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Tout savoir sur la prise électrique domestique : fonctionnement, origine, sécurité

On a tendance à les négliger jusqu’à ce qu’elles nous laissent dans l’obscurité ! Les prises électriques, bien que souvent discrètes, jouent un rôle crucial dans notre vie quotidienne en nous permettant de nous relier en toute sécurité au réseau électrique. Dans cet article, découvrons ensemble ce qui se cache derrière ces dispositifs si pratiques.

Une invention née en 1883

Pour débuter, faisons un saut dans le passé ! Comprendre l’histoire de ces interconnexions permet de mieux saisir la raison de leur existence.  Pour cela, il faut remonter à la fin du XIXe siècle, peu de temps après l’invention de l’ampoule électrique par Thomas Edison, et vous verrez, ce détail a toute son importance.

En effet, à l’époque, l’électricité arrivait dans les foyers principalement pour l’éclairage. Pour cette raison, on utilisait les prises d’ampoules grâce à des adaptateurs appelés « bouchons de douilles » pour brancher votre équipement domestique (aspirateurs, sèche-cheveux…). Mais avec la multiplication des appareils et pour des raisons de sécurité, un système plus fiable devenait nécessaire. C’est ainsi qu’est née la première prise murale en 1883, en Angleterre, introduite par T.T. Smith. Dans les années 1920, les premiers standards pour les prises électriques ont été établis, et depuis, leur design a connu de nombreuses évolutions. 

Alors, à quoi ressemble une prise moderne ?

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Anatomie d’une prise électrique

Il est bien connu que le fonctionnement d’une prise électrique repose sur la connexion entre deux éléments. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
D’un côté, on trouve le socle (ou embase), qui est fixé au mur, et de l’autre, la fiche, qui est un connecteur mobile généralement relié à un câble destiné à être branché. Dans le langage courant, on fait souvent l’allégorie de « prise femelle » et de « fiche mâle ». Et si vous suivez bien, quelle est la désignation du connecteur à l’extrémité d’une rallonge ? C’est en effet une fiche femelle.

Maintenant que vous maîtrisez ces termes de base, revenons à la composition de la prise, en commençant par la partie extérieure : l’armature.

Vue éclatée d’une prise électrique.

Une prise est généralement composée d’une plaque de montage qui assure sa stabilité, d’un corps en plastique servant de support et d’isolant, et de contacts métalliques qui établissent la connexion entre la fiche et la prise. Ces contacts, souvent en laiton, peuvent être accompagnés d’une broche métallique pour la mise à la terre. En ce qui concerne la fixation, deux types de systèmes sont couramment utilisés : le modèle encastrable (installation avec un boîtier scellé ou placo) et le modèle en saillie (fixation directe sur le mur).

Explorons maintenant le fonctionnement de l’électrification d’une prise. Tout comme les interrupteurs, les prises ne sont que la partie visible de l’installation électrique domestique. Elles sont reliées au réseau électrique via le tableau électrique, qui répartit le courant vers les différents circuits de la maison. Chaque prise est connectée à un circuit spécifique grâce à trois fils colorés distincts, généralement situés à l’arrière du mécanisme. Ces fils correspondent aux trois bornes de la prise, également appelées contacts ou broches :

  • la phase (borne L, fil généralement rouge, mais pouvant être de toute couleur autre que bleu et vert-jaune) : elle alimente en énergie l’appareil branché
  • le neutre (borne N, fil bleu) : il permet au courant de retourner vers le circuit une fois l’appareil alimenté
  • la terre (fil vert-jaune) : joue un rôle crucial en matière de sécurité électrique, car elle assure la protection contre les défauts d’isolement. En cas de défaillance de l’isolation d’un appareil, le courant peut s’échapper par le circuit de mise à la terre, ce qui limite le risque d’électrocution.

La configuration et le bon raccordement de ces fils garantissent un fonctionnement sûr et efficace de la prise.

