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À partir d’avant-hierTechnique

La Pierre Jaune, Pt. V.

13 février 2021 à 16:24

Retrouvez aux liens ci-après les première, deuxième, troisième et enfin quatrième partie de cette série. Nous continuons à commenter le script de cette vidéo :

"Un attentat contre le site nucléaire de La Hague serait au moins 7 fois plus grave que Tchernobyl" | La centrale est-elle assez sécurisée en cas d'attaque terroriste? Geoffrey Le Guilcher l'a imaginé dans un scénario catastrophe et rappelle les recommandations en cas d'accident. pic.twitter.com/twqbjoyXmd

— Konbini news (@konbininews) February 3, 2021

Quand on parle de ce sujet, on nous accuse souvent de donner des idées aux terroristes.

Je ne pense pas que ce soit un reproche pertinent, en effet. Une des missions, sans doute la mission fondamentale, des acteurs de la protection contre les malveillances en tout genre, c’est de toute façon d’anticiper les idées que pourraient avoir des terroristes.

Mais en fait, les terroristes ne nous ont pas attendu pour avoir ces idées : la preuve, en 2011, quand les Américains sont allés tuer Oussama Ben Laden à Abbottabad au Pakistan, ils ont dans la foulée publié une série de documents qu’ils ont trouvé dans l’ordinateur du cerveau des attentats du 11 septembre. Dans ces documents, il avait deux rapports sur le nucléaire en France, dont l’un était signé justement par l’expert allemand qui a alerté sur la faille de l’usine nucléaire de la Hague.

Selon cet article, les documents en question, qui ont été retrouvés au domicile du célèbre terroriste, étaient le rapport Nuclear France Abroad de 2009 et de France on Radio­active Waste Management de 2008, deux documents de Mycle Schneider, le militant antinucléaire mentionné dans le précédent billet et de ses proches (WISE-Paris, etc.).

Ce sont des rapports publics, synthétisant des informations publiques, sans focus particulier sur la sécurité et la protection contre la malveillance. Il va de soi que si ces documents comportaient des informations compromettantes pour la sécurité nationale, Mycle Schneider et les siens seraient derrière les barreaux. Donc avoir retrouvés ces documents à Abbottabad indique que Ben Laden et ses équipes s’étaient intéressés au nucléaire français… Et c’est tout. Il n’est pas permis d’en déduire si une attaque était envisagée, ni laquelle.

Mais, effectivement, ils s’y étaient au moins intéressés, et donc on ne peut pas reprocher aux militants antinucléaires d’aborder le sujet. En revanche, on peut leur reprocher d’en dire n’importe quoi.

Ça peut paraître dingue que l’État français sache qu’un attentat de cette ampleur ou un accident seraient possible sur l’une de ces installations nucléaires et qu’il ne fasse rien.

Et c’est un bon exemple de n’importe quoi, justement. Ce qui fait plaisir, c’est que le journaliste-auteur ne fait pas comme s’il découvrait quelque chose de notoirement connu, il a conscience que ce qu’il raconte est connu, au moins des autorités.

Mais il considère que rien n’est fait en réponse à ce risque. Est-ce :

  • parce qu’il n’a pas cherché à savoir ce qui était fait, donc en a déduit que rien n’était fait ?
  • parce que les trois idées qu’il a eu ou qu’on lui a suggéré n’ont pas été retenues qu’il en a déduit qu’aucune autre idée n’avait pu être mise en œuvre ?
  • parce qu’il n’a pas trouvé ce qui était fait qu’il en a déduit que rien n’était fait ?

En fait, le problème du nucléaire c’est qu’il est né dans le secret, il s’est construit dans le secret… Le problème c’est que ce secret n’existe pas : on peut trouver toutes les informations qu’il nous faut, elles existent déjà sur Internet ou dans les journaux. L’État, lui, se drape dans cette croyance, qui est fausse, selon laquelle le secret le protège encore.

Là, on tombe dans un paradoxe typique… Des complotistes. Vous savez, ces gens persuadés de toutes leurs forces de grandes magouilles pour dissimuler la vérité au monde entier… Tout en étant convaincus qu’il « suffit de faire ses propres recherches » pour trouver la vérité ? Ceux qui pensent trouver sur Youtube des démonstrations qui échappent aux esprits les plus brillants de ce monde ?

Ici, nous sommes dans cette même configuration, mais inversée : parce qu’il trouve des informations sur internet, le journaliste-auteur considère que rien n’est secret. Sans envisager que les secrets sur lesquels repose vraiment la protection puissent être… secrets. Et donc hors de sa portée.

Pourtant, les élus ayant participé en 2018 à la Commission d’Enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires l’ont bien constaté : ne parvenant à se faire habiliter Confidentiel ou Secret Défense, ils n’ont pu consulter certaines informations techniques sur la protection des installations nucléaires contre les malveillances… Et notamment des piscines d’entreposage de combustible vis-à-vis d’un projectile (avion, missile…).

Oui, l’industrie nucléaire a des origines militaires et donc est née dans le secret. Et si aujourd’hui les activités militaires et civiles sont bien séparées, si la transparence est devenue la norme en matière de sûreté… La protection contre les menaces de nature militaire (terrorisme, notamment) reste, elle, dans le secret. Et que ce journaliste ait échoué à accéder aux informations tenues secrètes devrait l’inciter à penser que le secret est bien protégé, et non pas que ces informations… N’existent pas.

Je pense qu’il n’y a qu’une catastrophe qui pourra nous faire prendre conscience du problème. Et je préfère qu’elle arrive d’abord en fiction pour tenter de nous faire prendre conscience de cet énorme talon d’Achille, plutôt qu’elle arrive en vrai. Même si, malheureusement, il faut souvent attendre les vraies catastrophes pour avoir des vraies prise de conscience.

A deux doigts de souhaiter une catastrophe pour pouvoir dire « Ha, j’avais raison ». Heureusement qu’il ne s’agit que d’un livre… Ça serait grave de le présenter comme un journaliste d’investigation.

La boucle est bouclée.

Expositions professionnelles aux radiations en 2019

1 mai 2021 à 16:10

Connaissez-vous les remsteaks ? #thread #radioprotection #nucléaire

Pour comprendre ce jeu de mot, il faut savoir que la dose efficace ou équivalente de radioactivité, qui se mesure aujourd'hui en Sievert (Sv, mSv, µSv…), s'exprimait autrefois dans une autre unité. pic.twitter.com/CpIFs2EV24

— Tristan Kamium ☢ (@TristanKamin) October 24, 2020

Il s’agissait du « Röntgen equivalent man », abrégé « rem », remplacé par le Sv en 1979 mais encore assez utilisé en particulier en Amérique du Nord. Heureusement, la conversion est simple : 1 Sv = 100 rem. Ou 1 rem = 10 mSv. Et à une époque où la limite annuelle de dose qu’étaient autorisés à recevoir annuellement les employés du nucléaire atteignait 50 mSv voire plus dans certains pays (contre 20 mSv/an aujourd’hui en France au maximum), et bien cela faisait, pour les plus exposés, quelques rems. Ceux dont les métiers les exposaient aux plus fortes doses étaient parfois appelés « steaks à rem », ou « remsteak ». Un mélange poétique de chair à canon, de rumsteak, et de radioactivité. L’expression pouvait être utilisée aussi bien sur le ton humoristique… Que pour dénoncer des pratiques industrielles qui les exposaient excessivement sans respect pour les risques encourus.

Disons que le principe de démarche ALARA, qui exige que l’on cherche à maintenir l’exposition des travailleurs « As Low As Reasonably Achievable », n’a pas forcément toujours été un standard… Hélas.

Et tout ceci était une bien trop longue introduction pour vous dire que l’IRSN a publié son rapport 2020 sur l’exposition aux rayonnements des professionnels en France en 2019.

395 000 travailleurs suivis, dans six domaines (industrie nucléaire, non nucléaire, recherche, médical, aviation et autres), 76% n’ayant reçu aucune dose mesurabl, et 5 (pas 5%, 5 tout court) ayant dépassé la limite légale de 20 mSv.

Les statistiques par rapport à 2018 ne sont pas idéales. On va y revenir, mais notez que la dose moyenne sur les 24% ayant pris de la dose s’élève à 1,20 mSv, contre 1,12 mSv en 2018.

À toutes fins utiles, je rappelle qu’un français moyen reçoit en moyenne 4,5 mSv par an, dont environ 3 de sources naturelles (radon, rayonnements telluriques, cosmiques) et 1,5 de sources artificielles (médical). Avec d’assez importantes disparités selon les modes de vies. Lieu d’habitation (exposition au radon ou altitude), consommation de fruits de mer ou de cigarette, suivi médical… L’IRSN donne quelques illustrations. Des niveaux d’exposition, qu’ils soient naturels ou artificiels, auxquels aucun effet sur la santé n’est connu. Donc pas de quoi s’inquiéter pour les 1,20 mSv de moyenne pour les travailleurs 😉

La limite légale à 20 mSv prend elle-même de bonnes marges par rapport aux niveaux d’exposition où l’on connaît des effets probabilistes sur la santé. 5 personnes qui dépassent cette dose, c’est à la fois peu et beaucoup. Peu, parce que l’on revient de loin, très loin. Mais beaucoup, parce que l’on peut faire bien mieux aujourd’hui – même si c’était pire encore en 2018.

Alors, vous demandez-vous sans doute, quel secteur a un peu trop irradié ses effectifs ? N’en déplaisent à certaines ONG et politiques, ce n’est pas l’industrie nucléaire… Ni l’industrie tout court.

Il s’agit du domaine du médical et du vétérinaire. Qui n’avait déjà pas été épargné par la direction de l’Autorité de Sûreté Nucléaire lors de la remise de son rapport annuel à l’OPECST sur l’année 2019.

La catégorie « Autres », quant à elle, regroupe notamment les secteurs d’activité suivants : la gestion des situations de crise, l’inspection et le contrôle, les activités à l’étranger, et les activités de transport de sources dont l’utilisation n’est pas précisée.

Dans les doses hautes mais encore dans la limite légale, avec 11 personnes entre 15 et 20 mSv engagés en 2019, toujours le même secteur médical, ainsi que l’industrie non-nucléaire, mais qui fait appel à des sources de rayonnements ionisants.

Typiquement, il s’agit des radiographies gamma de soudures, un moyen de contrôle de la qualité d’une soudure qui fait appel à une source de rayons gamma, et donc aux risques d’exposition externe qui vont avec.

Ensuite, on arrive sur le territoire de l’industrie nucléaire. Beaucoup d’industriels s’imposent des limites de doses inférieures à la limite légale, à des fins d’exemplarité… Ou pour avoir des marges avant la limite légale en cas de dépassement accidentel.

Idem pour ces doses égales à moins de la moitié de la limite réglementaire, 5 à 10 mSv en 2019. Attention, en raison de la taille de la cohorte, je passe les données en pourcentages dans les graphiques.

Ensuite, entre 1 et 5 mSv, donc des doses professionnelles comparables à celles reçues pour les personnes non exposées, on arrive dans le domaine… Des expositions professionnelles à la radioactivité naturelle.

Ces travailleurs là sont en quasi-totalité les personnels navigants de l’aéronautique civile – et, dans une très moindre proportion, de l’aéronautique militaire. Parce qu’en altitude, on perd 10 km d’atmosphère protectrice contre les rayonnements cosmiques. Et, au cumul du nombre d’heures de travail, ces personnels navigants reçoivent une radioactivité naturelle environ deux fois supérieure au public. D’où une surveillance simple, mais bien réelle, de leur exposition.

Sont aussi concernés (à raison de moins de 0,1% de la dose collective) les travailleurs dans le traitement des terres rares, les activités minières (essentiellement de surveillance), et quelques autres industries.

La dose collective, c’est tout simplement la somme des doses reçues par chaque individu d’une cohorte. Une cohorte de 100 personnes à 5 mSv/personne en moyenne aura reçu une dose collective de 500 Homme.mSv. Un groupe de trois individus ayant reçu 1, 5 et 9 mSv -> Dose collective de 15 H.mSv. Et si on divise par le nombre de personnes, 15 H.mSv/3 H = 5 mSv, c’est la dose moyenne reçue dans la cohorte. Vous avez compris l’idée ?

Je vous explique ça parce que l’on va à présent comparer les doses collectives d’une année sur l’autre. Je l’ai dit au début, la tendance est plutôt à la hausse. Cette évolution, sans relever d’enjeu sanitaire, doit néanmoins inciter à se poser des questions, et les bonnes. À commencer par se demander dans quels secteurs la hausse est la plus marquée, pour ensuite en étudier les causes. Et voilà les évolutions des doses collectives sur trois ans, par domaine :

La taille de la cohorte a très peu augmenté, donc ce n’est pas ce qui explique l’évolution, que l’on retrouve aussi dans les doses individuelles moyennes :

On a des hausses dans pas mal de domaines. Pas le médical/vétérinaire, et c’est une très bonne nouvelle, quasiment pas dans l’industrie non nucléaire, ce qui est une plutôt bonne nouvelle.

Le gros de l’augmentation est porté sans équivoque par deux domaines : l’industrie nucléaire et l’exposition naturelle.

Pour l’industrie nucléaire, le motif est bien connu : le Grand Carénage est à son maximum, il y a énormément de maintenance réalisée dans les centrales, et la maintenance est une activité souvent assez dosante. Sur les 45 H.Sv, 31 viennent effectivement de la logistique et de la maintenance, autrement dit, les prestataires. 6 de l’exploitation courante des réacteurs, 2 de la propulsion nucléaire, de la fabrication du combustible et 1 du démantèlement d’installations.

Est-ce que ça justifie une augmentation des doses reçues par les personnels, je ne sais pas, mais en tout cas, ça l’explique.

Enfin, l’augmentation de l’exposition à la radioactivité naturelle… M’a beaucoup surpris. Il n’y a pas eu d’envolée du trafic aérien en 2019 à ma connaissance, même un ralentissement en fin d’année. Alors ? En fait, j’aurais pu commencer mon thread par :

« Le saviez-vous ? Les cycles d’activité du soleil ont une influence mesurable sur la radioactivité reçue en France par les professionnels exposés aux rayonnements et suivis par l’IRSN ».

En effet, l’IRSN explique que le Soleil éjecte en permanence des particules avec une intensité qui varie selon un cycle d’environ onze ans. Ça je pense que tout le monde le sait à peu près. Pas forcément 11 ans, mais que ça varie de manière cyclique. Or, ce flux de particules, le vent solaire, va induire un champ magnétique qui va en dévier une partie et moduler le rayonnement cosmique. Le bouclier magnétique de la Terre, en quelque sorte. En particulier rayonnement d’origine galactique. Et, ce que j’ignorais : c’est lui la principale contribution aux altitudes de vol des avions !

Ainsi, le rayonnement cosmique atteignant la Terre est moindre lorsque l’activité solaire est forte et inversement. Donc la baisse d’activité solaire induit une augmentation des doses reçues par les personnels navigants (et les passagers) !

C’est sur cette anecdote que je clos ce panorama de la dosimétrie des professionnels en 2019. Merci à l’IRSN pour leur travail toujours propre et rigoureux 🙂

La limite d’âge à 40 ans des centrales nucléaires

1 mai 2021 à 17:44

Ce billet est une reprise d’un thread pour revenir sur un sujet qui a fait l’objet de nombreux commentaires dernièrement : le fonctionnement des réacteurs nucléaire au-delà de leur quarantième année de service.

Préambule

Il se dit, essentiellement chez les opposants au nucléaire, que les centrales ont été conçues pour un maximum de 40 ans, après quoi elle doivent nécessairement être mises à l’arrêt.

Alors, immanquablement, quand l’Autorité de sûreté nucléaire dit qu’un fonctionnement jusqu’à 50 ans est envisageable sous des conditions qu’elle précise, les opposants hurlent au complot, à la connivence entre l’Autorité et les industriels au mépris de la santé humaine.

Mais si ce n’est pas 40 ans la limite, quelle est-elle ? D’où vient-elle ? Qui la fixe ?

J’avais déjà proposé des éléments explicatifs à ce sujet dans un précédent article. Complétons donc…

Non, ce nombre de 40 ans ne sort pas d’absolument nulle part. Il existe effectivement une durée de service prise comme hypothèse à la conception, laquelle sert de base au dimensionnement pour les ingénieurs qui y travaillent, car on ne peut naturellement pas leur demander de concevoir quelque chose qui durera indéfiniment : ils eurent une durée cible à prendre en considération.

