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Hier — 19 juin 2024Technique

Pourquoi le transformateur électrique est un énorme gisement d’économie d’énergie méconnu

Par : Hugo LARA
19 juin 2024 à 04:42

Pour économiser de l’énergie à grande échelle, éteindre les appareils en veille et couvrir ses casseroles ne suffit pas. Un gisement de sobriété plutôt méconnu du grand public existe : les transformateurs. En optant pour des modèles à très faibles pertes, il serait possible de réduire massivement la consommation d’électricité.

Ils sont partout : dans les appareils du quotidien jusqu’aux centrales nucléaires. Les transformateurs sont indispensables au fonctionnement d’un grand nombre d’installations électriques. Leur rôle, vous le connaissez probablement : abaisser ou augmenter la tension d’un courant alternatif. Ainsi, de la grande centrale jusqu’à votre petite prise électrique, la tension est modifiée par paliers afin d’optimiser le transport de l’électricité.

Produit à 20 000 volts (V) dans l’alternateur d’une centrale nucléaire, par exemple, le courant est porté à 400 000 V pour être injecté sur les lignes à très haute tension gérées par Réseau de transport d’électricité (RTE). Il est ensuite abaissé à 225 000 V puis 63 000 V. Enfin, l’électricité circule à 20 000 V puis 400 V dans le réseau de distribution opéré par Enedis. À chaque étape, un transformateur est utilisé. Et c’est autant d’occasions de « perdre » une petite partie du courant.

Car le rendement d’un transformateur s’élève généralement autour de 95 %. Cela signifie que 5 % du courant qui le traverse est gaspillé, principalement sous forme de chaleur. Individuellement, cela paraît peu. Mais multiplié par les millions de transformateurs en service en France, les pertes sont significatives. Pour se faire une idée, l’ADEME estime à environ 40 térawattheures (TWh) les pertes annuelles des transformateurs de distribution et de l’industrie dans l’Union européenne (UE). Elles sont responsables de 20 % du total des pertes en ligne du réseau électrique (200 TWh/an dans l’UE). En France, le gisement d’économies d’énergie lié aux transformateurs est estimé à 1,1 TWh.

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Des transformateurs à haut rendement coûteux à l’achat mais économiques à l’usage

Un gisement qui pourrait être exploité grâce aux transformateurs « à pertes réduites ». Des appareils dont le rendement dépasse les 98 %. Trois petits pourcents qui font toute la différence. Car s’ils sont vendus 1,5 à 2 fois plus chers qu’un modèle standard, les économies qu’ils permettent de réaliser sur la facture d’électricité amortiraient rapidement le surcoût. Exemple à l’appui. « Sur un transformateur standard capable de délivrer 63 000 W vendu 2 000 euros, vous aurez environ 2 850 W de perdus. Mais sur un transformateur écodesign à 4 000 euros, vous réduisez les pertes à 1 260 W » explique Guillaume Barat, responsable d’usine chez Circé, un fabricant français de transformateurs basse tension.

« Sauf qu’un transformateur, ça reste souvent branché 24 h/24 toute l’année » lance le cadre, avant de se lancer dans un calcul. « Sur un transformateur utilisé 50 % du temps, on récupère l’investissement en moins d’un an au prix actuel de l’électricité » affirme-t-il. Dans ce cas, les économies annuelles d’électricité s’élèveraient à 1 376 euros. Sur un transformateur exploité en permanence à 100 % de sa puissance nominale, l’économie atteindrait 2 752 euros, soit moins de 6 mois de retour sur investissement. « En plus, on gagne en durée de vie. La température de fonctionnement des transformateurs écodesign étant plus faible, 140 à 150 °C pour 180 °C sur les transformateurs standards ».