Les différents formats de prises dans le monde

Le fonctionnement d’une prise électrique est donc relativement simple. Ce qui complique son utilisation, c’est la diversité des types de prises présentes dans le monde, qui se chiffre à une quinzaine et est identifiée par les lettres A à O. Pourquoi tant de variétés ? Tout simplement parce que chaque pays a fait comme bon lui semblait !

En effet, chaque nation a conçu son propre modèle en fonction de ses particularités locales plutôt que d’adopter une norme commune. Chaque pays a ainsi établi des standards adaptés à ses infrastructures (comme la fréquence et la tension) en choisissant les matériaux et configurations les plus appropriés. Cette diversité se traduit notamment par la présence éventuelle d’une mise à la terre, la capacité de puissance supportée, le niveau d’isolation des broches et les types de dispositifs de protection intégrés.

En France, les prises domestiques sont en monophasé et délivrent une tension de 230 volts avec une fréquence de 50 hertz. À noter que, dans le secteur industriel où les besoins en énergie sont accrus, les installations sont souvent en triphasé, avec des tensions allant de 400 à 600 volts pour alimenter les équipements à forte consommation.

Pour répondre aux standards nationaux, la France utilise principalement deux types de prises, toutes reconnaissables par leurs deux trous ronds de 5 mm. La prise de type C, dite Europlug, qui est adaptée aux appareils de faible puissance et compatible avec les fiches CEE 7/16. Ainsi que la prise de type E, qui, quant à elle, est dotée d’une broche pour la mise à la terre, assurant une protection supplémentaire et fonctionnant avec les fiches CEE 7/17 et CEE 7/7.

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Aujourd’hui, ces variations perdurent, car harmoniser les systèmes électriques à l’échelle mondiale serait à la fois complexe et coûteux. Heureusement, la plupart des pays ont tout de même adopté une norme nationale qui intègre les formats courants à l’échelle locale.

En France, la norme NF C 15-100 est la norme incontournable pour toutes les installations électriques à basse tension. Elle détermine notamment :

  • Le nombre de prises à installer en fonction de chaque pièce (cuisine, salle de bain, salon, etc.)
  • Le nombre de prises par circuit électrique dans une habitation, la section des câbles, et le type de disjoncteur à utiliser
  • La hauteur à laquelle les prises doivent être installées

Avant d’entreprendre vos futurs travaux d’électrification, n’hésitez pas à consulter cette norme. Voici quelques ressources à votre disposition. [1] [2] [3].

Un petit conseil que l’on peut vous donner si vous avez l’habitude de voyager souvent, c’est de vous procurer un adaptateur universel. Vous l’amortirez très vite et n’aurez plus à vous soucier de la compatibilité de vos appareils.

La sécurité d’une prise électrique

Vous l’avez compris, la fonction principale des prises électriques est d’assurer la sécurité des utilisateurs lors de la connexion. Pour y parvenir, elles intègrent plusieurs dispositifs de sécurité, comme la mise à la terre que nous avons évoquée, qui, lorsqu’elle est couplée à une protection différentielle, aide à réduire les risques d’accidents.

Parmi ces dispositifs, on trouve fréquemment un disjoncteur, qui protège le circuit contre les surcharges et les courts-circuits en interrompant l’alimentation en cas de problème, ce qui permet de prévenir les risques d’incendie. De même, un interrupteur différentiel est présent pour surveiller les fuites de courant vers la terre, protégeant ainsi les utilisateurs contre les risques d’électrocution.

Schéma : Révolution Énergétique.

Cependant, malgré toutes ces précautions, certains dysfonctionnements peuvent encore engendrer des situations dangereuses. C’est pourquoi nous allons vous expliquer comment les détecter et les éviter. Avant que des problèmes majeurs n’apparaissent, certains signes avant-coureurs peuvent révéler une anomalie sur l’une de vos prises. Pour les repérer, fiez-vous à vos cinq sens ! En général, une prise défectueuse présente des indices clairs :

  • Vue : une prise qui semble lâche ou qui bouge quand vous branchez un appareil peut indiquer un câblage défectueux ou une prise mal fixée.
  • Ouïe : des sifflements ou crépitements inhabituels peuvent être le signe d’un arc électrique.
  • Toucher : une chaleur anormale au niveau de la prise, même sans appareil branché, nécessite une inspection rapide.
  • Odorat : une odeur de brûlé ou de plastique fondu indique souvent une surchauffe ou un problème de connexion.

