - Certes, le métro est très rapide, mais il faut descendre profondément pour l'atteindre depuis l'accès, ce qui vient logiquement minorer la performance : comptez environ 5 minutes entre l'entrée dans l'édifice et l'arrivée sur le quai. © transportparis
Saint-Denis Pleyel - 26 juin 2024 - Détail intéressant : on ne peut pas accéder directement au quai de départ. Une seconde ligne de portillons a été installée, laissant présager d'une tarification à la distance pour les lignes 15, 16 et 17, d'où la présence de la cloison vitrée au pied de l'escalier et le passage par un cheminement étroit au pied de la trémie. © transportparis
Kremlin-Bicêtre Hôpital - 24 juin 2024 - Les quais sont complètement fermés. L'ambiance dégagée est plus renfermée, comme dans un VAL, mais le niveau sonore est nettement réduit. © transportparis
Thiais - Orly - Pont de Rungis - 26 juin 2024 - Cette station est très généreusement dimensionnée, avec elle aussi une profonde trémie pour accéder aux quais. Si le projet de transformation de la gare Pont de Rungis pour l'arrêt de trains à grande vitesse intersecteurs était concrétisé, sa fréquentation pourrait sensiblement augmenter. © transportparis
Thiais - Orly - Pont de Rungis - 26 juin 2024 - Les aménagements sont parfois à peine finis. La décoration est assez sobre et intemporelle. Malgré la forte fréquence de passage des rames, les assises sont toujours aussi rares... © transportparis
Autre point concernant les stations : leur dénomination n’est pas précise. La ligne 14 connaît déjà un cas, avec la station « Saint-Ouen ». C’est flou. Il est vrai que, hormis dans Paris, le métro ne mentionne jamais les gares (exemple à La Défense). Il est peut-être temps d’innover et de rebaptiser cette station « Gare de Saint-Ouen ».
Le terminus Saint-Denis Pleyel n’est pas en correspondance avec la ligne 13, sinon par un cheminement en voirie.
Au sud, les stations L’Haÿ-les-Roses, Chevilly-Larue et Thiais-Orly ne localisent pas précisément leur emplacement :
- la première est assez à l’écart de la ville, et quasiment en limite de Chevilly-Larue ;
- la deuxième est au droit de la station Porte de Thiais de la ligne T7 ;
- la troisième est à proximité de la gare du RER C du Pont de Rungis.
Chevilly-Larue - Porte de Thiais - 26 juin 2024 - Le métro au fond, avec à gauche du bâtiment la station du tramway T7. Au premier plan, le site propre du TVM, également emprunté par les lignes 183, 192, 319 et 396 et les arrêts aux aménagements minimalistes : les abris ne sont pas achevés et les voyageurs n'ont pour seule information qu'un potelet provisoire. Image d'un réseau à - au moins - deux vitesses ? © transportparis
Chevilly-Larue - 26 juin 2024 - La mise en service de la ligne 14 n'a pas attendue l'achèvement des travaux : illustration ici avec l'habillage à terminer à l'entrée de cette station. © transportparis
La ligne 14 en exploitation
Les trains relient les deux terminus en 40 minutes soit 40,5 km/h de moyenne. On a pu noter quelques coups de freins ponctuels, en pleine ligne, au droit de certains appareils de voie. Seule la section Olympiades – Maison Blanche est parcourue à moindre allure, car l’interstation est courte et en courbe plus prononcée.
En ligne, le comportement des MP14 peut être étonnant : les attaques de courbes peuvent être assez brutales, plus que sur la section préexistante et le roulement est plus irrégulier encore. C’est curieux (et le constat a été fait sur plusieurs rames). Le roulement sur pneumatiques parvient réellement à ses limites, car on a l’impression qu’il est un frein à la vitesse sur ce parcours. La comparaison avec la première section de la ligne 15, à roulement fer et apte à 110 km/h, devrait la confirmer.
Difficile d’aller plus loin après 3 jours d’exploitation. Tout au plus peut-on noter que la fréquentation au sud d’Olympiades est pour l’instant assez modeste, comme le prolongement à Saint-Ouen fin 2020. L’affluence peut être irrégulière, surtout au départ d’Orly, en fonction des horaires d’arrivée des vols. Sans compter un premier pépin technique significatif…
C’est après les Jeux Olympiques qu’un premier bilan pourra être effectué sur cette première étape du Grand Paris Express pour les franciliens.