Les risques des onduleurs connectés dans les installations photovoltaïques
Dire qu’on est au niveau de l’Internet des objets… ça fait peur

SolarPower Europe tire la sonnette d’alarme sur les risques de cybersécurité dans les installations solaires. L’organisation pointe du doigt les onduleurs connectés, majoritairement chinois, dont la sécurité n’est pas suffisante. Ce n’est pas le seul risque : plus d’une douzaine de fabricants auraient atteint un niveau critique d’équipements déployés en Europe ; une compromission pourrait avoir un impact significatif.
Le 28 avril, l’Espagne et le Portugal étaient victimes d’un black-out pendant plusieurs heures. La panne ne s’est pas propagée en France (même si des perturbations très limitées ont tout de même été enregistrées) et en Europe. Les causes ne sont pas encore connues, l’enquête officielle suit son cours (et peut prendre jusqu’à six mois).
Black-out ibérique : « toutes les hypothèses sont ouvertes »
À l’heure actuelle, « toutes les hypothèses sont ouvertes », affirmait encore le gouvernement espagnol la semaine dernière. Une des pistes en vogue concerne la part importante des énergies renouvelables dans le mix ibérique. « Des investigations en cours devront analyser dans quelles mesure cette forte part des énergies renouvelables [70 % d’éolien et de solaire au moment du black-out, ndlr] a pu jouer un rôle dans la propagation de l’incident », expliquait RTE il y a une semaine.
Ce n’est pas tant la production d’énergie qui est en cause que le délicat équilibre à trouver pour assurer une bonne stabilité au réseau électrique, comme nous l’avons détaillé dans notre dossier sur le sujet du solaire et de l’éolien. De son côté, la piste de la cyberattaque se refroidit avec le temps, mais n’est toujours pas écartée officiellement.
L’Europe et les risques de cyberattaques sur les onduleurs solaires
Cet événement de quelques heures et ses conséquences soulignent l’importance de l’électricité dans notre vie de tous les jours. C’est dans ce climat tendu que SolarPower Europe, une organisation qui regroupe plus de 300 entreprises du photovoltaïque), publie un rapport sur les risques cyber du photovoltaïque pour la stabilité du réseau électrique en Europe.
Le rapport, commandé à DNV et publié le 29 avril, soit le lendemain du black-aout ibérique, affirme que l’Europe se trouve dans « un contexte d’attaques croissantes contre ses infrastructures énergétiques », aussi bien par de « petits » pirates que par des groupes étatiques. Dans la ligne de mire, des installations photovoltaïques « de plus en plus connectées à Internet via les onduleurs ».

Les onduleurs sont pour rappel des éléments indispensables de toutes les installations, comme expliqué dans notre dossier. Ce sont, en effet, eux qui transforment le courant continu produit par les panneaux solaires en courant alternatif qui est ensuite utilisé ou injecté dans le réseau. Ils peuvent être connectés, par exemple pour renvoyer des informations sur le niveau de production.
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Ils sont donc à la fois un élément indispensable et parfois connecté à Internet… ils représentent donc par définition un risque et doivent être surveillés de près. Dans les grandes lignes, le rapport pointe du doigt la forte concentration d’acteurs chinois avec des risques en cas de cyberattaques.