Pour le goût… Il vaut mieux ne pas essayer !

Ces problèmes peuvent avoir plusieurs causes :

  • Une surcharge, comme avec un branchement en cascade (explications plus bas),
  • La connexion d’un appareil puisant une puissance excessive,
  • Une mauvaise isolation d’un ou plusieurs fils électriques,
  • Un manque d’entretien, par exemple l’accumulation de poussière dans la prise,
  • Et tout simplement l’usure, influencée par la qualité du matériel et la fréquence d’utilisation.

En cas de problème avec une prise électrique, voici la procédure à suivre :

  1. Coupez l’alimentation générale du logement
  2. Débranchez avec précaution tous les appareils connectés, le cas échéant.
  3. Contactez un électricien professionnel.
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Cette dernière étape est importante, car la nature du problème peut varier, allant d’un simple mauvais contact à la nécessité de remplacer du matériel ou d’effectuer un diagnostic complet de votre installation électrique. Par exemple, si la prise émet un bruit continu alors qu’un appareil y est branché, cela pourrait indiquer un défaut de cet équipement. À l’inverse, si la prise fait du bruit sans appareil connecté, cela pourrait signaler un problème plus grave.

Bien entendu, la nécessité de faire appel à un professionnel dépend aussi de vos connaissances en circuits électriques. En général, le coût pour remplacer une prise électrique se situe entre 100 € et 150 €. Apprendre à câbler soi-même une prise est donc intéressant. Assez simple à réaliser, cela ne vous coûtera que l’achat de la prise, soit moins d’une dizaine d’euros. Si vous souhaitez installer vous-même vos prises électriques, voici un article accompagné d’une vidéo qui vous explique les étapes et les normes importantes à respecter pour garantir votre sécurité.

Pour limiter les risques liés aux prises électriques, voici quelques bonnes pratiques :

  • Choisissez du matériel de qualité : investissez dans des prises et multiprises certifiées et conformes aux normes de sécurité.
  • Placement : évitez de placer des meubles trop proches des prises pour prévenir la surchauffe, et soyez attentif aux zones humides.
  • Surveillez les appareils en charge : même si la plupart des appareils modernes, comme les téléphones et ordinateurs portables, intègrent des systèmes de gestion de batterie qui coupent la charge automatiquement une fois la batterie pleine, il reste préférable de ne pas laisser d’appareils branchés en continu.
  • Branchement en cascade : évitez de connecter une multiprise à une rallonge, une pratique courante dans les foyers français. Cela augmente le risque d’incendie, car chaque multiprise a une puissance maximale à ne pas dépasser. En les reliant, vous accumulez la charge sur une seule multiprise, ce qui peut rapidement entraîner une surcharge.
  • Vérification régulière : faites inspecter votre installation électrique tous les 10 ans environ ou après des modifications majeures pour détecter d’éventuels dysfonctionnements.
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L’ère des prises connectées

Vous l’aurez compris, les prises électriques ne sont pas seulement des points de connexion ; elles incarnent des décennies d’innovation alliant sécurité et efficacité. Aujourd’hui, avec l’essor de la domotique, notre vision de ces objets prend un nouveau tournant. Connectées au Wi-Fi, les prises nous offrent désormais la possibilité de gérer l’alimentation de nos appareils à distance. Ces innovations facilitent ainsi notre vie quotidienne, mais elles contribuent également à réaliser d’importantes économies d’énergie.

Dans le prochain volet de notre série sur l’électricité du quotidien, nous aborderons le sujet captivant des chargeurs sans fil, une technologie qui repose sur un phénomène physique fascinant : l’induction.

