M. Anderson, surpris de me voir ?
Google a ouvert hier soir sa confĂ©rence Next Cloud 25. Lâentreprise avait pris le train de lâIA avec un peu de retard, mais semble aujourdâhui Ă nouveau sur les rails. Elle dispose dĂ©sormais dâune offre complĂšte et structurĂ©e et compte faire savoir quâelle est prĂȘte pour « lâĂšre de lâinfĂ©rence », avec un accent mis sur les agents.
Pour lâĂ©dition 2025 de la confĂ©rence Cloud Next, lâentreprise avait de quoi ĂȘtre plus sereine que lâannĂ©e derniĂšre. La situation de Google a Ă©tĂ© assez complexe jusquâĂ prĂ©sent, donnant lâimpression que la firme courait systĂ©matiquement aprĂšs Microsoft. En un an pourtant, la donne a quelque peu changĂ© et Google peut se targuer dâavoir rejoint les hautes sphĂšres avec les performances de son Gemini 2.5 Pro. Ce dernier est dâailleurs disponible depuis peu pour Deep Research chez les personnes abonnĂ©es Ă Gemini Advanced.
La confĂ©rence est cependant lĂ pour montrer aux entreprises et dĂ©veloppeurs indĂ©pendants que Google est un acteur plus que crĂ©dible dans le domaine de lâIA, et plus particuliĂšrement dans celui des agents. Ces derniers, fonctionnant comme des modules autonomes et indĂ©pendants capables de rĂ©aliser des missions, sont dĂ©sormais au cĆur de la stratĂ©gie du gĂ©ant de la recherche, qui se rĂȘve champion de lâIA.
Agents : la grande offensive
Une partie des annonces Ă la Google Cloud Next 25 Ă©tait liĂ©e au matĂ©riel, avec notamment lâannonce de son nouveau TPU Ironwood. Nous avons dĂ©taillĂ© hier soir les progrĂšs rĂ©alisĂ©s par Google, mĂȘme si la firme sâest servie de gros chiffres qui, sans prĂ©cision, ne veulent pas dire grand-chose pour lâinstant.
En revanche, autour des agents, les annonces sont nombreuses, particuliĂšrement les systĂšmes multi-agents, qui semblent ĂȘtre dĂ©sormais au cĆur de la stratĂ©gie de Google. On commence par une sĂ©rie dâamĂ©liorations pour Agentspace, service lancĂ© lâannĂ©e derniĂšre pour simplifier la crĂ©ation dâagents par les utilisateurs finaux. Par exemple, lâintĂ©gration avec Chrome Enterprise, permettant lâutilisation dâAgentspace depuis la barre de recherche.
Surtout, Google lance plusieurs services pour fluidifier encore un peu la crĂ©ation dâagents. Agent Gallery permet ainsi de parcourir et adopter les modules disponibles. La galerie fonctionne comme une place de marchĂ©, les agents pouvant ĂȘtre construits par Google, des sociĂ©tĂ©s partenaires ou mĂȘme dâautres employĂ©s. Agent Designer est de son cĂŽtĂ© une interface no-code pour crĂ©er des agents, Ă partir de modĂšles et avec possibilitĂ© de connecter le tout aux donnĂ©es de lâentreprise.
On continue avec AI Agent Marketplace, qui est cette fois une vraie place de marchĂ©. Contrairement Ă la Gallery, les sociĂ©tĂ©s tierces pourront proposer leurs propres agents et Ă©ventuellement les facturer. Enfin, un agent Deep Research est disponible en version finale, avec les mĂȘmes missions dâexploration des sujets et de synthĂšse de rapports, tandis quâun agent Idea Generation, se destine au dĂ©veloppement et Ă lâĂ©valuation des idĂ©es.
Tout ce qui touche Ă Gemini et Ă Agentspace sera bientĂŽt disponible sur Google Distributed Cloud.
Et du cÎté développeurs ?
Si Agentspace vise les utilisateurs finaux, Google avait aussi des annonces pour les dĂ©veloppeurs, en particulier Vertex AI Agent Builder. Le nom ne reprĂ©sente pas tout Ă fait ce que fait le service. Sâil sâagit bien de construire des agents, câest aussi une plateforme dâorchestration pour les systĂšmes multi-agents. Google glisse au passage que la plateforme Vertex AI a vu son utilisation multipliĂ©e par 20 au cours de lâannĂ©e Ă©coulĂ©e.
