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DPE : le logement déclassé ?

En 2 ans, les offres de location ont baissé de 25%. Au point que la question se pose : le DPE (diagnostic de performance énergétique) est-il en train de créer une pénurie de logements ? La Cour des comptes met les pieds dans le plat, et dénonce un système défaillant, corrompu et appliqué sans discernement. Hélas, la solution qu’elle préconise pour y remédier pourrait être pire que le mal.

L’affaire est connue depuis le rapport du Conseil d’Analyse Économique de janvier 2024 : le DPE, ce diagnostic censé évaluer la performance énergétique de nos logements, est très éloigné de leur réalité. Un logement classé G consomme deux fois plus qu’un A, pas sept fois comme le modèle le prévoit.

Revu en Juillet dernier pour éviter les aberrations de classification des petites surfaces, il reste très perfectible. Notamment pour les maisons individuelles : en pratique, les moins bien classées ne consomment que 27 % de plus que les meilleures du parc.

Un an plus tôt, Hello Watt, cabinet spécialisé dans la transition énergétique des logements, remettait déjà en cause sa fiabilité en révélant que 7 diagnostics sur 10 étaient erronés. Et la cour des comptes pointe un autre problème connu : la discontinuité des mesures, qui montre qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du diagnostic. Comme aucune limite n’est fixée, certains vendeurs malins multiplient les évaluations « jusqu’à obtenir un DPE satisfaisant », voire de complaisance.

Pourtant, en 2021, le gouvernement Castex lui donne un poids considérable. Influencé par les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, il l’adosse à une interdiction de louer les biens considérés comme plus énergivores. Depuis le 1er janvier, les logements classés G sont interdits à la location. En 2028, ce sera au tour des logements classés F. Problème, tout ceci a été mis en place sans réaliser d’étude d’impact, ni mesurer les conséquences de cette décision. 

Et celles-ci sont considérables. 

L’étiquette de performance énergétique a un impact avéré sur la valeur des biens. SeLoger estime à 452 €/m² la décote moyenne d’une “passoire énergétique”. Oui, 45 200 € pour un bien de 100 m². Mais cette baisse ne se répercute pas sur le prix des loyers, en hausse continue depuis 2021. Pour une raison simple : l’offre s’effondre, alors que la demande est constante. La Cour des comptes cite une autre étude de SeLoger, qui note que le stock de biens à louer a chuté de 22 % pour les logements classés A à D entre mi-2021 et mi-2023, et de 33 % pour les logements F et G. 

Mais les derniers chiffres du site sont encore plus inquiétants.

Tout cela alors que l’ensemble de la politique de rénovation thermique est dans la tourmente. Suspendu par le gouvernement, le dispositif MaPrimeRénov’ entraînerait des fraudes massives, révélées par Le Point. Pour un résultat pour le moins incertain. L’Allemagne, qui a dépensé 340 milliards d’euros dans la rénovation énergétique des bâtiments, n’a pas vu la consommation énergétique du secteur diminuer. La faille de cette politique ? Négliger le comportement des ménages, davantage guidés par leur budget que par leur confort. Pour le respecter, ils ne se chauffent pas beaucoup plus dans un logement moins bien isolé. Malgré tous ces écueils, la Cour des comptes ne semble pas prête à revoir en profondeur le système, mais au contraire à l’alourdir : géolocalisation des diagnostiqueurs, formation renforcée, création d’un Ordre des inspecteurs DPE…

Il existe pourtant une voie qui a fait ses preuves. Entre 1990 et 2020, les émissions de CO2 liées au chauffage ont baissé de 72 % en Finlande, de 83 % en Norvège et de 95 % en Suède ! Grâce à une même stratégie : l’instauration d’une taxe carbone, pénalisant notamment le chauffage au fioul, au moment du développement des pompes à chaleur (PAC).

Une voie que le DPE pénalise : 1 kWh de consommation électrique est comptabilisé comme 2,3 kWh de gaz ! Concrètement, pour prétendre au même classement énergétique, un logement équipé d’un chauffage électrique doit consommer 2,3 fois moins que son homologue au gaz ou au fioul.

En l’état, le dispositif DPE favorise donc les énergies fossiles émettrices de CO2 par rapport à l’électricité, dont la production est très décarbonée en France. Pire, notre pays a une sorte de taxe carbone inversée : l’électricité est plus taxée que le gaz !
Une aberration, alors que la France tente de sortir de sa dépendance au gaz russe (encore 15% des importations) ou algérien (8%). Mais soutenue par de nombreux lobbyistes antinucléaires. Encore récemment, fin 2023, un rapport d’évaluation de la politique de rénovation thermique des bâtiments s’inquiétait que “l’accent mis sur la décarbonation [rende] la France encore plus dépendante de l’électricité”. 

