Sommaire
Préambule
Les deux dĂ©pĂȘches consacrĂ©es Ă la conquĂȘte de lâespace dans le cadre de la journĂ©e Ada Lovelace Ă©taient trĂšs amĂ©ricano-centrĂ©es, et il manquait lâaspect Ă©tude et dĂ©couverte de lâespace qui en prĂ©cĂšde la conquĂȘte. Sans cette connaissance, il nâaurait pas Ă©tĂ© possible dâenvoyer des satellites artificiels, dâaller sur la Lune, sur Mars ou encore de crĂ©er des stations spatiales, voire, de concevoir les tĂ©lescopes Hubble et James Webb. DâoĂč cette dĂ©pĂȘche, et le choix de ces trois femmes pour contrebalancer un peu leur amĂ©ricano-centrisme.
Le choix a Ă©tĂ© guidĂ© dâune part en tenant compte des informations dont je pouvais disposer, dâautre part de lâactualitĂ© : Janine Connes vient de mourir Ă lâĂąge de 98 ans et câest une façon de lui rendre hommage, Françoise Combes vient dâĂȘtre Ă©lue par ses pairs Ă la prĂ©sidence de lâAcadĂ©mie des sciences.
Nicole-Reine Lepaute, lâhorlogĂšre
La vie de Nicole-Reine Lepaute nous est essentiellement connue grĂące Ă lâEncyclopĂ©die des dames de JĂ©rĂŽme Lalande. De fait les biographies que lâon peut trouver sur elle citent les mĂȘmes passages en Ă©lucubrant souvent sur les relations quâelle aurait pu avoir avec lâastronome. Mais comme LinuxFr.org nâest ni un site « people » ni un site de rencontre et que lâautrice de lâarticle nâaime gĂ©nĂ©ralement pas faire comme tout le monde, on vous renverra en fin de dĂ©pĂȘche sur ces biographies.
Nicole-Reine Lepaute en quelques dates (et hauts faits)
Nicole-Reine Ătable naĂźt le 5 janvier 1723 Ă Paris. Elle nâest pas elle-mĂȘme horlogĂšre, mais elle Ă©pouse lâhorloger Jean AndrĂ© Lepaute en 1749. Il deviendra le fournisseur officiel de la cour de Louis XV en 1750. Jean AndrĂ© Lepaute Ă©tait rĂ©putĂ© comme lâun des meilleurs horlogers de son temps. Quand il Ă©crira son TraitĂ© d'horlogerie, contenant tout ce qui est nĂ©cessaire pour bien connoĂźtre et pour rĂ©gler les pendules et les montres, câest Nicole-Reine qui calculera la « longueur que doit avoir un Pendule simple pour faire en une heure un nombre de vibrations quelconque, depuis 1 jusquâĂ 18000 » (table VI, pages 365 et suivantes du traitĂ©). Et on le sait parce quâelle en est crĂ©ditĂ©e.
Le couple fait la connaissance de lâastronome JĂ©rĂŽme Lalande en 1754. Elle commencera peu aprĂšs Ă travailler avec lui et, en 1757, en collaboration avec le mathĂ©maticien Clairaut elle calculera les dates du retour de la comĂšte de Halley.
Voici ce qu'Ă©crit Lalande Ă ce sujet : "Au mois de juin 1757, j'engageai Clairaut Ă appliquer sa solution du problĂšme des trois corps Ă la comĂšte qu'on attendait, et Ă calculer l'attraction de Jupiter et de Saturne sur la comĂšte, pour avoir exactement son retour. Mme Lepaute nous fut d'un si grand secours que nous n'aurions point osĂ© sans elle entreprendre cet Ă©norme travail, oĂč il fallait calculer pour tous les degrĂ©s, et pour 150 ans, les distances et les forces de chacune des deux planĂštes par rapport Ă la comĂšte. Je lui ai rendu justice Ă cet Ă©gard dans ma ThĂ©orie des comĂštes".
Quand, en 1759, Lalande est chargĂ© des Ă©phĂ©mĂ©rides annuelles de lâAcadĂ©mie royale des sciences : La Connaissance des temps1, elle fera partie de lâĂ©quipe qui travaille sur les tables et Ă©phĂ©mĂ©rides astronomiques.
