Sommes-nous entrés dans une nouvelle ère du nucléaire ?
Pour décarboner nos économies, nous allons avoir besoin d’électricité. De beaucoup d’électricité bas-carbone. Et, entre autres, d’une électricité nucléaire. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) confirme aujourd’hui que le secteur connait un renouveau.
Depuis plus de 50 ans, le nucléaire fournit de l’électricité et de la chaleur aux consommateurs de plusieurs pays. Et dans un monde où la demande en sources d’énergie bas-carbone est appelée à exploser, l’Agence internationale de l’énergie a décidé de se poser la question de la place de l’énergie nucléaire. Aujourd’hui, elle compte pour un peu moins de 10 % de la production d’énergie dans le monde. Mais elle reste la deuxième source d’électricité bas-carbone après l’hydroélectricité.
Vers un record de production d’électricité nucléaire
Dans un rapport intitulé « The Path to a New Era for Nuclear Energy », les experts de l’AIE notent d’abord que, même si quelques pays dans le monde ont fait le choix d’abandonner le nucléaire, la production mondiale augmente. Le résultat d’une relance au Japon, de la fin des travaux de maintenance en France, mais aussi de la mise en service de nouveaux réacteurs — portant leur nombre à presque 420 — en Chine, en Inde, en Corée et en Espagne. Pas moins de 63 réacteurs nucléaires sont actuellement en construction pour une puissance totale de 70 gigawatts (GW). La durée de vie de plus de 60 réacteurs a été prolongée. Et certains affichent désormais l’ambition de multiplier par trois la capacité mondiale d’ici 2050. En 2025, déjà, la production d’énergie nucléaire devrait atteindre un record historique.
Selon les experts de l’AIE, tout est réuni pour que l’énergie nucléaire entre dans une nouvelle ère de croissance. L’intérêt est au plus haut depuis les crises pétrolières des années 1970. Plus de 40 pays ont fait le choix de soutenir l’utilisation de cette énergie « qui apporte des avantages avérés en matière de sécurité énergétique ainsi que des réductions d’émissions, en complément des énergies renouvelables ». Et au cœur du changement, les experts voient les petits réacteurs modulaires, les fameux SMR — pour Small Modular Reactor.
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Rien que si les politiques actuelles sont suivies, la puissance totale des SMR installés d’ici 2050 sera de 40 GW. Mais « le potentiel est bien plus grand ». Notamment parce que les centres de données pourraient bénéficier de leur électricité bas-carbone. Amazon, Google ou encore Meta ont déjà fait part de leur intérêt pour la technologie. Ainsi, il ne manquerait plus que des politiques de soutien claires et une réglementation simplifiée pour que la capacité totale des petits réacteurs modulaires attendue pour le milieu de ce siècle soit triplée. Dépassant les 120 GW répartis en un millier de SMR.
Si les coûts de construction de ces petits réacteurs modulaires pouvaient être ramenés à des niveaux comparables à ceux des réacteurs à grande échelle — soit environ 4 500 dollars par kilowatt d’ici 2040 en Europe —, l’AIE estime que leur nombre augmenterait encore de 60 % supplémentaires. L’Agence tablerait alors sur une puissance de 190 GW en 2050. Elle souligne que cette trajectoire est plus ambitieuse que les principales de celles que ses experts ont retenues. Mais moins ambitieuse que celle présentée par les développeurs de projets SMR. L’attrait pour ces petits réacteurs modulaires aurait par ailleurs pour effet de redistribuer vers l’Europe et les États-Unis notamment, un marché du réacteur nucléaire qui est aujourd’hui dominé par des technologies chinoises et russes.
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Pour dépasser la difficulté que pourrait poser l’insuffisance du financement public, l’AIE conseille au secteur de se standardiser afin de réduire les risques, le temps et le coût associés à la construction de chaque réacteur. De ce point de vue encore, les SMR ont leur épingle à tirer du jeu. Leurs coûts d’investissement devraient en effet pouvoir être ramenés — une fois de premiers projets établis et la technologie éprouvée — à des niveaux similaires à ceux des grands projets d’énergie renouvelable tels que l’éolien offshore et la grande hydroélectricité.
En conclusion, les experts de l’AIE soulignent que « l’énergie nucléaire n’est qu’une des nombreuses technologies nécessaires à l’échelle mondiale pour un avenir énergétique plus sûr et plus durable. Mais qu’il peut fournir des services à une échelle qui est difficile à reproduire avec d’autres technologies à faibles émissions. » Pour en profiter, les gouvernements devront adopter une approche globale, englobant des chaînes d’approvisionnement robustes et diversifiées, une main-d’œuvre qualifiée, un soutien à l’innovation, des mécanismes de réduction des risques pour les investissements ainsi qu’un soutien financier direct, et une réglementation efficace et transparente en matière de sûreté nucléaire, ainsi que des dispositions pour le démantèlement et la gestion des déchets. Il n’y a plus qu’à…
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