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Malgré leurs avantages, les transformateurs écodesign se vendent difficilement

Pour réduire les pertes dans ses transformateurs tout en maîtrisant les coûts, Circé a dû investir en recherche et développement. « On a cherché à faire des transformateurs écodesign à partir de composants standards. On a travaillé sur le circuit magnétique, qui a des tôles hautes performances, sur la géométrie, les températures de fonctionnement, on a augmenté les sections de câbles et on emploie du cuivre plutôt que de l’aluminium » énumère l’ingénieur. Malgré tout, l’entreprise basée à Parigné-l’Évêque près du Mans ne parvient pas à vendre sa gamme écodesign, mise sur le marché début 2023. « On en a vendu de l’ordre d’une dizaine d’unités sur un an » déplore Guillaume Barat, alors que son entreprise réalise un chiffre d’affaires annuel de 3 millions d’euros, en vendant principalement des transformateurs standards.

À l’origine de cette initiative, il y a la directive européenne n° 2019/1783 imposant un rendement minimum de 98 % sur les transformateurs haute tension. « On a pensé que la directive allait forcément arriver sur nous » explique le responsable. Mais aujourd’hui, le texte ne s’applique toujours pas aux transformateurs basse tension, dont Circé s’est fait la spécialité. « Je pensais qu’on en vendrait beaucoup, mais le problème, c’est que les vendeurs de transformateurs ne sont pas des utilisateurs » se dépite-t-il. Car le fabricant écoule une part importante de ses produits à travers des prestataires distributeurs et installateurs, comme Eiffage Clemessy, Equans Ineo, Bouygues ou encore Spie. « Quand un client construit une usine, il fait appel à un prestataire pour faire un devis. Le prestataire va vouloir proposer le devis le moins cher. Comme le client n’est pas forcément pointu sur les transformateurs électriques, il va avoir tendance choisir le moins cher sans regarder la pertinence des modèles écodesign » détaille Guillaume Barat.

Pour tenter d’inverser la tendance, Circé veut communiquer auprès des acteurs du secteur. Le fabricant a notamment invité une trentaine d’industriels dans son usine, pour échanger autour de la sobriété et l’efficacité énergétique, dans l’espoir de faire germer l’écoconception dans l’esprit des clients.

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À partir d’avant-hierTechnique

Voici le premier restaurant solaire d’Europe et il est français [vidéo]

Par : Hugo LARA
14 juin 2024 à 15:32

L’unique restaurant solaire d’Europe construit « en dur » ouvrira ses portes à Marseille le 18 juin 2024. Nous avons découvert ce bâtiment atypique quelques jours avant sa mise en service.

Depuis près de dix ans, « Le Présage » propose des plats à l’énergie solaire. La petite guinguette solaire située dans les quartiers nord de Marseille a troqué le conteneur maritime qu’elle utilisait comme cuisine pour un restaurant en dur, entièrement adapté à son concept. Il est équipé de deux grandes paraboles qui concentrent les rayons solaires vers un fourneau et un four qui doit encore être installé. Grâce à cette installation unique, le restaurant devrait atteindre une autonomie en énergie thermique d’environ 80 %.

Lorsqu’il pleut ou que la puissance solaire est insuffisante, un appoint électrique est utilisé, sur la même console conçue par Athanor. La toiture du restaurant est également équipée de panneaux solaires hybrides (électricité + eau chaude), le chauffage est assuré par une chaudière à pellets et la climatisation par un système de refroidissement adiabatique. L’ouverture au public est prévue le 18 juin 2024.

La fiche technique

🍽️ Capacité couverts : 60

⚡Puissance des paraboles solaires : 4,4 kW minimum (soltice d’hiver) 6,5 kW minimum (soltice d’été)

♨️ Température au point focal : 720 °C

♨️ Température maximale de la plaque coupe-feu : 520 °C

🪙 Coût de la plaque coupe-feu Athanor : 54 000 €

🪙 Économie liée au remplacement du module gaz par un récepteur solaire : 15 000 €

🪙 Coût d’une parabole Scheffler : 10 000 €

⚡ Puissance des panneaux solaires hybrides : 3 kWc

♨️ Chauffage : Chaudière pellets

❄️ Climatisation : Adiabatique

🙋 Effectifs : 10 équivalents temps plein

🪙 Coût : 2,2 M€ dont 450 k€ de subventions (métropole Aix-Marseille et ADEME)