En 1761, elle entre Ă lâAcadĂ©mie royale des sciences et belles lettres de BĂ©ziers. Câest, probablement, la premiĂšre fois quâune femme entre dans une acadĂ©mie pour ses travaux scientifiques. Elle offre aux acadĂ©miciens les tables astronomiques pour BĂ©ziers quâelle avait compilĂ©es Ă leur intention. Malheureusement ses travaux sont perdus.
En 1764, une Ă©clipse est prĂ©vue, pour Ă©viter une Ă©ventuelle panique, le clergĂ© est invitĂ© Ă informer le peuple du caractĂšre inoffensif de ce phĂ©nomĂšne cĂ©leste. Nicole-Reine Lepaute calculera les phases de lâĂ©clipse et en dressera une carte. Elle fera publier deux documents :
Elle meurt, aveugle, le 6 dĂ©cembre 1783, elle aura passĂ© les trois derniĂšres annĂ©es de sa vie Ă sâoccuper de son mari loin des mathĂ©matiques. Son acte de dĂ©cĂšs figure sur le site archive.org.
Elle ne reste pas complĂštement oubliĂ©e. Ainsi, quand une nouvelle Ă©dition de la Bibliographie ancienne et moderne ou (en nettement plus long) Histoire, par ordre alphabĂ©tique, de la vie publique et privĂ©e de tous les hommes qui se sont distinguĂ©s, par leurs Ă©crits, leurs actions, leurs talens, leurs vertus ou leurs crimes paraĂźt en 1820, elle a sa notice relevĂ©e ici par le Journal des dames et de la mode. SignĂ©e dâun certain M. Weiss, elle porte cette mention :
Mme Lepaute, douĂ©e de tous les avantages extĂ©rieurs, portoit dans la sociĂ©tĂ© cette politesse et cette fleur dâesprit, que semblent exclure les Ă©tudes profondesâŠ
Le numéro du 15 février 1898 du bi-mensuel La Femme (page 28) dresse un portrait de Nicole-Reine Lepaute en ajoutant :
Telle fut la vie pure et simple de celle que Clairaut appelait « la savante calculatrice ». Plus grande lorsquâelle partageait lâinternement de son mari dans une maison de santĂ© que lorsquâelle compulsait les tables astronomiques.
Et en concluant plus généralement :
« Lâexamen attentif des faits, des biographies. lâĂ©tude de la vĂ©ritĂ© historique devraient rassurer les esprits chagrins. La famille nâest pas en pĂ©ril parce que les filles sâadonnent aux mĂȘmes Ă©tudes que les garçons et osent aspirer Ă des carriĂšres libĂ©rales et scientifiques. » Le revenu quâune jeune fille peut se procurer courageusement, dignement par son travail, Ă lâaide des diplĂŽmes quâelle a remportĂ©s dans les concours par son Ă©nergie, sont un appoint pour couvrir les dĂ©penses dâun mĂ©nage futur et assurer lâĂ©ducation libĂ©rale des enfants Ă venir, qui facilite lâĂ©tablissement des jeunes Ă©poux. Un diplĂŽme, câest une dot dont la fiancĂ©e qui lâapporte dans une corbeille de mariage peut ĂȘtre justement fiĂšre, et, loin dâĂȘtre un obstacle Ă fonder une famille, câest une valeur qui favorise le mariage.
Les outils des astronomes au XVIIIe siĂšcle
Il nâest pas possible de savoir ce que Nicole-Reine Lepaute utilisait pour ses calculs. Il est en revanche envisageable de dresser une liste des outils dont les astronomes disposaient pour explorer lâespace et calculer les mouvements des astres.
