Entre 1990 et 2023, l’Allemagne a réduit ses émissions de CO2 d’environ 30 %, mais demeure pour autant le plus grand émetteur de l’Union européenne. En vue d’atteindre la neutralité carbone, le pays mise sur les énergies renouvelables et l’hydrogène comme piliers de sa stratégie. Cependant, certaines de ses décisions politiques ont été critiquées pour leur manque d’efficacité.
L’Allemagne ambitionne d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2045. Pour ce faire, elle prévoit de réduire ses émissions de CO2 de 97 % par rapport aux niveaux de 1990, tandis que les 3 % restants devront être compensés par des techniques de captage et de stockage de carbone, ainsi que par l’utilisation de puits de carbone naturels. D’ici 2030, le pays vise à diminuer ses émissions de 65 %, et de 88 % en 2040. Ces objectifs seront principalement atteints par la décarbonation du secteur électrique, grâce aux énergies solaire et éolienne. Les autres sources comme l’hydroélectricité, en revanche, ne joueront qu’un rôle mineur en raison du manque de ressources exploitables sur le territoire. Outre l’électricité, des stratégies sont également en place pour décarboner d’autres secteurs clés tels que les transports, le chauffage et diverses industries dépendantes des énergies fossiles. Toutefois, l’approche allemande en matière de transition énergétique a souvent été la cible de critiques, certains la qualifiant même d’absurde en raison de ses nombreux défis et incertitudes.
Sortir du charbon et intégrer massivement les renouvelables
L’un des objectifs majeurs de l’Allemagne est de sortir du charbon d’ici 2038, ou idéalement en 2030, avec la possibilité de convertir les installations existantes pour y utiliser d’autres sources d’énergie comme la biomasse. Entre 2021 et janvier 2023, le pays envisageait de réduire de 10 GW la puissance de son parc, mais la crise du gaz induite par le conflit en Ukraine l’a contraint à remettre en service des centrales précédemment fermées.
En parallèle à sa sortie du charbon, l’Allemagne s’est engagée à développer massivement les énergies solaire et éolienne en visant un mix électrique composé à 80 % de renouvelables d’ici seulement 2030. D’autres secteurs seront également électrifiés pour, à terme, fonctionner avec des énergies renouvelables. Par exemple, dans le transport, l’objectif est d’avoir 15 millions de véhicules entièrement électriques en circulation d’ici la fin de la décennie. Dans le secteur du chauffage, il est prévu de promouvoir l’installation de pompes à chaleur en remplacement des chaudières traditionnelles, avec un objectif de 6 millions d’unités en 2030, contre 1,8 million en 2023.
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Compter sur l’hydrogène et les gaz dits climatiquement neutres
En alternative aux combustibles fossiles, l’Allemagne souhaite investir massivement dans l’hydrogène vert, ainsi que dans d’autres gaz climatiquement neutres comme le biométhane. Ces éléments seront majoritairement utilisés dans des secteurs difficiles à électrifier tels que la sidérurgie, l’aviation, ou encore le transport maritime. Bien que le pays ne soit pas encore capable de produire de l’hydrogène vert à grande échelle, plusieurs projets pilotes sont en cours. Le gouvernement a également dévoilé une stratégie pour anticiper les besoins futurs. Il prévoit effectivement l’installation d’électrolyseurs d’une puissance totale de 10 GW d’ici 2030 pour produire environ 800 millions de tonnes d’hydrogène (28 TWh) cette même année. En parallèle, le pays compte créer des partenariats internationaux afin de pouvoir importer de l’hydrogène vert. Ce nouveau carburant est également prévu pour alimenter les centrales à gaz actuelles lorsque viendra le temps pour l’Allemagne de sortir du gaz.
Sécuriser l’approvisionnement grâce au gaz ?
La question de la sécurité d’approvisionnement est l’une des plus épineuses pour un pays qui souhaite fonctionner en grande majorité aux renouvelables. Rappelons que suite à l’accident de la centrale de Fukushima au Japon, l’Allemagne a accéléré sa sortie du nucléaire. Elle a fermé ses dernières centrales en avril 2023. Si cette décision a été rassurante pour une partie des citoyens allemands, elle a fortement augmenté la dépendance du pays aux énergies fossiles et importations de pays voisins. En effet, il s’avère inconcevable de dépendre exclusivement des énergies renouvelables, qui sont par nature intermittentes. C’est pourquoi, une fois sortie du charbon et ultérieurement du gaz, l’Allemagne devrait déjà avoir développé des alternatives pilotables bas-carbone pour pallier la variation de production du solaire et de l’éolien. Ce qu’elle n’a pas vraiment prévu pour l’instant.