Agent Builder table sur lâexistant et vient se prĂ©senter comme une piĂšce manquante du puzzle. Il met lâaccent sur les frameworks open source et peut bien sĂ»r se connecter aux donnĂ©es de lâentreprise, y compris avec des sources comme BigQuery et AlloyDB. Les agents peuvent ĂȘtre construits sur du stockage NetApp existant, sans duplication de donnĂ©es et Google fournit une centaine de connecteurs pour des applications dâentreprise. Agent Builder intĂšgre Ă©galement Agent Garden, une rĂ©serve de modĂšles, exemples, outils et autres composants prĂȘts Ă lâemploi. Sont aussi prĂ©sentes des capacitĂ©s de dĂ©bogage, de traçage et dâoptimisation.
Google a prĂ©sentĂ© dans la foulĂ©e son propre framework open source, lâAgent Development Kit (licence Apache 2.0). Il nâest pour lâinstant prĂ©vu que pour Python, mais dâautres langages seront supportĂ©s plus tard. Google affirme que lâADK permet de crĂ©er un agent en moins de 100 lignes de code, mais encore faut-il savoir de quel type dâagent on parle. LâADK joue lui aussi la carte de lâouverture avec la possibilitĂ© de se connecter Ă Google Search, des moteurs RAG, tous les outils Google Cloud, tous les outils conformes MCP (Model Context Protocol) ou encore Ă des outils tiers comme LangChain, CrewAI et GenAI Toolbox for Databases. Lui aussi intĂšgre lâAgent Garden.
Un runtime dĂ©diĂ© et un protocole pour lâinteropĂ©rabilitĂ©
Si vous en avez assez des agents, ce nâest pas fini. Google a en effet un runtime dĂ©diĂ© pour les agents en production. NommĂ© simplement Agent Engine, un moteur entiĂšrement gĂ©rĂ© intĂ©grant la galaxie Vertex AI. Il doit servir Ă dĂ©ployer, gĂ©rer et mettre Ă lâĂ©chelle les agents construits avec lâADK ou dâautres frameworks comme LangGraph et Crew AI. Il intĂšgre Ă©galement des outils pour lâĂ©valuation des performances, la surveillance et le traçage des comportements.
Mais câest surtout le nouveau protocole Agent2Agent (A2A) qui rĂ©sume le mieux la stratĂ©gie de Google. Ce protocole ouvert (lui aussi sous licence Apache 2.0) a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© avec une cinquantaine de partenaires, dont Atlassian, Box, Cohere, Intuit, Langchain, MongoDB, PayPal, Salesforce, SAP, ServiceNow, UKG, Workday, ou encore des cabinets de conseil comme McKinsey.
A2A permet aux agents dâexposer leurs capacitĂ©s, de nĂ©gocier les modalitĂ©s de collaboration avant dâinteragir puis dâĂ©tablir une communication sĂ©curisĂ©e aprĂšs accord. Google le prĂ©sente comme le complĂ©ment naturel du protocole MCP, qui lui a Ă©tĂ© pensĂ© pour la connexion des modĂšles aux outils et donnĂ©es (OpenAI le comparait rĂ©cemment Ă un hub USB pour lâIA). On pourrait Ă©galement comparer A2A Ă Matter. Sans surprise, Agentspace et tous les autres produits annoncĂ©s prennent en charge A2A.
Une sĂ©rie dâagents prĂȘts Ă lâemploi
Si Google a largement orientĂ© sa confĂ©rence sur la facilitĂ© Ă crĂ©er des agents, la firme avait les siens propres Ă mettre en avant, notamment deux dĂ©diĂ©s Ă la sĂ©curitĂ©. Alert Triage est ainsi chargĂ© dâenquĂȘter sur les alertes, dâanalyser le contexte et de fournir une conclusion. Malware Analysis fait ce que son nom annonce : analyser le code potentiellement malveillant. Il peut lancer des scripts de dĂ©sobfuscation et prĂ©sente un rapport. Tous deux font partie de la plateforme Google Unified Security.
On trouve Ă©galement tout une sĂ©rie dâagents pour les donnĂ©es. Google en propose ainsi pour la crĂ©ation de catalogues, la gĂ©nĂ©ration de mĂ©tadonnĂ©es et de pipelines, le maintien de la qualitĂ©, pour servir de partenaire de codage dans les notebooks ou encore lâanalyse conversationnelle dans Looker.
