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Diabète de type 1 : Révolution en vue ?

Un traitement expérimental à base de cellules souches à même de permettre aux patients diabétiques de type 1 de se passer d’injections d’insuline ? C’est la promesse du Zimislecel. Mais prudence, néanmoins. Explications.

Des cellules souches pour guérir ?

C’est peut-être un tournant historique pour les millions de personnes vivant avec un diabète de type 1. Cette maladie auto-immune, en général diagnostiquée entre 5 et 20 ans, détruit les cellules du pancréas qui fabriquent l’insuline, l’hormone essentielle pour réguler le sucre dans le sang. 

Sans insuline, impossible de survivre : les patients doivent s’injecter ce médicament à vie, plusieurs fois par jour, et jongler en permanence entre risques d’hyperglycémie (trop de sucre) et d’hypoglycémie (pas assez); cette dernière pouvant avoir des effets immédiats à même de plonger sa victime dans le coma.

Mais pour la première fois, un traitement expérimental permettrait de s’affranchir des injections. Son nom : Zimislecel (Vertex Pharmaceuticals), un concentré d’innovation à base de cellules souches (de 0 .4 x 10^9 cellules à 0.8 x 10^9 cellules) transformées en cellules pancréatiques capables de produire de l’insuline.

Ces cellules sont issues d’un donneur distinct du receveur. Elles ont donc nécessité un traitement immunosuppresseur associé pour éviter le rejet. Initialement sous formes de cellules souches pluripotentes, elles ont été « programmées » pour devenir des îlots pancréatiques entièrement différenciés, comprenant les fameuses cellules bêta productrices d’insuline.

Dans un essai préliminaire publié par le New England Journal of Medicine, 12 patients très atteints (hypoglycémies graves, dépendance totale à l’insuline) ont reçu ce traitement en une seule perfusion de 30 à 60 mn via un cathéter dans la veine porte. Résultat ? Tous ont retrouvé une production naturelle d’insuline. Mieux : 10 d’entre eux n’avaient plus besoin d’injections un an après l’infusion, avec un taux d’hémoglobine glyquée optimal < 7%.

C’est une avancée spectaculaire. La greffe de cellules productrices d’insuline existe déjà, mais elle est limitée par la rareté des donneurs et la qualité variable des greffons. Ici, on parle de produire ces cellules en laboratoire, à partir de cellules souches, et de les rendre fonctionnelles chez l’humain.

Prudence néanmoins…

Prudence. L’étude reste précoce, basée sur un tout petit effectif d’une dizaine de patients. Deux décès sont survenus : l’un lié à une méningite à cryptococcus après chirurgie des sinus, favorisée par l’immunosuppression et la prise de corticoïdes pourtant interdits ; l’autre dû à une démence aggravée par des antécédents de traumatisme crânien. Comme dit plus haut, le traitement impose une immunosuppression : les effets à long terme sont inconnus et restent à établir sur plus de patients. Mais c’est un pas immense vers un objectif longtemps jugé utopique : restaurer l’autonomie métabolique des personnes diabétiques. La médecine régénérative frappe fort… et ce n’est sans doute que le début.

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IA : le coup de Mistral

Cocorico ! C’est un véritable coup de Mistral qui vient de souffler sur le secteur de l’IA française. La start-up hexagonale et le géant américain des puces, Nvidia, viennent de sceller un accord record, qui confirme la place de la France parmi les ténors du secteur.

Vive VivaTech !

Il y a parfois des scènes où le réel ressemble à une mise en abyme de notre époque. Ce mardi 11 juin, au salon VivaTech à Paris, Emmanuel Macron, cravate ajustée et œil brillant, annonçait, tout sourire, un accord « historique » entre Mistral AI, pépite française de l’intelligence artificielle, et Nvidia, colosse californien des puces électroniques. Un partenariat « souverain », alors que l’autonomie économique et industrielle du pays, longtemps délaissée, figure désormais parmi les enjeux les plus sensibles de l’époque. Voilà qui méritait bien une ovation… et un enthousiaste cocorico.

L’annonce planait déjà sur VivaTech, après le show, quelques heures plus tôt, de Jensen Huang, le patron de Nvidia, qui organisait son propre évènement au cœur de la fête. L’entrepreneur américano-taïwanais ne s’est d’ailleurs pas contenté de célébrer cette nouvelle alliance avec Mistral. Entre deux blagues bien rodées pour séduire son auditoire, il a longuement exposé ses projets dans l’informatique quantique – en partie encore avec la France – et annoncé la construction en Europe d’un gigantesque cloud IA, à savoir une infrastructure de calcul dédiée à l’IA à très grande échelle. Mais revenons à notre sidérant accord.

Électricité bas-carbone et efficience environnementale

Il porte sur l’installation dans l’Essonne, à une trentaine de kilomètres de Paris, d’un centre de calcul massivement équipé en GPU Nvidia, les fameuses puces Blackwell de dernière génération. À terme, ce data center, en cours de déploiement, pourrait mobiliser jusqu’à 100 mégawatts d’électricité, soit trois fois plus que certains concurrents implantés en Europe, comme ceux de Google. De quoi entraîner de futurs modèles d’IA à des vitesses vertigineuses.