Le stockage énergétique, bien qu’utile, ne suffira pas à lui seul, surtout que les technologies actuelles comme les batteries sont encore coûteuses et nécessitent de grandes quantités de matériaux. De plus, avec la montée en puissance anticipée des véhicules électriques, des pompes à chaleur et des électrolyseurs pour l’hydrogène, la demande en énergie sera plus élevée que jamais. Face à cette situation, le gouvernement allemand a donc décidé de se tourner vers le gaz naturel comme solution présentée comme transitoire. Un appel d’offres a été lancé cette année pour la construction de nouvelles centrales d’une puissance totale de 10 GW. Ces installations devront être adaptées à un fonctionnement à l’hydrogène, car elles seront supposément converties en centrales à hydrogène entre 2035 et 2040.
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Transport d’énergie : un des principaux défis de l’Energiewende
L’expansion des énergies renouvelables en Allemagne fait actuellement face à un obstacle important : le manque de capacité du réseau de transport électrique. Actuellement, il existe un déséquilibre notable, car le rythme de construction de nouvelles centrales renouvelables dépasse largement celui du développement des réseaux de transport.
À cela s’ajoute le problème lié à la répartition géographique des centrales éoliennes. Celles-ci sont concentrées dans le nord du pays, tandis que les principaux consommateurs d’électricité, notamment les grandes industries, se trouvent principalement dans le sud et dans l’ouest. Face à l’augmentation rapide des installations éoliennes (terrestres et en mer), il est de plus en plus difficile d’acheminer l’électricité, faute de lignes électriques. Si le pays a déjà prévu de renforcer son réseau de transport avec 26 000 km de lignes électriques supplémentaires d’ici 2045, la réalisation des projets se heurte à des contraintes administratives et à des oppositions locales. Le retard des projets est jusqu’ici estimé à six ans. En conséquence, le risque de congestion des réseaux électriques (où le volume du trafic dépasse la capacité de l’infrastructure) devient de plus en plus élevé. Par ailleurs, les coûts associés à la stabilisation du réseau s’élèvent déjà à un milliard d’euros par an, une somme qui tend à augmenter.
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Les difficultés liées au choix pour le gaz et l’hydrogène
En tournant le dos au nucléaire, l’Allemagne envisage donc de progresser vers la neutralité carbone en utilisant des centrales à gaz comme solution intérimaire. Toutefois, la rentabilité des nouvelles installations pose problème, car elles ne seront sollicitées que lorsque les énergies renouvelables ne pourront pas assurer l’approvisionnement complet. De plus, la majorité du fonds d’aide de 20 milliards d’euros prévu pour soutenir les exploitants a été supprimée par la Cour constitutionnelle de Karlsruhe en 2023.
À cela s’ajoute l’incertitude qui plane sur la disponibilité suffisante de l’hydrogène vert. En effet, la réalisation des électrolyseurs de 10 GW demeure incertaine. De plus, la capacité de production des pays fournisseurs n’est pas encore tout à fait connue, tout comme le prix. Actuellement, des études estiment que le coût de l’hydrogène d’ici 2030 sera entre 3 à 6 fois plus élevé que celui du gaz naturel. Parallèlement, l’Allemagne doit aussi préparer une infrastructure d’importation et de transport efficace de l’hydrogène. Il est envisagé de convertir le réseau gazier existant, mais un réseau de transport supplémentaire sera nécessaire.
Face à ces obstacles, de nombreux analystes suggèrent que la réouverture des centrales nucléaires pourrait être la solution la plus réaliste pour l’Allemagne si elle souhaite atteindre ses objectifs climatiques à temps. D’autant plus qu’une grande partie de la population semble avoir changé d’avis concernant son opinion sur le nucléaire. Dans tous les cas, si l’Allemagne continue de s’intéresser à l’atome, c’est désormais vers la fusion nucléaire qu’elle porte son attention.
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