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Les « 211 milliards » : autopsie de la fabrique de l’opinion

« 211 milliards d’euros : c’est le montant des aides publiques versées aux entreprises en 2023, selon une commission d’enquête du Sénat. C’est plus de 2 fois le budget de l’Éducation nationale ! » annonce Complément d’Enquête sur X à propos de son émission de ce jeudi soir. Un teasing qui en dit long sur la manière dont ce chiffre, pourtant à prendre avec des pincettes, a vampirisé le débat public. Jusqu’à masquer l’essentiel.

Placardé sur fond noir à la Une de L’Humanité, repris en chœur par la presse, martelé sur les plateaux télé, ce chiffre s’est imposé dans l’opinion. Peu importe qu’il agrège des réalités hétérogènes ou qu’il soit assorti de multiples précautions méthodologiques, il est devenu parole d’évangile médiatique. Alors, « versées », vraiment ces  211 milliards ?

Du rapport au slogan

À l’origine, il y a une commission d’enquête sénatoriale, créée en janvier 2025 à l’initiative du groupe communiste dans le cadre de son droit de tirage. Présidée par Olivier Rietmann (LR), avec Fabien Gay (Parti Communiste) pour rapporteur, elle s’ouvrait en promettant d’éclairer « le Sénat comme l’opinion publique sur un enjeu majeur : celui de l’efficacité de l’argent public ». Après 87 heures d’auditions, dont une bonne part consacrées à interroger 33 PDG et directeurs généraux de grandes entreprises — Michelin, Total, LVMH, Google France et bien d’autres — et plusieurs mois de travaux, la commission a abouti à deux chiffres : environ 108 milliards d’euros d’aides au sens strict et 211 milliards d’euros au sens large.

Au-delà des montants, le rapport a révélé un maquis administratif d’une complexité telle que même l’État n’en maîtrise pas les contours. Économistes et hauts fonctionnaires ont décrit un empilement de dispositifs hétérogènes, sans tableau de bord global. Un constat jugé « irréel » par le président de la commission, Olivier Rietmann : la créature a fini par échapper à son créateur.

À l’aide : perdu dans le maquis

J’approfondis

De ce brouillard a émergé le fameux « 211 milliards ». Sous l’impulsion de Fabien Gay qui le présente comme « le premier poste de dépenses de l’Ėtat », il a retenu l’attention des médias. « Les entreprises gavées aux aides publiques » (Médiapart). « Des sommes faramineuses versées sans contrepartie » (L’Humanité). « Les sénateurs lèvent le voile sur le pactole des aides aux entreprises » (Challenges). Le rapport, pourtant nuancé, est devenu un unique chiffre choc, parfait pour alimenter la fabrique de l’indignation. Et ceux qui tentent de le contester sont accusés de remettre en cause le travail du Sénat. Suprême habileté : l’onction de la Haute Assemblée confère au chiffre une légitimité médiatique renforcée.

Vraies et fausses aides

La distinction entre les deux périmètres est pourtant essentielle. Les 108 milliards d’euros du plus restreint correspondent à de véritables transferts financiers : subventions budgétaires, dispositifs sectoriels ou encore crédits d’impôt comme le CIR, qui représentait 7,4 milliards d’euros en 2022, répartis entre 25 000 entreprises (38 % pour les grandes, 27 % pour les ETI, 28 % pour les PME et 6 % pour les microentreprises). 

Les 211 milliards du plus large intègrent en revanche des mécanismes différents : 77 milliards d’exonérations de cotisations sociales en 2024, des régimes de TVA réduite ou d’amortissements accélérés, ainsi que des prêts et garanties qui ne coûtent à l’État qu’en cas de défaut. Une large part du total correspond donc à des allègements pérennes de cotisations sociales, conçus comme des mesures structurelles de compétitivité, et non à des aides versées.

Publié le 17 juillet 2025, soit deux semaines après le rapport sénatorial, le rapport du Haut-commissariat à la stratégie et au plan (HCSP) n’a pas eu le même écho. Il confirme pourtant l’existence de périmètres très différents : 45 milliards d’aides d’État au sens européen en 2022, 112 milliards en incluant subventions, dépenses fiscales et aides financières, et plus de 200 milliards si l’on ajoute exonérations sociales, aides locales, européennes et dispositifs fiscaux « déclassés ».