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Dans une usine française qui assemble des panneaux solaires hybrides [vidéo]

Par : Hugo LARA
3 mai 2024 à 15:59

Qu’ils soient simplement photovoltaïques ou hybrides, les panneaux solaires fabriqués en France et en Europe sont rares. Au milieu des faillites et délocalisations, certains acteurs semblent se jouer de la concurrence chinoise. À Jujurieux (Ain), le spécialiste marseillais du solaire Dualsun opère depuis bientôt quatre ans un modeste atelier, dans lequel il fabrique une partie de son panneau solaire hybride Spring. Si les modules photovoltaïques restent importés de Chine, l’assemblage partie thermique est bien réalisée en France. Révolution Énergétique a pu visiter la petite usine et découvrir le principe de fonctionnement du panneau solaire hybride.

Un panneau solaire hybride produit simultanément de l’électricité et de la chaleur. Le concept est simple : la face avant photovoltaïque convertit les photons en électrons, comme un panneau classique. Sur la face arrière, un serpentin dans lequel circule un fluide caloporteur récupère la chaleur du module photovoltaïque. Cette chaleur est ensuite utilisée pour produire de l’eau chaude sanitaire à une température maximale de 50 °C.

Parmi les rares acteurs à proposer un tel panneau, on retrouve la marque française Dualsun. Basée à Marseille, l’entreprise commercialise le panneau hybride « Spring », basé sur un module photovoltaïque « Flash » sur lequel est fixé un système thermique de sa conception et fabriqué en France, à Jujurieux (Ain).

Le petit atelier lancé en juin 2020 est désormais capable de produire jusqu’à 30 000 panneaux chaque année. Un marché très confidentiel, les panneaux hybrides coûtants nettement plus chers que leurs homologues purement photovoltaïques. Comptez 691 € TTC pour un panneau Dualsun Spring de 425 Wc contre 195 € TTC pour le panneau Dualsun Flash de même puissance.

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Aucun repreneur pour cette usine française de panneaux solaires, la liquidation judiciaire prononcée

Par : Hugo LARA
17 avril 2024 à 12:57

Elle n’aura pas tenu plus de six ans. Lancée en 2018, l’usine Systovi de Carquefou près de Nantes va cesser définitivement ses activités, faute de repreneur. Le fabricant français de panneaux photovoltaïques, qui emploie 87 personnes, a été placé en liquidation judiciaire de ce mercredi 17 avril.

Alors que le gouvernement présentait il y a quelques jours un plan de soutien aux usines françaises de panneaux solaires, son action aura été vaine sur le dossier Systovi. Cette entreprise française fondée en 2008 n’a pu résister à la concurrence déloyale des fabricants chinois de panneaux photovoltaïques, malgré de récents et importants investissements dans son usine de Carquefou (Loire-Atlantique). En grande difficulté, la société n’a trouvé aucun repreneur au terme d’un mois de « recherche intensive » dévoile-t-elle par communiqué. Le Tribunal de Commerce de Nantes l’a donc placée en liquidation judiciaire le 17 avril.

« Malgré nos investissements, l’entreprise fait face à l’accélération soudaine du dumping chinois depuis l’été 2023 et les discussions réglementaires en cours en France et en Europe, auxquelles elle a participé depuis des années, n’auront pas d’effet dans un délai compatible avec ses enjeux » explique l’entreprise. Selon Paul Toulouse, son directeur, parmi les « très nombreux contacts ayant manifesté un intérêt pour Systovi, aucun n’a concrétisé d’offre ». Une cinquantaine d’acteurs auraient échangé sans succès, selon le dirigeant.