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ASTRID, ce méga-projet de surgénérateur nucléaire abandonné par la France

Des siècles d’énergie bas-carbone dorment dans nos stocks d’uranium appauvris. Pourtant, la France a abandonné ASTRID, un projet de réacteur nucléaire surgénérateur qui aurait permis d’exploiter ce potentiel. Pourquoi ce choix surprenant ? Explorons les raisons derrière cet échec.

Avant d’entrer dans le vif du sujet et de parler du projet avorté ASTRID, il est essentiel de comprendre le principe des réacteurs à neutrons rapides (RNR), et en particulier ceux classés comme « surgénérateurs ». Plongeons ensemble au cœur du fonctionnement de ces réacteurs.

Lorsqu’un noyau d’actinide (comme l’uranium ou le plutonium) subit une fission, les neutrons libérés sont très rapides, ce qui réduit leur chance de provoquer une nouvelle fission, et donc de maintenir une réaction en chaîne. Pour optimiser ce processus, deux approches sont possibles :

  • Ralentir les neutrons à l’aide d’un modérateur (comme de l’eau ou du graphite). Cela augmente les chances de fission, et donc le rendement. C’est le principe dit de “fission par neutrons thermiques” que l’on retrouve au sein des réacteurs traditionnels utilisés aujourd’hui (REP ou REB).
  • Ou encore ne pas utiliser de modérateur, comme c’est le cas dans les RNR. Bien que cela augmente la perte de neutrons hors du cœur, réduisant ainsi la probabilité de fission, cette absence de modérateur permet aux neutrons à haute énergie de fissurer des noyaux plus lourds. En récupérant ces neutrons, on peut ainsi « transmuter » des matériaux initialement non fissiles (mais fertiles) en combustibles fissiles. Cette capacité à « sur-générer » du combustible, tout en produisant de l’énergie, est ce qui donne son nom au surgénérateur.

    Transmutation de l’uranium 238 en plutonium 239 / Source : energyencyclopedia.com.

 

 

 

 

 

 

 

 

Parlons maintenant du projet nommé ASTRID, acronyme d’«Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration », un surgénérateur nucléaire, conçu pour représenter une nouvelle génération de réacteurs à neutrons rapides et refroidis au sodium (RNR-Na). Lancé en 2010, ce prototype de 600 MWe fait suite aux réacteurs expérimentaux Rapsodie, Phénix (250 MWe) et Superphénix (1 240 MWe) et vise à démontrer la faisabilité d’une exploitation industrielle de cette technologie qui apparaît comme très prometteuse.

Le projet ASTRID est piloté par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), avec la participation de plusieurs partenaires industriels majeurs. Parmi eux, on retrouve EDF, principal exploitant du parc nucléaire français, ainsi qu’Areva (devenue Orano), acteur clé de l’industrie du cycle du combustible nucléaire. ASTRID bénéficie également de collaborations internationales, notamment avec le Japon, qui a mené des efforts similaires avec le réacteur de Monju.

Pourquoi la France a-t-elle lancé le projet ASTRID ?

Dans les années 2000, la France est encore un leader mondial en matière de nucléaire civil, avec plus de 70 % de son électricité provenant de réacteurs nucléaires à eau pressurisée (REP). Toutefois, cette période est marquée par une montée des préoccupations environnementales et économiques, notamment concernant la gestion des déchets nucléaires et l’épuisement potentiel des ressources en uranium.

ASTRID est alors présenté comme le projet s’inscrivant, au-delà d’une perspective historique d’indépendance énergétique, dans un objectif de durabilité de la filière. Pour saisir l’ampleur de cette révolution, voici les trois évolutions majeures que ce projet pourrait apporter au secteur nucléaire.

➡️ Boucler le cycle du plutonium

L’un des principaux atouts des RNR est leur capacité à recycler de manière récurrente le plutonium. Actuellement, le plutonium provenant des combustibles usés est partiellement réutilisé sous forme de MOX (Mixed Oxide Fuel). Toutefois, après un cycle d’utilisation, sa composition évolue et le rend inutilisable pour les réacteurs classiques. Les RNR, en revanche, peuvent continuer à exploiter ce plutonium. En fermant ainsi la boucle du cycle du plutonium, ASTRID contribuerait à réduire la dépendance à l’extraction d’uranium.

