Semi-conducteurs : les États-Unis intensifient les restrictions visant la Chine
Matière première contre produits finis
Les États-Unis ont annoncé lundi la mise en place de nouvelles restrictions concernant l’export vers la Chine de composants électroniques de pointe. 140 entreprises chinoises rejoignent la liste noire des exportations soumises à accord préalable. La Chine n’apprécie pas et le fait savoir.
« Promouvoir la sécurité nationale grâce au leadership technologique et à des contrôles vigilants des exportations », annonce en Une de son site le Bureau de l’industrie et de la sécurité. Rattachée au ministère du Commerce, cette administration définit et met en œuvre les politiques états-uniennes en matière d’import-export. Lundi, c’est par son intermédiaire que l’administration Biden a annoncé sa troisième salve de restrictions concernant l’export de technologies américaines vers la Chine.
Les modifications annoncées lundi 2 décembre renforcent explicitement les restrictions sur deux secteurs : la fabrication de semi-conducteurs, et les composants dédiés au calcul informatique haute performance, qui englobe ici les déclinaisons dédiées à l’entraînement des modèles d’IA. L’annonce était attendue puisqu’elle avait fuité la semaine dernière, mais il était alors question d’ajouter jusqu’à 200 entreprises chinoises.
Lithogravure et mémoire HBM placées sous contrôle
Sur le volet semi-conducteurs la liste des exportations contrôlées répertorie notamment de nouvelles entrées dédiées aux outils, matériels ou logiciels, qui entrent dans les procédés de lithogravure les plus avancés. Le périmètre englobe ainsi bien la production que la métrologie, le nettoyage ou le pilotage des lignes de production.
La liste mise à jour – un épais document de 150 pages disponible en PDF – s’intéresse également de près à la mémoire HBM (High Bandwith Memory). Elle est très prisée des concepteurs de systèmes dédiés à l’intelligence artificielle ou au calcul haute performance, avec une offre qui peine à suivre la demande. AMD, par exemple, a revu à la baisse la quantité de HBM3e dans ses Instinct MI325X.
« De telles applications autorisent des usages militaires ou de renseignement avancés, elles abaissent la barrière à l’entrée pour des non spécialistes dans le développement d’armes de destruction massive, dans le soutien à de puissantes opérations cyber et dans l’assistance à l’utilisation de la surveillance de masse pour commettre des violations des droits de l’homme », justifie le BIS.
En synthèse, le Bureau place ainsi sous exportation contrôlée 24 nouveaux équipements dédiés à la production de semi-conducteurs et trois familles de logiciels dédiés au contrôle de ces derniers. La vente de mémoire HBM fait quant à elle l’objet de nouveaux contrôles, qui évaluent l’identité de l’acquéreur et les volumes concernés avant d’éventuellement valider l’exportation.
140 nouvelles entreprises chinoises sur la liste noire
Le BIS étend par ailleurs la liste (.PDF) des entités sujettes à un contrôle renforcé des exportations. Il y intègre 140 nouvelles entreprises, principalement chinoises, qui ne pourront plus s’approvisionner officiellement aux États-Unis sans un accord préalable du BIS.
Motif avancé ? Ces entités participent aux efforts de modernisation militaire enclenchés par Pékin. Dans le lot figurent plusieurs fabricants de semi-conducteurs, souvent engagés sur des procédés de pointe, à l’image de Piotech, qui développe des solutions de gravure alternatives à celles du leader mondial, le néerlandais ASML.
Pour la première fois, les États-Unis ciblent également des fonds d’investissement : JAC Capital, Wingtech Technology Co. et Wise Road Capital rejoignent ainsi la liste, au motif de leur implication « dans les efforts du gouvernement chinois pour acquérir des entités dotées de capacités sensibles en matière de fabrication de semi-conducteurs ».
« Cette action est le point culminant de l’approche ciblée lancée par l’administration Biden-Harris, de concert avec nos alliés et partenaires, pour entraver la capacité de la République populaire de Chine à produire elle-même des technologies de pointe qui constituent un risque pour notre sécurité nationale », se réjouit Gina Raimondo, la secrétaire au commerce des États-Unis, dans un communiqué.
Pékin n’apprécie pas et le fait savoir
Le ministre du Commerce chinois a réagi dès lundi, évoquant, en des termes peu amènes, une position abusive de la part des États-Unis, susceptible de faire peser une menace significative sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement mondiale : « Les États-Unis prônent une chose tout en en pratiquant une autre, en élargissant à l’excès le concept de sécurité nationale, en abusant des mesures de contrôle des exportations et en se livrant à des actions d’intimidation unilatérales. La Chine s’oppose fermement à de telles actions », a-t-il déclaré.
En guise de mesure de rétorsion, Pékin a immédiatement annoncé des restrictions sur ses propres exportations à destinations des États-Unis, mentionnant le graphite nécessaire à la fabrication des wafers, dont la Chine est le premier producteur mondial. En matière de terres rares, le pays dispose, rappelons-le, de moyens de pression significatifs, et les restrictions qu’il a déjà mises en place sur les exportations de gallium et de germanium soulevaient de réelles inquiétudes à l’échelle européenne en 2023.
Ce troisième jeu de restrictions intensifie encore la guerre commerciale que se livrent les États-Unis et la Chine. Ce faisant, il accentue les tensions sur les matériaux critiques, mais aussi la course à l’armement technologique, via laquelle chacune des deux puissances aspire à limiter sa dépendance à l’autre.