Pour observer et cataloguer les astres, les astronomes du 18e siĂšcle disposaient des lunettes dâastronomie. La paternitĂ© de leur invention est souvent attribuĂ©e Ă GalilĂ©e qui a construit sa premiĂšre lunette en 1609. On trouve une premiĂšre description de ce type dâinstrument dĂ©jĂ en 1538 dans lâHomocentrica (texte-image en latin) de JĂ©rĂŽme Fracastor2. En 1608, lâopticien hollandais Hans Lippershey dĂ©pose un brevet pour des lunettes astronomiques qui lui sera refusĂ©, car :
il Ă©tait notoire que dĂ©jĂ diffĂ©rentes personnes avaient eu connaissance de lâinvention. Lâoptique par Fulgence Marion (texte-image) (source Gallica BnF).
On doit lâinvention du tĂ©lescope Ă Isaac Newton en 1668. Son idĂ©e Ă©tait dâajouter un miroir : il fallait pour augmenter la puissance des lunettes astronomiques (et autres longues-vues et jumelles dâailleurs) augmenter lâĂ©paisseur de la lentille en perdant en prĂ©cision. Lâajout dâun miroir concave donne une meilleure qualitĂ© dâimage et permet dâaugmenter la taille des tĂ©lescopes. Est-ce que Lalande ou Nicole-Reine Lepaute pouvaient disposer dâun tĂ©lescope ? Peut-ĂȘtre.
Concernant les outils de calcul : il ne fait aucun doute quâelle a pu et dĂ» utiliser les diffĂ©rentes tables existantes. Ă son Ă©poque, on utilisait divers abaques pour compter, par exemple un systĂšme de jetons, utilisĂ© notamment dans le commerce. Il est possible quâelle ait eu connaissance, en femme cultivĂ©e, de la Pascaline, voire, de la machine Ă calculer de Leibniz. Mais il est peu probable quâelle les ait utilisĂ©es, notamment parce que ces machines ont Ă©tĂ© peu diffusĂ©es. Elle a pu, en revanche, utiliser les bĂątons de Napier (francisĂ© en Neper). Et elle utilisait certainement la bonne vieille mĂ©thode du papier et du crayon ou plutĂŽt de la plume, ou « calcul indien » qui est celle que lâon apprend Ă lâĂ©cole actuellement. Cette mĂ©thode est arrivĂ©e en Europe au XIIe siĂšcle et a Ă©tĂ© adoptĂ©e par le monde scientifique assez rapidement mais pas dans les classes les moins instruites de la population.
Nicole-Reine Lepaute aurait pu aussi utiliser une rĂšgle Ă calcul, les premiĂšres ont Ă©tĂ© inventĂ©es au XVIIe siĂšcle, mais elles nâont vraiment commencĂ© Ă sâimplanter en France quâau XIXe siĂšcle.
Janine Connes, lâastronome
Aussi paradoxal que cela puisse ĂȘtre, il y a encore moins dâĂ©lĂ©ments biographiques concernant Janine Connes que pour Nicole-Reine Lepaute. Son obituaire ne comporte aucun Ă©lĂ©ment informatif autre que le strict minimum (nom et date). En revanche, on a la liste de ses publications et on peut mĂȘme accĂ©der Ă certaines.
De la spectroscopie infrarouge Ă transformĂ©e de Fourier au centre de calcul dâOrsay
Janine Connes naĂźt en 1934. Elle Ă©pouse lâastronome Pierre Connes avec qui elle mĂšnera diverses recherches. Elle meurt le 28 novembre 2024 Ă Orsay, presque centenaire (98 ans).
En 1954, son professeur, le physicien Pierre Jacquinot lui suggĂšre un sujet de thĂšse :
Il sâagissait de faire des TransformĂ©es de Fourier (TF) de 1 million de points.
Pierre Jacquinot faisait partie de mon jury cette annĂ©e-lĂ , et Ă lâissue du concours il mâavait proposĂ© de faire une thĂšse dans son Laboratoire AimĂ© Cotton (LAC) alors spĂ©cialisĂ© en spectroscopie atomique et dĂ©veloppements instrumentaux. Le sujet proposĂ© Ă©tait la spectroscopie par transformation de Fourier qui thĂ©oriquement devait battre en rĂ©solution et en Ă©tendue spectrale tous les records des rĂ©seaux et des interfĂ©romĂštres de Fabry-Perot. (Janine Connes, in De lâIBM 360/75 au superordinateur Jean Zay, chapitre 1).