Celle-ci fut de 25, 30 ou 40 ans selon les réacteurs et les époques. Mais un ingénieur ne conçoit pas un équipement pour qu’il fonctionne au maximum le temps prévu dans le cahier des charges, c’est une évidence, non ? C’est une durée minimale ! Et, compte tenu des marges prises à la conception, qui sont généralement larges dans l’industrie, très larges dans l’industrie de l’époque, extra-larges dans l’industrie nucléaire de l’époque (faute des moyens de calculs poussés dont nous disposons aujourd’hui), ce minimum peut tout à fait, en théorie, être dépassé.

Au-delà des 40 ans

En pratique, cela exige tout de même une maintenance, une surveillance, des études et des justifications, et c’est ce qu’exigent les autorités de sûreté dans tous les pays avant d’autoriser toute extension de durée de service. Des réacteurs dont on attendait 40 ans de fonctionnement initialement sont déjà autorisés à continuer jusqu’à 60 ans; par exemple aux USA. Les exploitants d’une poignée de réacteurs, dans ce pays, ont même déjà fourni les éléments à l’autorité de sûreté locale pour obtenir une autorisation de service jusqu’à 80 ans, et le processus a été initié pour de nombreux autres réacteurs. À ce jour, le maximum à retenir serait plutôt 80 ans que 40, donc.

Et si Greenpeace transforme un minimum de 40 ans en maximum, ne faisons pas la même erreur : 80 ans est bien un maximum, réglementaire (et donc jusqu’à preuve du contraire), ce qui ne veut pas dire que tous les réacteurs pourront atteindre cet âge. Un réacteur, c’est une machine extrêmement complexe, composée de centaines ou milliers de km de tuyauteries, câbles, et des centaines de robinets, de pompes, de composants divers.

La totalité moins deux de ces équipements est remplaçable.

Donc à ces deux exceptions près, sous condition d’une maintenance appropriée, la durée de service théorique d’un réacteur nucléaire est infinie. Ces deux exceptions sont l’enceinte de confinement et la cuve. Et, dans la pratique, la limitation la plus sévère est la cuve. La cuve, c’est un élément du « circuit primaire », un cylindre d’une douzaine de mètres de long pour quatre de large, dans laquelle l’eau circule de bas en haut en rencontrant le combustible, le cœur du réacteur, où l’énergie de la réaction nucléaire est transmise à l’eau qui s’échauffe alors.

La cuve est exposée à un flux intense de neutrons en provenance du cœur, qui en dégrade les propriétés mécanique : tenue aux chocs mécaniques, aux chocs thermiques, à la pression… Et on doute franchement de pouvoir la remplacer si besoin. D’où le fait qu’elle soit la limite pratique à la durée de service d’un réacteur.

Et c’est en modélisant la dégradation de ses propriétés mécaniques au fur et à mesure de son irradiation que les concepteurs de nos réacteurs ont estimé la durée de service desdits réacteurs. En modélisant. Dans les années 60.

Aujourd’hui, on connaît plutôt bien l’état des cuves. Il « suffit » d’analyser (c’est loin d’être simple, mais ça se fait). Et, évidemment, on connaît de manière plus fiable les cuves dans leur état actuel… Que les ingénieurs ne l’estimaient. Ça peut sembler stupidement évident, mais c’est un véritable sujet : aux yeux de certaines personnes, il vaudrait mieux faire confiance, pour connaître l’état actuel de nos cuves, aux concepteurs d’il y a cinquante ans qu’aux analystes aujourd’hui ; les estimations seraient plus fiables que de simplement constater. Mystère.

Quelles différences entre la conception et aujourd’hui ?

L’on peut discuter de quelques exemples d’hypothèses, faites à l’époque, alors totalement légitimes, mais qu’il est tout aussi légitime de rejeter ou de questionner aujourd’hui. Et l’invalidation de ces hypothèses contribue à expliquer que les durées de service augmentent par rapport aux estimations initiales.

Les marges

Il y en a un jeu d’hypothèse qu’il est très simple de remettre en question, ce sont toutes celles liées aux marges de calcul. Les modèles simples de l’époque, par rapport aux simulations numériques d’aujourd’hui, ce n’est pas la même affaire. Ils connaissaient la plupart des limites de leurs modèles, les imprécisions de leurs calculs, les simplifications qu’ils devaient adopter. Et en ingénieurs compétents et conscients, ils compensaient ces approximations par des marges. Les marges d’erreurs aujourd’hui sont plus fines, puisque l’on a une connaissance bien plus pointues du comportement des aciers sous irradiation. Et l’on a donc « du mou », une marge historique dont on n’a plus la nécessité aujourd’hui.

Ce gain sur les marges d’erreur est en partie « consommé » par des exigences de sûreté plus sévères aujourd’hui. Autrement dit, une partie de la marge d’erreur a été convertie en marge de sécurité : on envisage des scénarios beaucoup plus contraignants, pour les matériaux par exemple, qu’à l’origine, et donc les marges historiques nous permettent de justifier que ces scénarios plus contraignants sont gérables.

Et ce gain sur les marges d’erreur est également en partie du temps gagné sur la durée de service de la cuve.

Le taux d’utilisation

Un autre exemple d’hypothèse à revoir, c’est celle sur la quantité d’énergie produite.

Je n’ai pas fait mes exercices de bibliographie pour connaître quelles hypothèses exactes étaient considérées. Mais il ne me paraît pas déraisonnable d’imaginer qu’à la conception, on s’attendait à ce qu’un réacteur fonctionne en moyenne (donc, compte tenu des arrêts planifiés ou imprévus) à 90% de sa capacité, et ce pendant 40 ans. Autrement dit, qu’un réacteur de 900 MW (ils représentent la majorité du parc français aujourd’hui, avec 32 réacteurs sur 56) produirait 284 TWh d’électricité en 40 ans.

Or, la production électrique est directement liée à la production d’énergie nucléaire ayant eu lieu dans la cuve, et donc au nombre de fissions, et donc au nombre de neutrons émis, et donc à l’irradiation accumulée par la cuve (provenant notamment des neutrons). Donc un réacteur qui a moins produit, c’est, toutes choses égales par ailleurs, une cuve qui a moins été irradiée, et a donc moins vieilli.

Si, dans la pratique, le réacteur a passé plus de temps qu’attendu à l’arrêt, ou s’il a du faire du suivi de charge, c’est à dire faire varier sa puissance pour s’adapter à la demande, sa capacité a pu n’être utilisée qu’à 75% en moyenne, par exemple. La production électrique en 40 ans s’est alors établie à 237 TWh. Par rapport à la prévision initiale de 284 TWh, il reste donc 47 TWh à produire ; soit 8 ans de service à raison de 6 TWh par an.

La géométrie du cœur

Encore une hypothèse de conception que la réalité n’a pas respectée.

Typiquement, on renouvelle le cœur d’un réacteur à raison d’un tiers tous les ans. Donc le combustible passe, au total, 3 ans en cuve.

Plus il est vieux, moins le combustible possède d’éléments fissiles (uranium 235), et plus il contient de produits de fission qui absorbent les neutrons et donc réduisent la réactivité, l’efficacité du combustible. Pour compenser, on met le combustible neuf en périphérie du cœur, et à chaque rechargement, on le rapproche du centre du cœur parce qu’il a vieilli. Donc, la première année, il est sur l’extérieur, la deuxième année, il est sur une couronne intermédiaire et la troisième année, il la passe en plein milieu du cœur.

Et chaque année, on sort le combustible qui est en plein milieu, usé, on décale tout, on met du combustible neuf en périphérie, et on repart pour un an. C’est très schématisé, mais c’est l’idée. Quel rapport avec l’usure de la cuve ?

C’est le fait de mettre le combustible neuf, le plus réactif, et donc le plus gros émetteurs de neutrons – irradiants pour la cuve, je le rappelle – en périphérie, au plus proche des parois de la cuve. Celle-ci est donc d’autant plus fortement irradiée… Et c’est quelque chose que l’on avait bien identifié à la conception.

Mais entre temps, on s’est mis à faire une sorte de panachage du combustible neuf / un peu vieilli / très vieilli, pour trouver le meilleur compromis possible entre optimisation de l’utilisation du combustible et usure de la cuve. Et la conséquence, c’est que l’on gagne encore des années. Attention toutefois, l’utilisation, dans certains réacteurs, de combustible MOX (combustible recyclé à base de plutonium) a l’effet inverse, et a limiter le gain obtenu par le changement d’agencement du combustible dans le cœur.

Les transitoires

Un dernier exemple d’hypothèse de conception, le nombre de transitoires, doux ou rapides, subis par la cuve. Un transitoire, c’est un changement, plus ou moins brutal, des conditions de fonctionnement. Typiquement, une variation de pression ou de température, d’autant plus nocive à l’intégrité du circuit qu’elle est brutale.

Ces transitoires sont, autant que possible, limités en ampleur et en vitesse en fonctionnement normal, mais pas inévitables. Et ils sont à compléter des arrêts d’urgence pour des incidents et accidents.

Dans les études de conception, les ingénieurs d’alors ont pris en considération ces transitoires, avec des hypothèses, par exemple d’un à deux arrêts d’urgence par an et par réacteur. Valeur qui fut vérifiée pendant des années, mais aujourd’hui, la moyenne est plutôt autour de 0,5 arrêt d’urgence par an et par réacteur. Donc moins de stress mécanique pour le circuit primaire, et des années de gagnées.

Les limites ne sont pas que techniques

Les éléments présentés depuis le début de cet article sont à considérer sous condition d’une maintenance appropriée de tous les autres équipements du réacteur, voire leur remplacement périodique. Or, la maintenance a un coût, qui peut, à la longue, être élevé.

Et c’est pour ça que, dans la pratique, ce qui détermine quasiment toujours la fin de vie d’un réacteur, ce n’est rien de tout ce que je viens de vous expliquer. Ce peut être un accident, mais le plus souvent, c’est une décision politique (Fessenheim, Allemagne…) ou une décision économique. Car, quand la maintenance pour garder en service un réacteur coûte plus cher que ce que le réacteur rapporte en vente d’électricité… Alors c’est souvent une bonne raison pour son propriétaire ou exploitant de décider de son arrêt définitif.

Ce fut le destin de pas mal de réacteurs aux États-Unis en particulier, d’autant plus aux USA, il y a deux facteurs de complications pour la rentabilité des réacteurs nucléaires : le boom du gaz de schiste qui tire les prix de l’électricité vers le bas, et donc réduit la rentabilité des réacteurs, et les centrales qui comptent 1 seul réacteur, moins rentables que lorsqu’elles en comptent 2 ou plus, pour des raisons de mutualisation des compétences et matériels.

Conclusion

À l’issue de cet article, vous connaissez les trois principaux signaux indiquant la fin de vie d’un réacteur nucléaire :

  • Une décision politique en ce sens.
  • La non-rentabilité.
  • L’usure excessive de la cuve.

Et aucunement quelque chose d’aussi grossier que le nombre des années, contrairement aux allégations trompeuses de petits hommes verts.

Démystification rapide

Greenpeace France propose 10 raisons, selon eux, de fermer une centrale nucléaire après ses 40 ans. À la lumière des éléments présentés dans cet article, répondons-y…

« Les centrales nucléaires n’ont pas été conçues ni testées pour durer plus de 40 ans »
Conçues non, mais testées si, au regard de toutes les centrales déjà autorisées à fonctionner plus (dont certaines approchent déjà les 50 ans).

« Les centrales nucléaires, leurs matériaux et leurs équipements vieillissent mal, ce qui affecte la performance des réacteurs. »
La performance affecte la production et donc la rentabilité économique. Si les exploitants souhaitent prolonger un réacteur, c’est que celui-ci est rentable. Lorsqu’il ne l’est pas, soit ils font ce qu’ils peuvent pour qu’il le redevienne, soit ils le mettent à l’arrêt, ça s’est déjà vu.

« Certains composants essentiels s’abîment mais ne sont pas remplaçables. »
Cela induit que la durée de service n’est pas infinie. Pas qu’elle est de 40 ans.

« Les réacteurs nucléaires souffrent aussi d’anomalies et de défauts de fabrication. »
Connus, suivis, et qui peuvent évoluer jusqu’à avoir rogné les marges de sûreté et donc conduire à exiger l’arrêt définitif. Décision qui appartient à l’ASN, mais qui n’est pas conditionnée à un âge, ce serait absurde.

« Les réacteurs ont été imaginés dans les années 1970 et 80 »
Ce qui veut dire qu’ils ont bénéficié de 50 ans de suivi, de retour d’expérience international, d’évolutions matérielles et organisationnelles. Et donc qu’on les connaît bien mieux aujourd’hui qu’à l’époque. Je rappelle qu’au titre de ce suivi, en France, chaque installation nucléaire fait l’objet d’une réévaluation complète de sa sûreté entre l’exploitant, l’ASN et l’IRSN, pour s’assurer de sa conformité aux standards de sûreté en vigueur (et pas seulement ceux à la conception).

« Les vieilles centrales ne seront jamais aux normes les plus récentes. »
Si, cf. tweet précédent. Aux normes les plus récentes qui leurs sont applicables, pas aux normes des réacteurs neufs. Pour avoir des réacteurs neufs, il faut construire des réacteurs neufs.

« Tous les ans, EDF demande des dérogations pour contourner les normes de sûreté. »
Et soit fournit les justifications auprès de l’ASN pour les obtenir, donc en proposant des moyens palliatifs permettant d’un côté de gagner en sûreté ce qu’ils perdent de l’autre, soit n’obtient pas ces dérogations.

« Le risque d’accident grave augmente. »
Non, Greenpeace confond tout simplement le fait qu’on identifie de plus en plus de sources de risques au fil des années (retour d’expérience, consolidation des connaissance…) avec une prétendue augmentation du nombre de ces sources. Comme je le mentionnais précédemment, une réévaluation de sûreté décennale est pratiquée pour s’assurer de la conformité aux standards en vigueur -> le risque d’accident grave diminue au fil du temps. Par exemple avec le retour d’expérience post-Fukushima.

« Les centrales polluent l’environnement au quotidien. »
Propos qui ne brille que de sa vacuité et ne mérite pas débat : on se doute qu’ils étaient à la peine pour arriver à 10 arguments). Je vous propose de juste admettre, dans le cadre de cet article, que c’est éventuellement un argument contre le nucléaire, mais sans rapport avec une limite à 40 ans.

« Prolonger la durée de vie des réacteurs, ça coûtera cher et on ne sait pas encore combien. »
Le processus d’échange tripartite entre l’ASN, l’IRSN et EDF est continu, donc si, on sait de manière relativement précise combien ça va coûter, et c’est clairement rentable. Et c’est clairement admis dans le monde entier, cf. cet extrait piqué à l’Agence internationale de l’énergie.

Policy and regulatory decisions remain critical to the fate of ageing reactors in advanced economies. The average age of their nuclear fleets is 35 years. The European Union and the United States have the largest active nuclear fleets (over 100 gigawatts each), and they are also among the oldest: the average reactor is 35 years old in the European Union and 39 years old in the United States. The original design lifetime for operations was 40 years in most cases. Around one quarter of the current nuclear capacity in advanced economies is set to be shut down by 2025 – mainly because of policies to reduce nuclear’s role. The fate of the remaining capacity depends on decisions about lifetime extensions in the coming years. In the United States, for example, some 90 reactors have 60-year operating licenses, yet several have already been retired early and many more are at risk. In Europe, Japan and other advanced economies, extensions of plants’ lifetimes also face uncertain prospects.
Economic factors are also at play. Lifetime extensions are considerably cheaper than new construction and are generally cost-competitive with other electricity generation technologies, including new wind and solar projects. However, they still need significant investment to replace and refurbish key components that enable plants to continue operating safely. Low wholesale electricity and carbon prices, together with new regulations on the use of water for cooling reactors, are making some plants in the United States financially unviable. In addition, markets and regulatory systems often penalise nuclear power by not pricing in its value as a clean energy source and its contribution to electricity security. As a result, most nuclear power plants in advanced economies are at risk of closing prematurely.

Bref. Une fois n’est pas coutume, on cherchera en vain la vérité dans la communication de Greenpeace. De la démagogie, de l’appel à l’émotion, des arguments foireux qui défient la technique, et répéter en boucle les mêmes inepties pour établir une sorte de vérité alternative qui leur sied davantage, voilà ce qu’ils ont à offrir…

Désintégration : radioactivité et fission

6 mai 2021 à 10:57

Suite à ce thread, on m'a posé à au moins deux reprises une question qui m'a interpellé tant la réponse me parait être une évidence, aujourd'hui, alors je vais faire un tout petit rappel sur la physique d'un réacteur nucléaire.https://t.co/jyz1OnU9JC

— Tristan Kamin ☢ (@TristanKamin) November 4, 2020

Les questions qui m’ont été adressées proviennent d’une confusion entre deux phénomènes ayant lieu à l’échelle du noyau de l’atome (noyau → « nucléaire », par étymologie). La désintégration radioactive, et la fission nucléaire. Et ce sera également l’occasion de parler de transmutation.