Représentation d’un cycle de combustible fermé / Source : Clefs CEA, 2016.

 

 

 

 

 

 

 

➡️ Exploiter pleinement le potentiel de l’uranium

ASTRID en tant que réacteur de VIᵉ génération aurait également permis de produire 50 à 100 fois plus d’électricité qu’une centrale actuelle pour la même quantité d’uranium. Comment est-ce possible ? En extrayant jusqu’à 100 % du potentiel énergétique de l’uranium. En effet, il est essentiel de comprendre que l’uranium lorsqu’il est extrait du sol contient 2 isotopes : l’U238, en grande majorité (plus de 99 %), qui est non fissile par les réacteurs actuels et l’U235, isotope fissile, mais présent en très faible quantité. Or, comme vu précédemment, les surgénérateurs comme ASTRID ont la capacité de transformer l’U238 en plutonium (Pu239), exploitable pour produire de l’énergie. Cela aurait non seulement permis une production d’énergie bien plus élevée, mais également rendu possible l’exploitation des stocks d’U238 déjà disponibles en France, estimés à 250 000 tonnes. De quoi alimenter le parc nucléaire pendant des centaines de milliers d’années, le rêve.

Potentiel énergétique de l’uranium, lorsque ce dernier est utilisé par le parc actuel (à gauche) et multirecyclé avec le plutonium en RNR (à droite) / Source : A/EA, Red Book, édition 2014.

 

 

 

 

 

 

 

➡️ Réduire la quantité et la dangerosité des déchets nucléaires

Enfin, c’est une conséquence directe des révolutions citées plus tôt, l’un des objectifs majeurs d’ASTRID était de réduire de manière significative la quantité de déchets radioactifs générés par la filière nucléaire. Les RNR peuvent « brûler » une partie des déchets, notamment les actinides mineurs (américium, neptunium, curium…) problématiques en raison de leur longue durée de vie. Cela permettrait de limiter l’enfouissement en profondeur des déchets ultimes et de réduire l’empreinte écologique du nucléaire.

Mais alors, qu’a bien pu provoquer l’annulation d’un projet si prometteur ?

Les raisons de l’abandon du projet ASTRID

➡️ Sécurité accrue et innovations techniques

Avec les événements marquants tels que la catastrophe de Fukushima en 2011, les exigences de sûreté pour les réacteurs nucléaires ont été considérablement renforcées. Ainsi, pour se conformer aux nouvelles normes, le projet proposait plusieurs ruptures technologiques par rapport à ces prédécesseurs, telles qu’un cœur à faible coefficient de vidange et un récupérateur de cœur fondu, pour n’en citer que deux.

Ces innovations devaient permettre, comme on pouvait le lire dans la note de présentation du projet par le CEA, d’assurer : « Une sûreté améliorée, au moins identique à celle d’un réacteur de 3ᵉ génération de type EPR et prenant en compte les spécificités des réacteurs à neutrons rapides ». C’est précisément cette seconde partie qui va poser problème au cours du développement du projet.

➡️ Défis technologiques liés au sodium

L’un des plus grands défis technologiques auxquels ASTRID a dû faire face réside dans l’utilisation du sodium liquide comme fluide caloporteur. Le sodium présente des avantages indéniables : il permet un transfert de chaleur plus efficace que l’eau et n’absorbe presque pas les neutrons, ce qui est essentiel pour maintenir la réaction nucléaire.