La spectroscopie infrarouge Ă transformĂ©e de Fourier (IRTF ou FTIR en anglais) sur laquelle Janine Connes a basĂ© sa thĂšse est une mĂ©thode dâanalyse basĂ©e sur les ondes infrarouges :
Ces ondes vont de 12 800 cm-1 Ă 10 cm-1 et sont divisĂ©es en trois groupes: le proche infrarouge, le moyen infrarouge et lâinfrarouge lointain. La FTIR utilise quant Ă elle le moyen infrarouge qui sâĂ©tend de 4 000 cm-1 Ă 400 cm-1 (2,5 ”m Ă 25 ”m).
Quand une onde infrarouge est envoyĂ©e sur une molĂ©cule, cette derniĂšre absorbe une partie de lâonde qui correspond aux liaisons prĂ©sentes dans la molĂ©cule. Lâabsorption du rayonnement infrarouge ne peut avoir lieu que si la longueur dâonde correspond Ă lâĂ©nergie associĂ©e Ă un mode particulier de vibrations de la molĂ©cule. (Spectroscopie infrarouge Ă transformĂ©e de Fourier (FTIR), A. Bonneau, Association des ArchĂ©ologues du QuĂ©bec).
Comme on peut le voir, câest une technique utilisĂ©e dans des domaines trĂšs diffĂ©rents, incluant donc lâastronomie. Sa thĂšse en Ă©tablira les principes en astronomie. Actuellement la :
mĂ©thode de Fourier conserve toutefois quelques niches spĂ©cifiques, comme dans le domaine de lâinfrarouge lointain spatial ou pour la spectroscopie intĂ©grale de grands champs. La spectroscopie de Fourier en astronomie : de ses origines Ă nos jours, Jean-Pierre Maillard, 21 dĂ©cembre 2017 (Observatoire de Paris).
La page qui lui est consacrĂ©e (en) sur le site CWP (Century Women to Physics) de lâUCLA (UniversitĂ© de Californie Ă Los Angeles) indique que sa thĂšse, ainsi que ses publications suivantes, ont Ă©tĂ© dâune importance majeure et a posĂ© les bases de ce qui allait devenir un nouveau et important domaine de recherche qui rend les transformĂ©es de Fourier rapide et relativement courante :
Janine Connes's analysis of the technique of Fourier Transform Infrared Spectroscopy was of major significance and laid the foundations of what was to grow into a significant new field. Her thesis work and subsequent publications gave in-depth theoretical analysis of numerous practical details necessary for this experimental technique to work. All the more remarkable is that her work predates the age of digital computers, which now make fast Fourier Transforms relatively routine. Mary R. Masson
En 1960, elle Ă©crit avec le physicien H. P. Gush une Ătude du ciel nocturne dans le proche infra-rouge dans lequel les deux auteurs remercient notamment le ComitĂ© EuropĂ©en de Calcul Scientifique pour ses attributions dâheures de calcul Ă lâordinateur 704 I.B.M.
En 1961, elle publie une sĂ©rie de quatre articles, seule ou avec dâautres chercheurs : Ătudes spectroscopiques utilisant les transformations de Fourier. Pour le professeur Ian McLean, fondateur du laboratoire infrarouge de lâUCLA, ce sont des « travaux fondamentaux dâune importance extrĂȘme pour le domaine ». Le travail de Janine et de Pierre Conne sur les transformations de Fourier aura notamment permis Ă Lewis Kaplan de dĂ©terminer, en 1966, la composition de lâatmosphĂšre de Mars (en).
ParallĂšlement Ă cela, elle enseigne Ă la facultĂ© de Sciences de Caen. En 1963, elle sera invitĂ©e avec Pierre Connes Ă rejoindre le Jet Propulsion Laboratory de la NASA Ă Pasadena. De retour en France, elle commencera par intĂ©grer le laboratoire de Meudon au poste de directrice adjointe avant de se voir confier en 1969 la crĂ©ation et la direction du Centre Inter-RĂ©gional de Calcul Ălectronique (CIRCĂ) Ă Orsay.