La désintégration radioactive

Types de rayonnements

La désintégration est un phénomène spontané, c’est à dire qu’il n’a pas besoin d’être provoqué, il se déroule sans initiateur et de manière aléatoire dans les noyaux des atomes dits « radioactifs » (ce qui signifie… « qui sont susceptible de se désintégrer spontanément », justement).

Le noyau d’un atome, c’est un agrégat de deux types de particules, les neutrons et les protons. Les uns et les autres affichent une masse quasiment identique, mais le proton est électriquement chargé (sensible à un champ électrique, donc), tandis que le neutron est… neutre.

©IN2P3

Lors d’une désintégration radioactive, la modification est subtile. Un cas typique est celui d’un neutron qui se transforme en un proton, ce qui implique un changement de charge électrique… Compensé par l’éjection d’un électron : une particule beaucoup plus petite et légère, mais de charge opposée à celle du proton. Cette émission d’électrons est ce qu’on appelle le rayonnement β- (lisez « bêta moins »), qu’on raccourcit souvent par β, en oubliant le « moins » (parce que, certes, il existe un rayonnement β+, mais dans de rares cas de figure, donc la pratique conduit à souvent assimiler « β- » à « β »).

Il existe une autre forme de radioactivité assez courante, c’est le rayonnement α (« alpha »). Dans ce cas, le noyau initial se voit arracher un fragment comportant deux protons et deux neutrons, ce qui correspond au noyau de l’atome d’hélium.

©IN2P3

Énergie des rayonnements

Dans un cas comme dans l’autre, le phénomène libère une petite quantité d’énergie. Celle-ci se trouve sous la forme d’énergie cinétique, donc, en fait, de vitesse de la ou des particule(s) éjectée(s). Cette énergie, bien qu’importante à l’échelle d’une particule, est infime à l’échelle des quantités d’énergie que nous sommes habitués à manipuler au quotidien. C’est pourquoi aucune de nos unités habituelles, le (kilo)wattheure, le Joule, n’est appropriée. On comptera plutôt en « électrons-volt », notés eV, ou « mégaélectrons-volts », notés MeV, qu’il n’est pas question d’expliquer ici. Retenez simplement qu’il s’agit d’une unité de mesure de l’énergie (pour les curieux : 1 MeV ≈ 0.2 millionième de millionième de Joule).

L’énergie libérée par la radioactivité α ou β, exprimée en MeV, donc, varie selon l’atome initial qui s’est désintégré.

Pour le plutonium 238 par exemple, dont la désintégration s’accompagne d’un rayonnement α, on est à 6 MeV par particule α émise. Cet exemple n’est pas innocent : c’est cette énergie, de désintégration du plutonium 238, que l’on met à profit pour produire de la chaleur et, au final, de l’électricité, dans les « Générateurs Thermoélectriques à Radioisotope » qui équipent plusieurs missions d’exploration spatiale à la surface de Mars (Curiosity, Perseverance) et vers les objets plus lointains du système solaire (Voyager, Cassini-Huygens…).

Autre exemple, l’iode 131. Celui-ci est le radionucléide le plus redouté en cas d’accident de réacteur nucléaire, à l’origine de nombreux cancers de la thyroïde au Bélarus, en Ukraine et en Russie après la catastrophe de Tchernobyl. Avec lui, on a un rayonnement β d’énergie un peu inférieure à 1 MeV.

Dernier exemple, le tritium (ou hydrogène 3), dont on parle énormément dans le cadre des futurs rejets des eaux contaminées de Fukushima-Daiichi. On est encore sur un rayonnement β, mais dont l’énergie est d’à peine 0,02 MeV.

Mesure de la radioactivité

La radioactivité d’un matériau radioactif donné est donc liée au matériau en question, et est caractérisée par le type de rayonnement et l’énergie des particules émises. Mais ce n’est pas tout : pour mesurer la radioactivité, on va s’intéresser avant tout au nombre de désintégrations par seconde.

Alors, certes, j’ai dit que le phénomène de désintégration était spontané et aléatoire, ce qui laisse penser qu’il n’y a pas de régularité. Mais… Mais si, en fait.

À l’échelle d’UN atome radioactif, disons de carbone 14, on sait qu’elle va avoir lieu, mais on ne sait pas prédire à quel moment. C’est à ce titre qu’elle est aléatoire : elle peut survenir à tout moment, mais l’atome peut aussi rester du carbone 14 pendant des dizaines de milliers d’années avant de se désintégrer. Bien entendu, moins l’atome est stable, moins on devrait attendre avant de voir une désintégration.

Seulement, voilà, on regarde assez rarement un seul atome. Le moindre milligramme de carbone 14 contient quarante milliards de milliards d’atomes radioactifs. À l’échelle d’un si grand échantillon, la désintégration se met à suivre certaines règles. Si l’on ne sait dire quels atomes dans le lot se désintègreront ) quel instant, on sait dire que le nombre totale d’atomes de carbone 14 va diminuer exponentiellement, comme ceci.

Après un certain temps, environ 5700 ans, on aura vu se désintégrer la moitié de notre milligramme de carbone 14. Encore 5700 ans plus tard, il ne restera plus qu’un quart de l’échantillon initial. Puis, après encore 5700 ans, plus que le huitième, etc.

Si l’on sait dire comment évolue notre échantillon de carbone 14 avec le temps, cela veut dire que l’on sait à quelle vitesse il se désintègre ou, autrement dit, combien de désintégration par secondes y ont lieu à chaque instant.

La désintégration par seconde, c’est l’unité de mesure de la « quantité » de radioactivité ; on appelle ça un Becquerel, noté « Bq », du nom du bonhomme ayant découvert le phénomène.

Ainsi, notre milligramme de carbone 14, il s’y produit 150 millions de désintégrations par seconde. On dira qu’il présente une activité de 150 MBq (mégabecquerels). Évidemment, au fur et à mesure que notre quantité de carbone 14 diminuera, sa radioactivité diminuera aussi : après 5700 ans, il ne s’y produira plus que 75 millions de désintégrations par seconde ; autrement dit, son activité aura diminué à 75 MBq. Cette durée est ce qu’on appelle la « période », ou « demi-vie » du carbone 14.

C’est par cette logique que l’on peut dater le carbone issu de tissus vivants : le taux de carbone 14 par rapport au carbone total, est fixe tant que l’organisme est vivant, puis, après la mort de l’organisme, il diminue selon cette logique. Donc si l’on regarde le taux de carbone 14 d’un tissu aujourd’hui, on peut remonter plusieurs millénaires jusqu’à la date de sa mort – aux imprécisions près.

Radioactivité appliquée au combustible nucléaire

On a parlé d’iode, de plutonium, de carbone, de tritium, mais l’idée de ce billet, c’est d’appliquer tout ça à l’énergie nucléaire ! Alors, allons(y.

Dans une tonne d’uranium enrichi, soit 955 kg d’uranium 238 et 45 kg d’uranium 235, il se produit quinze milliards de désintégrations d’atomes d’uranium par seconde (15 GBq). Cela représente une perte de 6 picogrammes d’uranium, toujours par seconde, autrement dit, 0,2 milligrammes par an. Avec environ 4 MeV par désintégration, on obtient une production d’énergie de… 10 mW. Oui, dix milliwatts, de chaleur, à partir d’une tonne d’uranium. Pour comparaison, la chaleur libérée par un corps humain au repos est dix mille fois supérieure.

Ce n’est donc pas ce phénomène que l’on peut espérer utiliser en réacteur.

Ce n’est pas la radioactivité de l’uranium qui le consomme (enfin, à raison de 0,2 milligrammes par an, sur une tonne…) ni qui produit la chaleur. C’est le second phénomène que nous devons discuter…

La fission nucléaire

Là, tout de suite, il n’est plus question de transformations subtiles du noyau, pas de proton qui se transforme en neutron, pas d’émissions de minuscules électrons… Et ce n’est pas non plus un phénomène spontané (sauf à la marge).

Conditions d’obtention

S’il existe énormément d’atomes radioactifs différents, bien plus que d’atomes non-radioactifs en fait, les atomes qui peuvent fissionner sont moins nombreux. Et dans la nature, ils sont très peu nombreux. En fait ils sont au nombre de… Un. L’uranium 235. Mais on sait également en synthétiser à assez grande échelle : le plutonium 239 et l’uranium 233 (respectivement produit par transmutation -on y reviendra- à partir de l’uranium 238 et du thorium 232, que l’on dit non pas « fissiles » mais « fertiles »).

Bien. Pour la fission, il nous faut donc un atome fissile. Généralement de l’uranium 235. Et, je le disais, elle n’est pas spontanée : elle est induite, il faut un déclencheur, et le déclencheur est généralement un neutron qui se balade librement et qui vient percuter le noyau fissile. C’est la collision entre le noyau fissile et le neutron qui provoque la fission.

Phénomène de fission

Et la fission, c’est quoi ? C’est très simple : c’est l’éclatement du noyau fissile en deux fragments, de natures chimiques variées, et de tailles/masses variables mais relativement proches.

©IN2P3

Et en plus de ces deux fragments que l’on appellera « produits de fission », la fission va libérer quelques neutrons solitaires qui vont à leur tour pouvoir provoquer de nouvelles fissions : c’est la réaction en chaîne. En moyenne, 2,2 neutrons par fission pour l’uranium 235.

©GSI

Et parfois, un troisième produit de fission est libéré, beaucoup plus petit que les deux autres, et toujours le même : du tritium.

La réaction en chaîne de fissions a deux qualités notables. La première, c’est que c’est un phénomène induit et non spontané ; et si on le provoque, cela veut dire qu’on peut espérer le contrôler, réguler la vitesse de la réaction en chaîne. Et la seconde qualité, c’est l’énergie libérée à chaque fois : 200 MeV ! Un noyau d’uranium 235 qui fissionne, c’est 43 fois plus d’énergie que s’il se désintégrait. Et dans un réacteur nucléaire, on va faire fissionner l’uranium beaucoup, beaucoup plus vite qu’il ne se désintègre.

Fission appliquée au combustible nucléaire

En moyenne, dans un réacteur nucléaire, au sein d’une tonne d’uranium (soit, pour rappel, 45 kg d’uranium 235 et 955 kg d’uranium 238), on va faire fissionner une douzaine de kilogrammes d’uranium 235 par an. Pour atteindre cette consommation, c’est un milliard de milliards de fissions par seconde qu’il faut entretenir ! Oui, les quinze milliards de désintégrations par seconde que l’on avait par simple radioactivité sont loin…

L’uranium 235 se consomme donc par fission à un rythme de 0,4 milligrammes par seconde pour une tonne d’uranium initial -que l’on comparera aux 0,2 milligrammes par an perdus du fait de la radioactivité- pour une puissance libérée de 30 MW (mégawatts). On saute donc neuf ordres de grandeur par rapport aux 10 mW (milliwatts) provenant de la radioactivité.

Récapitulatif : radioactivité | fission

Iconographie

À l’exception du portrait d’Henri Becquerel, toutes les images de ce billet proviennent du merveilleux site laradioactivite.com.

Et la transmutation, alors ?

Il existe une troisième forme de transformation, induite elle aussi, que peut subir la matière nucléaire.

Comme la fission, elle passe généralement par l’absorption d’un neutron… Mais sans induire de fission ensuite. Le neutron reste absorbé, soit parce que la fission n’est pas toujours garantie, même pour les noyaux fissiles, soit parce que le noyau qui l’a absorbé n’était pas fissile.

Et l’on change ainsi la nature nucléaire de l’atome : du cobalt 59 (le cobalt naturel, stable) on passe au cobalt 60 (radioactif), par exemple.

Il s’agit souvent d’une réaction parasite, dont on se dispenserait bien. L’exemple ci-dessus l’illustre bien. Certains aciers utilisés en construction ou en métallurgie, y compris nucléaire, comportent du cobalt, dont la seule forme stable existante dans la nature est le cobalt 59. Exposé à un flux de neutron, comme celui s’échappant du cœur d’un réacteur nucléaire, le cobalt 59 transmute en cobalt 60, radioactif et même assez fortement irradiant. C’est un des plus gros gêneurs dans le démantèlement nucléaire, et c’est lui, avec sa demi-vie de seulement 5 ans, qui incite à différer le démantèlement de quelques décennies (stratégie en vigueur dans de nombreux pays, dont la France jusqu’en 2006 où le démantèlement immédiat est devenu la stratégie de référence).

Mais la transmutation peut également être utilement mise à profit. On a levé ce voile précédemment en mentionnant les atomes « fertiles ». L’uranium 238 est 140 fois plus abondant, dans la nature, que l’uranium 235. Et le thorium 232 est encore 3 fois plus abondant. Mais ils ne sont pas fissiles… En revanche, en les exposant à un flux de neutrons, on peut « fertiliser » ces noyaux « fertiles » pour les transformer en plutonium 239 et uranium 233, l’un et l’autre fissiles. Et nous voilà à créer de la matière fissile !

La transmutation offre d’autres possibilités, comme la fabrication de radionucléides très spécifiques à usage médical.

Certains font également la promesse de mettre ce phénomène à profit pour réduire les quantités de déchets radioactifs à gérer. C’est un peu ce qu’on fait en transformant l’uranium 238 (un peu inutile) en plutonium (fissile), mais l’on pourrait également envisager de transformer certains produits de fission aux demi-vie trop longues en produits de fission à vie courte. Par exemple, l’iode 129 est un des produits de fission les plus dérangeants dans la gestion à long terme des déchets radioactifs ; d’une part en raison de sa demi-vie de seize millions d’années, et d’autre part en raison de sa grande mobilité dans l’eau et la roche : à ce titre, il fait l’objet d’une attention renforcée dans la conception du stockage géologique.

En revanche, en transmutant l’iode 129 en iode 130, ce dernier ayant une demi-vie de quelques heures, on règlerait rapidement le problème : il suffirait de le laisser reposer quelques jours pour se retrouver avec une bonbonne de xénon stable. Évidemment, la mise en œuvre est bien plus complexe que ça.

Et les rayonnements gamma, alors ?

Dans cet article, vous aurez entendu parler de rayonnements α et β… Mais les rayons γ (« gamma »), pourtant bien connus, seraient passés à la trappe ?

En fait, le rayonnement γ réside en une émissions de photon, les particules sans masse ni charge électrique lesquelles, selon leur fréquence (croissante ci-après), sont appelées onde radio, micro-ondes, infrarouges, lumière, ultraviolets, rayons X ou rayons γ.

De fait, si l’on n’émet qu’un photon, on n’a pas transformation de matière, juste une libération d’énergie pure. Or, dans cet article, nous avons décrit différentes transformations ayant lieu au niveau du noyau atomique : désintégration, fission, transmutation…

Mais sachez que souvent, ces réactions produisent des atomes surexcités, qui vont éliminer leur trop-plein d’énergie par émission d’un photo… γ, bien souvent.

Si l’on en revient au cobalt 60, il va généralement se désintégrer en nickel 60 excité en émettant un rayonnement β de faible énergie (0,3 MeV). Mais le noyau de nickel 60 va ensuite se désexciter en émettant successivement deux particules γ, de 1,2 et 1,3 MeV chacune. Ça sera toujours du nickel 60, car pas de transformation du noyau, mais pour les personnels affectés au démantèlement, ce seront ces photons γ, le problème, pas le rayonnement β.

La réaction en chaîne redémarre à Tchernobyl ?

13 mai 2021 à 10:20

Contexte ?

‘It’s like the embers in a barbecue pit.’ Nuclear reactions are smoldering again at Chernobyl

C’est ainsi que le sujet est rentré dans l’actualité. Par un très bon article de Science Mag, paru le 5 mai.

Puis c’est arrivé en France. La nuance s’est perdue, s’est retrouvée, la précision s’est dégradée… Puis, les pseudo-comptes de médias sur Twitter, vous savez, ceux qui jamais ne donnent de sources et résument une info en un seul tweet qui doit être le plus accrocheur possible, et bien ils se sont emparés du sujet.

🇺🇦 FLASH | A #Tchernobyl, une réaction de fission #nucléaire est en train d'émerger dans le sarcophage et "menace une nouvelle fois le #pays" déclare Maxim #Saveliev.

(Slate) #nuclearenergy

— Conflits France (@ConflitsFrance) May 12, 2021

Si vous avez quelques éléments de physique nucléaire, de physique des réacteurs, vous pouvez arrêter votre lecture ici et lire l’article de Science Mag (en anglais) ou celui de Thrust My Science (en français).

Sinon… On reprend.

