Frais de port obligatoires sur les livres : Amazon dénonce une « taxe sur la lecture »
On m'apelle le chevalier blanc
Amazon sonne une nouvelle fois la charge contre les frais de port obligatoires sur les livres. Le géant du e-commerce affirme dans une tribune que cette « taxe sur la lecture » représente un surcoût de 100 millions d’euros pour les consommateurs français et porte préjudice aux libraires. Ces mêmes libraires qui reprochent depuis des mois à Amazon de contourner la loi…
Le remède serait-il pire que le mal ? Frédéric Duval, directeur général d’Amazon France, a publié lundi une tribune pour dénoncer les excès de la loi Darcos, qui impose depuis 2023 des frais de port de 3 euros pour toute commande en ligne de moins de 35 euros intégrant un ou plusieurs livres neufs.
« Cette mesure qui devait soutenir les libraires laisse une addition salée aux Français, qui ont déjà déboursé à ce titre plus de 100 millions d’euros auprès des différents détaillants de livres en ligne. Pour quel résultat ? Les ventes de livres continuent de baisser fortement en France, y compris en librairie », fait valoir Frédéric Duval.
Des frais de port vus comme un manque à gagner
Sous sa plume, Amazon France développe l’idée selon laquelle cette augmentation indirecte du coût du livre participerait à l’érosion générale du marché du livre en France. Selon GFK, ce dernier s’établissait à 4,4 milliards d’euros en 2024 (- 1 % en valeur), pour 339 millions d’exemplaires papiers vendus (- 3,24 % en volume), avec des ventes en ligne en baisse de 4 % sur un an.
Pour Amazon, la loi Darcos n’a pas provoqué l’effet de report escompté vers les commerces physiques et le monde de la librairie n’aurait pas gagné au change. « Lorsque les lecteurs se déplacent dans des magasins physiques pour éviter les frais de port, seulement 26% d’entre eux privilégient des librairies indépendantes, tandis que 70% choisissent les hypermarchés et les grandes chaînes culturelles », écrit Frédéric Duval.
Il évalue à 100 millions d’euros l’enveloppe globale engendrée par ces frais de port obligatoires, et invite à la considérer comme un manque à gagner pour le secteur. « 100 millions d’euros, cela représente 12 millions de livres de poche, et 3% du chiffre d’affaires annuel de l’édition en France », déclare-t-il, avant d’inviter les pouvoirs publics à trouver d’autres leviers pour soutenir le monde du livre.
Un son de cloche différent du côté des libraires
Les principaux représentants de la vente physique de livres en France ont de leur côté déjà procédé à leur propre évaluation de la situation. Une étude réalisée par leurs soins, présentée le 5 février dernier par l’intermédiaire d’un communiqué (PDF), constate une progression des ventes au niveau des enseignes physiques.
« L’année qui a suivi l’adoption de la loi Darcos, la part de marché des magasins physiques (tous types
d’enseignes confondus) a en effet augmenté de 2,3 points en volume, et de 3,2 points en valeur ;
un retournement de tendance remarquable, puisque, l’année pré-Darcos, cette part de marché
s’étiolait encore de respectivement 0,9 point et 1,1 point (soit un delta de 3,2 et 3,9 points en
dynamique). »
Emmené par le Syndicat de la librairie française, ce groupement d’acteurs conclut que la loi Darcos « semble avoir réussi à trouver un point d’équilibre assez remarquable », dans la mesure où elle soutient l’activité des enseignes physiques, sans pénaliser ni le marché dans son ensemble, ni l’avantage concurrentiel des grandes plateformes. « Trois euros ne couvrent pas les frais de livraison des petits libraires, les pure players qui offraient hier la gratuité restent plus compétitifs tout en augmentant de fait leurs marges à périmètre de vente identique », soulignent les libraires.
Après la livraison gratuite, 5% de remise
Le prix unique du livre et les conditions de livraison sont définis par la loi Lang de 1981. Cette dernière dispose que les frais de port d’une commande de livres ne peuvent être nuls, « sauf si le livre est retiré dans un commerce de vente au détail de livres ». Or Amazon exploite depuis 2024 cette subtilité du texte pour proposer la livraison gratuite dans ses casiers automatisés, les fameux lockers.
Officiellement, seuls les casiers « situés dans les magasins français vendant des livres » (par exemple, un supermarché) sont éligibles, indique le marchand. Ce faisant, il assimile son service de retrait de colis au commerce qui l’héberge. Un raccourci vigoureusement dénoncé par le Syndicat de la librairie, qui a sollicité et obtenu à deux reprises un avis du médiateur du livre, sur saisine du ministère de la Culture. En février, puis en mai, ce dernier a conclu que les pratiques d’Amazon constituaient « un réel défi à la mise en œuvre de la loi ».
Pas de quoi décourager Amazon. Le 16 octobre dernier, l’entreprise a annoncé qu’elle appliquerait désormais une remise de 5 % sur le prix public d’un livre, en plus de la livraison gratuite, si ce dernier est bien récupéré dans l’un des points de retrait « éligibles ».
Une mesure immédiatement dénoncée (PDF) par les libraires, qui ont fait part de leur détermination à « à mobiliser tous les moyens de recours juridiques pour contraindre la multinationale américaine à exercer son activité dans le strict respect du cadre légal français ».