En 1970, lâastronome Ruper Wildt la propose, avec son mari, Pierre Connes, et le physicien Robert Benjamin Leighton pour le prix Nobel de physique pour « leur dĂ©veloppement de la mĂ©thode de spectroscopie infrarouge Ă transformĂ©e de Fourier ». Le prix sera attribuĂ©, finalement, Ă Louis NĂ©el.
En 2022, elle Ă©crit avec la participation de Françoise Perriquet : De lâIBM 360/75 au superordinateur Jean Zay 50 ans dâinformatique au centre de calcul du CNRS dâOrsay.
Les ordinateurs de ses débuts et le centre Jean Zay
Ce sont lâIBM 704 et lâIBM 360/75 dont on va voir quelques caractĂ©ristiques techniques.
LâIBM 704 Ă©tait la plus grande machine du monde. Il avait fallu deux avions pour la transporter des Ătats-Unis Ă Orly. Son arrivĂ©e en France avait lâobjet dâune Ă©mission de la Radio TĂ©lĂ©vision française (RTF). Le prĂ©sentateur interrogeait la personne chargĂ©e de rĂ©ceptionner lâordinateur au titre de lâInstitut europĂ©en de calculs scientifiques, une fondation IBM, destinĂ©e Ă offrir aux scientifiques europĂ©ens (pas seulement français) la possibilitĂ© de procĂ©der Ă des calculs, jusque-lĂ peu envisageables.
Les mentions en italiques sont des citations tirĂ©es de lâĂ©mission.
LâIBM 704 pesait 21 tonnes. Celui reçu Ă Orly Ă©tait composĂ© de « 25 unitĂ©s diffĂ©rentes constituants chacun autant de petits meubles de dimension normale ». Ne sachant pas ce quâest un meuble aux « dimensions normales », on peut se donner une idĂ©e de la taille des Ă©lĂ©ments en se rĂ©fĂ©rant aux photos : environ la profondeur et la largeur de, disons, une armoire normande, mais en moins haut, quelque chose entre 1,10 m et 1,60 m selon les Ă©lĂ©ments.
Il fonctionnait avec des bandes magnétiques et pouvait :
- en physique, sâoccuper du dĂ©pouillement de donnĂ©es de mesure,
- faciliter lâexploitation de lâĂ©nergie atomique Ă des fins pacifiques,
- faire des calculs en chimie,
- faire des calculs dans tous les domaines de lâindustrie et de la science.
Dans lâĂ©mission de radio, le prĂ©sentateur demandait Ă la fin un exemple de traitement que pouvait faire lâIBM :
Neper a passĂ© plus de trente ans de sa vie Ă Ă©tablir les tables de logarithmes et lâordinateur 704 pourrait exĂ©cuter le mĂȘme travail en le transcrivant sur des bandes magnĂ©tiques en dix-sept secondes Ă peu prĂšs.
Sorti en 1954, câest le premier ordinateur commercialisĂ© Ă utiliser des commandes arithmĂ©tiques en virgule flottante entiĂšrement automatiques et ce grĂące Ă John Backus qui avait insistĂ© pour que ce soit configurĂ© au niveau du matĂ©riel.
LâIBM 360/75 qui Ă©quipait CIRCĂ faisait partie dâune gamme dâordinateurs interopĂ©rables et polyvalents IBM 360 dont le premier est sorti en 1966 (la numĂ©rotation des sĂ©ries dâordinateurs chez IBM est Ă©tonnante). Les IBM 360 seront commercialisĂ©s jusquâen 1978. Ce sont les premiers Ă avoir utilisĂ© le systĂšme Solid Logic Technology (SLT). LâIBM 360/30 Ă©tait le plus lent de la sĂ©rie ; il pouvait exĂ©cuter jusquâĂ 34 500 instructions par seconde avec une mĂ©moire allant de 8 Ă 64 ko. Le 360/75 est lâun des derniers de la sĂ©rie.
Ces ordinateurs Ă©taient Ă©videmment programmĂ©s en FORTRAN. Dâailleurs, le premier compilateur FORTRAN a Ă©tĂ© Ă©crit pour lâIBM 704.