La fission nucléaire et la réaction en chaîne

J’ai publié sur ce blog, très récemment, un billet pour rappeler le principe de la réaction de fission en chaîne. Donc ici, je vais faire très concis :

  • Certains atomes, comme l’uranium 235 (naturel), l’uranium 233 ou le plutonium 239 (l’un et l’autre de synthèse), sont fissiles : dans certaines conditions, il est possible de fragmenter le noyau de l’atome en plusieurs éclats.
  • Cette réaction de fragmentation est la fission ; et elle libère une quantité colossale d’énergie.
  • La fission est généralement induite par une interaction, une collision en quelque sorte, entre le noyau et un neutron baladeur.
  • La fission libère elle-même des neutrons, qui peuvent donc à leur tour induire de nouvelles fissions. C’est la réaction en chaîne.

À Tchernobyl, ce sont des flux de neutrons en hausse qui suscitent l’attention. Pas une réaction en chaîne, mais ce qu’on appelle une augmentation de la réactivité ; nous y reviendrons.

D’où viennent les neutrons ?

La fission nucléaire produit ses propres neutrons. Mais, comme l’œuf et la poule, est-ce la première fission qui produit les premiers neutrons ? Mais par quoi est-elle induite, cette première fission ? Ou bien sont-ce les premiers neutrons qui produisent les premières fissions ? Mais ces neutrons viennent d’où s’il n’y avait pas de fission avant ?

L’œuf et la poule. Les deux cas de figure coexistent.

Fission spontanée

La fission ne demande pas toujours de neutron en amont pour la déclencher.

Certains atomes radioactifs, pourtant parfois considérés comme non-fissiles, ont une infime fraction de leurs désintégrations radioactives qui ne se font ni sous la forme de désintégration α, ni de désintégration β. L’uranium 238, par exemple, présent en abondance dans le cœur d’un réacteur (pour rappel, l’uranium 238 représente 99,3% de l’uranium naturel ; et les réacteurs type Tchernobyl fonctionnaient à l’uranium naturel ou très faiblement enrichi, donc au minimum 99% d’uranium 238), présente 50 fissions spontanées par million de désintégration. Une tonne d’uranium 238 affiche 12 milliards de désintégrations par seconde, dont environ 700 000 fissions spontanées. Chacune émettant entre 2 et 3 neutrons, ce sont 1,5 millions de neutrons qui sont ainsi libérés, chaque seconde, dans une tonne d’uranium 238.

Par ailleurs, dans un réacteur nucléaire, l’uranium 238 absorbe beaucoup de neutrons, ce qui conduit à le transformer en plutonium 239, 240, 241… Le plutonium 240, justement, est tout à la fois considéré comme non-fissile mais sujet à la fission spontanée. Dix fois moins que l’uranium 238 : seulement 5 fissions par million de désintégration. Cependant, le plutonium 240 est beaucoup plus radioactif que l’uranium 238. Un kilogramme de plutonium 240 affiche 8500 milliards de désintégration par seconde, dont 43 millions de fissions spontanées, libérant près de 100 millions de neutrons par seconde.

Récapitulons.

AtomeUranium 238Plutonium 240
Masse1 tonne1 kilogramme
Fissions par million
de désintégration
505
Désintégrations par seconde12 milliards8500 milliards
Fissions par seconde700 00043 millions
Neutrons émis par seconde1,5 millions100 millions

Les masses que je propose, d’une tonne et d’un kilogramme, sont totalement à titre indicatif et ne représentent pas l’inventaire du cœur du réacteur 4 de Tchernobyl (qui doit comporter environ 100 tonnes d’uranium 238 et au plus quelques kilogrammes de plutonium 240), ni de l’inventaire accumulé dans la salle où un risque de réaction en chaîne est suspecté.

Notez également que cette forte tendance à la fission spontanée rend le plutonium 240 extrêmement indésirable dans les armes nucléaires et est le facteur limitant la production de plutonium de qualité militaire dans des réacteurs non-optimisés pour.

Vous l’aurez compris, de nombreux neutrons sont émis spontanément dans les débris du cœur du réacteur. L’œuf.

Réactions induites par la radioactivité

La fission n’est pas le seul moyen d’émettre des neutrons. Soumis à un rayonnement α, voire à un rayonnement γ, certains atomes, comme le béryllium, vont réagir par l’émission de neutrons.

Dans le cœur d’un réacteur, les émetteurs de rayonnement α sont légion : uranium et plutonium en tête.

Ainsi, des interactions entre différents rayonnements, spontanés, et des matériaux stables ou instables, du cœur ou du réacteur, peuvent conduire à la production d’un flux de neutrons.

La poule.

Quelle vie pour les neutrons ?

Virtualisons une région du cœur accidenté du réacteur 4 de Tchernobyl, effondré dans cette fameuse salle souterraine. On va y retrouver :

  • du combustible : uranium 238 en abondance, petites quantités d’uranium 235, de plutonium
  • des produits de fission : césium, baryum, strontium…
  • quelques actinides mineurs, qui peuvent aussi être sources intenses de rayonnements α et de fission spontanée : américium, curium…
  • des débris du cœur : graphite, gaines du combustible, tuyauteries d’eau éclatées ou fondues…
  • des débris du bâtiment : gravats, câbles, tuyauteries, sable et plomb…
  • des absorbants de neutrons : barres de contrôle du réacteur, absorbants ajoutés en post-accidentel…

La composition est inconnue, pas homogène, et de géométrie quelconque.

Et dans cette région virtuellement délimitée que l’on considère, sont émis, disons, un million de neutrons par seconde par les réactions spontanées d’œuf et de poule énoncées ci-avant.

Que va-t-il arriver à ces différents neutrons ? Et bien, voici ce que l’on peut imaginer, avec des valeurs fantaisistes à titre d’illustration :

  • 100 000 vont rencontrer des noyaux fissiles et réussir à provoquer des fissions, produisant 250 000 nouveaux neutrons que l’on dira « de deuxième génération ».
  • 100 000 vont rencontrer des noyaux fissiles, mais être absorbés sans réussir à produire de fission.
  • 200 000 vont réussir à s’échapper de la région virtuelle et atteindre d’autres salles de la centrale, voire l’extérieur ; une partie sera mesurable et permettra de suivre indirectement ce qui se passe dans la région.
  • 600 000 vont être absorbés par les débris du cœur, du bâtiment, ou par les absorbants ajoutés à cette fin.

Et si l’on regarde les 250 000 neutrons de deuxième génération, ils vont se répartir de la même façon : 25 000 vont provoquer des fissions produisant 60 000 neutrons de troisième génération, 50 000 vont s’échapper, le reste va être absorbé.

La troisième génération, de 60 000 neutrons, va également en laisser échapper 12 000, en utiliser 6 000 pour la fission (donc 15 000 neutrons de quatrième génération), et perdre le reste dans les absorbants.

Sur ces trois générations, il est intéressant de noter que 262 000 neutrons se sont échappés, dont une partie aura été détectée par les moyens de surveillance.

Arrêtons le compte là, vous comprenez bien que chaque génération, le nombre de neutrons diminue fortement : c’est ce qu’on appelle un mélange « sous-critique ». La réaction en chaîne est incapable de s’auto-entretenir, elle s’étouffe de génération en génération, et s’il n’y avait pas de production de neutrons par fission spontanée ou par les rayonnements α et γ, cela ferait 35 ans qu’on ne mesurerait plus un neutron.

Criticité

On dit d’un mélange de matière fissile et d’autres substances qu’il est critique quand fission produit à son tour exactement une nouvelle fission.

Dans notre cas, le mélange serait critique si, pour un million de neutrons initialement, par exemple :

  • 200 000 s’échappaient – pas de changement de ce côté là,
  • 350 000 étaient absorbés… par les absorbants, débris, etc.,
  • 50 000 étaient absorbés par des noyaux fissiles sans réussir à produire de fission,
  • 400 000 étaient absorbés par des noyaux fissiles, produisant des fissions, et donc libérant 1 million de nouveaux neutrons.

Et alors, la réaction boucle : le réacteur est stable, on dit qu’il est critique. Dans un réacteur nucléaire, aussi dramatiquement connoté soit le terme « critique », il est l’état normal, réaction en chaîne stable, contrôlée.

Dans le cas précédent, nous étions « sous-critiques ». Il existe un troisième état, « surcritique » : c’est lorsque notre million de neutrons initial induit encore plus de fissions, et l’on se retrouve avec plus d’un million de neutrons une génération plus tard.

Dans un cas légèrement surcritique, on passerait, génération après génération, de 1 000 000 de neutrons à 1 050 000, puis 1 102 500, puis 1 157 625, puis 1 215 506… (ici, +5% par génération). C’est par exemple le cas d’un réacteur nucléaire dont on fait monter la puissance, après un redémarrage ou pour suivre la demande du réseau électrique. C’est une augmentation exponentielle, certes, mais d’une extrême lenteur : il faut 16 générations pour atteindre une population de 2 000 000 de neutrons dans une même génération. Dans le contexte de la pandémie de covid-19, c’est analogue à un R0 de 1,05.

Dans un cas fortement surcritique, le nombre de neutron augmente… Beaucoup plus vite. Peu de pertes de neutrons ou d’absorption sans fission (dite « absorption stérile »). On va avoir initialement 1 000 000 de neutrons puis, par exemple, 1 400 000 à la deuxième génération, 1 960 000 à la troisième… On dépassera largement les deux millions dès la quatrième. Ici, ce serait un R0 de 1,4. La limite théorique étant celle d’un R0 supérieur à 2 : la population de neutrons double à chaque génération, l’exponentielle est extrêmement raide. Ces cas fortement surcritiques sont ceux des bombes atomiques… Ou du réacteur 4 de Tchernobyl lors de l’accident du même nom.

Mais revenons-en au Tchernobyl d’aujourd’hui.

Les braises sous les cendres

La situation à Tchernobyl aujourd’hui est indéniablement sous-critique. Pas de réaction en chaîne, il y a un flux constant de neutrons par les réactions spontanées, mais qui n’est pas amplifié par les fissions induites.

Précédemment, je proposais le scénario suivant :

Première génération1 000 000
Neutrons échappés200 000
Neutrons absorbés par des éléments non fissiles600 000
Neutrons absorbés de manière stérile par des éléments fissiles100 000
Neutrons qui entraînent une fission100 000
Deuxième génération250 000
Neutrons échappés 50 000
Neutrons absorbés par des éléments non fissiles 150 000
Neutrons absorbés de manière stérile par des éléments fissiles 25 000
Neutrons qui entraînent une fission 25 000
Troisième génération62 500
Neutrons échappés 12 500
Neutrons absorbés par des éléments non fissiles 37 500
Neutrons absorbés de manière stérile par des éléments fissiles 6 250
Neutrons qui entraînent une fission 6 250

Avec, sur les trois générations, 262 500 neutrons qui s’échappent.

Cependant, récemment, on a mesuré une augmentation du nombre de neutrons détectés aux limites du bâtiment. Davantage de neutrons qui s’échappent, donc.

Deux interprétations possibles. La première est qu’il y a une augmentation du taux de neutrons qui s’échappent. Par exemple, une structure locale qui s’est effondrée qui change la géométrie, et des neutrons qui étaient auparavant absorbés s’échappent à présent. Exemple :

Scénario de baseNouveau scénario
Première génération1 000 0001 000 000
Neutrons échappés200 000250 000
Neutrons absorbés par des éléments non fissiles600 000550 000
Neutrons absorbés de manière stérile par des éléments fissiles100 000100 000
Neutrons qui entraînent une fission100 000100 000
Deuxième génération250 000250 000
Neutrons échappés 50 00062 500
Neutrons absorbés par des éléments non fissiles 150 000137 500
Neutrons absorbés de manière stérile par des éléments fissiles 25 00025 000
Neutrons qui entraînent une fission 25 00025 000
Troisième génération62 50062 500
Neutrons échappés 12 50015 625
Neutrons absorbés par des éléments non fissiles 37 50034 375
Neutrons absorbés de manière stérile par des éléments fissiles 6 2506 250
Neutrons qui entraînent une fission 6 2506 250

Au bilan, nous n’avons pas du tout d’évolution sur la réaction en chaîne… Mais le nombre de neutrons en fuite passe de 262 500 à 328 125 (+25%).

La seconde interprétation est que le taux de fuite n’a pas changé… mais que la population de neutrons a augmenté. Que la réaction en chaîne est moins sous-critique, qu’elle s’atténue plus lentement, génération après génération. Cela peut avoir deux causes :

  • Soit les neutrons absorbés par des éléments fissiles entraînent plus souvent de fissions (moins de « captures stériles »)
  • Soit l’absorption par les débris, absorbants, etc., est moins efficace, et davantage de neutrons sont absorbés par des éléments fissiles.

On va mettre en application ce second cas.

Scénario de baseNouveau scénario
Première génération1 000 0001 000 000
Neutrons échappés200 000200 000
Neutrons absorbés par des éléments non fissiles600 000550 000
Neutrons absorbés de manière stérile par des éléments fissiles100 000125 000
Neutrons qui entraînent une fission100 000125 000
Deuxième génération250 000312 500
Neutrons échappés 50 00062 500
Neutrons absorbés par des éléments non fissiles 150 000171 900
Neutrons absorbés de manière stérile par des éléments fissiles 25 00039 100
Neutrons qui entraînent une fission 25 00039 100
Troisième génération62 50097 700
Neutrons échappés 12 50019 500
Neutrons absorbés par des éléments non fissiles 37 50053 700
Neutrons absorbés de manière stérile par des éléments fissiles 6 25012 200
Neutrons qui entraînent une fission 6 25012 200

Beaucoup de chiffres, hein ? Mais finalement, c’est assez simple à comprendre : tout a augmenté. Évidemment les neutrons qui s’échappent et que l’on détecte, qui sont passés de 262 500 à 282 000 (+7%), mais également le nombre de neutrons à chaque génération, qui diminue toujours, mais moins vite. Toujours pour faire un parallèle avec la pandémie, le R0 demeure inférieur à 1, mais remonte un peu. Pas de quoi relancer l’épidémie pour autant, puisque chaque malade contamine en moyenne moins d’une personne. Et pas d’exponentielle. Simplement la preuve d’une circulation résiduelle du virus… La preuve d’une variation du nombre de fissions produites.

Conséquences ?

La situation demeure stable à Tchernobyl. C’est la première chose à garder en tête : il n’y a pas d’emballement, il n’y a pas de réaction en chaîne auto-entretenue, il n’y a pas d’évolution d’ensemble de la situation.

De plus, dans un réacteur accidenté, il n’est pas anormal de voir des variations d’activité, on s’attend à ce que l’élément perturbateur ayant conduit à cette variation soit tôt ou tard épuisé, ou compensé par un autre élément perturbateur.

Cependant, il ne peut pas être exclu aujourd’hui que la sous-criticité continue à se déliter progressivement. Que le R0 augmente. Que l’on se rapproche de 1 – d’un état critique.

Critique, au sens de la neutronique, de la physique nucléaire, pas au sens médiatique. Critique, au sens où la réaction en chaîne parvient à s’auto-entretenir.

Et alors, irait-on vers un deuxième accident de Tchernobyl ?

Assurément, non. Une situation de forte surcriticité comme à Tchernobyl, avec dégagement important d’énergie et donc potentiel destructeur, c’est exclu, parce que les conditions d’obtention d’une telle réactivité sont hors d’atteinte. En revanche, l’atteinte d’une criticité oscillante, avec des moments où le milieu devient légèrement surcritique, s’étouffe, redémarre, se ré-étouffe… N’est pas exclu. En pareil cas, l’émission d’énergie est très faible, sans conséquence. En revanche, l’émission de neutrons et de rayonnements γ devient considérable, avec de forts risques d’irradiation grave pour tout le monde aux alentours.

Le risque est alors de rendre le démantèlement futur du réacteur infernal, faute de pouvoir garantir que l’on n’aura pas des flashs de neutrons pendant que des personnels seront aux alentours. Voilà pourquoi l’on surveille, pourquoi on envisage dès maintenant d’identifier les causes et les parades à éventuellement mettre en œuvre.

Si vous voulez vous faire une idée plus précise de ce qu’est un « accident de criticité », les conséquences que cela peut avoir, prenez le temps de découvrir la sombre histoire de l’accident de Tokai Mura.

Merci pour votre lecture, et gardez la tête froide : ça inclut aussi bien de ne pas s’alarmer pour rien… Que de survivre à l’agacement suscité par les alarmistes.

Je sais, ça vaut pour moi aussi.

