Le directeur d’un prestataire US de failles « 0-day » accusé d’en avoir vendu à la Russie
Aïe OS
Mardi, on apprenait qu’un employé de Trenchant, qui développe et revend des failles de sécurité informatique à la communauté du renseignement des « Five Eyes », aurait lui-même été ciblé par un logiciel espion. Ce jeudi, on apprenait que le dirigeant de Trenchant qui l’avait licencié, en l’accusant d’avoir volé des vulnérabilités développées en interne, était lui-même accusé d’avoir vendu des « secrets commerciaux » à un acheteur russe.
Ce mardi 21 octobre, TechCrunch révélait qu’un développeur d’exploits « zero-day » avait reçu, plus tôt cette année, un message sur son téléphone personnel l’informant qu’ « Apple a détecté une attaque ciblée par un logiciel espion mercenaire contre [son] iPhone. »
Il s’agirait du premier cas documenté de personne payée par un prestataire de logiciels espions étant elle-même la cible d’un logiciel espion, relevait TechCrunch. Le développeur, qui a requis l’anonymat, travaillait en effet jusqu’à il y a peu pour Trenchant, filiale du marchand d’armes états-unien L3Harris Technologies, spécialisée dans la recherche de vulnérabilités et les « computer network operations », du nom donné par les « Five Eyes » aux capacités cyberoffensives.
Le développeur expliquait à TechCrunch qu’il soupçonnait que cette notification pouvait être liée aux circonstances de son départ de Trenchant, qui l’avait désigné comme « bouc émissaire » d’une fuite d’outils internes dont son employeur avait été victime.
Soupçonné d’avoir fait fuiter des failles Chrome, alors qu’il travaillait sur iOS
Un mois avant de recevoir la notification de menace d’Apple, il avait en effet été invité au siège londonien de l’entreprise pour participer à un événement de « team building ». Or, une fois sur place, explique-t-il à TechCrunch, il avait « immédiatement été convoqué » dans une salle de réunion pour s’entretenir par vidéoconférence avec Peter Williams, alors directeur général de Trenchant, connu au sein de l’entreprise sous le nom de « Doogie ».
Williams lui avait alors expliqué qu’il était soupçonné d’avoir un second emploi, qu’il était suspendu, et que tous ses appareils professionnels seraient confisqués afin d’être analysés dans le cadre d’une enquête interne. Deux semaines plus tard, Williams l’appelait pour lui annoncer qu’il était licencié et qu’il n’avait d’autre choix que d’accepter l’accord à l’amiable ainsi que l’indemnité que lui proposait l’entreprise.
Le développeur a depuis appris par d’anciens collègues qu’il était soupçonné d’avoir divulgué plusieurs vulnérabilités inconnues du navigateur Chrome et identifiées par les équipes de Trenchant. Or, le développeur faisait partie d’une équipe chargée exclusivement de l’identification de failles zero-day dans iOS et du développement de logiciels espions pour les terminaux Apple.
Une version confirmée à TechCrunch par trois de ses anciens collègues, qui précisent que les employés de Trenchant n’ont qu’un accès strictement compartimenté aux outils liés aux plateformes sur lesquelles ils travaillent, et que le développeur congédié ne pouvait pas accéder aux failles, exploits et outils ciblant Chrome.
Soupçonné d’avoir vendu pour 1,3M$ de « secrets commerciaux » à la Russie
Ce jeudi 23 octobre, soit deux jours seulement après le premier article, coup de théâtre : TechCrunch révèle que le département de la Justice états-unien a accusé ce même Peter Williams, le 14 octobre dernier, d’avoir volé huit secrets commerciaux à deux entreprises (non identifiées) entre avril 2022 et août 2025, et de les avoir vendus à un acheteur en Russie.
Williams, un Australien de 39 ans résidant à Washington, avait été recruté comme directeur général de Trenchant en octobre 2024, poste qu’il a occupé jusqu’à fin août 2025, d’après les informations déposées par l’entreprise au registre britannique des entreprises.
Quatre anciens employés de Trenchant ont confirmé à TechCrunch que Williams avait bien été arrêté, mais sans préciser quand, et un porte-parole du département de la Justice a précisé qu’il n’était actuellement pas détenu.
D’après l’acte d’accusation, Williams aurait obtenu 1,3 million de dollars en échange de ces secrets commerciaux. L’intégralité des fonds (y compris en cryptos) déposés dans sept comptes bancaires ont été saisis, ainsi qu’une liste d’objets de valeur « sujets de confiscation » à son domicile, dont plusieurs bagues de diamant Tiffany, un sac à main Louis Vuitton, des vestes Moncler, et 24 montres de luxe (dont huit « replicas », copies plutôt haut de gamme, difficiles à distinguer des originales) de Rolex Submariner et Oyster.


L’affaire est traitée par la section du contre-espionnage et du contrôle des exportations de la division de la sécurité nationale du ministère américain de la Justice, précise TechCrunch. Nos confrères ont par ailleurs appris qu’une audience préliminaire et une audience relative à l’accord de plaidoyer sont prévues le 29 octobre à Washington, D.C.