CĂŽtĂ© dĂ©veloppement, Gemini Code Assist dispose dĂ©sormais dâagents pouvant dĂ©composer les requĂȘtes faites en langage naturel en solutions Ă Ă©tapes et fichiers multiples. Une interface de type Kanban permet dâinteragir avec les agents et de surveiller leur travail. Des intĂ©grations sont en outre possible avec Atlassian, Sentry et Sneak.
Google propose aussi des agents pour lâengagement client, notamment la Customer Engagement Suite. On y retrouve des outils pour crĂ©er des agents virtuels, donc en interface directe avec la clientĂšle. Les points mis en avant sont trĂšs semblables Ă ceux rĂ©cemment abordĂ©s par Amazon Web Services pour son modĂšle Nova Sonic : voix plus humaines, support de la vidĂ©o en streaming, comprĂ©hension des Ă©motions pour adapter la conversation, etc.
Gemini 2.5 Flash entre en piste
Alors que Gemini 2.5 Pro Experimental vient dâarriver dans Deep Search avec, selon Google, des gains trĂšs significatifs sur les rĂ©sultats dâanalyse, lâĂ©diteur lance la version Flash de son modĂšle. On reste sur un modĂšle de « raisonnement », mais il propose une solution plus efficace â donc moins onĂ©reuse â au dĂ©triment de la prĂ©cision.
Google met en avant un calcul « dynamique et contrĂŽlable », avec la possibilitĂ© pour les dĂ©veloppeurs dâajuster le temps de traitement en fonction de la complexitĂ© des requĂȘtes. La sociĂ©tĂ© affirme que le nouveau modĂšle est idĂ©al pour les applications Ă haut volume et fonctionnant en temps rĂ©el, notamment le service client et lâanalyse de documents.
On a en outre appris que les modÚles Gemini seront bientÎt proposés sur la solution sur site Google Distributed Cloud. La firme indique à ce sujet que les clients ayant des exigences strictes en matiÚre de sécurité pourront profiter des derniers apports de ses modÚles.
Des doutes planent toujours sur la stratégie de Google
Les annonces prĂ©sentent un visage stratĂ©gique cohĂ©rent, avec de nombreux produits conçus pour fonctionner ensemble, Ă lâinstar de ce que Microsoft sur Azure ou Amazon Web Services. Pour autant, on peut Ă©mettre les mĂȘmes doutes.
Google a ainsi beau fournir une multitude dâoutils et services pour avancer sa vision dâun monde fonctionnant avec de multiples agents, les entreprises doivent avancer avec prĂ©caution. Le dĂ©ploiement, la gestion, la surveillance et surtout lâoptimisation dâun tel systĂšme demandent une planification soignĂ©e. Câest un dĂ©fi opĂ©rationnel majeur, dans le sens oĂč lâon ne peut pas transiter dâune traite vers un tel Ă©cosystĂšme sans en mesurer les risques, notamment parce que le TCO (coĂ»t total de possession) peut ĂȘtre difficile Ă Ă©valuer.
Outre les questions classiques de bĂ©nĂ©fice attendu et dâenfermement dans un seul Ă©cosystĂšme, la facilitation mise en avant par Google pose aussi question. ParticuliĂšrement Agentspace, que la firme imagine entre toutes les mains. Or, si crĂ©er des agents devient trĂšs simple, les risques liĂ©s sont toujours lĂ , surtout sâils sont connectĂ©s aux donnĂ©es de lâentreprise. Il est possible de faire fuiter par mĂ©garde des informations, surtout avec lâarrivĂ©e dâA2A. Une entreprise pourrait se retrouver avec tout un lot dâagents plus ou moins bien pensĂ©s, qui nĂ©cessiteront tous du temps de calcul, avec les frais que cela suppose.
Il est difficile pour lâinstant de savoir si la vision de Google correspond Ă une vraie demande, tant lâĂ©diteur semble vouloir induire une envie de changement. Encore faut-il que les avantages soient clairs et que les clients sây retrouvent. Au-delĂ de lâenthousiasme affichĂ© par Google et des travaux et coĂ»ts engendrĂ©s, la question du retour sur investissement reste centrale. Elle sâaccompagne dâailleurs dâautres interrogations sur la fiabilitĂ© de lâensemble, la sĂ©curitĂ© des donnĂ©es, voire lâimpact social dâun tel chantier.