Déchets #9 L’Histoire du stockage géologique en France

20 février 2022 à 21:53

Dans cet article, dont vous retrouverez la version thread Twitter ci-après, je vous propose une petite rétrospective maison du processus réglementaire et scientifique de la gestion des déchets radioactifs aujourd’hui dédiés au stockage géologique : ceux de haute activité ainsi que ceux de moyenne activité à vie longue. Pourquoi ? Parce que les politiques, décennies après décennie, n’ont eu vocation qu’à repousser la prise de décision, comme vous allez pouvoir le constater, et donc nourrir la fausse idée selon laquelle on ne saurait « pas gérer les déchets radioactifs »…

Bien, bien… J'ai de la lecture pour vous ce soir. Un nouveau #thread sur la gestion des #déchets #radioactifs les plus crachou de la filière #nucléaire

Si le format vous rebute, je mettrai tout ça sur mon blog dans le courant du week-end.

Bonne lecture !

1⃣/4⃣5⃣

— Tristan Kamin ☢ (@TristanKamin) July 9, 2021

1991

Le Parlement demande au CEA, au CNRS et à l’ANDRA d’étudier diverses solutions pour gérer au long terme les déchets les plus radioactifs. La feuille de route leur donne 15 ans pour rendre leur copie. On se référera à ce point de départ comme la « Loi Bataille », et Alexis a quelques anecdotes à son sujet.

Les discussion vont bon train, et après deux lectures et une CMP, le projet de loi est adopté le 18 décembre 1991. Elle sera connue sous le nom de Loi Bataille. Et puisqu'on va troller des insoumis, intéressons nous à la discussion au Sénat.https://t.co/uE4PmeREkO

— Alexis Quentin (@AStrochnis) June 8, 2018

L’article 4 de cette loi est celui qui nous intéresse ici.

« Le Gouvernement adresse chaque année au Parlement un rapport faisant état de l’avancée des recherches sur la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue et des travaux qui sont menés simultanément pour :

  • la recherche de solutions permettant la transmutation des éléments radioactifs à vie longue présents dans ces déchets ;
  • l’étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains ;
  • l’étude de procédés de conditionnement et d’entreposage de longue durée en surface de ces déchets.

Ce rapport fait également état des recherches et des réalisations effectuées à l’étranger.

À l’issue d’une période qui ne pourra excéder quinze ans à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement adressera au Parlement un rapport global d’évaluation accompagné d’un projet de loi autorisant, le cas échéant, la création d’un centre de stockage des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue et fixant le régime des servitudes et des sujétions afférentes à ce centre.

Le Parlement saisit de ces rapports l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. »

Ainsi, lors de ce point zéro, il était bien question d’étudier différentes alternatives et, si le stockage géologique devait ressortir comme l’option la plus crédible, se préparer dès 2006 à la création d’un centre de stockage. Notons également qu’il était déjà alors question d’éventuelle réversibilité du stockage géologique.

Toujours 1991

La DSIN, qui deviendra plus tard l’ASN, édicte la « Règle fondamentale de sûreté » (RFS) III.2.f qui définit les objectifs à retenir pour le stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde.

2005

L’ANDRA, l’Agence nationale pour la gestion des matières et déchets radioactifs, remet le « Dossier argile ». Celui-ci prétend aboutir à la conclusion qu’un stockage de déchets radioactifs dans la couche argileuse où le laboratoire est déjà implanté est faisable.

Ce dossier fait l’objet d’une instruction par l’IRSN, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. En deux mots, le stockage y est qualifié de « faisable » et le dossier ne présente pas « d’élément rédhibitoire ». Et donc si une décision parlementaire devait être prise en 2006 en faveur du stockage géologique, l’IRSN juge que les données disponibles le justifieraient.

Cet avis de l’IRSN est alors présenté au « Groupe permanent d’experts de l’ASN pour les installations destinées au stockage à long terme des déchets radioactifs. » Ce groupe conclut :

Des résultats majeurs relatifs à la faisabilité et à la sûreté d’un stockage ont été acquis.

2006

Tous les experts ont rendu leur avis sur le stockage géologique. À l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, de trancher. Puis viendra le tour pour le Gouvernement et le Parlement de se décider.

L’ASN considère que le stockage en formation géologique profonde est une solution de gestion définitive qui apparaît incontournable.

Avis de l’ASN sur les recherches relatives à la gestion des déchets à haute activité et à vie longue

C’est sans ambiguïté et un appel du pied explicite au Parlement.

Lequel, toujours en 2006, trouve malgré tout que ces quinze années sont passées drôlement vite, et que l’on ne serait toujours pas en mesure de décider. La décision est repoussée à 2012, et les études et recherches vont pouvoir continuer. L’ANDRA prend notamment alors en charge les recherches sur l’entreposage de longue durée.

En 2006, et ben on se rend compte qu'on n'a pas de quoi prendre une décision définitive, donc est repartie pour quelques années de recherche, comme le dit l'article 3 de la la loi 2006-739https://t.co/wSlJpQgqpj

— Alexis Quentin (@AStrochnis) June 8, 2018

L’article 3 de la loi 2006-739 du 28 juin 2006 propose d’approfondir toujours les trois mêmes axes de recherche :

  1. « La séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue. Les études et recherches correspondantes sont conduites en relation avec celles menées sur les nouvelles générations de réacteurs nucléaires […] afin de disposer, en 2012, d’une évaluation des perspectives industrielles de ces filières et de mettre en exploitation un prototype d’installation avant le 31 décembre 2020 ;
  2. Le stockage réversible en couche géologique profonde. Les études et recherches correspondantes sont conduites en vue de choisir un site et de concevoir un centre de stockage de sorte que, au vu des résultats des études conduites, la demande de son autorisation […] puisse être instruite en 2015 et, sous reserve de cette autorisation, le centre mis en exploitation en 2025 ;
  3. L’entreposage. Les études et recherches correspondantes sont conduites en vue, au plus tard en 2015, de créer de nouvelles installations d’entreposage ou de modifier des installations existantes, pour répondre aux besoins, notamment en termes de capacité et de durée […]. »

Que voit-on ? Que l’on repart pour un tour, déjà, sur avis du Parlement, contre celui de l’Autorité de sûreté, n’en déplaise à ceux qui crient à la technocratie ou à l’absence de démocratique en la matière. L’on voit aussi apparu que le stockage doit à présent être réversible. Et on note des dates qui, vues de 2022, nous font bien rire : un prototype d’installation de séparation ou transmutation avant fin 2020 quand Astrid a été abandonné en 2019, ou une demande d’autorisation de création de Cigéo en 2015 quand on l’attend pour 2023 ou 2024…

2008

La RFS III.2.f est abrogée par l’ASN qui la remplace par un « guide », le premier guide de l’ASN, sur le stockage définitif des déchets radioactifs en formation géologique profonde.

2009

L’ANDRA présente un rapport d’étape sur Cigéo, marquant le passage d’une phase de faisabilité à une phase d’avant-projet.

2010

Le CEA, alors encore Commissariat à l’énergie atomique, présente un rapport d’étape sur l’évaluation technico-économique des perspectives industrielles des filières de séparation et transmutation des substances radioactives à vies longues. 

2012

Sur cette base, l’IRSN rend un avis sur la séparation/transmutation. L’institut y déclare que la faisabilité n’est « pas acquise » et que les gains espérés, y compris en termes de sûreté, « n’apparaissent pas décisifs. »

Toujours 2012

Le CEA complète son rapport d’étape d’un rapport complet sur la séparation-transmutation des éléments radioactifs à vie longue, au titre de la Loi Bataille de 1991.

L’ANDRA est également à l’heure au rendez-vous et livre son bilan des études et des recherches sur l’entreposage et conclut que cette solution constitue un soutien au stockage géologique plus qu’une alternative.

2013

L’ASN s’appuie sur les deux rapports du CEA et sur l’avis de l’IRSN et conclut sur la transmutation : cette option ne devra pas être « un critère déterminant pour le choix des technologies examinées ».

Côté État, on se lance dans un débat public avant de trancher, et c’est de manière assez prévisible, l’option du stockage géologique qui en ressort.

A l'issue des ces travaux, la solution proposée est le stockage en couches géologiques profondes. Cette solution est proposée lors d'un débat public en 2013, et vous pouvez trouver les documents correspondant ici :https://t.co/r8WfuJZ14E

— Alexis Quentin (@AStrochnis) June 8, 2018

2016

Forte fut la procrastination, mais cette année-là, le Parlement, et à une très grande majorité, vote l’adoption du stockage géologique comme solution de référence.

La loi 2016-1015 du 25 juillet 2016 précise « les modalités de création d’une installation de stockage réversible en couche géologique profonde des déchets radioactifs de haute et moyenne activité à vie longue ».

La même année, l’ANDRA dépose auprès de l’IRSN, pour instruction, les deux Dossiers d’options de sûreté (DOS) de Cigéo, pour les phases d’exploitation et post-fermeture.

L’ANDRA saisit également l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’AIEA, pour demander une revue internationale sur les DOS. Celle-ci rendra rapidement ses conclusions : projet robuste, méthode adaptée. La revue internationale suggèrera des thématiques à investiguer davantage.

Le contenu du DOS et les discussions engagées au cours de la mission ont donné à l’équipe de revue une assurance raisonnable quant à la robustesse du concept de stockage. Constatant que, dans de nombreux domaines, la recherche est toujours en cours pour la démonstration ou la confirmation de la sûreté, l’ERI a identifié quelques domaines supplémentaires qu’il serait utile d’approfondir, afin de renforcer la confiance existante dans la démonstration de sûreté : production et transport des gaz, description du vieillissement des composants du centre de stockage au cours de la période d’exploitation, incertitudes liées au temps de resaturation des alvéoles de stockage et effet sur la dégradation des colis de déchets, rôle des microbes et formation potentielle de biofilms au cours de la période d’exploitation, et conséquences des défaillances non détectées.

Les DOS sont également instruits par la Commission nationale d’évaluation qui en restituera une analyse et des recommandations pour améliorer le projet.

2017

À son tour, l’IRSN rend la sentence de ses experts sur le DOS. Le projet fait état d’une « maturité technique satisfaisante au stade du DOS », mais il demeure des points durs. En particulier, la démonstration de maîtrise du risque d’incendie pour une certaine une famille de déchets de moyenne activité est insatisfaisante. Si cela n’est pas rédhibitoire pour l’avancement du projet Cigéo, pour ces déchets, pas de stockage possible en l’état, les études doivent continuer. Soit en vue d’une amélioration de la démonstration de sûreté, soit en vue d’un reconditionnement des déchets pour neutraliser leur réactivité chimique.

Les Groupes permanents d’experts de l’ASN pour les installations destinées au stockage à long terme des déchets radioactifs et pour les laboratoires et usines du cycle vont dans le même sens que l’IRSN :

En conclusion, les groupes permanents estiment que le DOS transmis par l’ANDRA montre que les options de sûreté de Cigéo sont dans l’ensemble satisfaisantes, hormis le cas particulier des bitumes. Sur cette base et compte tenu des engagements pris par l’ANDRA, une démonstration probante de la sûreté du projet de stockage devrait pouvoir être présentée dans le dossier de demande d’autorisation de création correspondant, sous réserve d’un traitement satisfaisant des points soulevés dans le présent avis, dont certains pourraient nécessiter des modifications d’éléments de conception.

2018

L’ASN rend son avis sur le DOS et le soumet à consultation du public. Bilan : « maturité satisfaisante » à ce stade. L’ASN reprend certaines recommandations précédemment émises pour les étapes futures (lesquelles seront la Déclaration d’utilité publique, attendue en 2022, et le Décret d’autorisation de création, dont la demande est prévue pour 2023 ou 2024).

La même année, une commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires soumet un rapport qui préconise de « poursuivre l’étude de la solution de l’entreposage de longue durée en subsurface comme alternative éventuelle au stockage géologique. » Et ce en dépit de tous les acquis précédents contestant la pertinence de l’entreposage comme alternative, motivé par les seules postures de militants antinucléaires.

2019

La députée  LREM Émilie Cariou, rapporteure du débat public susmentionné, propose l’entreposage comme alternative au stockage géologique. En tirant, là encore, un trait sur les travaux scientifiques et parlementaires depuis 1991.

La même année, la Commission nationale du débat public, dans le cadre du débat public sur le PNGMDR 2019-2021, demande à l’IRSN une revue bibliographique des recherches internationales sur les alternatives au stockage géologique. L’IRSN répond à cette demande, j’en parlais dans cette série d’articles. Je résumais ainsi l’avis IRSN :

  • Arrêter de produire des déchets ainsi que l’entreposage en (sub)surface ne sont pas retenus car, par essence, ils ne sont pas des alternatives au stockage géologique.
  • De même pour la séparation-transmutation, qui est au mieux un complément, pas une alternative.
  • L’immersion et le stockage dans les glaces polaires ont des limites techniques sérieuses et, surtout, des verrous politiques et éthiques.
  • L’envoi dans l’espace est une catastrophe en termes de sûreté et de coût.
  • Le stockage en forage a un potentiel très intéressant pour certains déchets, plus discutable pour d’autres mais sans problème majeur.

2020

L’ANDRA publie son dossier d’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique.

2021

La Commission d’enquête sur la demande de reconnaissance d’utilité publique du projet Cigéo rend son rapport. En résumé :

La commission d’enquête considère que le projet est à la fois opportun, pertinent et robuste au regard des textes réglementaires qui stipulent un stockage des déchets en couche géologique profonde sur un site disposant d’un laboratoire souterrain.

Au terme de ce bilan entre d’une part le risque, et d’autre part les mesures de précaution la
commission d’enquête estime la proportionnalité acquise et pertinente.

La commission d’enquête émet un AVIS FAVORABLE à la Déclaration d’Utilité Publique du projet de centre de stockage en couche géologique profonde des déchets de haute et moyenne activité à vie longue (Cigéo), assorti de CINQ recommandations ci-après.

Les cinq recommandations sont les suivantes ;

  1. D’établir un échéancier prudent des aménagements préalables dans l’occurrence de l’obtention des
    autorisations ;
  2. De veiller à une insertion paysagère harmonieuse avec le paysage rural ;
  3. De procéder à un défrichement progressif du bois Lejuc, aux seuls besoins de la DRAC afin de
    préserver au maximum la biodiversité ;
  4. De maintenir un écran visuel sur la partie sud pour préserver les vues depuis les villages
    environnants ;
  5. De compléter la communication envers le public de son territoire proche et l’adapter en fonction
    de la phase opérationnelle de Cigéo, tout en reconnaissant l’importance de la communication déjà
    réalisée par le maître d’ouvrage.

Toutefois, en parallèle, la Banque publique d’investissement (BPI) lance un appel à projets appelant à chercher des solutions alternatives au stockage géologique profond.

Conclusion

Ce thread débute en 1991. La décision devait être prise en 2006. Elle a été repoussée jusqu’en 2016, pour des raisons… Variables, souvent politiques. Depuis, toutes les étapes ont conforté la décision faite alors. Et pourtant, 30 ans après la loi de 1991, 15 ans après la loi de 2006, on n’a pas encore mis le premier coup de pelle pour Cigéo. On repousse…

Et surtout, les décideurs (ça te va, les décideurs ?) font énormément d’efforts… Pour ne pas décider ni devoir décider, pour revenir en arrière, remettre en question les décisions et acquis précédents, essayer encore et encore de nous faire repartir vers 1991.

C’est pour cela qu’il est encore si facile de clamer « on sait pas quoi faire des déchets » ! Si, on sait quoi faire, depuis 15 ans, et chaque jour depuis, on sait un peu mieux. Mais on procrastine. Les opposants n’ont évidemment pas intérêt à encourager la prise de décision. Les élus… Pareil. Le statu quo est confortable, devoir s’engager sur un tel sujet est terrifiant. Chacun lègue à la « génération » (électorale) future.

Et encore, ma chronologie est ultra franco-centrée ! Mais la démarche parallèle a lieu dans des tas de pays, et les résultats sont cohérents !

« Le premier rapport mondial sur le sujet »

Pendant ce temps, à l'AIEA et l'OCDE/AEN :https://t.co/GtzSW36uP0https://t.co/ToWI4RFcnRhttps://t.co/hNajjNX1Uqhttps://t.co/sSDeetwN3Whttps://t.co/b4Z6oW7nVU pic.twitter.com/WjiS52rhDf

— Tristan Kamin ☢ (@TristanKamin) November 6, 2020

Dans ce thread ci-dessous, je décortiquais un rapport de l’Agence pour l’énergie nucléaire de l’OCDE. Son joli nom : Management and Disposal of High-Level Radioactive Waste : Global Progress and Solutions.

