EDIC Digital Commons : l’Europe veut reprendre la main sur sa souveraineté numérique
Il y a du travail
La Commission européenne a validé la création d’un EDIC (European Digital Infrastructure Consortium) centré sur les communs numériques. Il sera porté par la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie.
Faisons d’abord un bref rappel : qu’est-ce qu’un EDIC ? La Commission européenne les définit comme des instruments mis à disposition des États membres pour simplifier – et accélérer – des projets multinationaux au sein de l’Union. Par exemple, l’ALT-EDIC a été inauguré en février 2024 et travaille sur la préservation de la diversité linguistique et culturelle. L’un de ses premiers projets est LLMs4EU, qui vise à collecter des données linguistiques pour les grands modèles de langage pour mieux assurer la représentativité des langues européennes.
Le nouveau venu, baptisé EDIC Digital Commons et abrégé en DC-EDIC, a été officiellement créé le 29 octobre. La demande de création avait été déposée le 8 juillet dernier par la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Italie, la France servant de pays hôte. Le siège du nouveau consortium sera ainsi à Paris et le personnel est en cours de constitution, aussi bien pour le diriger que pour son conseil consultatif.
Pour quoi faire ?
« La mission du DC-EDIC est de mettre en œuvre un projet multinational sur les biens communs numériques dans les domaines de l’infrastructure et des services de données communs européens et de l’administration publique connectée. Elle mettra en commun les ressources des États membres et assurera la coordination avec les communautés afin de développer, de maintenir et d’étendre les biens communs numériques et de faciliter leur adoption », indique la Commission européenne.
Le DC-EDIC doit simplifier notamment les participations de tous les acteurs, qu’ils soient publics, privés ou civiques. Le consortium fera en outre office de guichet unique pour le financement des projets alimentés par les fonds européens et répondant aux critères fixés par l’EDIC. En plus des financements, ce dernier devra fournir un soutien juridique et technique sur des aspects comme la maintenance et la mise à l’échelle, ainsi que des conseils stratégiques.
Surtout, ce consortium devra « coordonner et participer à des projets multinationaux concrets ancrés dans les communs numériques ». Il doit servir de catalyseur pour les projets d’infrastructures transfrontalières, avec une entité juridique propre.
À noter que si l’EDIC a ses quatre pays fondateurs, rien n’empêche d’autres États membres de rejoindre le projet par la suite.
Un numérique « ouvert, compétitif et souverain »
À la DINUM, on s’est félicité du lancement de cet EDIC, le deuxième à s’établir en France. Stéphanie Schaer, sa directrice, évoque une « ambition commune : bâtir ensemble les fondations d’un paysage numérique européen fort, ouvert et durable. Il traduit un élan collectif qui donnera à l’Europe la capacité d’agir et d’innover par elle-même ». Elle ajoute que la France « s’engage avec enthousiasme et détermination dans cette nouvelle coopération », qui doit favoriser l’émergence de « champions européens ».
Un « enthousiasme » et une « détermination » que vient cependant tempérer le récent rapport de la Cour des comptes, dans lequel la stratégie nationale en matière de souveraineté a été méticuleusement étrillée. La Cour a critiqué un manque flagrant de cohérence dans les projets, un éclatement des ressources, ou encore de trop nombreux cas de données confiées à des acteurs extra-européens (particulièrement Microsoft).
À quoi s’attendre ?
Les trois autres pays fondateurs affichent cependant eux aussi leur enthousiasme. L’Allemagne, qui rejoint pour la première fois un EDIC, y voit un « signal fort pour l’avenir numérique de l’Europe », afin que cette dernière « puisse façonner son avenir numérique en toute autonomie ». Zendis (et donc openDesk) seront de la partie.
Pour l’Italie, le nouvel EDIC est « un pont européen qui permettra de passer de l’expérimentation à l’industrialisation ». Le message envoyé « est clair : l’Europe peut construire, maintenir et gouverner des infrastructures numériques critiques selon ses propres règles, au service de l’intérêt général ». Côté Pays-Bas, la réaction est plus concise : « Nous pouvons unir nos forces, faire grandir les alternatives open source et donner aux gouvernements européens les moyens d’agir en toute autonomie ».
Le DC-EDIC devrait en théorie favoriser largement les technologies ouvertes. La DINUM relève à ce titre que « plus de 80 % des technologies et infrastructures numériques utilisées en Europe proviennent encore de fournisseurs non-européens ». Dans ce contexte, le nouveau consortium devra « mutualiser les ressources et les expertises des États membres pour développer des alternatives ouvertes, interopérables et durables ».
Plus concrètement, l’EDIC aura pour mission de proposer des alternatives ouvertes dans des domaines considérés comme clés, dont l’IA et le cloud bien sûr, mais aussi lNous pouvons unir nos forces, faire grandir les alternatives open source et donner aux gouvernements européens les moyens d’agir en toute autonomiees suites collaboratives, la cybersécurité, la géomatique et les réseaux sociaux. Les communautés techniques, académiques, publiques et privées doivent en outre être mobilisées. L’EDIC aura également la mission délicate d’inciter à l’adoption des solutions ainsi conçues ou rassemblées dans les administrations, les entreprises et même chez les citoyens.
On attend cependant d’en savoir plus, car les ressources précises de l’EDIC ne sont pas connues et on ne connait pas sa « force de frappe » ni quel niveau d’influence il va pouvoir exercer. Les candidatures pour le poste de directeur/directrice (PDF) ont commencé ce 3 novembre et dureront jusqu’au 1ᵉʳ décembre. De plus amples précisions devraient être données en fin d’année.