Le centre Jean Zay, que lâon peut considĂ©rer comme lâun des successeurs de CIRCĂ a Ă©tĂ© inaugurĂ© en janvier 2020. Câest lâun des plus puissants centres de calcul dâEurope. Sa puissance est de 125,9 PĂ©taflop/s. Il a coĂ»tĂ© 40 MâŹ, coĂ»te en Ă©lectricitĂ© 3 Ă 4 M⏠par an et il requiert 93 tonnes dâĂ©quipement rĂ©parti sur 320 m2 (source MinistĂšre de lâenseignement et de la recherche). Il tourne sous Linux Ă©videmment, comme tous les supers calculateurs de sa gĂ©nĂ©ration.
Françoise Combes, lâastrophysicienne
Quelle diffĂ©rence y a-t-il entre les mĂ©tiers dâastronome et dâastrophysicien ? Ă cette question, wikidifference propose :
La diffĂ©rence entre astronome et astrophysicien est que « astronome » est celui ou celle qui sâoccupe dâastronomie tandis que « astrophysicien » est [un ou une] scientifique qui Ă©tudie lâastrophysique, lâĂ©tude de lâespace et des propriĂ©tĂ©s des objets de lâunivers.
Pas trĂšs convaincant, ni explicite. Les astronomes observent et cataloguent lâespace sur la base dâobservations quand, en astrophysique, on se base sur les lois de la physique pour observer lâunivers. En fait, Ă lâheure actuelle, les personnes qui, au dĂ©part, Ă©taient astronomes sont maintenant des astrophysiciennes : la connaissance a Ă©voluĂ©, les mĂ©thodes de recherche aussi ainsi que les outils. Mais, Ă©videmment, les astronomes sont, ont Ă©tĂ© des scientifiques, souvent diplĂŽmĂ©s en physique.
De la physique galactique Ă lâAcadĂ©mie des sciences
Françoise Combes naĂźt le 12 aoĂ»t 1952. En 1975, elle rĂ©ussit lâagrĂ©gation de physique ce qui lâamĂšnera Ă enseigner Ă lâĂcole normale supĂ©rieure (ENS) dont elle est issue. Elle soutient sa thĂšse dâĂtat Ă Paris VII en 1980, sujet de la thĂšse : les dynamiques et les structures des galaxies. En 1985, elle devient sous-directrice du laboratoire de physique Ă lâENS (Ulm). Et câest en 1989 quâelle devient astronome Ă lâObservatoire de Paris. Elle est, depuis 2014, titulaire de la chaire Galaxies et cosmologie au CollĂšge de France.
Pendant cette pĂ©riode, 1970 -1980, qui voit la naissance des premiĂšres simulations numĂ©riques des galaxies, elle a lâidĂ©e de les faire en trois dimensions au lieu des deux dimensions habituelles. Elle ainsi pu rĂ©soudre :
un mystĂšre jusquâalors inexpliquĂ©â: la formation dâun bulbe (sorte de renflement) dans les galaxies spirales. La clĂ© de lâĂ©nigme est la barre centrale, sorte de forme allongĂ©e centrale oĂč toutes les Ă©toiles se rassemblent. « Cette barre soulĂšve les Ă©toiles dans la direction perpendiculaire au plan, explique-t-elle. De ce fait, les Ă©toiles ne restent pas confinĂ©es dans un disque trĂšs mince mais prennent de lâaltitude, ce qui forme un bulbe. » Ses simulations ont aussi montrĂ© comment la mĂȘme barre prĂ©cipite le gaz vers le centre, ce qui a pour effet dâalimenter le trou noir central. MĂ©daille dâor, site CNRS.
Elle aura, entre-temps, Ă©tĂ© admise Ă lâAcadĂ©mie des sciences3, en 2004, une acadĂ©mie dont elle assure la vice-prĂ©sidence pour le mandat 2023-2024 et qui lâĂ©lit Ă la prĂ©sidence pour le mandat 2025-2026. Une Ă©lection qui devrait normalement ĂȘtre ratifiĂ©e par dĂ©cret par le prĂ©sident de la RĂ©publique. Ce sera la deuxiĂšme femme Ă la tĂȘte de cette vĂ©nĂ©rable institution (elle a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1666) oĂč elle succĂšde Ă Alain Fischer et trente ans aprĂšs la biochimiste Marianne Grunberg-Manago.