De petites installations conduisent à de gros risques ?
Si la cybersécurité en Europe est en train d’être renforcée, notamment via les directives NIS2, DORA et REC (en cours de transposition en France), cela concerne principalement les professionnels et entreprises d’une certaine taille ; pas les particuliers ni les petites entreprises.
Or, il existe, selon le rapport, bon nombre « de systèmes photovoltaïques sont trop petits pour être classés comme infrastructures critiques » et donc pris en compte par les différentes réglementations. Ils sont souvent exploités par des particuliers ou des petites entreprises. Mais mis bout à bout, ils peuvent représenter une part non négligeable de la production électrique.
IoT et onduleur photovoltaïque : même combat ?
« Du point de vue des communications et de la cybersécurité, la plupart des installations solaires en toiture s’apparentent davantage à des produits du monde de l’Internet des objets (IoT) qu’à des infrastructures énergétiques centralisées », explique le rapport.
On retrouve avec ces dernières des problématiques courantes de cybersécurité. La première d’entre elles : « Les noms d’utilisateur et mots de passe par défaut sont très courants pour tous les types d’installations ». Le rapport ajoute que les échanges de données manquent parfois de sécurité, que les mises à jour sont rares, surtout pour les modèles d’entrée de gamme, etc.
« Les fabricants chinois dominent le marché européen »
Selon les analyses de DNV sur les années 2015 à 2023, et « à l’instar des tendances mondiales, les fabricants chinois dominent le marché européen, bien que leur domination soit un peu moins marquée » sur le photovoltaïque.
Le premier exportateur en puissance est Huawei (115 GW sur un total de 350 GW), suivi par Sungrow (54 GW). Les autres sont au maximum à 30 GW.

Le cas de Huawei est particulier, car l’entreprise chinoise est sur la liste noire des États-Unis et sous un contrôle renforcé en Europe et en France pour ce qui a trait au déploiement des réseaux 5G. Selon le rapport, la Commission européenne devra se poser la question d’étendre les restrictions en place sur les télécommunications « à d’autres technologies pertinentes pour les infrastructures critiques, telles que les onduleurs ».
Huawei exclu de SolarPower Europe
Hasard ou pas du calendrier, Huawei vient de se faire exclure de SolarPower Europe, comme le rapporte Euractiv : « Le conseil d’administration de SolarPower Europe a pris la décision d’exclure Huawei le 28 avril 2025 », affirme un porte-parole.
En cause, l’ouverture par les autorités belges d’une enquête pour « corruption présumée de certains députés européens par la société chinoise Huawei », expliquaient nos confrères en mars. Dans la foulée, le Parlement européen annonçait « priver temporairement d’accès à ses bâtiments de Bruxelles et de Strasbourg tous les lobbyistes et les représentants de Huawei », indiquait de son côté l’AFP.
13 fabricants à surveiller comme le lait sur le feu, selon le rapport
« En supposant que chaque fabricant dispose d’un accès à distance à 70 % de sa base installée, ou puisse envoyer des mises à jour, en 2023, sept fabricants seraient en mesure de manipuler à distance plus de 10 GW de capacité de production et 13 fabricants pourraient disposer d’un accès à distance supérieur à 5 GW en Europe ». On imagine bien en pareille situation « qu’une compromission de l’une de ces entreprises pourrait avoir un impact significatif sur la stabilité du réseau ».
La situation serait préoccupante, car selon des simulations reprises par le rapport sur les réseaux électriques, compromettre de manière ciblée une puissance de 3 GW sur le solaire « pourrait avoir des conséquences importantes pour le réseau électrique européen ». Or, « plus d’une douzaine de fabricants occidentaux et non occidentaux contrôlent bien plus de 3 GW de capacité d’onduleurs installée ».
Et il faut ne pas oublier d’autres acteurs dont les actes malveillants (volontaires ou non) pourraient avoir de fâcheuses conséquences : les exploitants d’installations photovoltaïques, les installateurs et certains prestataires de services.

Deux recommandations
En guise de conclusion, Solar Power propose deux recommandations. La première est de mettre en place et surtout d’imposer « des contrôles de cybersécurité spécifiques à cette industrie, par exemple par le biais d’une norme, pour sécuriser les infrastructures solaires photovoltaïques pilotées à distance ».
La seconde est d’avoir une approche semblable aux règles du RGPD sur le transfert des données (garantir un niveau de protection équivalent à celui au sein de l’Union). La gestion et le contrôle d’installations photovoltaïques (notamment les systèmes solaires à petite échelle) ne devraient ainsi être autorisés que via des pays proposant un niveau de sécurité équivalent aux règles en vigueur dans l’Union européenne.