Arlésienne
Le Comité éthique et scientifique de Parcoursup et Mon Master revient encore, dans son rapport annuel, sur les algorithmes de ses plateformes. Il balaye les critiques sur le manque de transparence, sur la sélection associées et sur l’amplification des inégalités qu’ils engendreraient.
La phase pour formuler des vœux sur Parcoursup s’est achevée le 13 mars. Pour Mon Master, les étudiants avaient jusqu’au lundi 24 au soir.
Ces plateformes utilisées pour sélectionner des (futurs) étudiants dans des formations de l’enseignement supérieur français sont souvent critiquées. En effet, l’orientation dans le supérieur est un moment stressant, surtout quand on vous dit que vous ne pourrez peut-être pas accéder à la formation que vous voulez faire. Ça peut devenir anxiogène quand on a l’impression qu’on est face à une machine peu transparente. Depuis APB, l’ancêtre de Parcoursup comme nous le rappelions récemment, les plateformes qui ont servi à organiser la sélection et gérer la pénurie de places ont subi ces critiques.
Le Comité éthique et scientifique de Parcoursup, qui a également pris sous son aile la plateforme Mon Master, a publié son septième rapport annuel adressé au Parlement. Dans le précédent, il voulait déjà clore le débat sur les « algorithmes ». Le résultat ne semble pas encore à la hauteur de ses espérances puisqu’il revient une nouvelle fois sur le sujet dans celui publié cette année.
Comme l’année dernière, ce comité explique le fonctionnement de l’appariement, notamment avec l’utilisation de l’algorithme de Gales et Shaple. Il précise cette année que c’est la même chose pour la plateforme Mon Master en plus simple, puisque « l’ordre d’appel des candidats » est « dans le cas de Mon Master, où il n’y a pas de quotas », basé sur le classement de la formation.
Pas de classement mais un « ordre d’appel »
Cet « ordre d’appel » n’est pas un classement, insiste le comité : « l’algorithme d’appariement de Parcoursup ou de Mon Master ne classe donc pas les candidats entre eux, il se contente de gérer l’appel des candidats en fonction de leurs vœux et des ordres d’appel issus des classements réalisés par les formations ».
Le comité scientifique fustige toute possibilité de faire autrement que d’utiliser ce genre d’outil : « évidemment, on pourrait aussi imaginer que toutes les formations aient des capacités illimitées afin que chacun puisse faire les études qu’il veut, là où il veut, ce qu’aucun pays au monde ne pratique, car ce serait impossible à organiser pour les établissements, insoutenable économiquement, et dommageable socialement pour certains étudiants que l’on laisserait aller droit à l’échec ou au chômage ».
Cette affirmation, qui pourrait paraitre sensée, ne s’appuie hélas sur aucun travail scientifique. Pourtant, avant APB, l’enseignement supérieur français n’utilisait pas ce genre de système. On peut imaginer qu’une comparaison entre la situation actuelle et celle avant APB serait possible, mais le comité ne semble pas l’avoir envisagée.
Parcoursup, opaque ?
Aux questions « L’algorithme d’appariement est-il manipulable ? » et « L’algorithme d’appariement est-il opaque ? », le comité répond « Non ». Il ajoute sur la question de sa possible manipulation qu’ « il est prouvé qu’il permet l’affectation équitable optimale des candidats (voir les rapports précédents du Comité) ».
En ce qui concerne l’opacité, il affirme que : « son code est publié, mais la confiance que lui accordent les candidats et leurs parents est chaque année à conquérir. Cette accusation d’opacité, qui circule en permanence, résulte d’une confusion entre l’algorithme d’appariement et les critères de classement des candidats par les commissions d’examen des dossiers de chaque formation ».
Pourtant, comme nous le rappelions récemment, de nombreux rapports soulignent l’opacité de Parcoursup. Le Tribunal administratif de Paris a aussi rejeté la demande de l’association Ouvre-boîte qui voulait accéder au code source complet de Parcoursup.
« L’incompréhension et le sentiment d’opacité proviennent aussi parfois dans Parcoursup de l’effet des quotas de mobilité et de boursiers », affirme le comité.
Néanmoins, il reconnait encore qu’il faut « améliorer l’ergonomie par retour d’expérience des usagers », « améliorer l’affichage des caractéristiques et des critères de classement des formations », « accompagner et aider à l’orientation, une boussole indispensable face à l’immensité des possibles ».
Sur les « algorithmes locaux », le comité considère qu’ils sont « improprement dénommés » ainsi et préfère les appeler « classements des candidats par les formations ». Et pour cause, à la question « Est-ce que des algorithmes classent les candidats à la place des commissions d’examen des dossiers ? », le comité s’empresse de répondre « Non. Ce sont les commissions d’examen des dossiers qui définissent les critères et qui fonctionnent comme un jury ».
Dans le même temps, il est bien obligé d’expliquer que « dans le cadre de Parcoursup, les formations qui doivent classer plusieurs centaines, voire milliers, de candidats sont en effet obligées d’avoir recours à des tableurs, ne serait-ce que pour éviter les erreurs de manipulation ». Il ajoute que « ces tableurs se fondent logiquement sur des critères décidés par les équipes pédagogiques des formations en fonction des compétences et connaissances attendues pour le diplôme visé et permettent un préclassement des dossiers ; cela facilite ensuite le travail délibératif des commissions qui doivent finaliser les classements par un examen personnalisé de certains dossiers ». C’est aussi le cas pour Mon Master.
Il affirme que « c’est dans la transparence de cette pratique que se situe le débat et c’est sur elle que portent les recommandations du Comité au fil des ans. Le Comité a toujours recommandé que ces clés de classement et leur quantification soient publiées de la façon la plus précise possible par les établissements ».
Le comité reconnait aussi un « manque de clarté et d’informations sur les formations privée » alors qu’ « en 2025, 40 % des formations offertes sur Parcoursup sont privées, dont la moitié sont hors contrat ».
Le problème de l’anonymat
Le comité reconnait qu’une question se pose lors de l’examen des candidatures sur Parcoursup : l’anonymat des candidats. Celui-ci est en principe de mise, « cependant, cet anonymat n’existe pas pour les CPGE avec internat (la grande majorité) ».
Du côté de l’anonymat des lycées d’origine, il indique que celui-ci « serait souhaitable, mais il nécessiterait une harmonisation préalable des notations par les lycées, ce pour quoi le Comité milite ». Il conseille « en attendant […] d’augmenter la transparence, notamment sur la prise en compte du lycée d’origine dans les barèmes de points conduisant au classement dans certaines formations ».
Il note que « concernant Mon Master, les candidatures sont nominatives et personne ne réclame l’anonymat ». Le contact entre les différentes formations, enseignants et étudiants « est heureux pour la vie scientifique et fait que les communautés se connaissent ». Il ajoute que « beaucoup de masters organisent des entretiens lors du classement de leurs candidats », ce qui rend impossible, de fait, un anonymat. On peut ajouter que certaines formations conseillent de les contacter avant de candidater pour montrer sa motivation.