Inefficacité, biais idéologiques, pénurie de logements… ces problèmes n’ont aucune chance d’être résolus par l’Ordre des Diagnostiqueurs prôné par la Cour des comptes. L’expérience européenne montre que, bien fléché, le signal prix pousse naturellement les consommateurs à investir efficacement, sans réduire le nombre de logements disponibles. Mais pour le voir, il faut faire confiance à l’esprit d’initiative des citoyens, plus qu’à la bureaucratie.

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Et si importer des panneaux solaires bon marché était bon pour l’emploi local ?

En vingt ans, le coût des panneaux solaires s’est effondré, passant de 5,4 à 0,3 dollar par watt, soit une division par dix-huit. Des cellules photovoltaïques à bas coût, principalement importées de Chine, inondent le marché, au point d’éliminer la plupart des fabricants européens, notamment français. Ceux qui subsistent, comme Voltec Solar, achètent leurs cellules en Asie.

Prix des panneaux solaires
Source : Our world in data

À première vue, importer des panneaux solaires bon marché semble nuire à l’emploi local. Un emploi industriel qui pourrait être occupé par un Européen est délocalisé vers un travailleur chinois. Cependant, comme le souligne la scientifique des données Hannah Ritchie, cette vision est trop restrictive. Elle se focalise sur les emplois manufacturiers, sans prendre en compte ceux liés au déploiement, à l’installation ou à l’exploitation des panneaux, qui représentent les trois quarts des emplois générés par le secteur solaire en Europe.

Augmenter le prix des cellules par des mesures protectionnistes entraînerait inévitablement une baisse des achats, et donc une réduction des emplois dans les secteurs les plus pourvoyeurs d’emplois. Une autre approche, consistant à subventionner la production européenne, pourrait concilier prix bas et production locale. Cependant, cette stratégie a ses limites : les fonds alloués au solaire manquent alors à d’autres secteurs, comme la justice, la santé ou l’éducation.

Ce qui importe avant tout, c’est la création de richesse, l’amélioration des revenus et l’accès à des infrastructures de qualité. L’emploi pour l’emploi n’a pas de valeur en soi. Faire travailler plus de Français avec des fonds publics, sans gain d’efficacité, n’est pas un progrès. Une stratégie de subventions n’est viable que si elle s’accompagne d’exportations, comme le fait la Chine, qui a doublé ses emplois dans le secteur grâce à sa domination mondiale. Or, le vieux continent ne bénéficie pas de cette dynamique.

Pour se démarquer, l’Europe, et la France en particulier, doit miser sur l’innovation. Deux grands projets, Carbon et Holosolis, font ce pari. Leur succès pourrait créer des emplois industriels tout en proposant des produits plus performants, à l’empreinte carbone réduite. Deux initiatives à suivre de près…

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Le jour des Électrons Libres

Nous y sommes.

Les électrons sont lâchés et vont tourner autour du noyau du futur pour mener avec vous, sur les réseaux sociaux et sur notre site, la bataille du progrès et de la rationalité. 

Parce que l’intelligence artificielle s’impose comme la plus grande révolution anthropologique et informationnelle que l’humanité ait connue, nous devons accompagner les incroyables promesses qu’elle recèle, mais aussi analyser ses potentielles dérives. 

Parce que notre monde ne cesse de proposer de nouvelles avancées économiques, écologiques, technologiques, industrielles, médicales, astronomiques, intellectuelles et que nos biais de négativité les occultent trop souvent, nous devons promouvoir ce qui se construit, loin des polémiques. Raison pour laquelle, en ce premier jour, nous braquons nos projecteurs sur les drones de Zipline, qui sauvent des milliers de vies en Afrique, en livrant sang, vaccins et médicaments dans des villages isolés. Un véritable changement de paradigme. 

Parce que la liberté est essentielle à l’épanouissement de la créativité humaine, nous devons, à la lumière des leçons de l’histoire, promouvoir ce qui la favorise et combattre ce qui l’étouffe. Cruelle ironie du destin, notre lancement coïncide avec le centenaire de la naissance de Pol Pot, qui, sous couvert d’égalité, a écrasé cet immense potentiel, réduisant chaque être humain à un automate asservi. Nous y revenons en ce premier jour.

Comment ça marche ?

L’actualité se forge sur les réseaux sociaux : nous y diffuserons intégralement tous nos contenus gratuits. Sur notre site, ils seront prolongés par des encarts réservés à nos abonnés désireux d’analyser les sujets en profondeur. Tous nos articles sont accessibles, mais à des niveaux de détail différents.

