Perturbations d’internet : un trimestre très agité selon Cloudflare
Welcome to Texas yeah !
Dans son dernier rapport consacré aux perturbations d’Internet, Cloudflare confirme les tendances observées : de nombreuses et importantes coupures ont lieu un peu partout. Mais les causes peuvent être multiples, entre décisions politiques, facteurs techniques et jusqu’aux catastrophes naturelles.
Cloudflare est dans une position assez unique, puisque ses protections sont utilisées par 20 % du web. Un étalement suffisamment vaste pour que l’entreprise publie régulièrement des rapports sur ce qu’elle voit passer depuis sa tour d’observation. Chaque trimestre, elle publie ainsi un rapport sur les perturbations d’internet. Elles sont nombreuses et proviennent de causes très variées, parfois improbables, comme on peut le voir dans sa dernière publication.
Coupures politiques
Les perturbations entrainées par des décisions politiques sont souvent les plus visibles : Soudan, Syrie, Vénézuéla, Irak ou encore Afghanistan ont tous eu des coupures consécutives à des ordres du gouvernement.
Selon Cloudflare, les raisons peuvent largement varier. Au Soudan par exemple, les coupures enregistrées pourraient correspondre à une période d’examens scolaires, et donc à une mesure extrême pour empêcher les sujets de circuler. Cette manière de procéder correspond à des observations déjà faites par le passé, notamment en 2021 et 2022.
Même chose en Syrie, avec cette fois un message officiel du ministère syrien de l’Éducation sur Telegram, avertissant que des réseaux de triche ont été découverts. D’importantes perturbations ont donc été constatées sur les jours d’examen correspondant aux périodes des certificats d’études élémentaires et d’études secondaires, en juin et juillet principalement.
L’Irak a pris des décisions semblables. Le gouvernement du Kurdistan irakien a ainsi décrété une suspension complète d’internet tous les samedis, lundis et mercredis entre le 23 aout et le 8 septembre.
Il y a bien sûr la grosse coupure en Afghanistan survenue il y a quelques semaines et dont nous nous étions fait l’écho. « Cette mesure a été prise pour prévenir le vice », affirmait alors le responsable d’une province du Nord mi-septembre. Les répercussions avaient été multiples, empêchant notamment des milliers d’étudiants de suivre leurs cours en ligne. Le Monde avait rapporté les inquiétudes de l’ONU, qui évoquait des conséquences « extrêmement graves », avec notamment des répercussions sur le système bancaire et le trafic aérien. Lors du retour des connexions, « des scènes de liesse parmi la population, notamment dans la capitale afghane », avaient été observées.
Dégâts sur la fibre optique : entre travaux et soupçons de sabotage
L’autre grande cause dans les coupures, ce sont bien sûr les dégâts sur les grands câbles de fibre optique qui courent au fond des mers et des océans. Début juillet par exemple, en République dominicaine, la société Claro avertissait sur X de dégâts sur deux câbles de fibre optique coup sur coup, causés par des entreprises différentes (intervenant sur l’eau et l’électricité).
Situation similaire en Angola, avec des travaux routiers ayant entrainé « qui ont affecté les interconnexions nationales par fibre optique ». L’opérateur Unitel Angola avait subi une baisse de 95 % de son trafic, témoin de l’ampleur de la coupure. Comme le signale Cloudflare toutefois, ces explications ont été contestées par des ONG, car la panne est survenue durant un mouvement de protestation contre la hausse des prix des carburants.
Citons les cas du Pakistan et des Émirats arabes unis que nous avions abordés dans nos colonnes. L’accident s’est produit dans les eaux du Yémen, ce qui faisait dire à l’expert en câbles sous-marins Roderick Beck qu’avec une profondeur de 100 mètres seulement, il s’agissait probablement d’une cause liée à un bateau, par la pêche ou par une ancre. La rupture avait causé des ralentissements au Pakistan et aux Émirats arabes unis. La piste de l’attaque volontaire n’était pas écartée.