J'ai attaqué la lecture de ce document de la #nuclear Energy Agency @OECD_NEA de l'OCDE.
Daté de cette année, il fait un état des lieux scientifique, technologique et politique des solutions de gestion des #déchets hautement radioactifs et du combustible #nucléaire usé.#thread

— Tristan Kamin ☢ (@TristanKamin) September 24, 2020

Les optimistes me rétorqueront que la recherche sur les alternatives est nécessaire pour justifier de l’intérêt de la réversibilité du stockage géologique, et pour l’acceptation par les politiques et le public, et qu’elles n’empêchent pas le projet d’avancer. En effet, l’idée d’avoir un stockage réversible pendant environ un siècle est de pouvoir changer d’avis si une alternative émergeait d’ici là. Donc, évidemment, il faut chercher des alternatives, quand bien même sait-on qu’il n’y a rien à espérer qui remettrait en question la pertinence du choix du stockage géologique.

J’espère seulement qu’effectivement, ces errements ne freineront pas à nouveau le projet, et que les différentes formations politiques au pouvoir se garderont de nous renvoyer sans cesse en 1991 à vouloir étudier les alternatives, encore et encore, avant de prendre une décision.

Les clés pour décider, on les a déjà. L’enquête pour la DUP de Cigéo est bouclée et, d’ici deux ou trois ans viendra celle pour le Décret d’autorisation de création. Le moment ultime de prendre cette lourde décision.

Le processus accompagnera le mandat du Président élu en 2022 et le Décret d’autorisation de création pourrait être prêt en toute fin de mandat, donc à la veille d’une échéance électorale. Que faut-il attendre ? En tout cas, je pense que ce thread le montre assez bien, il n’y aura, sauf révélation majeure, aucune raison d’encore procrastiner. Alors, que fera-t-on ?

Je vous laisse entre les mains du Président de l’ASN. Parce qu’il a l’intelligence d’être d’accord avec moi.

(Joke, hein)

DECHETS : A propos du Plan National de Gestion des Matières et Déchets Radioactifs (PNGMDR) : l'ASN souligne qu'il faut vraiment prendre des décisions. On a les solutions, mais on ne les met pas en œuvre. La tendance est à la « procrastination »… pic.twitter.com/UaP33y1syc

— Nicolas (@autommen) April 8, 2021

Accord EDF-Amazon : une menace pour la souveraineté française ?

28 février 2024 à 15:21

Pour moderniser la maintenance prédictive de ses centrales nucléaires, EDF vient de nouer un partenariat avec le géant américain Amazon. Cet accord, capital pour l’amélioration du suivi des centrales nucléaires, pose néanmoins des questions sur la souveraineté numérique française et sur d’éventuels risques d’espionnage industriel.

Non, EDF n’a pas signé un accord avec Amazon pour bénéficier de la livraison en un jour ouvré concernant les composants de ses futurs EPR2. L’énergéticien français souhaite plutôt s’attacher les compétences informatiques du géant américain, par le biais de sa filiale Amazon Web Services (AWS), moyennant un contrat de 860 millions d’euros. Avec ce contrat, EDF a pour objectif de moderniser toute une partie de son système d’information dit « de gestion ». AWS devrait permettre, grâce à l’intelligence artificielle, de numériser et de sauvegarder l’ensemble des références de pièces nécessaires à la maintenance des centrales nucléaires françaises, et ainsi mieux gérer les stocks. Cette gestion optimisée devrait faciliter les opérations de maintenance prédictive et éviter d’éventuels retards sur le redémarrage de réacteurs dans le cadre de maintenances programmées. L’optimisation de ces opérations de maintenance est d’autant plus importante que celles-ci devraient se multiplier face au prolongement de la durée de vie des réacteurs français.

Ce contrat fait partie d’un vaste plan de numérisation d’EDF, un chantier lancé par Luc Rémont lors de son arrivée à la tête du groupe en 2023. Dans ce contexte, plusieurs partenaires IT (informatiques et technologies), comme AWS, ont été choisis pour soutenir les centres de stockage et les compétences internes. Le français Outscale, filiale de Dassault Systèmes, a, par exemple, été chargé de la mise en place de jumeaux numériques pour optimiser la construction et la gestion des futurs EPR2.

À lire aussi EDF : pourquoi 2024 pourrait être une année olympique pour l’énergéticien national

Un risque d’espionnage industriel ?

Néanmoins, cette décision interroge, car confier cette mission à une entreprise étrangère peut exposer le parc nucléaire français à des risques d’espionnage ou de cybersécurité. Le ministère de l’Économie a bien essayé de se montrer rassurant en indiquant que le contrat était verrouillé dans le cadre des règles européennes. Malgré ces règles européennes, et même si ces données sont totalement indépendantes des systèmes informatiques de pilotage des centrales, la prudence est de mise. En effet, outre-atlantique, le Foreign Intelligence Surveillance Act (FISA), le Patriot Act et le CLOUD Act permettent aux autorités fédérales d’accéder aux données stockées par des entreprises américaines. Ainsi, le gouvernement américain pourrait avoir accès aux données de maintenance de l’entièreté du parc nucléaires français.

À lire aussi Les factures d’électricité vont-elles exploser comme le cours de l’uranium ?

Une souveraineté numérique française à géométrie variable

D’ailleurs, depuis plusieurs années, la France durcit sa politique de souveraineté numérique, en imposant notamment à ses administrations de choisir des gestionnaires de données français ou européens. De la même manière, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’informations (ANSII) a établi des règles de sécurité concernant la gestion des données. Néanmoins, ces mesures ne s’appliquent qu’aux administrations et pas aux entreprises, même si celles-ci sont publiques comme EDF.

Il semble qu’à l’heure actuelle, aucune entreprise française ne soit capable de rivaliser économiquement avec des entreprises de la taille AWS. Conscient de ce problème, Bercy a indiqué vouloir aider le cloud français à rivaliser avec ses concurrents étrangers dans le cadre de la stratégie cloud de France 2030.

 

 

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Nucléaire : des robots vont bientôt surveiller les déchets nucléaires

1 mars 2024 à 09:30
robots-nucleaire-dechets-radioactifs-bure

À Bure, un tournant technologique promet de révolutionner la gestion des déchets radioactifs. Des robots prennent le relais pour veiller sur notre héritage le plus durable, mais aussi le plus dangereux.

 

 

Des robots à 500 mètres sous terre

Dans les profondeurs de Bure (Meuse), un projet d’envergure se prépare concernant les déchets radioactifs. L’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) a franchi une étape décisive en validant le 28 février 2024 l’automatisation de la surveillance et de la gestion des déchets enfouis. À 500 mètres sous terre, là où l’homme ne peut s’aventurer sans risques, des robots sophistiqués prennent le contrôle. Ces gardiens mécaniques, dotés de capteurs avancés, vont peut-être devenir les nouveaux veilleurs de notre sécurité nucléaire. 

Le projet Cigéo, né il y a près de trente ans, représente une réponse aux problèmes des déchets hautement radioactifs. Avec 83 000 mètres cubes de matières dangereuses destinées à être stockées, l’enjeu est de taille. Les robots, après une année d’essais concluants, sont prêts à installer et inspecter ces déchets dans des galeries spécialement conçues. Leur mission ? Assurer une gestion sûre et sans intervention humaine, une prouesse technique saluée par les experts. « On a fait la démonstration que l’homme ne devra pas intervenir », a déclaré Audrey Guillemenet, responsable de la communication à l’organisme public Andra, lors d’une démonstration devant la presse à Montchanin (Saône-et-Loire), où ont été testées les machines.

Un projet à 25 milliards d’euros

Malgré l’opposition de nombreuses associations anti-nucléaires, le projet Cigéo avance, porté par la conviction que la technologie peut offrir une solution sûre au casse-tête des déchets radioactifs. Les robots de Bure symbolisent ce consensus technologique, prouvant que l’innovation peut concilier sécurité et environnement. Leur validation marque un pas vers l’acceptation d’une gestion responsable et durable des héritages les plus toxiques de notre énergie. Le Conseil d’État a confirmé le 1ᵉʳ décembre 2023 l’utilité publique de ce projet d’enfouissement de 25 milliards d’euros. Il ne doit pas être mis en service avant 2035, s’il est approuvé.

L’avenir à Bure s’écrit donc avec des robots comme protagonistes principaux. Ces machines, loin d’être de simples outils, incarnent l’espoir d’une gestion des déchets nucléaires sans faille. Leur déploiement réussi ouvre la voie à une nouvelle ère où la technologie et l’humain collaborent pour sécuriser et préserver notre planète.

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Des mini-centrales nucléaires pour sortir l’Afrique du Sud de l’impasse ?

3 mars 2024 à 07:28

Les petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR) pourraient aider l’Afrique du Sud à sortir de la crise énergétique dans laquelle le pays est enlisé tout en décarbonant sa production d’énergie. C’est l’avis des experts du nucléaire sud-africain.

En Afrique du Sud, plus de 85 % de l’électricité est produite à partir de charbon. Pour un effet sur les émissions de gaz à effet de serre du pays absolument désastreux. Pourtant, comme tout le monde, l’Afrique du Sud cherche à réduire l’empreinte carbone de son secteur énergétique. Alors que l’électricité commence déjà à manquer. Que des « délestages » de plusieurs heures sont devenus monnaie courante. Et qu’un récent sondage montre que les trois quarts des Sud-Africains réclament, avant tout, des prix bas, « qu’importe la source ».

C’est dans ce contexte compliqué que les experts locaux du nucléaire proposent aujourd’hui de construire une nouvelle génération de mini-réacteurs. Pour subvenir aux besoins toujours croissants de la population sud-africaine, mais aussi pour devenir un champion de l’exportation de la technologie.

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De petits réacteurs en pagaille en plus de centrales classiques

Rappelons que l’Afrique du Sud accueille celle qui reste encore la seule centrale nucléaire du continent africain. La centrale de Koeberg et ses deux réacteurs à eau pressurisée de conception française. D’une puissance d’un peu moins de 2 gigawatts (GW), elle fonctionne depuis 40 ans maintenant. Mais elle ne produit que 5 % environ de l’électricité du pays. En décembre dernier, le gouvernement avait annoncé sa volonté de construire de nouvelles centrales de ce genre. Pour ajouter, dès 2033, quelque 2,5 GW à la capacité de production nucléaire du pays. En parallèle, la durée de vie de la centrale de Koeberg devrait être prolongée. Mais les experts du nucléaire sud-africain estiment que ce ne sera pas suffisant.

Un peu partout en Afrique, les projets se multiplient. En juillet 2022, un chantier de construction d’une centrale nucléaire a été lancé en Égypte. Et ceux portant sur de petits réacteurs sont sans doute encore plus nombreux. Alors l’Afrique du Sud y croit. D’autant qu’elle s’est lancée très tôt dans la course au petit nucléaire. Aujourd’hui, elle se dit prête à passer à une phase opérationnelle avec le HTMR100, un réacteur modulaire refroidi au gaz conçu par Startek Global. Le réacteur peut être installé en trois ans seulement et qui pourrait être prêt dans moins de 5 ans.

Composants d’une centrale HTMR-100 / Image : Startek Global

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Les atouts du petit nucléaire pour l’Afrique du Sud

Le pays viserait ainsi des réacteurs de 100 mégawatts (MW) thermiques. Et la chaleur produite pourrait aider à la désalinisation de l’eau ou à faire fonctionner des processus industriels. Mais elle pourrait aussi servir à faire tourner des turbines pour produire de l’ordre de 35 MW d’électricité. Installés en série, ils pourraient alimenter une ville ou un gros complexe industriel. Parmi les avantages cités par les experts, le fait que ces petits réacteurs nucléaires refroidis à l’hélium gazeux sont peu gourmands en combustible et surtout ne nécessitent pas une installation en bordure de mer pour leur refroidissement. Les experts promettent aussi qu’une fois le premier opérationnel, les prix baisseront pour répondre à la demande de la population, de 470 millions de dollars à pas plus de 300 millions pour les unités suivantes.

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Cette ancienne centrale à charbon va accueillir un prototype de réacteur de fusion nucléaire un peu particulier

4 mars 2024 à 06:06

L’entreprise américaine Type One Energy va convertir une ancienne centrale à charbon pour y implanter son prototype de réacteur à fusion nucléaire de type stellarator. Moins connu que le tokamak, ce type de réacteur a pourtant des avantages qui en font un sérieux candidat à la production d’électricité commerciale à partir de la fusion nucléaire. 

Après plus de cinquante ans à produire de l’électricité à partir de charbon en plein cœur du Tennessee, la centrale thermique de Bull Run, d’une puissance de 825 MW, pourrait bien retrouver une seconde jeunesse. Propriété de la TVA (Tennessee Valley Authority, et non Time Variance Authority), celle-ci pourrait, en effet, accueillir Infinity One, un prototype de réacteur à fusion nucléaire stellarator mis au point par l’entreprise Type One Energy.

Pour l’heure, très peu de données techniques ont été divulguées par Type One Energy sur son prototype de réacteur. On sait tout de même que les travaux pourraient démarrer dès 2025, sous réserve de l’obtention de toutes les autorisations environnementales et administratives nécessaires à la mise en œuvre du prototype.

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Une potentielle alternative aux tokamaks

S’il a le même objectif que les réacteurs de recherche de type tokamak comme le JET, au Royaume Uni, ou le projet ITER, actuellement en cours de construction dans le sud de la France, le prototype Infinity One se distingue par une conception différente appelée Stellarator.

Tokamak et stellarator reposent sur un principe similaire : confiner un plasma (état de la matière dans lequel les noyaux des atomes sont débarrassés d’une partie de leurs électrons) grâce à un champ magnétique pour y réaliser une réaction de fusion nucléaire. Cependant, les deux réacteurs diffèrent de par leur conception. Avec un tokamak, ce confinement magnétique est obtenu en faisant passer un courant électrique à travers le plasma lui-même, ce qui peut engendrer des instabilités et limiter la durée pendant laquelle le plasma peut-être maintenu de manière stable.

Le prototype de Stellarator Wendelstein 7-X lors de sa construction en Allemagne / Image : Max-Planck-Institut für Plasmaphysik

Mis au point par l’astrophysicien américain Lyman Spitzer en 1950, le stellarator repose sur le positionnement très spécifique d’aimants tout au long du réacteurs qui permet d’obtenir un champ magnétique hélicoïdal. Grâce à cela, il n’est alors pas nécessaire de faire passer un courant électrique dans le plasma pour le confiner. En théorie, le stellarator permet d’obtenir des plasmas beaucoup plus stables et d’éviter le phénomène de disruption, un évènement très redouté lors des expérimentations des tokamaks qui a pour conséquence de dégrader très fortement la paroi interne de ce dernier.

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Un réacteur plus complexe encore qu’un tokamak

À l’heure actuelle, le stellarator possède tout de même deux inconvénients qui expliquent qu’ils soient moins communs que les tokamaks : tout d’abord, il est moins adapté que ces derniers pour faire monter le plasma en température. Mais surtout, il est beaucoup plus complexe à construire. En conséquence, on ne trouve qu’une dizaine de Stellarator en fonctionnement dans le monde, contre une soixantaine de tokamaks. C’est en Allemagne qu’on trouve le prototype le plus abouti. Nommé Wendelstein 7-X, ce réacteur Stellarator a pour mission de démontrer l’intérêt de ce type de conception pour de la production d’électricité commerciale à partir de la fusion nucléaire. Enfin, plutôt que le confinement magnétique des tokamak et des stellarator, certains laboratoires misent plutôt sur l’utilisation de lasers pour obtenir une réaction de fusion nucléaire.

Si la fusion nucléaire continue de susciter de vifs espoirs, cette technologie reste encore extrêmement lointaine. À titre d’exemple, l’ITER, plus grand prototype de réacteur de fusion jamais construit, ne devrait pas être utilisé à pleine puissance avant 2035.

 

 

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L’Allemagne devrait-elle rouvrir ses centrales nucléaires ?

5 mars 2024 à 06:14

L’Allemagne a fait le choix de supprimer le nucléaire de son mix énergétique, malgré ses objectifs climatiques qui l’obligent à décarboner sa production électrique. Mais est-ce le bon choix ? Notre voisin d’outre-Rhin ne devrait-il pas revenir en arrière pour miser à nouveau sur l’atome ? La sortie du nucléaire n’est-elle pas un frein à la réussite de sa transition énergétique ?

Selon les données de l’agence internationale de l’énergie (AIE), le mix électrique allemand était dominé par le charbon et le nucléaire au début des années 2000. Mais pour son avenir, l’Allemagne a fait le choix de sortir du nucléaire, dans le cadre de son plan de transition énergétique appelé « Energiewende ». Pourquoi une telle décision ? D’abord et surtout parce que les Allemands sont pour la plupart farouchement anti-nucléaires. Après la catastrophe de Tchernobyl, celle de Fukushima en 2011 au Japon a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, poussant la chancelière de l’époque, Angela Merkel a prendre une décision stricte.