« Nous sommes très tristes de cette issue et mobilisons dès à présent toute notre énergie pour accompagner du mieux possible les femmes et les hommes qui se sont battus depuis 15 ans pour faire exister le solaire français » annonce Systovi, qui emploie 87 salariés. L’entreprise française n’est pas la seule à souffrir de l’afflux de panneaux photovoltaïques chinois vendus à prix dérisoires et du manque d’attractivité industrielle de l’Europe. Le Suisse Meyer Burger va également fermer les portes d’une des plus grandes usines européennes de panneaux solaires en Allemagne, au profit des États-Unis. En parallèle, de grands projets continuent de se développer, comme celui de giga-usine de cellules photovoltaïques de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), porté par Carbon, et d’HoloSolis à Hambach (Moselle).

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Flamme olympique : elle est allumée par le soleil, même quand il n’y en a pas

Par : Hugo LARA
16 avril 2024 à 11:39

Le flambeau olympique est né ce mardi, à cent jours de la cérémonie d’ouverture des jeux de Paris 2024. Si la flamme n’a pas pu être allumée directement à partir des rayons du soleil en raison de la météo, une astuce a permis d’assurer la tradition millénaire. Le protocole avait prévu l’intermittence de cette énergie renouvelable.

Il y a 2 800 ans, la toute première flamme olympique était allumée grâce au soleil. Les grecs utilisaient le « skaphia », un ancêtre du miroir parabolique actuel, pour concentrer les rayons solaires sur la torche. Ce protocole antique est toujours respecté aujourd’hui, même lorsque le ciel est couvert durant la cérémonie officielle. Le flambeau allumé ce mardi 16 mars à Olympie (Grèce), à cent jours du lancement des jeux de Paris 2024, en a fait l’expérience.

Les rayons solaires n’étant pas suffisamment puissants pour enflammer la mèche en raison de la couverture nuageuse, une flamme de réserve a été utilisée. Cette dernière a été allumée « un jour de beau temps avant la cérémonie officielle » promet un document du Musée Olympique. « De cette manière, même si le ciel est couvert le jour de la cérémonie, la torche peut être allumée à partir de cette flamme conservée dans une lampe de sécurité ».

🔥 La flamme olympique vient de s'allumer à Olympie, avant les Jeux de Paris 2024 cet été. Elle arrivera à Marseille le 8 mai prochain. pic.twitter.com/xlQAgmatPg

— franceinfo (@franceinfo) April 16, 2024

Quelles énergies pour conserver la flamme tout au long de son parcours ?

Faute de système de stockage adapté, l’intermittence de l’énergie solaire a donc été compensée par une autre énergie, probablement du pétrole lampant (kérosène) d’origine fossile, de l’huile végétale ou de l’éthanol, d’origine renouvelable. Des solutions bas-carbone permettraient toutefois de stocker l’énergie solaire emmagasinée précédemment lors de jours ensoleillés. Par exemple, une centrale solaire à concentration reliée à une batterie thermique serait en mesure d’allumer la flamme par mauvais temps. Autrement, des panneaux photovoltaïques pourraient recharger une batterie électrochimique, qui enflammerait ensuite la torche via un arc électrique.

Lors des relais, les différentes torches utilisent généralement des cartouches de gaz de pétrole liquéfié (GPL), d’origine fossile. En France toutefois, le flambeau carburera au biopropane selon le Comité international olympique. Un combustible renouvelable produit à partir d’huiles végétales ou plus rarement de déchets organiques. Entretemps, il aura voyagé en avion (sic) dans une lampe fermée « de type Davy » utilisant du kérosène ou des « hydrocarbures liquides », précisent les règles de l’Organisation de l’aviation civile internationale pour le transport des « flammes symboliques ».

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Construire une nouvelle centrale nucléaire près de Marseille : pourquoi ce n’est pas impossible

Par : Hugo LARA
8 avril 2024 à 16:00

Aménager une nouvelle centrale nucléaire à quelques dizaines de kilomètres de Marseille ? « Ce n’est pas une question absurde du tout » estimait Emmanuel Macron dans une déclaration le 28 juin 2023. Le président de la République ouvrait ainsi la voie à une réflexion plus poussée sur le sujet. Mais peut-on vraiment aménager un site de production d’électricité nucléaire dans cette zone ? Un tel projet serait-il pertinent ?