Passée cette première semaine un peu particulière, nous proposerons un contenu quotidien : deux articles de fond, le mercredi et le samedi ; les autres jours, des brèves qui vont droit au but, ou des graphiques éclairants. Mais aussi des vidéos pédago-ludiques créées à l’aide de l’IA, des tests et des jeux autour des thèmes que nous abordons. La quête du savoir peut se faire dans la joie et le divertissement ! 

Parce que nous espérons embrasser passionnément l’avenir, nous avons concocté une charte rétro-futuriste qui puise dans notre culture de l’action et de la liberté, pour retrouver une fraîcheur trop longtemps étouffée par la facilité catastrophiste.

Régulièrement, des émissions et des débats nous permettront d’aborder chaque sujet avec nos meilleurs spécialistes et d’échanger avec vous.

Les réseaux ne figurent pas seulement le champ de bataille où se commente l’actualité, ils sont aussi le lieu où se construisent des communautés. Nous l’avons tous découvert avec bonheur, puisqu’ils ont largement contribué à nous rassembler. Raison pour laquelle nous voulons en créer une nouvelle qui sourit à l’avenir et rejette le venin distillé par les marchands de peur. Une communauté qui se retrousse les manches pour rendre demain possible, malgré les immenses défis auxquels l’être humain est confronté. Une communauté alimentée par les mots de notre formidable équipe, composée de chercheurs, d’ingénieurs, de médecins, d’économistes, de spécialistes de l’écologie et du développement durable, de développeurs, de juristes, de journalistes et d’acteurs de la French Tech. Pour consolider ces liens, nous vous invitons à nous rejoindre lors d’événements réguliers : un cocktail Électron, des webinaires périodiques et la participation aux Mélior du progrès, trophées célébrant les initiatives les plus remarquables au service de l’humanité.

Alors, rejoignez notre communauté, rejoignez-nous.

Antoine Copra, directeur de la rédaction,
Benjamin Sire, rédacteur en chef,
Philippe Bourcier, coordinateur IA,
Frédéric Halbran, coordinateur développement.

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Les super-pouvoirs des NGT

On dit qu’ils vont révolutionner l’agriculture. Au point que 1000 scientifiques, dont 35 Nobel, ont supplié le parlement de les autoriser. Mais c’est quoi, ces fameux NGT ? Et quels sont leurs super-pouvoirs ?

Le principe des OGM classiques ? Transférer un gène d’un organisme vers un autre, d’où leur nom, « transgéniques ». Par exemple, le maïs BT a reçu d’une bactérie naturellement présente dans le sol la capacité de produire son propre insecticide.

Les NGT, eux, utilisent la technique qui valut à Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna le prix Nobel de chimie, les « ciseaux moléculaires » CRISPR-Cas9, qui permettent de modifier précisément la génétique d’une plante sans introduire de gènes extérieurs. Ce sont donc bien des Organismes Génétiquement Modifiés, dans le sens où l’homme est intervenu, mais pas transgéniques. Ils pourraient apparaître spontanément dans la nature, avec une probabilité plus ou moins importante, par mutation ou par croisements successifs.

Emmanuelle Charpentier, « Électron Libre »

J’approfondis

Pour comparer aux anciennes techniques de sélection, imaginons 3 dés. Il y a deux façons d’obtenir un triple 6 : les lancer et laisser faire le hasard, ou les poser directement sur la bonne face. On gagne beaucoup de temps, mais il faut que ce soit autorisé par les règles du jeu.

Car les fruits et les légumes que nous consommons ont tous été lentement modifiés génétiquement. Ils sont à des années-lumières de leur état d’origine naturel. Chaque grain de maïs, par exemple, était piégé à l’intérieur d’une coque non comestible aussi résistante qu’une coquille de noix et les épis étaient beaucoup plus petits. Aujourd’hui, les grains sont nus et restent longtemps sur l’épi. Dans la nature, ces caractéristiques les rendraient plus vulnérables aux oiseaux qui se nourrissent des graines. Pour notre alimentation, c’est au contraire une avancée majeure.

Les choux actuels, brocoli, kale, vert ou de Bruxelles sont tous issus d’une même plante, sur laquelle il n’y avait pas grand-chose à manger. On pourrait lister tous les légumes présents dans notre assiette : aucun n’existerait sous cette forme sans des siècles d’intervention humaine.

Pour créer un NGT, il faut avoir étudié précisément les caractéristiques d’une plante et identifier le gène intéressant. On peut alors aller plus loin et plus vite que la sélection classique, et de manière très précise. Pour agir sur 3 points essentiels : diminuer les besoins d’engrais et de pesticides, améliorer la qualité de notre alimentation et adapter les cultures au changement climatique.