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L’Allemagne a fait le choix de la sortie du nucléaire

En effet, nos voisins ont alors fait le choix de sortir du nucléaire pour des raisons de sécurité. En avril 2023, c’était chose faite avec l’arrêt des trois dernières centrales nucléaires qui fonctionnaient encore jusque-là. Pour le futur de son mix électrique, le pays mise sur le développement massif des énergies renouvelables et sur le gaz naturel. D’ailleurs, pour l’année 2023, les énergies renouvelables ont représenté plus de 50 % de la consommation électrique allemande. L’objectif est de porter ce niveau à 80 % d’ici 2030.

Néanmoins, les émissions de CO2 sont toujours très élevées dans le pays, notamment du fait de la part importante du charbon dans le bouquet énergétique allemand. Même si en 2023, les émissions allemandes de gaz à effet de serre (GES) ont atteint un niveau historiquement bas avec 673 millions de tonnes, le pays reste le plus gros émetteur de l’Union européenne (UE).

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Énergies renouvelables et gaz naturel en hausse dans un contexte géopolitique tendu

En effet, rappelons que les énergies renouvelables n’étant pas une source de production pilotable, elles doivent être accompagnées de moyens de flexibilité qui permettent d’ajuster en temps réel l’offre à la demande en électricité. Ces moyens de production pilotables sont le charbon, le gaz ou encore le nucléaire. Les Allemands ayant fait le choix de se passer de nucléaire, la part du charbon et du gaz naturel reste donc nécessairement importante dans leur mix électrique.

Or, avec la crise en Ukraine, les approvisionnements en gaz naturel en provenance de Russie se sont arrêtés. Et le gazoduc Nord Stream 2 qui devait alimenter l’Allemagne via la mer Baltique n’a pas été mis en service du fait des sanctions par l’Union européenne à l’encontre de la Russie, et de son sabotage le 26 septembre 2022.

Le pays possède toutefois sur son territoire encore du charbon, mais surtout une abondante réserve de lignite qui est un charbon à faible pouvoir calorifique. Sources d’indépendance énergétique pour le pays, charbon et lignite sont toutefois particulièrement néfastes pour l’environnement.

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Le retour vers l’atome est-il envisageable en Allemagne ?

Le charbon et le gaz naturel étant des énergies fossiles, on peut se demander si nos voisins d’outre-Rhin ont bien fait de se passer du nucléaire, source de production pilotable décarbonée. Et ne serait-il pas judicieux de revenir sur la décision de sortie de l’atome et de relancer les centrales pour atteindre les objectifs climatiques du pays ?

Sur le plan environnemental, il est clair que privilégier l’atome permettrait de se désengager du charbon et du gaz naturel, ce qui serait bénéfique pour les émissions du pays. Cela permettrait également au pays de réussir plus facilement sa transition énergétique.

Mais pour cela, il faudrait que ce revirement dans la politique énergétique allemande soit accepté par la population. Or, ce n’est pas le cas pour l’instant. Et l’Allemagne s’oppose d’ailleurs régulièrement à la France sur la scène européenne, pour critiquer notre choix de laisser au nucléaire une place prépondérante dans notre mix électrique. Il semble donc que le retour de l’atome dans le mix électrique allemand relève d’un choix politique qui n’est pas à l’ordre du jour.

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Bruno Le Maire appelle à une alliance de l’industrie nucléaire européenne

7 mars 2024 à 06:03

Pour accélérer la mise en œuvre de nouveaux projets en matière de nucléaire en Europe, le ministre de l’Économie souhaite une coopération entre les États membres au niveau de l’Union européenne. Une alliance qui serait en bonne voie avant la réunion de l’Alliance du nucléaire le 4 mars prochain.

Au sein de l’Union européenne, les États membres se répartissent en deux camps pour parvenir à la neutralité carbone d’ici 2050. Les anti-nucléaires menés par l’Allemagne, sortie de l’atome en 2023 et qui mise sur les énergies renouvelables et le gaz naturel pour l’avenir de son mix énergétique. Et les pronucléaires emmenés par la France, forte de ses 56 réacteurs qui assurent environ 65 % de son mix électrique.

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L’Alliance du nucléaire, une coopération européenne en faveur de l’atome

Du côté des pronucléaires, un regroupement s’est mis en place à l’initiative de la France, au printemps 2023 avec la création de l’Alliance du nucléaire. Selon les termes du ministère de l’Écologie de l’époque, la vocation de cette alliance est de « réunir tous les pays d’Europe souhaitant s’appuyer sur l’énergie nucléaire, aux côtés des renouvelables, pour mener à bien leur transition énergétique ».

Plusieurs réunions ont eu lieu entre les 16 pays intéressés par cette alliance. On y compte notamment la Bulgarie, la Belgique, la Croatie ou encore l’Estonie. À noter que l’Italie dispose du statut d’observateur et que le Royaume-Uni est présent en qualité d’invité.

Dans ce contexte, le ministre français de l’Économie a récemment rencontré le ministre bulgare de l’Énergie, donnant lieu à une déclaration d’intention sur une coopération bilatérale en matière de nucléaire permettant d’échanger plus facilement notamment sur leurs programmes nucléaires, sur le processus industriel et d’approvisionnement mais aussi sur la sûreté et la maintenance des centrales. Dans ce document, les deux pays évoquent « les avantages du partage d’expertise entre la France et la Bulgarie dans le domaine de l’énergie nucléaire ».

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Des projets d’intérêt commun autour du nucléaire au sein de l’UE ?

Bruno Le Maire a déclaré à cette occasion qu’une nouvelle réunion de l’Alliance du nucléaire aura lieu le 4 mars. Le ministre souhaite y échanger autour de la mise en place de Projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC) en matière de nucléaire. L’intérêt de recevoir cette qualification réside dans le fait qu’elle permet aux États membres d’accorder des aides nationales à ces projets et donc d’encourager les investissements à leur égard.

La France est d’ailleurs déjà engagée dans 7 PIIEC dans le domaine des batteries, de l’électronique, de l’hydrogène ou encore du numérique.

Cette annonce est dans la lignée de celle de la Commission européenne sur le lancement prochain d’une alliance européenne industrielle en matière de petits réacteurs nucléaires (SMR), afin de voir les premiers SMR déployés d’ici 2030.

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La Suède est-elle sur le point d’autoriser à nouveau les mines d’uranium ?

8 mars 2024 à 16:14

L’heure est-elle venue pour la Suède d’autoriser à nouveau l’exploitation minière de son uranium ? Une enquête est lancée par le ministère du Climat et de l’Environnement suédois.

Depuis l’arrivée au pouvoir en 2022 d’une nouvelle coalition de centre droit, la Suède semble vouloir redonner une place de choix au nucléaire dans son mix électrique. Avec en ligne de mire, la volonté d’atteindre non plus le 100 % renouvelable, mais bel et bien le 100 % sans fossile d’ici 2040. Alors que la production d’électricité est appelée à doubler dans le pays dans les 20 ans à venir.

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La Suède relance sa filière nucléaire

La première étape a été, pour le gouvernement, de lancer une « modification de la législation » pour encourager les investissements dans le secteur. Puis, en fin d’année 2023, le gouvernement a précisé son plan. La Suède s’apprête à produire « massivement » de l’énergie nucléaire dans les années à venir. Alors que le pays dispose de 6 réacteurs nucléaires — qui fournissent environ le tiers de son électricité — mis en service entre 1975 et 1985, l’objectif est d’y ajouter l’équivalent de 2 supplémentaires avant 2035 et jusqu’à un équivalent de 10 réacteurs conventionnels d’ici 2045.

Pour alimenter ces nouveaux réacteurs nucléaires, la Suède envisage depuis quelques mois déjà de lever l’interdiction en vigueur depuis 2018 de l’exploration et de l’exploitation minière de l’uranium dans le pays. Il faut dire qu’une belle part des ressources connues en Europe se cache dans les sous-sols suédois. Plus d’un quart, selon le ministère du Climat et de l’Environnement. Et qu’aujourd’hui, de l’uranium est souvent extrait dans le pays avec d’autres métaux puis traité comme… un déchet.

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Des mines d’uranium comme les autres mines

L’idée du gouvernement est simple : traiter dorénavant l’uranium comme les autres métaux. Comprenez que seule une évaluation environnementale déterminerait à l’avenir les conditions dans lesquelles l’exploitation de l’uranium pourrait être autorisée. Mais avant de prendre une décision, le ministère du Climat et de l’Environnement a lancé une enquête. Son résultat sera rendu public au plus tard le 15 mai prochain. Le gouvernement aura alors le choix de présenter au parlement une proposition de loi visant à lever l’interdiction de l’exploitation minière de l’uranium en Suède.

La société d’exploitation minière Aura Energy se réjouit déjà à cette idée. Depuis longtemps, elle avait le projet d’extraire de l’uranium comme sous-produit de son exploitation de molybdène, de vanadium et de zinc du côté de Berg. En 2012, le gisement d’uranium y avait été estimé à près de 310 000 tonnes. Alors même que la Suède en brûle actuellement moins de 1 000 tonne par an.

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Suspicion de fraude dans le nucléaire : faut-il s’inquiéter pour la sûreté des installations ?

10 mars 2024 à 06:36

Fin janvier, lors de ses vœux exprimés à la presse, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a évoqué les contrefaçons, falsifications et suspicions de fraude dans la filière du nucléaire. De quoi s’agit-il exactement et la sécurité nucléaire est-elle touchée ?

Le nucléaire n’avait plus vraiment le vent en poupe en France depuis la catastrophe de Fukushima en 2011, et il était même question de diminuer la part de l’atome dans le mix électrique français. Toutefois, on assiste depuis deux ans à un revirement de la situation. Avec son discours de Belfort prononcé en février 2022, Le Président de la République a lancé un plan de redynamisation du nucléaire. Emmanuel Macron entend miser sur l’atome, couplé au développement des énergies renouvelables, pour atteindre les objectifs climatiques de la France. La filière du nucléaire prend donc un nouvel essor, synonyme d’emploi pour le secteur. Mais l’ASN alerte sur les dérives potentielles liées à ce surcroît d’activité.

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Des fraudes détectées dès 2016 dans la forge du Creusot

Dans ses vœux prononcés fin janvier, l’organisme qui remplit la fonction de gendarme du nucléaire en France a rappelé que « dans un contexte de forte montée en charge et au vu des constats effectués ces dernières années, la lutte contre les falsifications et les contrefaçons à tous les niveaux de la chaine de sous-traitance doit rester un point majeur de vigilance ».

Ces falsifications et contrefaçons ne sont pas nouvelles. Déjà en 2016, l’ASN avait fait la découverte « d’irrégularités dans les dossiers de fabrication de pièces destinées au secteur nucléaire dans la forge du Creusot ». L’ASN qualifiait à l’époque les irrégularités détectées de « pratiques inacceptables » et avait publié en ligne le détail de ces irrégularités.

En 2023, l’ASN avait été informée de la présence de plusieurs soudeurs non qualifiés sur le chantier ITER situé dans le sud de la France. Les prestataires ont été écartés immédiatement du site et leurs soudures disqualifiées, de sorte qu’aucun impact n’est à craindre sur la sûreté. Il paraît toutefois étonnant qu’un contrôle a priori ne soit pas réalisé à l’égard des agents qui sont amenés à travailler sur un chantier nucléaire. D’ailleurs, le problème des fraudes est directement lié au recours massif à la sous-traitance depuis plusieurs années. On se souvient de l’affaire du travail dissimulé sur le chantier de l’EPR de Flamanville qui avait donné lieu à une condamnation en 2015 de l’entreprise Bouygues TP, laquelle avait fait appel à un sous-traitant ayant eu recours à du travail dissimulé.

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Un contrôle renforcé par l’ASN pour lutter contre la fraude dans l’industrie nucléaire

Avec l’augmentation de l’activité dans le secteur, l’ASN redoute une augmentation des cas de fraude et en appelle à la vigilance des exploitants, « premiers responsables de la sûreté ». Pour améliorer la détection de la fraude, l’ASN a mis en place une application dédiée aux lanceurs d’alerte, directement sur son site internet. L’autorité précise qu’en 2023, 33 signalements ont été effectués de cette façon.

Par ailleurs, depuis 2017, l’ASN a renforcé ses inspections sur les installations nucléaires, mais également chez les fournisseurs de la filière. En 2023, 53 inspections ont été réalisées auprès de fournisseurs contre 45 en 2022, ce qui montre que le gendarme du nucléaire renforce son contrôle.

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43 irrégularités détectées en 2023 dans la filière nucléaire

43 cas d’irrégularités ont été détectés en 2023 qui se divisent en deux catégories, selon l’ASN. Il s’agit d’abord des irrégularités au sein des installations nucléaires. Le plus souvent, des personnels indiquent à tort avoir effectué une action comme un contrôle ou un acte de maintenance qu’ils n’ont en réalité pas fait. Des contrôles internes voire une inspection de l’ASN permettent de détecter le défaut d’intervention de l’agent. Cette défaillance est traitée par l’ASN comme un événement significatif. Dans le jargon du nucléaire, un événement est dit significatif lorsqu’il présente une importance particulière en matière, notamment, de conséquences réelles ou potentielles sur les travailleurs, les patients, la population ou l’environnement. Il fait l’objet d’une procédure de déclaration dédiée auprès de l’ASN qui analyse les mesures prises par l’exploitant dans le cadre de l’événement.

La deuxième sorte d’irrégularités observées par l’ASN concerne les fournisseurs des installations nucléaires. Selon l’ASN, il est question de falsifications de certificats. Par exemple, les soudeurs ne sont pas qualifiés. Il s’agit aussi de mentions erronées dans les documents de suivi de fabrication de pièces. Par exemple, le document ne mentionne pas certaines réparations qui ont été réalisées. Cette deuxième catégorie d’irrégularités est la plus fréquemment observée sur les installations qui reçoivent beaucoup d’équipements, comme les chantiers en construction (EPR de Flamanville par exemple). L’ASN va donc renforcer ses contrôles sur les nouveaux chantiers qui sont annoncés avec la construction de nouveaux EPR.

Que fait l’ASN lorsqu’une irrégularité est décelée ? Le premier acte réalisé est de vérifier les conséquences potentielles de l’acte sur la sûreté. Dans les cas les plus graves, l’ASN peut faire un signalement auprès du Procureur de la République. 10 affaires sont en cours d’instruction à ce titre. Les cas les moins graves font l’objet d’une information auprès des exploitants et d’une analyse des éventuels impacts liés à l’irrégularité.

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La sécurité des installations nucléaires est-elle menacée ?

Mais cette situation ne porte-t-elle pas atteinte à la sécurité nucléaire ? Un soudeur qui ne disposerait pas des qualifications nécessaires et qui travaillerait sur des pièces destinées à équiper les centrales, ne met-il pas en danger la sécurité de l’installation ?

C’est ce que craint l’association anti-nucléaire Sortir du nucléaire qui a déposé plainte contre EDF en septembre 2023, reprochant à l’énergéticien de ne pas assez contrôler sa chaine de sous-traitance. Pour fonder sa demande, l’association se base sur un courrier de l’ASN rédigé le 9 juin 2023 à la suite d’une inspection d’EDF pour vérifier la surveillance exercée par le groupe à l’égard des intervenants extérieurs et de ses fournisseurs. Le courrier indique que « les derniers contrôles effectués par l’ASN sur ces thématiques mettent en évidence des faiblesses récurrentes qui peuvent avoir un impact sur la sûreté des installations ou plus généralement sur la conduite de grand projet ». L’ASN alerte donc clairement sur les risques qui pourraient survenir à l’égard de la sûreté des installations, du fait du manque de contrôle d’EDF à l’égard de ses fournisseurs.

Mais il faut avoir en tête que ces problèmes de fraude portent atteinte en premier lieu à la sécurité des travailleurs. Un employé exerçant sur une installation nucléaire, et qui serait insuffisamment formé aux problématiques de sûreté, se met en danger lui-même avant tout. Le recours à la sous-traitance, qui donne lieu à des fraudes, devrait peut-être faire l’objet d’un contrôle renforcé. Certains réclament d’ailleurs l’interdiction de la sous-traitance dans le secteur de l’industrie nucléaire.

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L’élaboration à venir d’un plan d’action contre la fraude par EDF

Le gendarme du nucléaire entend donc trouver des solutions afin que l’accélération de l’activité dans l’industrie nucléaire n’aille pas de pair avec la hausse des irrégularités constatées sur la chaine d’approvisionnement.