Plus improbable en revanche, un câble de fibre optique a été rompu au Texas le 26 septembre à cause… d’une balle perdue. Les conséquences ont cependant été limitées, avec des problèmes circonscrits à la région de Dalles et n’ayant entrainé qu’une baisse du trafic de 25 % pendant environ deux heures.
Pannes de courant, catastrophes naturelles, incendies, cyberattaques…
Les pannes de courant peuvent avoir des conséquences importantes sur la disponibilité d’internet. En République tchèque par exemple, la chute d’un câble électrique le 4 juillet a entrainé une vaste panne de courant. Celle-ci a eu un effet très concret sur la disponibilité du réseau pendant approximativement 6 heures, entrainant une baisse de trafic de 32 % à l’échelle du pays.
Des pannes d’électricité expliquent des perturbations similaires dans des îles comme Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Curaçao, ou encore à Gibraltar, où une entreprise a sectionné trois câbles à haute tension par erreur, avec à la clé une chute de 80 % du trafic dans le pays pendant environ 7 heures. Selon Cloudflare toutefois, c’est Cuba qui connait le plus de coupures de ce type, avec de très nombreuses pannes d’électricité. Le 10 septembre par exemple, une panne a entrainé une chute de 60 % du trafic pendant plus de 24 heures.
Côté catastrophes, la seule référencée par le rapport est l’impressionnant séisme ayant eu lieu dans la province du Kamchatka en Russie. Avec une magnitude de 8,8 sur l’échelle de Richter, ses puissantes secousses ont déclenché des alertes au tsunami dans plusieurs régions, notamment au Japon ou dans les États américains de l’Alaska et d’Hawaï. Si le trafic a chuté de 75 % dans la province juste après le tremblement de terre, Cloudflare indique toutefois qu’il s’est très vite rétabli. Notez que le rapport de Cloudflare était déjà bouclé au moment de l’ouragan Melissa et de son impact catastrophique en Jamaïque.
Le Yémen fait en outre partie des pays revenant le plus souvent dans le rapport. D’abord parce que le pays est le seul référencé sur les trois derniers mois à avoir subi une cyberattaque d’ampleur, suffisante pour entrainer une perturbation à l’échelle du pays, avec une baisse significative du trafic chez le fournisseur d’accès YemenNet. Ensuite car le Yémen, comme le Soudan, a été largement touché par la panne de Starlink en juillet. Pendant environ 2h30, le trafic a chuté de moitié dans ces pays, de même qu’au Zimbabwe ainsi qu’au Tchad, interrogeant sur la dépendance à un prestataire unique. Cloudflare signale d’ailleurs une autre panne de Starlink pendant une heure le 15 septembre. La société indique que Starlink avait initialement reconnu la panne, avant de supprimer son message sur X.
Diversifier pour résister
Les tendances observées dans les précédents rapports se renforcent, notamment sur les coupures décidées par les gouvernements, en pleine recrudescence selon Cloudflare. La pratique est controversée mais tend à se normaliser dans certaines régions. Si leur nombre augmente, leur portée varie considérablement d’un pays à l’autre cependant, de même que les causes, tout du moins officiellement.
De même, si les accidents et les catastrophes peuvent survenir n’importe où, la résilience affiche d’importantes disparités selon les régions. Sans surprise, celles ayant un nombre plus élevé de fournisseurs d’accès et de chemins alternatifs pour la connectivité sont moins touchées par les pannes et récupèrent souvent plus vite.
Dans l’ensemble, quelles que soient les causes des coupures, les conséquences sont presque toujours les mêmes, avec un impact économique et social, qu’il s’agisse d’étudiants ne pouvant plus suivre leurs cours, des coupures dans les services financiers voire bancaires, le commerce électronique ou encore la télémédecine. Selon Cloudflare, la seule solution est d’accentuer la résilience et la diversité des infrastructures pour minimiser les coupures.