Un pari d’autant plus intéressant en matière de ressources qu’il s’appuie sur l’électricité décarbonée du nucléaire français. Comme nous le rappelle Charles Gorintin, cofondateur de la licorne française Alan et (non opérationnel) de Mistral AI : « Faire de l’IA en France, c’est développer une activité 20 fois moins carbonée qu’elle le serait aux États-Unis ». Par ailleurs, l’essentiel des composants du data center seront refroidis par de l’eau circulant en circuit fermé, évitant le gaspillage et le reste, par air. Ce qui répond en amont aux critiques communément soulevées par les opposants à ce type d’infrastructures.

Avec ce projet, Mistral franchit une étape décisive. Déjà valorisée à environ 6 milliards d’euros, la startup, qui s’apprête à lever un milliard supplémentaire, ne se contente plus de développer des modèles de langage (comme Mistral 7B ou Mixtral) : elle devient fournisseur d’un service complet, baptisé Mistral Compute. Une alternative tricolore aux géants du cloud que sont AWS, Azure ou Google. Rien que ça.

Emplois, rayonnement et… dépendances

Outre les bénéfices en matière de souveraineté technologique, notamment pour la recherche tricolore, l’accord offre de réelles perspectives économiques et en termes d’emploi. Les effectifs de Mistral, actuellement autour de 250 personnes, devraient croître rapidement, tandis que le fonctionnement du data center essonnien pourrait générer la création de plusieurs centaines de postes.

Si côté face, cette annonce rehausse la compétitivité de la France et de l’Europe dans la course à la domination de l’IA, côté pile, elle renforce aussi la position quasi monopolistique des américains de Nvidia dans le secteur. Leurs puces haut de gamme coûtent une fortune, et leur implantation dans l’Hexagone leur permet de grignoter encore davantage le marché et de gagner en respectabilité, tout en s’alignant habilement sur le discours européen de la « souveraineté numérique ». Néanmoins, pour Charles Gorintin : « Certes, Nvidia est évidemment un vainqueur du développement de l’IA en général. Et il serait bon d’avoir des alternatives, pour cultiver notre autonomie stratégique. En attendant, si nous souhaitons être compétitifs sur l’applicatif, nous devons nous doter des meilleures technologies actuelles. » Donc Nvidia…

VSORA : L’étoile montante française des puces IA

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Un monopole qui fait grincer des dents, mais relatif

Ce problème n’est pas propre à la France. Il est mondial. Aujourd’hui, plus de 90 % de l’IA de pointe fonctionne avec du Nvidia. Des puces H100 à la gamme Blackwell, les centres de calcul dépendent tous du même fournisseur. Et pour verrouiller le tout, Nvidia optimise une grande partie de la couche logicielle pour qu’elle fonctionne avec CUDA, une librairie dont elle est propriétaire, enfermant développeurs et chercheurs dans son écosystème. Une situation qui rappelle furieusement celle de Microsoft à la grande époque de Windows.

Pas étonnant, donc, que les autorités de régulation, des deux côtés de l’Atlantique, commencent à froncer les sourcils. Car le contrôle d’un maillon technologique stratégique par un seul acteur soulève un problème démocratique. Peut-on vraiment parler de souveraineté si l’on dépend intégralement d’un acteur privé américain pour accéder à l’infrastructure ? D’autant que les alternatives crédibles sont encore rares. Mais faut-il blâmer ceux qui créent pour absoudre les retardataires ? Faut-il reprocher à Mistral d’appuyer son développement sur la technologie la plus efficiente ? Sans doute pas. Surtout qu’en y regardant de plus près, Nvidia est aussi largement dépendant de l’Europe et notamment de la société néerlandaise ASML (Advanced Semiconductor Materials Lithography) – voir prolongement 1. Celle-ci produit les machines de photolithographie permettant de graver les circuits des puces les plus avancées, donc, celles sans lesquelles Nvidia n’aurait rien à vendre. Europe, États-Unis, un partout, balle au centre.

Lasers néerlandais, puces taïwanaises et ambitions chinoises

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En attendant, réjouissons-nous !

Alors que l’Europe était encore récemment moquée pour sa lenteur à réagir à la révolution de l’intelligence artificielle, cet accord, combiné aux nombreuses retombées du Sommet pour l’action sur l’IA, coorganisé par la France et l’Inde en février dernier, marque une inflexion majeure dans sa stratégie. Une prise de conscience qui débouche sur un véritable changement de paradigme, témoignant de la volonté de ne plus rater le coche du progrès. Et pour Mistral, c’est un levier immense. L’entreprise dispose désormais des moyens d’incarner la colonne vertébrale d’un écosystème IA français et européen à la fois compétitif, visible et ambitieux.

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