Les paradoxes du rapporteur

On l’a vu, ce chiffre devenu viral doit beaucoup à son porte-voix privilégié : Fabien Gay, rapporteur de la commission, mais aussi directeur de L’Humanité. Une sorte de juge et partie. Rapporteur d’un texte qui alimente ensuite les gros titres en une de son propre journal… Surtout que le rapport rappelle que les aides à la presse représentent environ 205 millions d’euros directement en 2023, auxquelles s’ajoutent d’autres dispositifs (par exemple le transport postal), portant le total à près de 300 millions. Pour L’Humanité seule, cela correspond à 6,6 millions d’euros, soit près de 36 % de son chiffre d’affaires et environ 0,70 € par exemplaire vendu. Ironie : l’un des secteurs les plus subventionnés en proportion de son activité a donc occupé une place centrale dans la dénonciation des « aides sans contrepartie  . Plus ironique encore : son rapporteur a réduit le travail nuancé et approfondi de toute une commission à un chiffre-épouvantail, taillé pour servir son seul agenda idéologique, médiatique et politique.

Tapis rouge

Le dernier acte de la pièce se joue à la télévision, et c’est l’inévitable Complément d’Enquête qui s’y colle ce soir. La bande-annonce donne le ton : musique sombre, tours de verre filmés à contre-jour, salariés en colère, caméra cachée, témoin anonyme, voix off martelant « 211 milliards, c’est plus que le déficit de l’État ». Tout l’arsenal anxiogène est mobilisé, frôlant la mise en scène complotiste. Le chiffre, arraché à son contexte, devient preuve à charge contre ces « Multinationales : les (vraies) assistées de la République ». Coupables, forcément coupables.

Un parallèle s’impose avec la communication autour de la taxe Zucman. Là encore, tout part d’un calcul à la méthodologie contestée, visant cette fois les « ultra-riches » accusés d’échapper à l’impôt. Comme pour les 211 milliards d’aides aux entreprises, un débat technique se transforme en évidence morale, sans passer par la case de la rigoureuse analyse politique. D’un côté « taxer les riches », de l’autre « couper les aides aux multinationales ». Dans les deux cas, le service public déroule le tapis rouge à ces thèses (3 passages de Gabriel Zucman à la radio et la télévision publique  — dont le 20 heures de France 2 — entre le 10 et le 15 septembre) et évacue la complexité économique au profit d’un récit binaire dénonçant les profiteurs contre la France qui souffre. Une grille de lecture simpliste qui alimente les populismes.

Complément d’influence

J’approfondis

Le chiffre qui n(p)ourrit le débat

Dans les deux cas, le barnum médiatique passe à côté de l’éléphant dans la pièce.

D’abord, les aides ne sont qu’une partie du système. En France, les prélèvements sur les entreprises — impôts, cotisations, charges — comptent parmi les plus élevés d’Europe. Même en tenant compte des aides directes, le solde net reste défavorable. Les entreprises françaises supportent un poids fiscal et social supérieur à la moyenne européenne. Autrement dit, l’État taxe d’une main et tente de corriger les effets de l’autre à travers ces fameuses aides. Dans ces conditions, multiplier les contreparties et les conditions d’attribution relève de la politique de Gribouille. Le débat sur les aides ne peut être dissocié de celui sur la fiscalité des entreprises et de la simplification de l’édifice.

Ensuite, reste la question de la contribution des plus riches à la justice fiscale, notamment sur les plus-values latentes. Mais elle mérite d’être posée clairement, sans martyriser les chiffres pour mobiliser l’opinion et dresser les uns contre les autres, au risque de décourager l’investissement et l’innovation, et d’aggraver le mal.

Dans tous les cas, comme l’a montré la polémique autour des ZFE et du chiffre des « 48 000 morts » — brandi jusqu’au président de la République pour justifier la création de ces zones, alors que la part des moteurs thermiques dans les émissions censées en être responsables n’est en réalité que de… 5 % — aucun débat serein et productif ne peut avoir lieu sur des bases biaisées. Et quand l’opinion, intoxiquée, finit par s’en rendre compte, le réveil peut être brutal.

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Le prix Albert Londres sera remis à Beyrouth le 25 octobre ; deux journalistes du « Monde » en lice

La capitale du Liban devait déjà accueillir les délibérations du prix l’an dernier, mais les bombardements israéliens avaient poussé le jury à rapatrier ses travaux à Paris. Eliott Brachet et Olivier Pérou, journalistes au « Monde », sont finalistes respectivement pour le prix de la presse écrite et du livre.