Des prix prestigieux et des publications
Françoise Combes a engrangĂ© les prix et les distinctions au cours de sa carriĂšre Ă commencer par le prix de Physique IBM quâelle obtient en 1986 et le prix Petit d'Ormoy de lâAcadĂ©mie des Sciences en 1993. En 2001, le CNRS lui dĂ©cerne une mĂ©daille dâargent.
En 2009, elle obtient le prix Tycho Brahe de la SociĂ©tĂ© europĂ©enne dâastronomie (EAS) dont câest la deuxiĂšme Ă©dition pour ses
travaux fondamentaux dans le domaine de la dynamique des galaxies, sur le milieu interstellaire dans les systĂšmes extragalactiques, sur les lignes dâabsorption molĂ©culaire dans le milieu intergalactique et sur la matiĂšre noire dans lâUnivers. » CommuniquĂ© de presse (en anglais) de lâEAS (pdf).
En 2017 la SociĂ©tĂ© Astronomique de France (SAF) lui dĂ©cerne son prix Jules-Janssen. En 2020, le CNRS lui dĂ©cerne une mĂ©daille dâor. LâannĂ©e suivante, elle obtient le prix international pour les femmes de sciences LâOrĂ©al-Unesco (en).
Elle est autrice ou co-autrice de plusieurs livres dont les plus récents :
-
Le Big bang, PUF 2024, collection Que sais-je ?, en version papier (10 âŹ) et numĂ©rique (PDF et EPUB)
-
Trous noirs et quasars, CNRS Ă©ditions 2021, collection Les grandes voix de la recherche, en papier (8 âŹ), numĂ©rique PDF et EPUB sans DRM (5,99 eâŹ) et audio (9,99 âŹ).
Par ailleurs, lâentretien quâelle a donnĂ© au CollĂšge de France en fĂ©vrier 2024 est aussi tĂ©lĂ©chargeable en PDF.
Sources, références et remerciements
Lâillustration de tĂȘte est la reproduction de la gravure originale des phases de lâĂ©clipse (je lâai redessinĂ©e avec Inkscape) et on peut la tĂ©lĂ©charger sur mon site de modĂšles ainsi dâailleurs que le CV de Nicole-Reine Lepaute ou sur OpenClipart.
LinuxFr.org ne rend peut-ĂȘtre pas plus intelligent, mais la rĂ©daction de dĂ©pĂȘches pour le site rend indĂ©niablement plus savant. Pour cette dĂ©pĂȘche et compenser une grande ignorance du sujet, jâai Ă©tĂ© amenĂ©e Ă lire, consulter, parcourir ou Ă©couter un certain nombre de documents en plus de ce qui est citĂ© dans le corps de la dĂ©pĂȘche. Ă vous de voir si vous avez envie de poursuivre lâexploration.
Nicole-Reine Lepaute
- Nicole-Reine Lepaute, la savante calculatrice, Myriam Detruy, lâarticle fait partie dâune sĂ©rie consacrĂ©e Ă Douze pionniĂšres de lâastronomie, Ciel & espace n°564, juin 2019, payant
-
Un couple dâastronomes : JĂ©rĂŽme Lalande et Reine Lepaute (texte-image de mauvaise qualitĂ©), Ălisabeth Badinter, SociĂ©tĂ© archĂ©ologique, scientifique et littĂ©raire de BĂ©ziers, 10e sĂ©rie, vol. 1, 2004-2005, p. 71-76
-
Astronomie des dames, Colette Le Lay, Dix-HuitiĂšme SiĂšcle AnnĂ©e 2004 36 pp. 303-312, on peut lire lâarticle en ligne, tĂ©lĂ©charger une version PDF balisĂ©e par page ou rĂ©cupĂ©rer le texte brut
-
Nicole-Reine Lepaute (1723-1788), Philippe Garcelon, pg-astro.fr [sd]
-
La carte de lâĂ©clipse solaire du 1er avril 1764 : une Ćuvre fĂ©minine, Ange Aniesa, 1er avril 2021, blog Gallic BnF
-
Perspectives historiques sur les abaques et bouliers, Dominique TournÚs, 24 juin 2016, mise à jour 1er décembre 2021, MathémaTice
Janine Connes
- Spectroscopie du ciel nocturne dans lâinfrarouge par transformation de Fourier. J. Connes, H.P. Gush, Journal de Physique et le Radium, 1959, 20 (11), pp.915-917. 10.1051/jphysrad:019590020011091500, jpa-00236163
-
Tous les articles de J. Connes sur HAL Science ouverte, Ă savoir : il y a un site academia.eu, mieux rĂ©fĂ©rencĂ©, qui les propose moyennant une inscription au site, mais cela vient de HAL qui ne demande pas dâinscription (donc pas de courriel) pour le tĂ©lĂ©chargement des fichiers.