Le sud-est de la France est une « péninsule électrique » : située à l’extrémité du réseau électrique national, elle consomme beaucoup plus d’électricité qu’elle n’en produit. Une configuration qui devient problématique avec l’électrification des usages dans le cadre de la transition énergétique, pour l’industrie autant que les particuliers.

Entre raffineries de pétrole, usines chimiques, aciérie et centrales à gaz, la zone industrialo-portuaire à l’ouest de Marseille est justement l’un des sites les plus émetteurs de gaz à effet de serre en France. Sa décarbonation, via l’électrification, nécessiterait jusqu’à 6 GW de puissance supplémentaire, selon RTE. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français prépare d’ailleurs la construction d’une nouvelle ligne très haute tension de 400 kV aboutissant dans cette zone. L’objectif de cette ligne est de renforcer la capacité de transmission de courant vers ce croissant industriel long de 24 km qui s’étend de Martigues à Port-Saint-Louis du Rhône en passant par Fos-sur-Mer. Une zone aujourd’hui extrêmement dépendante des combustibles fossiles pour fonctionner.

La zone industrialo-portuaire entre Martigues et Port-Saint-Louis du Rhône intègre plusieurs centrales à gaz / Révolution Énergétique.

Un projet vieux de cinquante ans

Derrière ce projet, il y a une réalité : l’absence, à cet endroit, de centrale capable de produire de très grandes quantités d’électricité bas-carbone en continu. Ce n’est pas faute d’y avoir pensé. En 1974, l’État envisageait d’aménager une centrale nucléaire à Martigues, dans le contexte du « plan Messmer ». Le quartier de Ponteau, qui accueille depuis 1971 une centrale au fioul (remplacée par une centrale au gaz en 2012), était privilégiée. « Le site est prévu pour recevoir, soit en thermique, soit en nucléaire, une extension de 3 500 à 4 000 MW […] » explique un document d’EDF datant de 1972.

Le « rapport d’Ornano », du nom du ministre de l’Industrie en poste à l’époque, évoque également la possibilité de construire une centrale en région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Ce document, qui explore le potentiel d’expansion du nucléaire civil en France, envisage d’ailleurs l’aménagement de 30 à 40 centrales en France pour une puissance totale ahurissante de 170 GW « installées à la fin du siècle ». Finalement, le pays se contentera de 19 centrales pour 63 GW. Pour se faire une idée des ordres de grandeur, le record absolu de consommation en France s’élève à 102,1 GW, atteints le 8 février 2012.

Comme de nombreux autres projets nucléaires en France, la centrale nucléaire de Martigues n’a donc jamais été réalisée. Si les communes concernées s’y étaient rapidement opposées à l’époque, l’État ne semble pas avoir insisté pour mener l’idée à son terme. Mais après 50 ans de sommeil, le projet semble refaire surface. Le 29 juin 2023, alors en visite à Marseille, Emmanuel Macron évoquait le sujet à l’occasion d’un échange avec les acteurs du Grand port maritime.

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La transition énergétique ressuscite l’idée d’une centrale nucléaire près de Marseille

L’idée d’une nouvelle centrale nucléaire dans la zone portuaire de Marseille-Fos « n’est pas absurde du tout » lançait le président de la République. « Il est nécessaire de se poser cette question sans tabou, car elle est là, il faut regarder si l’ensemble du bassin économique est prêt à accueillir des tranches et des centrales […] C’est un terrain qui a une vocation en la matière. Pourquoi ? Parce qu’on sait qu’on a aussi un immense sujet de refroidissement des centrales. Et les centrales à venir auront vocation à être beaucoup plus près de la mer » lançait Emmanuel Macron, qui estime que 4 EPR satisferaient aux besoins.

Suivant ces déclarations, le président d’EDF Luc Rémont avait annoncé se pencher sur la question. « Quand le président de la République s’exprime en disant qu’il faut étudier quelque chose, naturellement, nous l’étudierons, évidemment ».  « Il est souhaitable d’étudier d’autres sites que les sites existants […] pas forcément pour du très court terme et, j’ajouterais, pas forcément pour des EPR » avait-il précisé à la presse.