© JOEL SAGET/AFP

Le journaliste français Olivier Pérou, à Paris le 6 mai 2025.
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En Libye, la Turquie exerce une influence croissante

Après avoir joué le protecteur de la Tripolitaine, Ankara s’ouvre vers l’autorité parallèle de la Cyrénaïque du maréchal Haftar dans l’espoir d’asseoir ses ambitions maritimes en Méditerranée orientale.

© HANDOUT / AFP

Le premier ministre du gouvernement d’union nationale (GNU) libyen basé à Tripoli, Abdulhamid Dbeibah (à gauche), en compagnie du président turc, Recep Tayyip Erdogan, à Istanbul, le 1er août 2025.
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L’Arabie saoudite et le Pakistan signent un accord de « défense mutuelle », une semaine après la frappe israélienne contre le Hamas au Qatar

L’accord entre Riyad et Islamabad stipule que « toute agression contre l’un des deux pays sera considérée comme une agression contre les deux ».

© Saudi Press Agency / via REUTERS

Le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman, et le premier ministre pakistanais, Shehbaz Sharif, s’étreignent le jour de la signature d’un accord de défense, à Riyad, en Arabie saoudite, le 17 septembre 2025.
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Fusillade meurtrière en Pennsylvanie : trois policiers tués, deux grièvement blessés par un tireur

Trois agents des forces de l’ordre ont perdu la vie et deux autres ont été grièvement blessés mercredi à Codorus, en Pennsylvanie.

© Paul Kuehnel/York Daily Record / REUTERS

Un policier est chargé dans un hélicoptère après une fusillade en Pennsylvanie, le 17 septembre 2025.
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GNOME 49 'Brescia' Desktop Environment Released

prisoninmate shares a report from 9to5Linux: The GNOME Project released today GNOME 49 "Brescia" as the latest stable version of this widely used desktop environment for GNU/Linux distributions, a major release that introduces exciting new features. Highlights of GNOME 49 include a new "Do Not Disturb" toggle in Quick Settings, a dedicated Accessibility menu in the login screen, support for handling unknown power profiles in the Quick Settings menu, support for YUV422 and YUV444 (HDR) color spaces, support for passive screen casts, and support for async keyboard map settings. GNOME 49 also introduces support for media controls, restart and shutdown actions on the lock screen, support for dynamic users for greeter sessions in the GNOME Display Manager (GDM), and support for per-monitor brightness sliders in Quick Settings on multi-monitor setups. For a full list of changes, check out the release notes.

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Chimps Drinking a Lager a Day in Ripe Fruit, Study Finds

Wild chimpanzees have been found to consume the equivalent of a bottle of lager's alcohol a day from eating ripened fruit, scientists say. BBC: They say this is evidence humans may have got our taste for alcohol from common primate ancestors who relied on fermented fruit -- a source of sugar and alcohol -- for food. "Human attraction to alcohol probably arose from this dietary heritage of our common ancestor with chimpanzees," said study researcher Aleksey Maro of the University of California, Berkeley. Chimps, like many other animals, have been spotted feeding on ripe fruit lying on the forest floor, but this is the first study to make clear how much alcohol they might be consuming. The research team measured the amount of ethanol, or pure alcohol, in fruits such as figs and plums eaten in large quantities by wild chimps in Cote d'Ivoire and Uganda. Based on the amount of fruit they normally eat, the chimps were ingesting around 14 grams of ethanol -- equivalent to nearly two UK units, or roughly one 330ml bottle of lager. The fruits most commonly eaten were those highest in alcohol content.

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[$] LWN.net Weekly Edition for September 18, 2025

✇LWN
Par :corbet
Inside this week's LWN.net Weekly Edition:

  • Front: Fighting human trafficking; End of 10; Link tags; Healthy subsystem communities; New kernel tools; Rust and Carbon; Typst.
  • Briefs: Brief news items from throughout the community.
  • Announcements: Newsletters, conferences, security updates, patches, and more.
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J'suis en train de lire un article d'un journal d'investigation... C'est quelque chose, j'vous jure. Un scandale qui va ébranler toute l'industrie.

Tristan K. @tristankamin.bsky.social posted:
J'suis en train de lire un article d'un journal d'investigation... C'est quelque chose, j'vous jure. Un scandale qui va ébranler toute l'industrie.

De la radioactivité détectée aux alentours d'un gisement d'uranium !

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