Loi des séries
La situation de l’entreprise se tend encore d’un cran en Europe. La société a ainsi écopé d’une nouvelle amende pour abus de position dominante en Allemagne, d’un montant de 572 millions d’euros cette fois. Google tente également d’apaiser la Commission européenne en communiquant une série d’engagements.
Un tribunal de Berlin a condamné Google à verser 572 millions d’euros à deux entreprises allemandes de comparaison de prix pour abus de position dominante. Cette décision, datée du 14 novembre, répartit l’amende entre Idealo (465 millions d’euros) et Producto (107 millions d’euros), rapporte Reuters.
Une condamnation de plus en Europe
Les deux sociétés accusaient Google de favoriser ses propres placements au détriment des services concurrents. Une accusation que l’on retrouve souvent autour de Google Shopping et qui a déjà fait l’objet de plusieurs condamnations, dont l’énorme amende de 2,95 milliards d’euros infligée par la Commission européenne en septembre.
Idealo réclamait initialement 3,3 milliards d’euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi entre 2008 et 2023. La décision ne satisfait donc pas complètement l’entreprise, dont le cofondateur Albrecht von Sonntag a déclaré : « Nous continuerons à nous battre, car l’abus de marché doit avoir des conséquences et ne doit pas devenir un modèle économique lucratif payant malgré les amendes et les indemnités ».
Sans trop de surprise, Google est mécontente du résultat, rappelant qu’elle avait procédé à des changements en 2017 afin de s’assurer que les plateformes concurrentes aient les mêmes avantages que la sienne. « Les changements que nous avons apportés en 2017 se sont avérés fructueux sans intervention de la Commission européenne », a déclaré un porte-parole. Google affirme que suite à ces changements, le nombre de sites de comparaisons de prix utilisant son « remède » était passé de 7 à 1 550.
Calmer la Commission européenne
Parallèlement, Google a envoyé à la Commission européenne une série de mesures pour adapter son offre aux reproches qui lui ont été adressés en septembre, avec la condamnation. L’amende de 2,95 milliards d’euros était en effet assortie d’une obligation de présenter un plan pour faire évoluer ses pratiques.
On ne connait presque pas le détail de cette proposition, mais Google estime qu’elle « répond pleinement à la décision de la Commission européenne sans une rupture perturbatrice qui nuirait aux milliers d’éditeurs et d’annonceurs européens qui utilisent les outils Google pour développer leur activité ». Google ne donne que deux exemples : « la possibilité de définir des prix minimums différents » pour les sociétés qui enchérissent via Google Ad Manager, ainsi que l’augmentation de l’interopérabilité de ses outils pour « donner aux éditeurs et aux annonceurs plus de choix et de flexibilité ». Google assure qu’elle continuera de « coopérer avec la Commission » dans l’examen de ses propositions.
Mais c’est bien un nouveau danger de scission qui guette Google, alors même que l’entreprise est passée près de perdre son navigateur aux États-Unis. Rappelons qu’en septembre, lors de la condamnation européenne, la Maison-Blanche avait fustigé la décision, alors même que la justice américaine doit rendre une décision sur une affaire équivalente, avec là aussi un risque de scission de l’entreprise. Fin septembre, devant un tribunal fédéral de Virginie, Google a d’ailleurs proposé de modifier ses pratiques sur la publicité en ligne.
Un historique chargé
La condamnation allemande n’est que la dernière en date dans une longue série en Europe. Comme nous l’avions indiqué en septembre dans notre analyse des sanctions, Google a cumulé 11,2 milliards d’euros en condamnations pour différents abus de position dominante : moteur de recherche et comparateur de prix en 2017, Android en 2018 et publicité en ligne en 2019 et cette année. En dehors de l’amende de 2019, d’un montant de 1,49 milliard de dollars, toutes sont en suspens, avec de longues procédures d’appel.
La tension est toutefois élevée actuellement pour Google, des deux côtés de l’Atlantique. L’Europe a durci le ton avec les années, particulièrement depuis l’entrée en application du DMA (Digital Markets Act). Aux États-Unis, la situation est plus ambivalente, avec d’un côté une Maison-Blanche fustigeant la position européenne, et de l’autre un Department of Justice qui réclame un démantèlement partiel de Google.
Dans ces procès, Google joue ainsi une partie de son avenir, affirmant qu’une telle séparation de ses activités n’aurait que des inconvénients pour les clients et pour le marché. Mais c’est bien en Europe que la situation est la plus tendue pour l’entreprise, entre la condamnation allemande, celle de septembre et la nouvelle enquête ouverte récemment sur ses pratiques de référencement des contenus médiatiques.