Les contours du projet de centrale nucléaire entre Fos et Martigues restent donc extrêmement flous. Nous avons tenté d’interroger les maires des communes potentiellement concernées : Port-Saint-Louis du Rhône, Fos-sur-Mer et Martigues, mais aucun élu n’a souhaité s’exprimer sur le sujet, manifestement délicat. Le parc naturel régional de Camargue, voisin immédiat, et le Grand port maritime n’ont pas non plus répondu favorablement à nos demandes d’interview. Le maire de Marseille, située à une trentaine de kilomètres, avait, lui, rapidement manifesté son opposition dans les médias. « S’il y a un endroit en France où on ne pourra pas faire un EPR, c’est à Marseille » lançait Benoit Payan, évoquant des risques sismiques et de submersion.

Les industries pétrochimiques de Lavéra à Martigues / Image : Révolution Énergétique.

Quid des risques sismiques et de submersion ?

Mais où cette hypothétique centrale pourrait être construite ? Si la zone est effectivement soumise à un risque sismique « modéré » selon la carte du ministère de la Transition écologique, plusieurs sites nucléaires le sont déjà en France. C’est le cas des quatre centrales implantées en vallée du Rhône, de Civaux (Vienne) et de feu-Fessenheim (Haut-Rhin).

Concernant le risque de submersion marine, la zone industrielle de Fos-sur-Mer semble particulièrement sensible à une élévation d’un mètre du niveau de la mer, comparée au littoral de Martigues, comme le montre cette carte du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). Si la plupart des marécages seraient inondés, plusieurs vastes terrains resteraient cependant exploitables.

Qu’en est-il du risque de tsunami ? Selon l’Unesco, la probabilité d’une vague géante en Méditerranée est supérieur à 95 % dans les 30 prochaines années. La hauteur de cette vague ne dépasserait pas 2 mètres toutefois. Selon le simulateur du BRGM (réglé à 2,5 m d’élévation), la zone industrielle de Fos-sur-Mer serait cette fois presque entièrement inondée. À l’inverse, les côtes martégales, où se trouve notamment la centrale thermique de Ponteau, apparaissent à nouveau peu affectées par un tel phénomène.

Aménager une centrale nucléaire en bord de mer n’est pas rare : quatre centrales se trouvent au ras de l’océan en France. Certaines sont même aménagées sur des sites à la géologie particulièrement accidentée, comme Penly, Paluel (Seine-Maritime) et Flamanville (Manche), prises en étau entre mer et falaise. Avec sa côte rocheuse, Martigues semble à priori plus adaptée pour accueillir ce type de centrale.

Un des sites à étudier pourrait d’ailleurs ne pas être celui de la centrale thermique actuelle de Ponteau. Car, avec une superficie d’environ 40 hectares (ha), le potentiel du terrain paraît limité. Les centrales nucléaires côtières nécessitent bien plus de surface que cela : Paluel et ses 4 réacteurs occupe environ 180 ha, les 3 tranches de Flamanville 95 ha et les 2 réacteurs de Penly 94 ha en intégrant ses 2 réservations pour de futurs réacteurs.

La centrale thermique de Ponteau à Martigues / Image : Révolution Énergétique.

Combien de réacteurs construire et quelle technologie retenir ?

Selon l’ingénieur et membre de l’association Les voix du nucléaire Benjamin Larédo, un vaste terrain d’environ 200 ha situé à 1,5 km au sud serait plus adapté pour recevoir l’hypothétique centrale nucléaire de Martigues. « Le terrain est surélevé par rapport au niveau de la mer, il y a de la place et il est plus à l’écart des usines chimiques » nous explique-t-il. « Il a un accès beaucoup plus ouvert sur la mer, donc pour les prises d’eau et la dilution des rejets thermiques et chimiques, c’est beaucoup mieux [qu’une implantation dans la zone entre Fos-sur-Mer et Port-Saint-Louis du Rhône, NDLR] » ajoute-t-il.

