Evry : exemple de coordination urbanisme - transport ?
Une ville nouvelle conçue autour des transports en commun
C’est un cas atypique en Ile-de-France. Les villes nouvelles n’ont pas été une réussite architecturale, fonctionnelle, humaine, économique et sociale. Elles ont été en quelque sorte des laboratoires de recherche à taille réelle d’une nouvelle forme d’aménagement urbain.
La ville nouvelle d’Evry, conçue en 1969, a été organisée autour d’une infrastructure de transport en commun en site propre d’une longueur de 17 km, autour de laquelle allaient être placés les équipements et fonctions de la cité. Le plan était coordonné également entre les réseaux de transport en commun : le tracé intégrait la desserte des 3 nouvelles gares de l’itinéraire Juvisy – Corbeil « par le plateau » construit parallèlement.
Conçue « en doigts de gant », l’objectif était d’atteindre une part de marché des transports en commun de 45 %, soit 3 fois plus que la moyenne nationale de l’époque, en plaçant 80 % de la population à moins de 400 m du tracé. Ce résultat était aussi lié au niveau de vie des habitants : le revenu moyen modeste sinon faible influe – à la baisse – sur le taux de motorisation des ménages et donc à la hausse sur l’utilisation des transports publics.
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Utilisée par des autobus, le tracé du site propre a été conçu pour une solution plus lourde : on parlait à peine de tramway moderne – « métro léger » à l’époque – et l’hypothèse de trolleybus bimodes (RVI étudiait ce qui est devenu le PER180H en 1982) était avancée. Aujourd’hui encore, le tracé est aujourd’hui encore parfaitement compatible avec une solution ferrée.
Le site propre présente peu d’adhérences avec la circulation automobile, sauf à ses extrémités. Revers de la médaille, le site propre engendre une coupure urbaine assez nette, car il n’est pas forcément évident de la franchir, même à pied, selon la densité de passages inférieurs ou supérieurs.
Evry - Avenue Nowy Targ - 22 mars 2024 - Il reste encore quelques arrêts ou stations ayant conservé leurs aménagements originaux. Il faudra penser à les rénover et adapter leur configuration aux voyageurs à mobilité réduite. © transportparis
Evry - Avenue Nowy Targ - 22 mars 2024 - Le site propre comprend de nombreuses dénivellations au croisement des voies de circulations générales : peu commode pour le piéton, mais une efficacité avérée pour la vitesse commerciale. Dans le cas ici illustré, il y a quand même un cheminement piéton, visible derrière ce GX437 hybride de la ligne 401. © transportparis
Evry - Rue des Galants Courts - 15 mai 2019 - Venant de quitter le parc des Loges, dans la partie ouest de la ville nouvelle, ce Citaro articulé de la ligne 402 s'apprête à rejoindre la place des Miroirs et le tronc commun du site propre. L'effet de coupure est ici bien plus perceptible, avec l'absence de trottoirs et un pont franchissement une rue habitée (ce qui ne se voit pas forcément compte tenu d'un aménagement assez arboré. © transportparis
Evry - Agora - 4 juin 2024 - Architecture classique des années 1970, mais un schéma d'aménagement autour d'une colonne vertébrale, qui n'hésite pas à aller au cœur des principaux équipements. Le site propre pour les bus passe sous le centre commercial et traverse la gare au niveau supérieur. © transportparis
Les premières lignes 401, 402, 403, 404 et 404N ont été mises en service en mars 1975. L’exploitation avait alors été confiée à la RATP. En janvier 1988, le service est confié à la nouvelle société d’économie mixte des Transports Intercommunaux Centre Essonne (TICE). Il dessert 24 communes avec 21 lignes.
L’exploitation du réseau désormais baptisé Evry Centre Essonne est depuis janvier 2024 assurée par les Transports Intercommunaux Seine Sénart Essonne (TISSE) filiale de Keolis.
Le réseau fait partie du lot n°23, incluant également 19 lignes d’autres réseaux (Seine Essonne, Cars Sœurs, certaines lignes Daniel Meyer…) impliquant une importante réorganisation de la production et de la gestion du matériel dans le cadre de cet appel d’offres concernant un lot important de l’univers Optile.
En 2024, le réseau utilise 139 autobus dont 66 articulés, 54 standards, 15 midibus et 4 minibus, gérés par 2 dépôts situés à Bondoufle et Corbeil-Essonnes.
Evry - Rue du Marquis de Raies - 4 juin 2024 - Encore la ligne 402, axe majeur de l'agglomération, ici illustrée avec un Lion's City et sur une section réaménagée dans la perspective de sa conversion en TZen4. © transportparis
Evry - Place Salvador Allende - 15 mai 2019 - Croisement des lignes 403 et 404 sur la branche nord du site propre, avec ici un schéma d'aménagement à plat, facilitant la circulation des piétons. © transportparis
Evry - Avenue de la Liberté - 22 mars 2024 - Ambiance bien différente dans les quartiers proches des berges de Seine. Sur ce cliché, on note l'affiche sur le pare-brise remplaçant la girouette. Ce Citaro circule sur la ligne 407. La mise en place des nouveaux contrats d'exploitation ne se passe pas toujours facilement. Dans le cas d'Evry, il apparaît en outre un manque de véhicules. Les voyageurs en font en partie les frais... © transportparis
Plusieurs projets concernent le territoire de l’agglomération d’Evry.
