Le mal français
L’enfer est pavé de bonnes intentions législatives.
Encadrement des loyers qui assèche l’offre, bonus écologiques qui font flamber les prix, interdictions sans alternatives : la France excelle dans les lois d’affichage qui produisent l’inverse de l’effet recherché. De la malveillance ? Plutôt un manque criant de culture de l’évaluation.
Le Diagnostic de performance énergétique (DPE) en est un cas d’école. Pensé pour inciter à la rénovation et rendre nos logements moins énergivores, il a, malgré ses imperfections, été transformé par la loi Climat et Résilience de 2021 en véritable couperet. Tous les logements classés F et G, synonymes de « passoires thermiques », indépendamment des consommations réelles, se sont ainsi retrouvés progressivement interdits à la location. Conséquence : l’offre locative se raréfie, les loyers s’envolent et les plus modestes, ceux que cette mesure devait protéger, se retrouvent les plus pénalisés.
Ce genre de fiasco n’est pas un accident isolé mais le résultat d’un problème structurel. Des décisions sont prises, et des lois votées, sur des bases fragiles, sans véritable évaluation préalable ni possibilité de retour en arrière.
L’émotion contre la raison
Au démarrage est le chiffre, souvent choc.
Ainsi, celui des 48 000 morts annuels dus à la pollution atmosphérique, justifiant l’impérieuse nécessité de généraliser les zones à faibles émissions (ZFE). Il a été répété sur tous les plateaux télé, qualifié d’« hécatombe » par le président de la République lui-même, repris dans l’exposé des motifs de la loi et martelé par la ministre Barbara Pompili à l’ouverture des débats au Parlement. Un chiffre à la fois gonflé et trompeur, destiné à faire primer l’émotion sur la raison. Et parmi ces émotions, la plus puissante, la peur.
Le principe de précaution, inscrit dans la Constitution en 2005, illustre cette dérive. Pensé pour obliger à prendre des mesures de prévention des risques de « dommages graves et irréversibles », il s’est peu à peu transformé en culture du statu quo. L’aversion au risque a fini par remplacer son évaluation. L’interdiction est devenue la solution de facilité.
L’angle mort de l’évaluation
Une fois le train législatif parti sur de mauvais rails, il devient difficilement arrêtable. L’étape suivante, l’étude d’impact, pourtant cruciale, se révèle trop souvent une simple formalité.
Depuis la révision constitutionnelle de 2008 et l’article 8 de la loi organique de 2009, les projets de loi d’origine gouvernementale doivent être obligatoirement accompagnés de cette étude d’impact. Sur le papier, l’exigence est claire. En pratique, l’exercice tourne souvent à l’exposé de motifs à rallonge : peu de données fiables ni d’identification claire des risques, et pas d’analyse de scénarios alternatifs.
La loi Climat et Résilience en offre un exemple parfait. Outre le DPE et les ZFE, elle contient d’autres mesures structurantes dont le zéro artificialisation nette. Son étude d’impact a été qualifiée de « superficielle » par le Conseil d’État, qui relevait « des insuffisances notables » dans plusieurs volets du texte.
Sur les ZFE, le document s’attarde sur des détails — jusqu’à chiffrer à 890 000 euros le coût de la rénovation du Panthéon « imputable à la pollution de l’air » — mais passe sous silence les risques sociaux : ségrégation territoriale, sentiment d’exclusion.
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