Les premières applications existent et sont déjà commercialisées à travers le monde. Elles se concentrent sur la qualité nutritionnelle des aliments, comme une tomate enrichie en antioxydants ou un soja au profil d’huile plus favorable. Les possibilités semblent infinies. Des plantes que l’homme a cessé de cultiver pourraient même réapparaître sur nos étals.

Diminuer les pesticides

Pour les cultures les plus courantes, comme le blé, les chercheurs s’efforcent d’améliorer ou de préserver les rendements tout en réduisant l’usage d’engrais et de pesticides. Cet enjeu est crucial : avec une population mondiale croissante, augmenter la productivité par hectare est essentiel pour éviter d’empiéter sur les terres préservées pour la nature. Actuellement, la déforestation est responsable de 50 % de la perte de biodiversité, bien plus que le réchauffement climatique (6 %).

Les plus grandes menaces
pour la biodiversité

Source : Living Planet Report

Des chercheurs ont ainsi trouvé un moyen de réduire la quantité d’engrais azotés nécessaires à la culture des céréales. D’autres sont sur la bonne voie pour remplacer les pesticides. Des céréales résistantes à un virus de type « Jaunisse », transmis par les insectes, ont notamment été développées. Jusqu’en 2018, les néonicotinoïdes étaient un moyen de lutte efficace. Depuis leur interdiction, les agriculteurs doivent appliquer plusieurs insecticides. Obtenir des variétés tolérantes aux virus serait un moyen efficace de limiter leur utilisation.

D’autres NGT permettent de se passer de fongicides, ces pesticides qui empêchent le développement de champignons. Comme le blé immunisé contre l’oïdium, qui a été approuvé le 5 mai 2024 par les autorités chinoises.

Quel bilan pour les OGM ?

J’approfondis

Améliorer notre alimentation

Les NGT peuvent aussi nous aider à mieux nous nourrir, pour un meilleur prix, en alliant rendement et qualité nutritionnelle. Une farine blanche contenant 3 fois plus de fibres, autant qu’une farine complète, a été développée aux États-Unis. Le manque de fibres dans notre alimentation est vu comme une des causes de cancer liées à notre mode de vie. En Angleterre, des essais portent sur des blés moins riches en Acrylamide, un composant qui s’avère cancérigène en cas de surcuisson. 

S’adapter au changement climatique

Un des principaux axes de développement est évidemment l’adaptation des cultures au réchauffement climatique. Éviter les pénuries ou les trop grandes augmentations de prix en cas de mauvaises récoltes est un des enjeux majeurs des prochaines décennies. Des plants de blé aux racines plus longues ont par exemple été conçus pour être plus résistants à la sécheresse. De nouvelles conditions qui amènent parfois les agriculteurs à privilégier des variétés moins productives, plus chères et consommatrices de terres. L’édition génomique permet de concilier les deux. Et de se protéger des aléas.

En Europe, un assouplissement encore fragile ?

Le Parlement européen a voté pour assouplir les règles sur les plantes créées avec les Nouvelles Techniques Génomiques. Malheureusement, certains amendements risquent de freiner leur adoption.

Les NGT ne pourront pas être utilisées en agriculture biologique, alors qu’elles pourraient réduire le recours aux pesticides. C’est d’autant plus surprenant que l’agriculture bio utilise depuis longtemps des variétés issues de la mutagenèse aléatoire (provoquée par des radiations ou des produits chimiques). Les variétés modernes d’orge de printemps, de tournesols oléiques ou même le pamplemousse rose sont issus de cette technique, qui a prouvé ses avantages pour l’environnement et les consommateurs.

La législation distingue deux types de NGT : les NGT1, qui subissent des modifications génétiques mineures, similaires à la sélection conventionnelle, et sont exemptées des règles les plus strictes, et les NGT2, issus de modifications plus complexes. Ces derniers devront être identifiés par un étiquetage spécifique. Une mesure qui pourrait être exploitée par les « marchands de peur », qui préfèrent l’émotion au consensus scientifique. Alliée aux exigences spécifiques de surveillance et de traçabilité, cette obligation pourrait pénaliser les petites entreprises qui veulent les développer ou les utiliser.

Limiter le potentiel des NGT, c’est augmenter le coût de l’alimentation pour les Européens, réduire la compétitivité des agriculteurs, renoncer à des solutions écologiques et fragiliser notre sécurité alimentaire. Un progrès a été fait. Espérons que certains détails et l’instrumentalisation des peurs par certains activistes ne ruinent pas les immenses bénéfices attendus.

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