-
Principes & applications de la spectro. de Fourier en astronomie : de ses origines à nos jours, Jean Pierre Maillard, 8 février 2019, conférence mensuelle de la Société astronomique de France (SAF)
- De lâIBM 360/75 au superordinateur Jean Zay 50 ans dâinformatique au centre de calcul du CNRS dâOrsay, EDP Sciences, il existe en version papier (39 âŹ), PDF et EPUB avec DRM LCP (26,99 âŹ), on peut le feuilleter aussi sur le site Cairn Info.
- RĂ©ception Ă lâaĂ©roport dâOrly de lâIBM 704 qui avait servi Ă Janine Connes pour ses calculs, podcast France Culture, rediffusion dâune Ă©mission de 1957.
- LâIBM 704
-
lâIBM 360 (es), Academia Lab (2024). SystĂšme IBM/360. EncyclopĂ©die. RĂ©visĂ© le 29 dĂ©cembre 2024.
Françoise Combes
Lâhistoire de lâastronomie
-
Les télescopes, Gilles Kremer, Sylvie Voisin, 30 mars 2018
- Histoire et patrimoine de lâObservatoire de Paris
-
Une histoire de lâastronomie, Jean-Pierre Verdet, Seuil 1990, il a fait lâobjet dâune publication au format EPUB avec DRM LCP (9,99 âŹ) EAN : 9782021287929, mais on peut le trouver dâoccasion assez facilement. Il est dotĂ© dâune bonne bibliographie et est plutĂŽt passionnant.
Remerciements
Un trĂšs grand merci Ă vmagnin pour ses informations et ses prĂ©cisions, mĂȘme si je nâai pas tout utilisĂ©. Mais ce nâest pas perdu, un prochain portrait probablement (voire, sĂ»rement).
Merci aussi Ă Enzo Bricolo pour mâavoir signalĂ© lâĂ©lection de Françoise Combes Ă la prĂ©sidence de lâAcadĂ©mie des sciences, sans ça je lâaurais ratĂ©e et ce serait dommage.
Ainsi se clĂŽt cette sĂ©rie sur les femmes et la conquĂȘte de lâespace ainsi que lâannĂ©e 2024. Et câest mon cadeau de nouvelle annĂ©e.
-
La Connaissance du temps, qui se targue dâĂȘtre la plus ancienne publication dâĂ©phĂ©mĂ©rides toujours publiĂ©e est actuellement gĂ©rĂ©e et publiĂ©e par lâIMCCE - Observatoire de Paris, la version 2025 vient de paraĂźtre et est tĂ©lĂ©chargeable en PDF. Elle est accompagnĂ©e dâun logiciel de calcul dâĂ©phĂ©mĂ©rides dĂ©veloppĂ© pour Windows, Mac et Linux. â©
-
Source : Les lunettes astronomiquesk, 29 mars 2018, Sylvie Voisin et Gilles Kremer, Le Blog >Gallica. â©
-
Une acadĂ©mie qui sâengage en faveur de libre accĂšs et dont les comptes rendus sont publiĂ©s depuis 2020 sous licence Creative commons CC BY â SA. â©