Cependant, ses inconvénients sont nombreux et ont constitué un obstacle majeur à la poursuite du projet. Tout d’abord, le sodium est par nature très opaque, ce qui rend l’inspection visuelle des structures internes difficile, tandis que sa corrosivité impose de lourdes contraintes sur les tuyauteries, augmentant ainsi les risques de ruptures. Ensuite, le sodium tolère mal les mélanges avec d’autres substances. En contact avec l’eau, il réagit violemment, produisant de l’hydrogène inflammable et de la soude, comme l’a tristement illustré l’accident de Chevtchenko en URSS. Exposé à l’air, il peut également s’enflammer spontanément, un danger observé lors de l’incident de Monju au Japon en 1995. Enfin, après utilisation, le sodium devient lui-même radioactif, ce qui complique non seulement sa manipulation, mais aussi le démantèlement des installations.

Ainsi, en raison du caractère trop instable du sodium et malgré l’important retour d’expérience de la filière française, de nombreuses technologies soutenues par le projet n’ont pas atteint un niveau de maturité suffisant pour garantir une sûreté adéquate, rendant sa réalisation trop risquée.

Le site du surgénérateur Superphénix à Creys-Malville, en démantèlement / Image : Révolution Énergétique – HL.

➡️Retards et viabilité économique

Évidemment les problèmes ne viennent pas seuls. En réaction aux lacunes techniques, le projet prend du retard et ses prévisions initiales sont revues à la baisse. La date de mise en service du projet est reportée à 2025 et le réacteur voit sa puissance réduite à 200 MW, soit 3 fois moins que ce qui était prévu initialement.

En parallèle, la rentabilité du projet questionne. Tout d’abord, parce que son budget a été revu à la hausse (plus 2 milliards d’euros par rapport à l’hypothèse initiale) mais aussi, car les enjeux autour du recyclage de l’uranium s’avèrent moins pressants que prévu. En tout cas, c’est ce que déclare l’administrateur général du CEA pour justifier l’abandon du projet : « On le verra venir avec la construction de nouveaux réacteurs dans le monde. Nous aurons le temps de nous retourner », en référence au prix de l’uranium. La situation est claire, le jeu n’en vaut pas la chandelle. Enfin, d’un point de vue économique…

➡️ Un contexte défavorable

Malheureusement pour ASTRID, déjà en difficulté, la filière nucléaire traverse une période particulièrement délicate à cette époque. En France, le discours politique autour du nucléaire a changé après la catastrophe de Fukushima en 2011 et sous l’influence croissante des mouvements environnementaux. Bien que le pays reste un acteur majeur du nucléaire, les préoccupations sur la sécurité et les déchets radioactifs ont renforcé le soutien populaire aux énergies renouvelables (ENR), considérées comme plus sûres et durables. À cela, s’ajoute une autre source d’inquiétude : la production de plutonium, destinée aux réacteurs civils, pourrait potentiellement être détournée à des fins militaires pour la fabrication d’armes nucléaires.

Au niveau européen, les quotas imposés par l’UE pour l’intégration des ENR ont poussé la France à adapter sa politique énergétique, accélérant la mise en place de la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), qui exerce une pression supplémentaire sur la filière nucléaire. Enfin, à l’échelle mondiale, le ralentissement, voire l’abandon de projets similaires, comme le réacteur Monju au Japon, a également fragilisé la viabilité d’ASTRID.

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ASTRID, trop en avance sur son temps ?

Le projet ASTRID était destiné à transformer la filière nucléaire en proposant des solutions aux défis de gestion des ressources et des déchets nucléaires. Cependant, il semble que ce projet était peut-être trop en avance sur son temps sur le plan technologique et n’ait pas bénéficié du contexte adéquat, ce qui conduit finalement à son abandon par le CEA en 2019. De nombreux spécialistes continuent de considérer aujourd’hui cette décision comme une erreur historique, tant pour l’environnement que pour l’innovation technologique et l’indépendance énergétique de la France.

Dans le reste du Monde, la Chine et la Russie poursuivent leurs recherches sur les RNR de VIe génération avec leurs projets respectifs, le CEFR et le BN-1200. Qui sait, peut-être que le succès de nos voisins et un climat plus favorable finiront par nous relancer dans cette voie et qu’un projet ASTRID 2.0 verra le jour ?

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