À cette fin, l’ASN a auditionné le PDG d’EDF sur le sujet le 26 février. Luc Rémont a été interrogé au sujet des actions que son groupe entendait entreprendre pour renforcer la lutte contre la fraude, dans toute la chaine de sous-traitance et d’approvisionnement. EDF va donc devoir formaliser ses intentions par écrit, pour rassurer le gendarme du nucléaire et sécuriser la filière. En espérant que cela suffise pour contenir le nombre d’irrégularités décelées dans le secteur et éviter une forte hausse liée à l’augmentation de l’activité dans les années à venir.

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Des conséquences possibles sur la perception du nucléaire dans l’opinion publique

À la marge, ces problèmes de falsification qui affectent la chaine d’approvisionnement de la filière représentent un risque à l’égard de la perception de la filière par l’opinion publique. Pour l’instant, ce n’est pas le cas puisque d’après la dernière enquête d’opinion réalisée en 2023 par l’ASN au sujet de la perception des Français au sujet de l’efficacité du contrôle de la sûreté nucléaire, 56 % d’entre eux jugent le contrôle de la sûreté des centrales nucléaires efficace. C’est un niveau jamais atteint depuis 2014. Le taux est même de 69 % pour les riverains situés à moins de 10 km des installations nucléaires.

Par ailleurs, il faut se rappeler que tout ceci se déroule dans un contexte particulier pour les instances du nucléaire, avec la décision récente des pouvoirs publics de fusionner l’ASN, chargée du contrôle des centrales, et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui gère la recherche sur le sujet. Cette décision a en effet provoqué une forte opposition de la part des agents des deux instances. La fusion des deux organes faisait craindre une perte d’indépendance de chacun d’eux, ainsi qu’une baisse des exigences en matière de sûreté, afin d’accélérer le déploiement des nouveaux réacteurs. Finalement, le projet a été débattu et amélioré pour finalement être adopté par les Parlementaires en février 2024.

Pour conclure, si aujourd’hui, dans le contexte de la crise climatique, le nucléaire semble beaucoup mieux accepté par la population, la situation n’est pas acquise pour autant. Des incidents à répétition et des affaires de fraudes réitérées dans les années à venir pourraient ternir l’image de l’industrie nucléaire, laquelle se doit d’être irréprochable en matière de sûreté.

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L’énorme dérapage du prix des 6 nouveaux réacteurs nucléaires EPR à construire en France

12 mars 2024 à 05:59

EDF prévoirait d’augmenter le montant prévisionnel des chantiers des six futurs réacteurs EPR. Une décision délicate dans un contexte critique à l’égard du coût du nucléaire.

Un des arguments phares des antinucléaires concerne le budget nécessaire à la construction d’une centrale nucléaire. Le sujet est d’autant plus délicat que la filière a connu des déboires avec le chantier de l’EPR de Flamanville notamment. Si la mise en service de l’EPR de Flamanville est attendue cette année, cela ne fera pas oublier son budget multiplié par 4, passant de 3,3 milliards d’euros en 2007 à 13,2 milliards aujourd’hui, ni son retard de 12 ans.

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La facture des EPR bondit de 30 %

Alors pour les 6 prochains EPR annoncés par les pouvoirs publics, le respect du budget prévu va être scruté avec attention. En 2022, le coût total de ces futurs chantiers était estimé à 51,7 milliards d’euros. Finalement, d’après une information du journal Les Échos, le montant devrait bondir à hauteur de 67,4 milliards d’euros. Cette augmentation de 30 % en trois ans, si elle était confirmée par EDF, ferait grincer quelques dents.

La hausse de la facture des EPR s’expliquerait, selon le quotidien, par l’allongement des délais d’élaboration des plans génériques du réacteur. L’augmentation des coûts de construction participe également à l’augmentation du budget, qu’EDF n’a pour l’instant pas confirmé. Toutefois, le directeur exécutif d’EDF avait reconnu, devant une commission sénatoriale le 8 février 2024, que le budget des EPR allait augmenter, sans donner d’indication chiffrée.

EDF rappelée à l’ordre par le ministre de l’Économie

Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a répondu à cette annonce dans la presse. Il a rappelé à l’ordre l’énergéticien national en intimant qu’« EDF doit apprendre à tenir ses coûts et son calendrier » et de conclure « je participerai au prochain comité exécutif d’EDF, fin mars, avec un message simple : EDF doit tenir ses délais et ses coûts ». L’exécutif sait qu’il est attendu au tournant au sujet du budget des EPR et il est certain qu’il mettra la pression sur EDF pour que le budget soit respecté. Cela annonce des relations tendues entre l’exécutif et l’énergéticien.

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Ce gigantesque datacenter d’Amazon sera directement alimenté par une centrale nucléaire

12 mars 2024 à 15:59

Les serveurs d’Amazon seront bientôt alimentés grâce au nucléaire, ou du moins une partie. Pour décarboner son mix énergétique sans freiner son expansion dans le cloud computing (informatique en nuage, en bon français), le géant américain va construire son prochain centre de données à proximité d’une centrale nucléaire de Pennsylvanie. 

Amazon web services (AWS), la division d’Amazon dédiée aux services informatiques en ligne, vient d’acheter un vaste campus de 485 hectares créé par le fournisseur d’énergie américain Talen Energy. Appelé Cumulus Data Assets, ce campus a la particularité d’être situé à deux pas de Susquehanna Steam Electric Station, une centrale nucléaire de 2,5 GW mise en service en 1983. Cette proximité n’est pas un hasard : Talen Energy a conçu ce campus avec l’objectif de rassembler les activités ayant d’importants besoins énergétiques au plus près de sources de production d’électricité décarbonée.

Amazon va donc construire sur ce campus un immense centre de données, dont la puissance finale devrait approcher les… 960 MW, soit autant qu’un réacteur nucléaire français de palier CP. À titre de comparaison, CloudHQ, le plus grand data center français, exige une puissance de « seulement » 240 MW. Pour alimenter son nouveau data center, AWS a passé un contrat avec Talen Energy pour une augmentation progressive de la puissance souscrite, afin d’accompagner le développement du data center.

Le cloud computing, c'est quoi ?

Aussi appelé informatique en nuage, le cloud computing consiste, pour une entreprise, à louer de l’espace et des services informatiques à une entreprise spécialisée comme AWS, Google Cloud ou Microsoft Azure, plutôt que d’acheter et gérer ces services soi-même. Avec le cloud computing, les données, les programmes et les ressources sont accessibles à travers internet et ne sont pas installés sur les ordinateurs de l’entreprise. Cela permet généralement, pour les entreprises, de gagner de l’argent et surtout de disposer de plus de flexibilité et d’évolutivité.

AWS veut faire rimer cloud computing et neutralité carbone

Depuis quelques années, l’utilisation du cloud computing explose. Il permet aux utilisateurs de disposer de services plus flexibles, et autorise une meilleure optimisation de la consommation d’énergie grâce à la centralisation des infrastructures informatiques.

Cette croissance frénétique engendre des consommations électriques colossales qui ne sont pas près de diminuer. Au contraire, les perspectives sont telles que plusieurs estimations annoncent une consommation mondiale comprise entre 500 et 3 000 TWh/an d’ici 2030. La fourchette est très large, mais elle donne une idée du gigantisme des consommations puisque 500 TWh/an correspond à-peu-près aux besoins électriques d’un pays comme la France. Autre point de repère : en 2013, l’Union européenne consommait 2 700 TWh/an.

Malgré une optimisation de la consommation électrique, cette croissance des besoins énergétiques s’explique par le développement de ce type de service, mais aussi d’un effet rebond engendré par le fait que, contrairement à une gestion en propre des espaces de stockage où les mégaoctets sont comptés, les clients ayant recours au cloud computing ont moins tendance à trier leurs fichiers, ce qui augmente la quantité totale des documents stockés sur les serveurs.

Face à cette situation, les entreprises de cloud computing cherchent à décarboner leur mix électrique le plus rapidement possible. AWS semble d’ailleurs être sur la bonne voie puisqu’en 2022, l’entreprise estimait son mix électrique décarboné à 90 %. Elle vise la neutralité carbone dès 2025.

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Prix de l’électricité nucléaire : l’accord entre EDF et l’État déjà sur la sellette ?

13 mars 2024 à 05:49

L’accord entre EDF et le gouvernement sur le tarif du mégawattheure (MWh) d’électricité nucléaire est-il déjà caduc ? Quelques mois seulement après l’annonce de celui-ci, EDF peine à signer des contrats pour cause de tarif trop élevé par rapport à la réalité du marché. 

En novembre dernier, après des mois d’âpres négociations, Bruno Le Maire annonçait avec assurance que le tarif de l’électricité nucléaire, à la sortie de l’ARENH, avait enfin été fixé aux alentours de 70 €/MWh. Selon le ministre de l’Économie, cet accord devait permettre à l’électricien de « rentrer dans le XXIe siècle ». Seulement voilà, quelques semaines plus tard, tout se complique, car EDF n’arrive pas à signer de contrats de fourniture d’électricité. pour les années à venir.

L’ARENH, c’est quoi ?

L’ARENH, ou accès régulé au nucléaire histoire, est un dispositif mis en place en 2012 qui visait à contraindre EDF à vendre chaque année 100 TWh d’électricité nucléaire aux fournisseurs alternatifs au tarif de 42 €/MWh. Ce dispositif a souvent été critiqué notamment à cause d’un tarif trop bas, ne permettant pas à EDF d’entretenir les centrales et de renouveler ses dispositifs de production.

Lorsque le tarif de 70 €/MWh a été fixé, en novembre dernier, les tarifs d’électricité pour 2026 étaient annoncés aux alentours de 100 €/MWh. Compte tenu de ces prévisions, il semblerait qu’EDF n’ait pas considéré que le prix puisse descendre sous la barre des 70 €/MWh. Pourtant, depuis, le CAL-26 (contrat d’achat d’électricité pour une livraison future, ici en 2026) est descendu jusqu’à 57,50 €/MWh tandis que le CAL-27 (prix pour 2027) s’est négocié aux alentours de 64 €/MWh. Face à cette situation, les potentiels clients d’EDF exigent des tarifs au MWh inférieurs au prix de réserve d’EDF.

Trouver un nouvel accord ?

Face à ce constat, le gouvernement français envisage déjà de modifier les termes de l’accord sur le tarif de l’électricité nucléaire, et considère la possible mise en place d’un prix plancher. Selon ce principe, qui avait précédemment été refusé par EDF, un tarif de base serait fixé. Lorsque le MWh est vendu à un prix supérieur à ce tarif, l’État empoche la différence, tandis qu’il paie à EDF un complément en cas de prix inférieur au tarif fixé.

Il se murmure que le gouvernement se laisse jusqu’à l’été avant de prendre une décision. En attendant, il pourrait retirer de la loi sur la souveraineté énergétique le chapitre concernant la régulation des prix.

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Le chargement du combustible a commencé dans le prototype de réacteur nucléaire à neutrons rapides indien

15 mars 2024 à 11:12

La mise en service du PFBR, prototype indien de réacteur à neutrons rapides, approche enfin avec le chargement imminent de son combustible. Si tout se passe comme prévu, ce prototype devrait donner naissance à plusieurs réacteurs surgénérateurs, et ainsi permettre le recyclage du combustible usagé de ses réacteurs existants.  

Il était temps ! 20 ans après le lancement des travaux, le PFBR (Prototype Fast Breeder Reactor), prototype de réacteur à neutrons rapides indien, va enfin recevoir son combustible nucléaire pour une mise en service espérée en décembre 2024. Ce réacteur de 500 MWe, développé par le BHAVINI, une entreprise nationalisée sous tutelle du département indien de l’énergie atomique, devait initialement entrer en service en 2010. Mais le projet subit de nombreux retards, jusqu’à en faire le plus long projet de réacteur nucléaire de l’histoire.

Une fois mis en service, ce réacteur rejoindra la très courte liste des réacteurs à neutrons rapides en fonctionnement dans le monde avec les réacteurs russes Beloyarsk-3 (560 MWe) et Beloyarsk-4 (820 MWe), et le CEFR chinois (20 MWe).

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L’Inde mise sur un programme nucléaire en trois étapes

Pourtant, la technologie des réacteurs à neutrons rapides intéresse depuis très longtemps. Et pour cause, cette technologie permet d’utiliser la quasi-totalité de la ressource uranium, de mieux recycler les combustibles usagés issus des autres réacteurs, et donc réduit la quantité de déchets ainsi que leur radiotoxicité. Néanmoins, on dénombre huit réacteurs à l’arrêt dans le monde aux États-Unis, au Royaume-Uni, en France (Phénix et Superphénix) ou encore au Japon. Cette technologie présente un inconvénient majeur : elle nécessite un circuit de refroidissement au sodium liquide, un matériau inflammable au contact de l’air et réagissant violemment au contact de l’eau. De ce fait, elle est difficile à maîtriser, ce qui a conduit à un incident nucléaire important en 1995, dans la centrale japonaise de Monju.

Malgré ces difficultés, l’Inde y croit quand même. Après avoir construit de nombreux réacteurs à eau pressurisée et à eau lourde pressurisée, le pays s’attaque donc à la deuxième étape de son programme nucléaire qui consiste à déployer des réacteurs à neutrons rapides qui pourront utiliser les déchets nucléaires des premiers réacteurs. Le PFBR sera alimenté avec du MOX, un combustible nucléaire constitué de 8,5 % de plutonium et 91,5 % d’uranium appauvri. Grâce à l’expérience acquise avec ce prototype, le pays espère construire 6 réacteurs commerciaux d’une puissance de 500 MWe.

La troisième étape du programme nucléaire indien consistera, à terme, à construire des réacteurs avancés à eau lourde (AHWR) qui seront capables de fonctionner avec un mélange de plutonium et de thorium, une ressource que l’Inde possède en grande quantité.

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Construire une centrale nucléaire sur la Lune : le projet fou de la Chine et de la Russie

16 mars 2024 à 06:00

Pour permettre une implantation durable sur notre Lune, la Russie et la Chine envisagent d’y implanter une centrale nucléaire afin d’obtenir une source d’énergie régulière, qui ne peut être obtenue avec des panneaux solaires. Ils ne sont cependant pas les seuls à envisager cette possibilité. 

Ce n’est un secret pour personne : depuis 2021, la Russie et la Chine travaillent main dans la main pour créer une station scientifique internationale permanente à la surface de la Lune. Appelée International Lunar Research Station (IRLS), cette station devrait permettre de mieux comprendre notre satellite, et d’en savoir plus sur ses potentielles ressources. Mais la Lune n’étant pas éclairée par le soleil en permanence, obtenir une énergie de manière régulière et suffisante est un véritable défi qui ne peut être relevé qu’avec des panneaux solaires. C’est pourquoi, les autorités russes et chinoises envisagent d’y envoyer une centrale nucléaire entre 2033 et 2035.

Pour l’heure, aucune information supplémentaire n’a été dévoilée sur le sujet. En revanche, les travaux américains sur la question peuvent donner une petite idée de ce à quoi pourrait ressembler cette centrale nucléaire.

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Obtenir un approvisionnement régulier en électricité pour les missions lunaires

L’utilisation de l’énergie nucléaire dans la conquête spatiale n’est pas une nouveauté. Elle a déjà été utilisée pour alimenter des sondes spatiales destinées à explorer les confins de notre système solaire comme Voyager ou Pioneer, ou les rovers envoyés sur Mars comme Curiosity ou Perseverance. Pour ces missions, la Nasa a utilisé des générateurs thermoélectriques à radioisotopes capable de produire de l’électricité grâce à la désintégration radioactive d’un matériau riche en radiosiotopes, comme du plutonium 238.

La Nasa a également envoyé un réacteur à fission nucléaire dans l’espace. Appelé SNAP-10A, ce réacteur de 600W mis en orbite en 1965 avait pu fonctionner pendant 43 jours. Face à la complexité technique associée, aucun autre projet n’avait été lancé par la suite. Un peu plus tard, l’Union Soviétique s’est, elle aussi, essayée à la fission nucléaire pour son programme de surveillance RORSAT (Radar Ocean Reconnaissance Satellite). Entre 1970 et 1988, ce sont une trentaine de satellites militaires nucléaires qui ont été envoyés dans l’espace pour des missions d’une durée comprise entre deux et quatre mois.

Plus récemment, dans le cadre du programme Artemis qui vise à renvoyer des hommes sur la Lune, la Nasa a relancé ses recherches dans l’exploitation de l’énergie nucléaire avec le projet Kilopower. Celui-ci a abouti, en 2018, par le développement réussi du prototype de réacteur Krusty, d’une capacité de 1 kW et pouvant être augmentée à 10 kW. Dans ce réacteur, la chaleur, obtenue grâce à la réaction de fission du combustible nucléaire, est transférée par un fluide caloporteur contenant du sodium, et alimente 8 moteurs Stirling de 125W chacun. Forte de ce succès, la Nasa est en train de développer un réacteur opérationnel reposant sur le même principe.

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