FreeOurFeeds, l’initiative qui veut libérer les réseaux sociaux de l’influence des milliardaires
Bien commun social
Portée par des personnalités du numérique comme du divertissement, FreeOurFeeds veut financer de nouveaux projets fonctionnant sur le protocole qu’utilise Bluesky, et décentraliser la gouvernance de cette infrastructure technique.
X fait fuir une partie de ses utilisateurs, Meta pourrait s’y mettre, vu les récentes décisions de son patron… et Bluesky fait partie des premiers bénéficiaires de cette tendance. Avec sa réputation de réseau social « décentralisé », la plateforme vient de dépasser les 27 millions d’utilisateurs. Pour autant, même si son architecture permettra à Bluesky de devenir, à terme, un nœud dans un réseau plus vaste et réellement décentralisé, la plateforme ne l’est pas encore vraiment, comme nous l’expliquions en novembre :
Cela inquiète suffisamment pour qu’une étrange coalition lance l’initiative Free Our Feeds (« libérez nos fils d’actualité »). Le groupe comprend notamment l’acteur Mark Ruffalo, l’écrivain technocritique Cory Doctorow, le fondateur de Wikipédia Jimmy Wales, le musicien Brian Eno ou la directrice exécutive de la Fondation Mozilla Nabiha Syed et une variété d’autres personnalités plus ou moins proches de l’industrie technologique.
Le but du projet : réunir des financements pour faire émerger l’écosystème varié au sein duquel Bluesky est initialement censé se fondre. Ce faisant, l’idée des fondateurs de FreeOurFeeds est d’éviter que les internautes, dont une partie voient actuellement Bluesky comme un refuge, ne retrouvent à nouveau leur expérience prisonnière des variations de politiques de l’entreprise qui maintient la plateforme.
Bluesky, principal représentant d’une future fédération
Bluesky fonctionne sur le protocole AT (Authenticated Transfer), une architecture qui a le potentiel de soutenir un écosystème décentralisé de plateformes et d’application, mais dont le fonctionnement est pour le moment essentiellement dans les mains du nouveau réseau social.
En visant la levée de 30 millions de dollars sur les trois prochaines années, et 4 millions de dollars à court terme, FreeOurFeeds veut pousser cette émergence d’un écosystème plus large. En pratique, l’initiative compte faire évoluer la gouvernance du protocole AT, en créant une organisation d’intérêt public, et financer le développement d’infrastructures indépendantes, puis de nouveaux projets recourant au protocole.
« Imaginez notre réseau routier si toutes les routes appartenaient à un ou deux milliardaires et qu’ils pouvaient taxer n’importe quoi, décider qui est autorisé à aller où, etc, illustre l’un des « gardiens » du projet, Robin Berjon, auprès de TechCrunch. L’infrastructure numérique n’est pas aussi grande ni aussi visible, mais elle fonctionne exactement de la même manière (…) Ce que nous faisons donc, c’est veiller à ce que cette infrastructure numérique, qui est par nature un bien public, soit gérée dans l’intérêt du public. »
Bluesky n’a pas participé au projet, mais sa PDG Jay Garber a déclaré à Fortune : « Nous avons hâte de travailler avec des organisations comme le Projet Free Our Feeds pour faire croître l’adoption du protocole AT et de réseaux ouverts. »
Trouver les fonds
L’enjeu, désormais, est d’attirer des financements. Une complexité en soi, tant la technicité du projet peut compliquer sa compréhension. Robin Berjon indique que si les fonds espérés pour créer la fondation ne sont pas suffisants, ils seront rendus à ceux qui les proposent.
Il insiste auprès de Fortune : le protocole AT n’est pas encore normalisé, c’est donc le moment idéal pour trouver « comment plusieurs opérateurs d’infrastructure peuvent travailler ensemble pour s’assurer que l’ensemble du réseau fonctionne sans heurts, et pour veiller à ce qu’il n’y ait pas de concentration excessive du pouvoir ».
Le défi suivant sera de convaincre le plus grand nombre de faire la transition depuis les réseaux historiques, alors que ces derniers recueillent des années, voire des décennies, de nos interactions sociales.
L’initiative résonne en tout cas avec celle prise par le fondateur de Mastodon, qui travaille actuellement à faire évoluer sa gouvernance. Le but : la placer dans les mains d’une organisation à but non lucratif européenne, pour protéger son indépendance.