Vue normale

Reçu aujourd’hui — 13 septembre 2025

En Ukraine, les gardiens du nucléaire tirent la sonnette d’alarme

13 septembre 2025 à 04:33

Depuis deux semaines, la guerre en Ukraine a franchi un nouveau cap. Les activités militaires se sont intensifiées autour des centrales nucléaires. De quoi craindre le pire ?

À Tchernobyl, les experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ont été réveillés le 28 août par des tirs antiaériens visant des drones détectés à cinq kilomètres de la centrale. À Rivne, où se trouve également une installation nucléaire, les survols se multiplient : treize drones ont été signalés en quelques jours, selon le communiqué de l’AIEA du 10 septembre 2025. À Khmelnytskyï, neuf autres appareils ont été repérés à trois kilomètres seulement du réacteur. Et à Zaporijia, les observateurs notent désormais des tirs presque quotidiens.

Le 1er septembre 2025 a marqué un cap symbolique. Trois ans que les équipes de l’AIEA se relaient sans répit en Ukraine. Trois années à vivre au rythme des alarmes, à descendre dans les abris, à inspecter des installations qui ne peuvent jamais être laissées sans surveillance. Une routine devenue extraordinaire : vérifier, témoigner, alerter, pour empêcher que la guerre ne franchisse la ligne rouge.

Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA, le répète à chaque mise à jour : presque tous les “sept piliers” de la sûreté nucléaire sont aujourd’hui entravés. L’intégrité physique des installations est menacée par les bombardements. L’indépendance des opérateurs fragilisée par la pression militaire. L’alimentation électrique réduite à une seule ligne externe quand il en faudrait deux. Les chaînes d’approvisionnement ralenties. Et la sérénité du personnel, impossible à garantir sous les sirènes.

À Zaporijia, la plus grande centrale d’Europe, la fragilité est criante. Occupée depuis 2022, elle ne survit que grâce à une ligne électrique unique et à un barrage improvisé qui maintient encore l’eau de son canal de refroidissement. Malgré tout, les ingénieurs continuent d’assurer la maintenance, de tester les systèmes d’urgence, de vérifier les stocks de carburant pour les générateurs. Un travail d’équilibriste, mené au bord du vide.

Ce qui se joue n’est pas qu’ukrainien. Un accident majeur, provoqué par une coupure de courant ou une frappe trop proche, n’aurait pas de frontières. Mais l’histoire dit aussi autre chose. Même au cœur de la guerre, la coopération internationale, la compétence technique et la vigilance obstinée permettent de maintenir la ligne rouge. Tant que ces “gardiens du nucléaire” restent sur place, le fil tient encore.

Et ce fil, l’AIEA le tisse bien au-delà de l’Ukraine. En Iran, les inspections de l’Agence ont été suspendues en juillet 2025. Rafael Grossi plaide aujourd’hui pour leur restauration, qu’il juge indispensable afin de “créer un terrain prometteur” vers de plus larges avancées diplomatiques. D’un front à l’autre, l’Agence incarne une certitude : sans contrôle, la peur s’installe. Avec des yeux et des oreilles sur le terrain, même dans le chaos, une marge de sécurité demeure.

L’article En Ukraine, les gardiens du nucléaire tirent la sonnette d’alarme est apparu en premier sur Les Électrons Libres.

❌