Achats in-app : Apple défend son magot avec un message anxiogène
Fear the walking paid

En Europe, Apple laisse les éditeurs utiliser d’autres systèmes de paiement que celui intégré dans l’App Store. La firme ne le fait cependant pas de bonne grâce, avec des conditions financières peu avantageuses. Elle décourage les utilisateurs d’utiliser les applications qui y recourent. Pourtant, la pratique n’est pas neuve.
Apple n’apprécie décidément pas qu’on lui dise quoi faire. Sur les dernières années, les tensions se sont accrues avec l’Europe, à l’origine de plusieurs décisions. Encore récemment, l’Europe a confirmé une amende de 500 millions d’euros pour ses pratiques anti-steering. Ces dernières consistent à empêcher les éditeurs d’évoquer des promotions disponibles ailleurs ou de mettre des liens vers des sites permettant d’acheter le service, même le site officiel de l’éditeur.
Peur sur l’App Store
Et voilà que le journaliste John Gruber, connu pour la précision de ses informations et ses sources sur Apple, « déterre » une nouvelle pratique. Sur la fiche App Store de l’application hongroise Instacar, conçue pour vérifier le kilométrage et la valeur des voitures d’occasion, un message d’avertissement est affiché : « Cette application ne prend pas en charge le système de paiement privé et sécurisé de l’App Store. Elle utilise des achats externes ».
Ce message est précédé d’un panneau danger rouge (qui n’apparait pas sur la version web de la fiche) et suivi d’un lien « En savoir plus ». En cliquant dessus, on est emmené vers une page donnant un peu plus de détails. Apple explique qu’en achetant un bien ou un service numérique sur une telle application, l’acte sera traité directement par le système de paiement alternatif. Ce qui suppose un traitement des informations qui ne sera pas « sécurisé par Apple ».

On peut comprendre la position de la firme. Sans avertissement, les personnes habituées à acheter sur l’App Store le sont également aux services liés. Par exemple, la liste des achats effectués depuis le compte, la gestion centralisée des abonnements, ou encore le partage familial. Ces fonctions ne sont pas disponibles avec les boutiques d’applications tierces ou les applications disposent d’un système alternatif de paiement. « Le développeur, et non Apple, est responsable de toutes les transactions et de tous les problèmes de service à la clientèle », ajoute la société.
Prévenir l’utilisateur a donc du sens, ne serait-ce que pour éviter les plaintes si les choses dérapent. Problème, l’affichage choisi par Apple est tout sauf neutre, à cause notamment du panneau danger rouge. L’entreprise cherche clairement à faire peur, afin que les personnes éventuellement intéressées fassent demi-tour. En indiquant que les paiements via le système de l’App Store sont « sécurisés et privés », Apple sous-entend que les autres ne le sont pas.
Sur ce point toutefois, les choses ne sont pas si simples.
Une pratique en place depuis mars 2024
Comme l’indique en effet Gruber dans un autre billet de blog, cette pratique n’est pas nouvelle. Elle a été mise en place en mars de l’année dernière, pour se conformer au DMA. Si ces messages ont plus d’un an, pourquoi personne ne semble s’en être vraiment rendu compte jusqu’à aujourd’hui ? Parce que les systèmes alternatifs de paiement sont très peu utilisés, selon plusieurs sources. Et pour cause : au lieu des 30 % de commission habituels, les éditeurs peuvent descendre à 27 % s’ils passent par un système tiers. Cet écart est jugé trop court pour être réellement pris au sérieux.
La visibilité est également accentuée par la récente décision de la justice américaine dans l’affaire opposant Apple à Epic, la firme de Cupertino ayant subi un sérieux revers. Comme en Europe, il a été réclamé à Apple qu’elle laisse les développeurs et éditeurs afficher des liens vers d’autres possibilités d’acheter les biens et services numériques. La société a également été épinglée pour avoir sciemment menti pendant les audiences, provoquant la colère de la juge en charge de l’affaire.
Dans ses injonctions, la juge américaine ordonne à Apple de ne pas utiliser autre chose qu’un message neutre pour prévenir les utilisateurs. En clair, pas de message de « prévention » anxiogène.
La documentation d’Apple est cependant claire sur le sujet depuis l’année dernière. La société prévient qu’en cas de système alternatif de paiement, toute la responsabilité passera au développeur et qu’un message d’avertissement sera affiché.
Une mise en attente de l’Europe
Mais pourquoi un avertissement si menaçant ? Là encore, ce n’est pas si simple. Gruber rapporte qu’Apple a elle-même proposé un changement l’été dernier, dont on peut voir la capture ci-dessous. Le langage est plus neutre, et le panneau rouge est remplacé par le classique symbole « point information » en gris.

Selon Apple, qui a répondu à John Gruber sur le sujet, la Commission européenne a validé le changement durant l’été dernier, mais aurait demandé à ce qu’ils ne soient pas mis en œuvre. Dans un article de Politico la semaine dernière, on apprenait que ces changements avaient été mis en attente le temps que la Commission demande l’avis de divers éditeurs, dont Epic Games et Spotify.
Durant l’automne dernier, alors que les consultations étaient terminées, l’absence de nouvelles instructions de la Commission aurait fait comprendre à Apple qu’une amende se préparait. La fameuse amende de 500 millions d’euros prononcée fin avril.