Cette grande superficie permettrait d’accueillir les deux paires d’EPR (soit 4 réacteurs de 1 650 MW chacun) promues par son association. Selon un calcul effectué par Les voix du nucléaire, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur pourrait devenir exportatrice d’électricité tout en décarbonant son industrie, en optant pour 4 EPR en complément de son importante production solaire, hydraulique et éolienne en mer.

À droite : superposition à l’échelle de la centrale nucléaire de Paluel sur la zone suggérée par l’ingénieur des Voix du nucléaire Benjamin Larédo / Image : Révolution Énergétique, carte Google Earth, modifiée par RE.

« Il faut quelque chose de costaud » nous confirme Ludovic Leroy, un ingénieur œuvrant notamment dans la pétrochimie, qui connaît bien la zone. « Deux paires d’EPR, ça ne me parait pas délirant ici » estime-t-il. « Les industriels sont dans une dynamique de décarbonation qui passe par l’électrification. Ils ont tous des projets de production ou d’utilisation d’hydrogène vert. Fos est d’ailleurs pressenti comme un hub de l’hydrogène. Si vous avez une offre d’électricité décarbonée qui vient s’installer ici, c’est sûr que ça va jouer un rôle dans leur stratégie de décarbonation » explique l’expert, qui évoque les difficultés rencontrées par plusieurs industriels de la zone pour réaliser leurs projets de transition énergétique, faute de production locale suffisante.

Ludovic Leroy mentionne également les SMR, ces petits réacteurs nucléaires en kit toujours en cours de développement, qui pourraient être directement installés dans les sites industriels. « La pétrochimie est intéressée pour intégrer des SMR. Toute la fonction chauffe se fait aujourd’hui dans des fours au gaz naturel. Il y a des développements en cours pour passer sur des fours de cracking électriques. Si vous prenez un SMR de 80 MW, ça collerait très bien avec les besoins d’un vapocraqueur » estime-t-il.

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Quel coût pour une nouvelle centrale nucléaire près de Marseille ?

À partir du montant prévisionnel des 6 futurs EPR en projet en France (qui seront construits sur des centrales existantes), on peut estimer autour de 45 milliards d’euros le coût d’une nouvelle centrale nucléaire composée de 4 réacteurs. Un investissement colossal, à comparer évidemment à la production monumentale que l’on peut espérer d’une telle installation : environ 42 TWh annuels, si l’on se base sur les performances de l’EPR d’Olkiluoto en Finlande. Au prix moyen attendu de l’électricité nucléaire (70 €/MWh), voilà de quoi espérer obtenir près de 3 milliards d’euros de recettes annuelles.

Pour générer autant d’énergie avec des éoliennes en mer, il faudrait installer l’équivalent de 28 parcs comme celui de Saint-Nazaire, qui a produit 1,5 TWh en 2023. Ce dernier, d’une puissance de 480 MW, a coûté 2 milliards d’euros. De rapides estimations, qui ne prennent pas en compte le coût tout aussi élevé du stockage d’énergie nécessaire pour compenser les variations de puissance de l’éolien. Car produire de l’hydrogène vert — utile notamment pour fabriquer de l’acier bas-carbone — à partir de sources d’énergie intermittentes, semble plus complexe qu’imaginé. Côté nucléaire, nous ne considérons pas non plus le coût de production, recyclage et stockage du combustible, ni d’éventuels dérapages de budget, qui ne sont pas rares dans cette filière.

Au-delà du coût, il resterait à convaincre élus et populations locales d’accepter l’implantation d’une centrale nucléaire proches de leurs logements et lieux de baignade favoris. La zone est assez densément peuplée : plus de 80 000 personnes résident dans un rayon de 10 km autour de Martigues et près de 2 millions de personnes dans un rayon de 50 km. Si le projet se concrétisait, il nécessiterait un important travail pédagogique et une forte volonté politique pour le mener à terme.

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