La création de T12
Mise en service en décembre 2023, cette quatrième ligne de tram-train, et la seule passant d’une voie ferrée nationale accueillant d’autres circulations à une infrastructure urbaine en voirie, apporte une nouvelle contribution à la desserte de l’agglomération – plus très – nouvelle. Ce premier maillon d’une tangentielle sud constitue ainsi une nouvelle branche du système de desserte en site propre, en direction de l’ouest.
Evry - Boulevard François Mitterrand - 4 juin 2024 - L'arrivée du T12 était attendue, mais ses débuts ont été particulièrement difficiles. Il va falloir remonter la pente... mais avec un nouvel opérateur puisque RATP Cap Ile-de-France succédera à Transkeo, filiale SNCF Voyageurs - Keolis. © transportparis
Elle pourrait constituer la première phase d’un projet plus consistant qui viserait à parachever le projet initial : le site propre originel d’Evry a été conçu pour – disons cette fois le mot – un tramway.
Dans un premier temps cependant, le mode routier va être maintenu avec une « montée en gamme ».
TZen4 : amélioration de la ligne 402
C’est la ligne la plus fréquentée de toutes les lignes de grande couronne en Ile-de-France. Son succès ne se dément pas car la population continue d’augmenter de façon soutenue (+18 % de puis le début de la décennie).
Concernant la partie Gare de Corbeil-Essonnes – Viry-Chatillon La Treille de la ligne 402, le projet Tzen4 doit encore améliorer le service tout en restant en mode routier : un intervalle de 5 minutes en pointe, au maximum de 10 minutes en journée et l’introduction de mégabus bi-articulés (24 m) à traction électrique. Cette montée en gamme accompagne aussi plusieurs opérations de rénovation urbaine autour du trajet. La branche du Coudray-Monceaux sera donc exploitée de façon indépendante.
Evry - Place des Miroirs - 22 mars 2024 - Aménagement d'une station du futur TZen4. L'emplacement du distributeur de titres de transport n'est pas encore occupé. L'ensemble est sobre et manque peut-être un peu de visibilité, notamment les noms d'arrêts. © transportparis
Evry - Avenue de la Liberté - 22 mars 2024 - L'information actuelle aux arrêts utilise des supports d'origine, dont le format n'autorise qu'une information limitée, même si des écrans annonçant les prochains passages ont été ajoutés récemment. © transportparis
T12 et TZen4 seront en correspondance à deux reprises, à Grigny La Ferme Neuve et à la gare d’Evry-Courcouronnes. A la gare de Corbeil, TZen4 rejoindra l’actuel TZen1 venant de la gare de Lieusaint-Moissy.
Le choix d’un BHNS bi-articulé sur TZen4 laisse présager que l’option d’un tramway ne serait pas dénuée d’intérêt compte tenu de sa fréquentation.
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Présentation par Van Hool des Exquicity bi-articulés avec rechargement par induction (système Alstom). Ultime évolution du mode bus pour l'actuelle ligne 402. (cliché Ile-de-France Mobilités)
Aller plus loin ?
La conversion de la ligne 402 en BHNS avec bus bi-articulés constitue l’ultime évolution capacitaire sans changer de mode de transport. Au-delà, il faudra passer au tramway. Avec une prévision de trafic de 47 000 voyageurs par jour, il serait d’ores et déjà pleinement justifié.
Plus largement, le site propre pourrait-il un jour accueillir le mode de transport auquel il était destiné ? L’hypothèse ne saurait être écartée. L’axe dominant serait une liaison entre Juvisy et Corbeil, assurant un cabotage que le RER D n’effectue que très partiellement. Les axes très routiers pourraient ainsi être requalifiés, à commencer par la RN7 dans la traversée de Viry-Châtillon et Ris-Orangis. Dans la traversée d’Evry, les sites propres existants pourraient être partiellement réutilisés.
Evry - Avenue Nowy Targ - 22 mars 2024 - La ligne 91.01 Evry - Brunoy emprunte le site propre à l'approche de la Préfecture. Réfléchir à l'évolution du service amènera à prendre en considération les actuels avantages des lignes interurbaines qui profitent de conditions de circulation facilitées. En revanche, l'ouvrage en arrière-plan ne dégage qu'une hauteur de 3,60 m, qui est est peu s'il fallait envisager un tramway. © transportparis
En outre, le réseau est organisé autour d’un tronc commun d’orientation nord-sud, dont le potentiel de trafic est maximal mais dont les maillons contributeurs sont hétérogènes : comprendre qu’ils ne justifient pas individuellement une conversion au tramway.
Au-delà de la conversion du 402 / TZen4, le maillon nord-est du site propre, rejoignant la gare d’Evry Val de Seine pourrait compléter le dispositif, avec une antenne au sud au moins jusqu’au pôle universitaire.
Enfin, T12 pourrait être prolongé au moins jusqu’à la gare d’Evry – Génopôle voire au centre hospitalier pour améliorer la desserte de la ville nouvelle. De ce fait, toute réflexion sur le développement des tramways à Evry emporterait le choix du gabarit 2,65 m et de l’alimentation en 1500 V.